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Date : 20140717


Dossier : IMM-3980-13

Référence : 2014 CF 715

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Calgary (Alberta), le 17 juillet 2014

En présence de monsieur le juge Hughes

Dossier : IMM-3980-13

ENTRE :

JOSE LUIS CUEVAS MENDOZA ALEJANDRO MALSONADO FLORES

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               C’est la troisième fois que la Cour est saisie de cette affaire pour contrôle judiciaire, et, pour la troisième fois, l’affaire sera renvoyée devant un autre commissaire pour nouvelle décision. Cette affaire ne devrait pas faire l’objet d’un match de ping-pong entre la Cour et la Section de la protection des réfugiés (la SPR), et il convient cette fois de la traiter adéquatement.

[2]               Les demandeurs sont mariés et ils sont tous deux citoyens mexicains. Ils habitaient à Ciudad Juarez, sans doute une des villes les plus violentes du pays, voire de la planète. Les demandeurs sont des gens instruits, lui est ingénieur et elle détient un MBA. Selon la preuve non contestée, un groupe violent, connu sous le nom de Zetas, a approché les demandeurs et exigé d’eux une importante somme d’argent, que les demandeurs ne leur ont pas versée; il s’agissait d’une tentative d’extorsion. Les demandeurs ont fui le Mexique et sont venus au Canada, où ils ont demandé asile. Leur demande a été rejetée trois fois, étant donné qu’à chaque fois, le commissaire qui entendait l’affaire a conclu que les demandeurs avaient une possibilité de refuge intérieur (PRI) au Mexique. La première fois, on a prétendu que la PRI était la ville de Mexico, la deuxième Ensenada et la troisième, la ville de Mexico de nouveau.

[3]               La première décision que la SPR a rendue était, aux termes de la propre appréciation du ministre, viciée. Sur requête présentée par le ministre et avec le consentement des demandeurs, l’affaire a été renvoyée devant la Commission pour nouvelle décision. Il y a peu d’éléments au dossier au sujet de la première décision, si ce n’est la décision même, datée du 17 juin 2011. Le commissaire (au paragraphe 12) a accepté le fait que les demandeurs avaient été, chacun, pris pour cible par les membres d’un gang criminel, qui a été, plus loin dans les motifs, identifié aux Zetas.

[4]               La deuxième décision de la SPR a été rendue par un commissaire différent. Elle était datée du 30 mars 2012. Le commissaire a conclu (au paragraphe 33) que les demandeurs étaient crédibles. Le commissaire a tiré certaines conclusions à l’égard des Zetas, parmi lesquelles ce qui suit :

[52] Les Zetas sont reconnus comme le plus violent des cartels au Mexique. Il s’agit d’une entreprise criminelle particulièrement habile qui compte plus de 1 000 membres. En s’appuyant sur des compétences d’ordre militaire et son penchant pour le macabre, le groupe a étendu ses activités illégales et est devenu le groupe le plus craint et le plus destructeur dans le commerce de la drogue au Mexique. Les Zetas ont saisi de façon impitoyable une part du marché, ont mené une campagne sanguinaire contre les autorités et ont eu recours à la coercition et à la corruption pour miner les institutions gouvernementales de l’intérieur. Plus que toute autre organisation, ils ont favorisé le cycle du chaos violent dans lequel est embourbé le pays à l’heure actuelle.

[53] Les Zetas se distinguent non seulement par leur audace, mais également par leur sauvagerie. Les membres des Zeta soumettent leurs prisonniers à la torture prolongée avant de les exécuter, souvent par décapitation, immolation, strangulation et autres méthodes horribles. Les Zetas tuent de grands nombres de personnes à la fois et enterrent leurs victimes dans des fosses communes.

[54] J’estime que les Zetas ont certainement la capacité de retrouver quiconque ils veulent retrouver et ils sont impitoyables. Les Zetas ont cette capacité. Ils pourraient utiliser les bases de données du gouvernement, leurs propres réseaux technologiques et leurs employés pour retrouver les demandeurs d’asile, peu importe où ils se trouvent au Mexique. Il est possible pour les Zetas de trouver les demandeurs d’asile au Mexique.

[5]               Ainsi, le commissaire a conclu que les Zetas étaient très violents et qu’ils avaient la capacité ainsi que la technologie voulues pour retrouver n’importe qui au Mexique. Il a ainsi conclu que les Zetas avaient la possibilité de retrouver les demandeurs au Mexique.

[6]               Toutefois, étrangement, le commissaire a alors changé d’optique dans ses motifs. Je ne reproduis ces motifs qu’en partie :

[61] La preuve de l’établissement dans une certaine région ne répond pas à la question de savoir si les demandeurs d’asile seraient exposés, selon la prépondérance des probabilités, à une menace à leur vie à Ensenada.

[…]

[63] J’ai passé en revue les éléments de preuve documentaire en l’espèce et je n’ai pas trouvé un seul exemple d’un cartel quelconque ayant tenté de retrouver des personnes de peu d’envergure comme les demandeurs d’asile – et j’utilise le terme « peu d’envergure » uniquement au sens de risque de préjudice auquel une personne est exposée. Je ne peux pas conclure que les Zetas seraient tellement contrariés du fait que les demandeurs d’asile n’ont pas remis les sommes d’argent exigées, après que le demandeur d’asile principal se soit vu demander de le faire, que les Zetas utiliseraient leurs ressources pour retrouver les demandeurs d’asile où qu’ils se trouvent au Mexique, et tout particulièrement à Ensenada, où les Zetas n’exercent aucun contrôle.

[64] Dans la présente affaire, les Zetas n’ont pas perdu d’argent, de drogues ou d’armes à feu à cause des demandeurs d’asile. Les demandeurs d’asile n’ont pas porté atteinte à l’honneur des Zetas, et, comme les demandeurs d’asile ne connaissent pas de membres de l’organisation des Zetas, ceux-ci n’ont aucune raison de leur en vouloir personnellement. Les demandeurs d’asile n’ont pas eu de relations sexuelles avec un membre des Zetas ou avec la copine d’un membre des Zetas.

[65] Les demandeurs d’asile se sont tout simplement vu demander de remettre de l’argent aux Zetas, comme de nombreuses autres personnes, à Ciudad Juarez.

[66] Les demandeurs d’asile ont allégué que des commerces ferment et que de nombreuses personnes fuient Ciudad Juarez parce qu’elles ne peuvent pas satisfaire aux exigences des Zetas. Aucun élément de preuve n’a été présenté pour montrer que de telles personnes ont par la suite été poursuivies au Mexique, dans des régions près de la frontière avec les États-Unis ou au Canada.

[67] J’estime que les demandeurs d’asile n’ont rien fait qui pourrait ennuyer suffisamment les Zetas de sorte que ceux-ci lancent une recherche pour les retrouver, où qu’ils se trouvent au Mexique.

[68] Selon les éléments de preuve, un gang local de Zetas s’est présenté au domicile des demandeurs d’asile plusieurs années après que ceux-ci aient quitté la ville. J’estime que ce genre de recherche pour retrouver les demandeurs d’asile fait simplement état d’efforts déployés par un gang local de Zetas afin d’obtenir de l’argent d’une source connue, soit les demandeurs d’asile. Les Zetas ont recours à des cellules isolées qui détiennent chacune le contrôle sur certains territoires.

[69] Une fois que les demandeurs d’asile ont quitté la région, les Zetas ont, en dernier recours, tenté de les menacer en entrant par effraction à leur domicile et en traînant à proximité du domicile familial de la demandeure d’asile associée. Ils voulaient toujours faire de l’argent facilement, dans la ville où le gang local est établi. Le gang local des Zetas, qui pourrait en effet avoir été lié aux forces policières locales, a demandé à la sœur de la demandeure d’asile associée si elle savait où habitaient les demandeurs d’asile. Si les demandeurs d’asile s’étaient trouvés à Ciudad Juarez ce jour-là, ou le jour que les Zetas sont entrés par effraction dans leur maison, je crois que les demandeurs d’asile auraient pu être tués, mais, comme ils ne se trouvaient pas à Ciudad Juarez, et qu’ils ne retourneront pas à Ciudad Juarez, je conclus que les demandeurs d’asile ne figurent tout simplement pas sur la liste active des cibles du gang local des Zetas. Le gang cherchera tout simplement d’autres cibles faciles dans la ville et tentera d’obtenir tout l’argent qu’il peut auprès des citoyens de Ciudad Juarez. Voilà en quoi consiste la preuve des demandeurs d’asile.

[70] Ciudad Juarez est l’une des villes les plus dangereuses du Mexique. Les Zetas sont prêts à tout faire pour obtenir de l’argent.

[71] Tenter de retrouver les demandeurs d’asile à Ensenada ou ailleurs éloignerait, en fait, les Zetas de leur activité principale, c’est-à-dire obtenir facilement de l’argent. Les demandeurs d’asile n’ont plus aucune utilité pour les Zetas. La fortune ou le commerce de personnes que les Zetas perdent de vue perdent toute leur utilité pour les Zetas, à moins que ceux-ci soient tout particulièrement perturbés. Les demandeurs d’asile n’ont pas importuné les Zetas dans une telle mesure que ceux-ci veuillent utiliser toutes les ressources à leur disposition pour retrouver les demandeurs d’asile. Les demandeurs d’asile n’ont pas contrarié les Zetas; ils ont simplement quitté la ville.

[72] J’ai demandé aux demandeurs d’asile si les Zetas avaient communiqué avec les nombreux membres de leur famille à Mexico au cours des années pour tenter de les retrouver. Le demandeur d’asile principal a déclaré que personne n’avait communiqué avec l’un des membres de leur famille élargie afin de savoir où ils habitent. Les Zetas n’ont pas non plus communiqué avec les parents de la demandeure d’asile associée, qui habitent dans l’État de Chihuahua, c’est-à-dire l’État où se trouve Ciudad Juarez.

[73] Il y certains endroits où il y a beaucoup de violence, comme Ciudad Juarez, mais il y a également des endroits, comme Ensenada, où la violence liée à la drogue a diminué. Comme le cartel Sinaloa a resserré son contrôle en Basse-Californie, la violence a diminué à Ensenada.

[74] Pour ces motifs, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que les demandeurs d’asile ne sont pas exposés à une menace à leur vie à Ensenada, ville offrant une possibilité de refuge intérieur (PRI).

[7]               La juge Kane de la Cour a analysé ce raisonnement quand elle a procédé au contrôle judiciaire de cette décision (IMM-4016-12, le 20 décembre 2012). Elle a déclaré que cette conclusion tenait de la conjecture et que l’affaire devrait être renvoyée devant la Commission pour nouvelle décision. Elle a notamment déclaré ce qui suit :

[traduction]

En l’espèce, l’évaluation de la Commission quant au risque auquel sont exposés les demandeurs et leur besoin de protection dans la PRI proposée est fondée, en grande partie, sur des conjectures. Dans plusieurs décisions récentes, la Cour a prononcé une mise en garde contre le fait de se livrer à un raisonnement conjectural.

[…]

En l’espèce, la Commission a émis l’hypothèse selon laquelle les demandeurs [traduction] « ne figurent simplement plus sur la liste active des cibles des Zetas locaux », ajoutant qu’ils [traduction] « n’avaient pas irrité les Zetas à tel point » que les Zetas voudraient les poursuivre. Comme il a été mentionné ci‑dessus, de telles hypothèses sont illogiques, étant donné que la Commission a accepté le fait que ce gang faisait preuve de brutalité et qu’il avait la capacité de poursuivre et de faire du mal à n’importe qui au Mexique. La Commission a également accepté le fait que, bien que les demandeurs n’aient eu aucun lien avec les Zetas auparavant, ils aient quand même été pris pour cibles à des fins d’extorsion et fait l’objet de menaces. La Commission a également conclu que les Zetas auraient pu tuer les demandeurs s’ils les avaient trouvés.

La conclusion de la Commission selon laquelle les demandeurs ne seraient pas en danger parce que les Zetas n’avaient aucun différend avec eux ne concorde pas avec le fait que les demandeurs ont été pris pour cibles à des fins d’extorsion et ont fait l’objet de menaces, et ce, en dépit du fait que les Zetas n’ont eu avec eux aucun différend ou lien en premier lieu. L’hypothèse décrivant la manière dont les Zetas agiraient à l’endroit des demandeurs est illogique et déraisonnable.

[…]

Étant donné que j’ai conclu que la décision relative au PRI était déraisonnable, il ne m’est pas nécessaire d’établir si la Commission a commis une erreur en refusant de tenir compte de considérations d’ordre humanitaire quand elle a apprécié le caractère raisonnable de la PRI.

Pour les raisons énoncées ci‑dessus, la conclusion de la Commission selon laquelle les demandeurs ne risquaient pas sérieusement d’être persécutés dans la PRI proposée (Ensenada), selon la prépondérance des probabilités, n’était pas raisonnable. Compte tenu de la preuve que la Commission a acceptée et du témoignage des demandeurs, que la Commission a jugé crédible, la décision, qui était fondée sur des conjectures, n’était ni justifiable ni intelligible et elle n’appartenait pas aux issues possibles acceptables.

[8]               Pour ce qui est de la troisième décision de la Commission, celle qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire, je conclus que, nonobstant la déclaration de la Commission selon laquelle la conjecture constituerait une erreur raisonnable, il a précisément été question de conjectures. Je reproduis ces motifs en partie :

[8] J’ai examiné le jugement de la Cour et je suis conscient du fait qu’une hypothèse de ma part constituerait une erreur susceptible de contrôle. Je garde également à l’esprit qu’il semble incohérent de dire, d’une part, que les membres du gang des Zetas ont la capacité de s’en prendre à toute personne au Mexique et, d’autre part, que les demandeurs d’asile ne seraient exposés à aucun risque à l’endroit proposé à titre de PRI. Dans les motifs qui suivent, je répondrai à cette incohérence apparente. Je m’appuierai sur les faits en l’espèce et j’accorderai l’importance qui convient aux éléments de preuve pertinents qui relèvent de l’hypothèse.

[…]

[16] Les demandeurs d’asile ont été pris pour cibles par le gang des Zetas à Ciudad Juarez. Les documents de la Commission révèlent que, même si l’organisation est présente partout dans les grandes régions du Mexique, elle est [traduction] « un réseau composé de cellules isolées qui détiennent chacune le contrôle sur certains territoires ». Les demandeurs d’asile n’ont pas démontré qu’il est plus probable que le contraire que les membres de Los Zetas seraient motivés ou portés à chercher les demandeurs d’asile à l’extérieur de leur « territoire », en l’occurrence Ciudad Juarez.

[17] Les incidents se sont produits essentiellement en 2008, soit il y a environ cinq ans. Peu d’éléments de preuve convaincants montrent que les membres des Zetas ont toujours la motivation ou la volonté de chercher les demandeurs d’asile aujourd’hui afin de s’en prendre à eux. Les demandeurs d’asile ont déclaré que le gang des Zetas avait laissé une note rédigée sur un carton dans leur domicile abandonné pour exiger le paiement de la somme exigée. Cela s’est produit peu de temps après que les demandeurs d’asile se sont enfuis au Canada. Il est vraisemblable que le gang des Zetas ait agi ainsi, pour faire suite à sa menace initiale. Les demandeurs d’asile ont déclaré que les membres des Zetas étaient allés voir des membres de leur famille à plusieurs reprises pour savoir où ils se trouvaient. Je juge cela invraisemblable, compte tenu des documents qui révèlent que la brutalité du gang des Zetas est notoire.

[18] Ils [Los Zetas] peuvent recourir à la corruption — et n’hésitent pas à le faire —, mais ils tendent vers l’intimidation et la violence. Leur mode de fonctionnement a tendance à être beaucoup moins subtil que celui de leurs homologues de Sinaloa, et comme le leadership du gang est assuré par d’anciens soldats des forces spéciales, ils utilisent efficacement la force et la peur pour arriver à leurs fins.

[19] Selon l’information dont je dispose et la crainte des demandeurs d’asile à l’égard des Zetas, il est plus probable que le contraire que les membres des Zetas auraient utilisé des tactiques d’intimidation brutales à l’égard des membres de la famille pour contraindre les demandeurs d’asile à payer les sommes demandées ou pour les punir de ne pas avoir obtempéré, au lieu d’aller voir occasionnellement les membres de la famille sur une période de cinq ans pour s’informer au sujet des demandeurs d’asile. En outre, les demandeurs d’asile ont déclaré que, à leur connaissance, les membres des Zetas n’avaient pas exigé d’argent des membres de la famille lorsqu’ils étaient à leur recherche. Cela rend encore moins crédible l’histoire selon laquelle le gang des Zetas serait toujours à la recherche des demandeurs d’asile. Les déclarations faites par les membres de la famille ne sont pas probantes et elles ne peuvent être évaluées qu’à la lumière des documents, lesquels mentionnent clairement que le gang des Zetas n’hésite pas à recourir à la violence. Cela rend encore moins crédibles les allégations des membres de la famille, puisque ces derniers n’ont été victimes d’aucun préjudice ni d’aucune tentative d’extorsion au cours des cinq dernières années, c’est‑à‑dire depuis le départ des demandeurs d’asile.

 

[20] Les demandeurs d’asile ont de la famille à Mexico. Aucun élément de preuve n’a été produit selon lequel les membres de la famille des demandeurs d’asile vivant à Mexico auraient été approchés par les membres des Zetas, ce qui laisserait entendre que ceux‑ci sont toujours à la recherche des demandeurs d’asile.

[21] En l’espèce, les demandeurs d’asile ne se sont pas acquittés du fardeau de la preuve qui leur incombait et qui reposait sur la prépondérance des probabilités. Un certain temps s’est écoulé depuis que les incidents en question se sont produits. Il y a le facteur de crédibilité associé au fait que des membres des Zetas auraient, dans le but de trouver les demandeurs d’asile, communiqué à répétition avec des membres de leur famille, et ce, sans qu’il y ait de conséquences pour ces derniers. Il y a ensuite le fait que les membres de la famille des demandeurs d’asile qui vivent à Mexico n’ont pas été contactés par les Zetas au cours des cinq dernières années. Une fois combinés, ces facteurs ne permettent pas d’établir que les demandeurs d’asile seraient, selon la prépondérance des probabilités, exposés à un risque.

[22] J’ai examiné la preuve et je conclus, en dépit du témoignage des demandeurs d’asile, qu’il existe une PRI pour ces derniers à Mexico. Par conséquent, suivant le premier volet du critère relatif à la PRI, les demandeurs d’asile n’ont pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils seraient personnellement exposés à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités à Mexico de la part des membres des Zetas.

[9]               Ainsi, le commissaire a fait exactement ce que la juge Kane avait dit de ne pas faire, il s’est livré à des conjectures. Le commissaire n’a pas « soupesé » la preuve, il n’en a pas tenu compte. En l’espèce, il ressort de la preuve que les Zetas sont extrêmement violents, que les demandeurs ont fait l’objet de menaces et que les Zetas ont la capacité, que ce soit par le truchement de cellules isolées ou de cellules de communication, de retrouver les demandeurs.

[10]           Au paragraphe 19, et encore une fois au paragraphe 21, le commissaire fonde ses conjectures sur la question de la crédibilité. Au paragraphe 19, il affirme que le fait que les demandeurs prétendent que les Zetas les recherchent encore est « moins crédible ». Au paragraphe 21, le commissaire renvoie à un « facteur de crédibilité » en tenant compte de la « prépondérance des probabilités ».

[11]           Quand ils se penchent sur la question de la crédibilité en pareil contexte, les commissaires devraient garder deux choses à l’esprit. Premièrement, comme la Cour l’a affirmé dans la décision Valtchev, [2001] ACF no 1131, au paragraphe 7, on ne peut conclure à l’invraisemblance, c’est‑à‑dire au manque de crédibilité, que dans les cas les plus évidents. Deuxièmement, au début de l’audience, le commissaire a annoncé que la crédibilité ne serait pas en cause à moins qu’il ne soulève cette question à l’audience. Aucune question de crédibilité n’a été soulevée à l’audience. Je répète ce que le commissaire a déclaré au début de l’audience :

[traduction]

LE PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : Très bien. Cette affaire nous est renvoyée par la Cour fédérale. Cette dernière a conclu que la décision que la Commission avait rendue était entachée d’erreur et elle a renvoyé l’affaire devant la Commission pour qu’elle tienne une nouvelle audience.

Conseil, nous allons essentiellement soulever les mêmes questions que celles qui ont été soulevées lors de la dernière audience. Et nous en discuterons avant de poursuivre.

Lors de la dernière audience, on a défini ce qu’était la crédibilité. Le commissaire n’a pas eu de doutes en ce qui concerne la crédibilité, ou n’a pas exprimé de tels doutes. On soulève toujours la question de la crédibilité dans le contexte de l’audition de demandes d’asile. Mais j’accepterai la conclusion rendue par le commissaire qui a traité de l’affaire la dernière fois, à moins que je n’aie mes propres doutes au cours de la présente audience.

LE CONSEIL : Je voudrais souligner qu’on a également jugé qu’ils étaient crédibles lors de la première audience.

LE PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : D’accord.

LE CONSEIL : Aucune question n’a été soulevée lors de l’une ou l’autre des audiences.

LE PRÉSIDENT DE L’AUDIENCE : Très bien. Donc, compte tenu de cela, nous n’avons pas à examiner à nouveau les aspects importants de leur témoignage.

[12]           Par conséquent, l’affaire devra être renvoyée pour nouvelle décision une quatrième fois. Le commissaire qui connaîtra de l’affaire devra tenir compte des éléments suivants :

1)                  Il faut se garder de formuler des conjectures;

2)                  La crédibilité n’est pas en cause, à moins que cette question ne soit soulevée et débattue à l’audience.

[13]           Aucune demande de certification n’a été présentée.

 


JUGEMENT

PAR CONSÉQUENT, LA COUR STATUE que :

1.      La demande est accueillie;

2.      L’affaire est renvoyée pour nouvelle décision par un autre commissaire, compte tenu des présents motifs et des motifs de la juge Kane;

3.      Aucune question n’est certifiée;

4.      Aucuns dépens ne sont adjugés.  

« Roger T. Hughes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM-3980-13

 

INTITULÉ :

JOSE LUIS CUEVAS MENDOZA ET ALEJANDRO MALSONADO FLORES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 JUILLET 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

 

LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

 

LE 17 JUILLET 2014

 

COMPARUTIONS :

Bjorn Harsanyi

 

POUR LES DEMANDEURS

JOSE LUIS CUEVAS MENDOZA

ET ALEJANDRO MALSONADO FLORES

 

Camille Audain

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsanyi

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LES DEMANDEURS

JOSE LUIS CUEVAS MENDOZA

ET ALEJANDRO MALSONADO FLORES

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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