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Date : 20140724


Dossier : IMM-3643-13

Référence : 2014 CF 743

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 24 juillet 2014

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

BANI-XAVIER BANGURA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), qui vise une décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [la CISR] datée du 3 mai 2013. La SPR a conclu que le demandeur, Bani‑Xavier Bangura, n’était pas un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger, au titre respectivement des articles 96 et 97 de la Loi.

[2]               Le demandeur est un citoyen du Burundi âgé de 25 ans d’origine ethnique tutsie. Il déclare qu’il participait aux activités d’un organisme de défense des droits fondamentaux et qu’il a été pris pour cible par le gouvernement au pouvoir après avoir tenté de signaler l’enlèvement d’un membre d’un parti d’opposition par un groupe de miliciens affilié au gouvernement. On a par la suite découvert que la victime a été exécutée.

[3]               Il allègue qu’après avoir tenté de mobiliser les forces policières locales, un administrateur de la ville et la veuve de la victime de l’enlèvement, il a été pris pour cible dans une suite d’incidents de plus en plus menaçants, y compris des menaces de mort. Cela a conduit le demandeur à solliciter l’aide d’un ami, qui était prêtre, pour que ce dernier le cache des autorités et fasse en sorte qu’il obtienne un visa américain ainsi que les autres documents nécessaires pour quitter le pays.

[4]               Le demandeur a décrit comment le prêtre l’a aidé à rester caché, au moyen d’une série de mesures distinctes prises entre le 2 novembre et le 26 décembre 2012, notamment en le transportant à divers endroits alors qu’il était caché dans une poche de patates. Il a relaté dans son témoignage que le prêtre avait effectué toutes les démarches pour lui afin qu’il obtienne un visa d’étudiant américain ainsi qu’une carte d’identité nationale, et il l’a ultimement reconduit à l’aéroport pour son vol vers les États-Unis le 26 décembre 2012. Quelques jours plus tard, le demandeur est arrivé au Canada, où il a demandé l’asile.

[5]               La SPR a conclu, avec raison, que le demandeur n’était pas crédible. Il a été démontré que son témoignage était grandement trompeur; son récit changeait constamment, et ce, quant à un vaste éventail de questions. Ces lacunes quant à la crédibilité comprenaient notamment :

    1. Comment le prêtre aurait-il pu obtenir son visa américain, lequel nécessitait que le demandeur participe activement au processus, comme de se présenter à l’ambassade américaine pour une entrevue?
    2. Comment le demandeur a-t-il pu obtenir sa carte d’identité nationale? Il a ultimement allégué, dans sa version définitive à ce sujet, que des fonctionnaires étaient venus le voir à son domicile pour prendre ses empreintes digitales, et qu’il a demandé au prêtre de se présenter dans une autre municipalité pour la délivrance des documents.
    3. Il y avait des incompatibilités dans la partie très précise de son témoignage portant sur ses autres déplacements en direction de la maison de la première famille, puis celle de la deuxième famille, et ensuite vers l’aéroport, lesquels ont tous été effectués dans la plus grande discrétion, alors qu’il s’est rendu à l’ambassade américaine en plein jour.
    4. Les incompatibilités dans son témoignage devant la SPR, lequel ne concordait pas avec le récit circonstancié de son FRP, notamment lorsqu’il a déclaré que le prêtre l’a informé, lorsqu’il se dirigeait vers l’aéroport, qu’il lui avait procuré un visa d’étudiant américain, alors que le demandeur avait l’obligation de l’obtenir lui‑même.
    5. Les incompatibilités quant à la manière avec laquelle le demandeur avait obtenu une attestation d’identité complète, lorsqu’il avait expliqué que, après qu’un ami du prêtre s’était rendu à la maison pour prendre les empreintes digitales du demandeur, il s’était dirigé vers la municipalité en vue d’obtenir la délivrance de la carte d’identité nationale et de l’attestation d’identité complète.
    6. Les incompatibilités en ce qui a trait à l’omission de l’organisation de défense des droits fondamentaux de 50 membres dont il participait aux activités; selon le demandeur, l’organisation l’appuyait, mais elle ne l’avait pas aidé dans son enquête en ce qui concerne l’enlèvement et elle n’avait pas fait mention de l’enlèvement dans l’attestation qu’elle a produite pour le compte du demandeur.
    7. La production de deux lettres, une provenant d’une station de radio, à l’égard de laquelle le demandeur allègue qu’il a signalé l’enlèvement, et l’autre provenant du prêtre qui l’a aidé à quitter le pays. Les deux documents non datés sont rédigés à la main sur du papier ordinaire, ne portent aucun en-tête officiel ou ne sont aucunement attestés d’une forme ou d’une autre pour faire preuve de leur authenticité ou donner à penser qu’elles sont authentiques.

[6]               En raison des nombreuses incompatibilités, omissions et modifications dans son récit circonstancié, la SPR a conclu qu’il était probable que le demandeur était en liberté au cours de cette période, et qu’il aurait donc pu se procurer des documents d’identité et préparer son départ. Puisque le demandeur ne s’était pas caché, la SPR a conclu que sa crainte subjective alléguée n’était pas fondée. Le demandeur n’a pas véritablement contesté la raisonnabilité de ces conclusions quant à la crédibilité.

[7]               Le demandeur a plutôt formulé deux observations principales, et n’en a fait valoir qu’une seule au cours des plaidoiries. Il a fait observer que la SPR a eu recours à une norme de risque trop élevée ou incorrecte, et il prétend que la SPR a exigé qu’il démontre l’existence d’un « risque particulier », aux paragraphes 47 et 49 :

[47] […] Par conséquent, le tribunal a évalué si le demandeur ferait l’objet de persécution ou de risque particulier en raison de son profil comme membre de l’association.

[…]

[49] […] Également, le demandeur n’a pas déposé des éléments de preuves démontrant que les membres d’AC Génocide font face à un risqué particulier.

[8]               Je conclus qu’en faisant ces déclarations, la SPR ne faisait que relever que la preuve présentée par le demandeur à l’appui de la prétention selon laquelle il serait exposé à des risques, étant donné qu’il participe aux activités de l’organisation AC Génocide Cirimoso, consistait presque exclusivement en de vagues énoncés à propos des difficultés auxquelles sont exposées les ONG qui exercent leurs activités au Burundi. Le commissaire a conclu que le demandeur n’a produit aucun élément de preuve à propos des risques auxquels sont exposés les membres du groupe. Il ne fait aucun doute, à la lecture du paragraphe 48, que la Commission n’a pas accepté les déclarations du demandeur selon lesquelles il participait activement aux activités de l’association. Il était incapable de répondre à des questions à propos des activités de celle‑ci, notamment en ce qui a trait à la manière dont elle s’acquittait de son mandat de sensibiliser la collectivité à propos du génocide, ou au sujet d’autres détails quant à la manière dont les réunions de l’association se déroulaient, ou des objets qui étaient discutés. Cette preuve était en contradiction avec celle produite par le groupe au moyen d’une lettre.

[9]               Le terme « particulier » a été employé uniquement pour mettre l’accent sur l’absence de preuve de quelque risque que ce soit. L’emploi de « [u]n risque particulier » ne se substituait pas à celui de « crainte fondée », ou à tout autre risque ayant pour effet de conférer qualité de personne à protéger au demandeur. De plus, même si je devais conclure que la Commission s’était mal exprimée quant au critère, il n’y a rien au dossier qui appuie la demande d’asile du demandeur fondée sur les articles 96 ou 97 de la Loi.

[10]           Par conséquent, je peux uniquement conclure que la décision de la SPR était justifiée et qu’elle appartenait aux issues raisonnables.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

IMM-3643-13

 

 

INTITULÉ :

BANI-XAVIER BANGURA c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 JUILLET 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :

LE 24 JUILLET 2014

 

COMPARUTIONS :

Micheal Crane

 

POUR LE DEMANDEUR

 

John Loncar

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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