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Date : 20140807


Dossier : IMM-8243-13

Référence : 2014 CF 782

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 août 2014

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

PAUL EDGARDO GALINDO VASQUEZ

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], de la décision en date du 6 décembre 2013 [la décision] par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur était exclu de la protection des réfugiés en application de l’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention de 1951 des Nations Unies relative au statut des réfugiés [la Convention relative aux réfugiés].

CONTEXTE

[2]               Âgé de 43 ans, le demandeur est un citoyen du Honduras qui est arrivé au Canada le 24 décembre 2011. Il a présenté une demande d’asile en février 2012, alléguant qu’il craignait de se faire tuer par une personne en vue avec laquelle il avait déjà eu une relation homosexuelle. La SPR n’a pas tenu compte des motifs de protection invoqués par le demandeur au motif qu’il était exclu de la protection des réfugiés en application de l’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention relative aux réfugiés. Cette disposition, qui a été incorporée en droit interne par l’article 98 de la Loi, exclut de la protection des réfugiés le demandeur d’asile dont on a des raisons sérieuses de penser qu’il a commis un crime grave de droit commun en‑dehors du pays d’accueil avant d’y être admis comme réfugié.

[3]               En décembre 2006, le demandeur a été accusé en Floride de deux chefs de cambriolage d’une habitation et de vol aggravé au troisième degré (300 $ et 5 000 $). Il a été expulsé des États‑Unis en mars 2007 sans avoir subi son procès sur les accusations en question. Il semble qu’il soit retourné illégalement aux États‑Unis en mars 2008 et qu’il y soit demeuré jusqu’à son arrivée au Canada en décembre 2011.

[4]               Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre) est intervenu au cours de l’instance devant la SPR sur la question de savoir si le demandeur était exclu de la protection des réfugiés en raison des accusations susmentionnées.

LA DÉCISION CONTRÔLÉE

[5]               La SPR a constaté que, dans les documents soumis par le ministre, il était allégué que le demandeur d’asile se serait introduit par effraction dans une maison et qu’il y aurait volé des biens dont la valeur s’élèverait à 5 000 $ US. Le ministre fait observer que, si le demandeur avait commis cette infraction au Canada, il s’agirait d’un acte visé à l’article 348 du Code criminel, en l’occurrence une introduction par effraction dans une maison d’habitation, passible d’une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité.

[6]               La Commission a fait observer qu’elle n’avait pas pour rôle « d’instruire l’affaire criminelle en application des normes canadiennes », pas plus que de « statuer sur la culpabilité ou l’innocence selon les lois des États-Unis », mais que son mandat consistait à « établir s’il existe des raisons sérieuses de penser que le demandeur d’asile a commis un crime grave de droit commun en dehors du Canada avant d’y être admis » (Décision, au paragraphe 7).

[7]               La Commission a examiné « le degré de preuve requis » et conclu que la norme fondée sur des « raisons sérieuses de penser » était « moins stricte que la norme civile fondée sur la prépondérance des probabilités, mais plus rigoureuse que de simples conjectures ou hypothèses » (citant Moreno c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 298 (CA); Ramirez c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 2 CF 306 (CA) [Ramirez]; Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 RCS 100 [Mugesera]). La Commission a scindé son analyse en deux volets. Elle s’est d’abord penchée sur la question de savoir s’il existait ou non des « raisons sérieuses » de penser que le demandeur d’asile avait commis un crime de droit commun avant d’entrer au Canada et s’est ensuite demandé si le crime commis était « grave » au sens de l’alinéa Fb) de l’article premier.

[8]               La Commission a constaté qu’il existait deux versions « radicalement différentes » des faits à l’origine des accusations criminelles portées aux États-Unis contre le demandeur. Le demandeur avait déclaré, dans l’exposé circonstancié de son formulaire de renseignements personnels (FRP), qu’alors qu’il venait d’emménager dans une nouvelle maison à Tampa, en Floride, il s’était rendu chez son voisin pour voir s’il pouvait utiliser la poubelle. Il a décrit la maison comme étant abandonnée et délabrée. Il a affirmé que personne n’avait habité la maison durant la période de quatre à cinq mois pendant laquelle il avait vécu à cet endroit. Il avait découvert un vieux véhicule sans moteur sur le terrain. La clé se trouvait dans le contact. Frappé par la beauté de la clé, qui était ornée d’une illustration de cerf, il a décidé de la prendre. Il a ensuite quitté les lieux pour se rendre au magasin. À son retour, des policiers l’attendaient, et il a été arrêté. Il n’était indiqué nulle part dans l’exposé circonstancié de son FRP qu’il était entré dans la maison.

[9]               Dans le témoignage qu’il a donné devant la SPR, le demandeur a expliqué qu’en plus de prendre la clé qui se trouvait dans le vieux véhicule, il était également entré dans la maison. Comme la porte était légèrement entrouverte, il l’a fait céder d’un simple coup d’épaule. Il était curieux et a circulé dans la maison, qui était en état de décrépitude et dont le toit s’écroulait. Il a été frappé par la beauté artistique de deux chiens de faïence, qu’il a mis dans sa poche. Il est ensuite sorti pour vaquer à certaines affaires et a été arrêté par la police à son retour le soir même. La Commission a fait observer ce qui suit (aux paragraphes 15 à 17) :

Le demandeur d’asile a affirmé qu’il ne savait pas que des accusations avaient été portées contre lui du fait qu’il était entré dans la maison. C’est lorsqu’il est venu au Canada et qu’il a présenté une demande d’asile qu’il a pris connaissance de ces accusations.

Le demandeur d’asile aurait été détenu aux États-Unis après son arrestation survenue le 20 décembre 2006, jusqu’à son expulsion au Honduras. Il a affirmé qu’il avait été transféré à un centre de détention pour des motifs d’immigration en février 2007 et qu’il avait demandé à être expulsé vers le Honduras. Il a été expulsé en mars 2007.

Tenu d’indiquer pourquoi il n’avait pas précisé dans l’exposé circonstancié contenu dans son FRP qu’il était entré dans la maison, le demandeur d’asile a affirmé qu’il avait oublié qu’il était effectivement entré dans la maison et qu’il avait pris deux chiens de faïence; il s’en est souvenu lorsqu’il a commencé à préparer son audience devant la Section de l’immigration.

[10]           La Commission a conclu que la version des faits du demandeur d’asile « diverge grandement des éléments de preuve présentés par le ministre ». Le rapport de police indiquait que, le 19 décembre 2006, le demandeur d’asile s’était introduit par effraction dans une maison inoccupée et qu’il s’était emparé de biens dont la valeur était estimée à 5 000 $ US qu’il avait ramenés chez lui. Il avait été arrêté le soir du 20 décembre 2006 pour une infraction au code de la route et, après qu’on l’eut informé de ses droits « Miranda », il a avoué s’être introduit par effraction dans la maison et y avoir volé des biens. Une copie des accusations portées par le procureur de l’État de la Floride montrait que le demandeur d’asile était accusé d’un chef de cambriolage d’une habitation et d’un chef de vol aggravé au troisième degré (de 300 $ à 5 000 $).

[11]           Le ministre a également soumis un formulaire de déclaration d’un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC). L’agent de l’ASFC avait communiqué avec M. Robert Earl Knowles père, qui affirmait que la maison appartenait à sa tante décédée. M. Knowles avait été informé de l’introduction par effraction par la police le jour même. On lui avait dit qu’un groupe de personnes qui louaient la maison voisine s’était introduit par effraction par une fenêtre arrière et avait volé une grande quantité de biens et que les coupables avaient été expulsés des États‑Unis. Il a expliqué que, parmi les objets volés, se trouvaient plus de 200 chiens de faïence, un aspirateur, des vases et d’autres articles dont il ne pouvait se rappeler avec précision. L’agent de l’ASFC a fait observer ce qui suit (au paragraphe 22) :

Bien que la déclaration de l’agent Clarke ne contienne aucun détail concernant l’état de la maison, il est indiqué dans les accusations portées par le procureur de l’État que la propriété appartenait à Robert Knowles ou à la succession d’Emily Hazel. J’en conclus que la propriétaire de la maison était Emily Hazel, que celle-ci est morte et que Robert Knowles agissait à titre d’exécuteur testamentaire.

[12]           La SPR a conclu que l’existence de « deux versions radicalement différentes » des faits à l’origine des accusations criminelles portées contre le demandeur l’obligeait à évaluer « la crédibilité des éléments de preuve » qui lui avaient été soumis. La Commission a déclaré qu’après avoir minutieusement examiné les éléments de preuve, elle préférait de loin ceux présentés par le ministre à ceux soumis par le demandeur. Le demandeur avait négligé de déclarer dans son FRP qu’il s’était introduit dans la maison, et il n’était pas crédible qu’il ait oublié ce fait, mais qu’il se soit souvenu d’avoir pris une clé dans le contact d’un vieux véhicule. Il était « plus probable que le demandeur d’asile cherchait à cacher au lecteur qu’il était entré dans la maison ». De plus, le rapport de police renfermait des détails très précis concernant ce qui s’est produit et, suivant la Commission, « dans un pays démocratique comme les États-Unis, les policiers ont pour tâche d’enquêter de façon impartiale sur les incidents », et il n’y avait aucune raison de croire que les choses s’étaient passées autrement dans cette affaire. La Commission poursuit (aux paragraphes 26, 27 et 28) :

[…] Les accusations portées par le procureur d’État viennent corroborer le rapport de police. Les États-Unis accordent énormément d’importance à la démocratie, et j’estime que des accusations criminelles ne seraient pas portées en l’absence d’éléments de preuve à l’appui. Le demandeur d’asile a affirmé qu’il était uniquement coupable d’avoir pris une clé qui se trouvait dans le contact d’un vieux véhicule ainsi que deux chiens de faïence qui se trouvaient dans la maison. Si ces affirmations étaient vraies, il n’aurait pas été accusé de vol au troisième degré (de 300 $ à 5 000 $). La valeur d’une clé et de deux chiens de faïence serait nettement inférieure à 300 $.

J’estime que les éléments de preuve du demandeur d’asile ne sont pas crédibles et, pour ce motif, j’y accorde peu de poids, alors que j’accorde beaucoup plus de poids aux éléments de preuve contenus dans le rapport de police ainsi que dans la déclaration de l’agent Clarke concernant ce que M. Knowles avait à dire au sujet du cambriolage de la maison de sa tante. Il me paraît invraisemblable que le demandeur d’asile fasse l’objet des accusations portées contre lui si sa déclaration était vraie.

Par conséquent, j’estime que le demandeur d’asile s’est introduit par effraction dans la maison de sa voisine dans l’intention de voler tout objet de valeur susceptible de s’y trouver, et qu’il a effectivement volé divers articles dont la valeur est estimée à quelque 5 000 $ US.

[13]           Vu ce qui précède, la Commission a conclu qu’il existait des raisons sérieuses de penser que le demandeur avait commis les infractions de cambriolage d’une habitation et de vol aggravé au troisième degré dans l’État de la Floride.

[14]           Quant à savoir si les crimes commis par le demandeur étaient « graves » au sens de l’alinéa Fb) de l’article premier, la Commission s’est dite d’accord avec le ministre qui affirmait que, si ce crime avait été commis au Canada, le demandeur aurait été accusé en vertu de l’alinéa 348(1)d) du Code criminel et aurait été passible d’une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité. La Commission a ensuite examiné les facteurs énumérés dans l’arrêt Jayasekara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 404, au paragraphe 44 [Jayasekara], qu’elle a exposés comme suit (au paragraphe 32) :

•           les éléments constitutifs du crime;

•           le mode de poursuite;

•           la peine prévue;

•           les circonstances atténuantes et les circonstances aggravantes à la base de la déclaration de culpabilité.

[15]           La Commission a fait observer que, comme le demandeur n’avait comparu devant aucun tribunal criminel pour répondre aux accusations portées contre lui, aucune peine n’était prévue. En ce qui concerne les éléments constitutifs du crime, la SPR a jugé non crédible le témoignage du demandeur suivant lequel il était entré dans la maison simplement dans le but d’assouvir sa curiosité, qu’il n’avait pas l’intention d’y voler quoi que ce soit et qu’il avait pris les deux chiens de faïence uniquement parce qu’il les trouvait beaux. La Commission a expliqué qu’elle croyait plutôt le rapport de police et les documents judiciaires. Vu ces éléments de preuve, la Commission a conclu que le demandeur habitait dans la maison voisine de celle d’Emily Hazel avec plusieurs autres personnes, que Mme Hazel était morte, laissant sa maison inoccupée, et qu’il ne s’agissait pas d’une maison abandonnée, mais bien d’une maison faisant partie d’une succession qui n’avait pas perdu sa qualité d’habitation. La SPR n’a pas accepté qu’il s’agissait d’une maison délabrée et en décrépitude comme le demandeur l’affirmait. Elle a plutôt expliqué ce qui suit (au paragraphe 36) :

Le neveu de Mme Hazel, M. Robert Knowles, était responsable de la succession, et il est logique de conclure que, en sa qualité d’exécuteur testamentaire, il devait veiller à l’entretien de la maison.

[16]           On ne sait pas avec certitude si le demandeur a été détenu jusqu’à son expulsion en mars, comme il l’affirmait, ou s’il a été relâché. Il ne s’est toutefois pas présenté à son entrevue dans le cadre du programme d’intervention préalable au procès, ce qui donnait à penser qu’il n’était pas incarcéré. Il ne semblait d’ailleurs pas logique que l’État de la Floride délivre un mandat par suite du défaut du demandeur de comparaître devant le tribunal le 16 avril 2007 s’il avait déjà été expulsé en mars 2007.

[17]      En ce qui concerne les circonstances atténuantes, la Commission a estimé qu’il était raisonnable de conclure que le demandeur savait que la maison dans laquelle il s’était introduit par effraction était vacante, ce qui limitait grandement son risque de se retrouver face à face avec un résidant. Le procureur d’État a jugé que les circonstances de cette affaire justifiaient la participation du demandeur à un programme de déjudiciarisation (bien qu’en fin de compte, le demandeur ait été jugé non admissible à ce programme), ce qui donnait à penser que l’infraction était considérée comme étant moins grave que les introductions par effraction commises dans d’autres circonstances.

[18]           En ce qui concerne les circonstances aggravantes, la Commission a fait observer que l’article 348 du Code criminel prévoit une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité pour quiconque s’introduit par effraction dans une maison d’habitation, ce qui témoigne de la gravité que le législateur canadien accorde à cette infraction. Le demandeur n’avait aucun moyen de savoir que la propriétaire de la maison était morte : elle aurait pu s’être absentée pour de longues vacances ou être hospitalisée depuis plusieurs mois, de sorte qu’elle pouvait rentrer chez elle à tout moment, notamment tandis que le demandeur s’y trouvait illégalement. La Commission a estimé que « [d]e toute évidence, il était prêt à prendre tout objet de valeur et ne se souciait pas du préjudice que pourrait subir la propriétaire, tant du point de vue de la perte de ses biens que des conséquences psychologiques, à savoir l’insécurité engendrée par la situation et le sentiment d’avoir été violée dans son intimité ». De plus, le demandeur ne se souciait guère de la valeur sentimentale que pouvaient avoir, pour la victime, les objets qu’il avait volés. La Commission a fait observer que le demandeur n’avait toujours pas assumé la responsabilité des gestes qu’il avait posés et qu’il maintenait qu’il n’avait pas l’intention de voler quoi que ce soit lorsqu’il était entré dans la maison, ce qui n’était « tout simplement pas concevable ». En outre, s’agissant de cette version des faits, le demandeur « n’a pas dit la vérité dans l’exposé circonstancié contenu dans son FRP pour ce qui est des circonstances ayant trait aux accusations criminelles » et il avait « négligé de mentionner qu’il était entré dans la maison, ce qui constitue un mensonge par omission ». Il n’avait rien restitué à la victime et, même si le rapport de police indiquait qu’il avait exprimé des regrets, « le fait qu’il a évité de s’acquitter de ses responsabilités devant la cour témoigne du contraire ». La Commission poursuit (aux paragraphes 52 et 53) :

Le demandeur d’asile ne s’est guère soucié du fait que le cambriolage d’une habitation a souvent d’importants contrecoups psychologiques pour les victimes. Les victimes ne se sentent désormais plus en sécurité dans leur résidence, alors que celle-ci devrait servir de refuge aux propriétaires. Les victimes se sentent souvent violées dans leur intimité sachant qu’un individu s’est trouvé dans leur maison, fouillant dans leurs biens les plus personnels. Il s’agit sans doute là de la raison pour laquelle nos législateurs considèrent cette infraction avec tant de sévérité.

Bien que le demandeur d’asile ait cru que la maison dans laquelle il s’est introduit était inoccupée, il n’avait pas l’assurance de n’y rencontrer personne. L’exécuteur testamentaire aurait pu arriver à tout moment, la propriétaire aurait pu rentrer chez elle (le demandeur d’asile n’avait aucun moyen de savoir qu’elle était morte) à l’issue de ses vacances ou d’un séjour à l’hôpital. Si le demandeur d’asile s’était retrouvé devant quelqu’un, il est fort possible que ce cambriolage se soit transformé en une situation beaucoup plus grave. De toute évidence, il était prêt à s’exposer à ce risque.

[19]           La Commission a estimé que tous ces facteurs constituaient des circonstances aggravantes et, après avoir examiné l’ensemble des facteurs établis dans l’arrêt Jayasekara, elle a conclu que le crime commis par le demandeur, à savoir le cambriolage d’une habitation, était « une affaire grave qui aurait vraisemblablement pu entraîner des conséquences beaucoup plus fâcheuses que la perte de biens ». Le demandeur avait donc commis un crime grave de droit commun avant d’arriver au Canada et il ne répondait par conséquent pas à la définition de réfugié ou de personne à protéger au sens de l’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention relative aux réfugiés et de l’article 98 de la Loi.

QUESTIONS EN LITIGE

[20]           Le demandeur soumet les questions suivantes à l’examen de la Cour dans le cadre de la présente instance :

a.       Le principe de l’autorité de la chose jugée et la doctrine de l’abus de procédure s’appliquent‑ils, de sorte que le ministre était irrecevable à plaider devant la SPR certaines questions de fait qui avaient déjà été tranchées de façon définitive dans l’instance antérieure introduite devant la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié?

b.      La SPR a‑t‑elle mal évalué la preuve au sujet de la valeur des objets manquants au point d’entacher son analyse de la crédibilité du demandeur?

c.       La SPR a‑t‑elle mal défini et analysé l’infraction à l’origine de l’exclusion du demandeur en application de l’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention relative aux réfugiés?

d.      La démarche suivie par la SPR pour évaluer la crédibilité du demandeur était‑elle déraisonnable?

e.       La SPR a‑t‑elle commis une erreur en concluant qu’elle disposait de suffisamment d’éléments de preuve pour pouvoir conclure qu’il y avait des raisons sérieuses de penser que le demandeur avait commis un acte criminel à l’extérieur du Canada?

f.       La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les actes accomplis par le demandeur, même s’il s’agissait d’infractions, constituaient des crimes graves au sens de l’alinéa 1Fb)?

LA NORME DE CONTRÔLE

[21]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à la question particulière dont elle est saisie est établie de façon satisfaisante par la jurisprudence, la juridiction de révision peut adopter cette norme. C’est uniquement lorsque cette recherche se révèle infructueuse ou que la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente des principes de common law en matière de contrôle judiciaire que la juridiction de révision applique les quatre facteurs qui forment l’analyse de la norme de contrôle (Agraira c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48).

[22]           Le défendeur affirme que la norme de contrôle applicable dans le cas d’une question d’exclusion mettant en jeu l’article 98 de la Loi et l’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention relative aux réfugiés est celle de la décision raisonnable, étant donné qu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit (Lai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 125, au paragraphe 68 [Lai]; Jayasekara, précité; Feimi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CAF 325, au paragraphe 16 [Feimi]). Le demandeur est du même avis, sauf lorsqu’il s’agit de questions portant sur la teneur et l’effet du droit étranger qui sont des aspects se rapportant aux questions e. et f. précitées. Suivant le demandeur, la détermination du contenu du droit étranger donne lieu à une conclusion de fait, alors que la détermination des modalités d’application du droit étranger constitue une question de droit. Alors qu’antérieurement, la jurisprudence considérait que la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait concernant le droit étranger était celle de la décision raisonnable, la Cour d’appel fédérale a récemment indiqué que la norme applicable était celle de la décision correcte. La SPR ne devait par conséquent pas commettre d’erreur lorsqu’elle a défini les éléments constitutifs de l’infraction commise à l’étranger et qu’elle a déterminé si ces éléments s’appliquaient au demandeur (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Sharma (1995), 101 FTR 54 (CF 1re inst.), au paragraphe 10; Kisimba c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 252, au paragraphe 15, citant Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Choubak, 2006 CF 521, aux paragraphes 37, 40; JPMorgan Chase Bank c Lanner (Le), 2008 CAF 399, au paragraphe 33, autorisation de pourvoi refusée, [2009] CSCR no 48 [JPMorgan]; General Motors Acceptance Corp of Canada c Town and Country Chrysler Ltd, 2007 ONCA 904 [General Motors]; voir également Mugesera, précité, au paragraphe 59).

[23]           Les arrêts JPMorgan et General Motors, précités, portaient sur la norme de contrôle applicable en appel plutôt que sur la norme de contrôle de droit administratif applicable en cas de contrôle judiciaire. Toutefois, l’observation suivant laquelle, bien qu’il s’agisse en principe d’une question de fait à prouver, le contenu du droit étranger est une question de fait unique à laquelle s’appliquent peut-être moins les raisons habituelles justifiant la déférence en appel, est aussi pertinente dans le contexte du droit administratif. Dans l’affaire JPMorgan, il n’était pas nécessaire de se prononcer sur la norme de contrôle applicable à cette question. La Cour d’appel fédérale n’a exprimé aucune opinion sur la question, se contentant de faire observer que, dans l’arrêt General Motors, la Cour d’appel de l’Ontario s’était dite d’avis que c’était la norme de contrôle de la décision correcte qui s’appliquait.

[24]           Je suis conscient de l’observation formulée par ma collègue la juge Heneghan dans le jugement Sayer c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 144, au paragraphe 4, à savoir que « la cour de révision ne peut pas simplement prendre connaissance d’office de la loi étrangère ». Le droit étranger doit être prouvé. Il s’ensuit de l’application de la norme de contrôle de la décision correcte que je dois tirer une conclusion définitive au sujet de l’interprétation qu’il convient de donner au droit étranger, mais la Cour doit composer avec les mêmes contraintes que celles qui sont imposées aux tribunaux administratifs en ce sens que son aptitude à interpréter le droit étranger (en l’occurrence, le droit criminel de l’État de la Floride) est tributaire de la qualité de la preuve qui lui est soumise. Dans ces conditions, il serait fallacieux pour la Cour de supposer qu’elle offre la « bonne » interprétation. La Cour doit examiner la preuve et décider si la Commission a interprété de façon raisonnable le droit étranger et si elle l’a appliqué de façon raisonnable aux faits de l’affaire.

[25]           De plus, dans le contexte de l’interdiction de territoire pour cause de criminalité, lorsque le droit étranger doit d’abord être prouvé pour être ensuite comparé aux infractions canadiennes équivalentes, les conclusions tirées au sujet du contenu du droit étranger sont assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Lu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1476, au paragraphe 12; Patel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 804, au paragraphe 6; Ulybin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 629, au paragraphe 19). À mon avis, il serait incongru d’appliquer une norme différente soit à l’interprétation, soit à l’application du droit étranger dans le contexte de la présente affaire.

[26]           Je conclus donc que c’est la norme de contrôle de la décision raisonnable qui s’applique à chacune des questions susmentionnées.

[27]           Lorsque la Cour effectue le contrôle de la décision selon la norme de la raisonnabilité, son analyse tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[28]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Exclusion par application de la Convention sur les réfugiés

Exclusion — Refugee Convention

98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

[29]           L’alinéa Fb) de l’article premier de la Convention relative aux réfugiés, qui a été incorporé à la Loi par l’article 98, est ainsi libellé :

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

[…]

b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;

[…]

ARGUMENTATIONS

Le demandeur

Préclusion découlant d’une question déjà tranchée

[30]           Le demandeur affirme que le ministre a commis un abus de procédure qui a entraîné une iniquité procédurale en remettant en cause la crédibilité de son témoignage sur des questions qui avaient déjà été tranchées de façon définitive par la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SI), et qui avaient donc l’autorité de la chose jugée. Il soutient que les questions factuelles entourant son introduction par effraction au domicile de sa voisine ont été tranchées lors de l’enquête de la SI, le 22 août 2013, sur le fondement des mêmes éléments de preuve que ceux soumis à la SPR et que le ministre était par conséquent irrecevable à remettre en cause cette question devant la SPR.

[31]           Le demandeur affirme que le concept de l’autorité de la chose jugée s’applique aux instances introduites devant les tribunaux administratifs (Al Yamani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 482 [Al Yamani]), et qu’il existe deux types de chose jugée : la préclusion fondée sur la cause d’action et la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. C’est uniquement cette dernière forme de préclusion qui est en cause en l’espèce, selon lui, et le critère applicable comporte trois volets : (1) la même question doit avoir déjà été tranchée dans le cadre de l’instance antérieure; (2) la décision judiciaire antérieure doit être définitive; (3) les parties ou leurs ayants droit doivent être les mêmes dans les deux cas (Al Yamani, précité; Thambiturai c Canada (Solliciteur général), 2006 CF 750) [Thambiturai]).

[32]           Le demandeur affirme que, dans le cas qui nous occupe, [traduction] « la question de la crédibilité entre les documents déposés en preuve par le ministre et le témoignage du demandeur » a été tranchée de façon définitive par la SI le 22 août 2013. Les deux instances étaient fondées sur la même preuve (y compris essentiellement les mêmes témoignages donnés par le demandeur lors des deux audiences), et les deux commissaires devaient se prononcer sur des faits concernant les actes commis par le demandeur et décider s’ils satisfaisaient aux éléments constitutifs du crime de cambriolage en Floride. Bien qu’un contrôle judiciaire de la décision de la SI soit par ailleurs en instance, le demandeur soutient que ce contrôle ne concerne que l’application que la SI a faite du droit étranger et qu’il ne porte pas sur la crédibilité ou sur les autres conclusions de fait.

[33]           Le demandeur affirme que le ministre ne s’est pas opposé à la conclusion de la SI suivant laquelle le récit qu’il avait donné des faits à l’origine des accusations criminelles portées contre lui était crédible. Le ministre n’a pas non plus réexaminé son admissibilité à une demande d’asile, ni mis fin à son audience, comme les articles 102 et 104 de la Loi le lui permettaient sur constat d’interdiction de territoire pour cause de grande criminalité. Le demandeur affirme que le ministre a abusé de la procédure de la Commission en permettant que l’affaire se poursuive devant la SPR et en remettant en cause des questions tranchées de façon définitive par la SI, en attaquant indirectement la décision de la SI et en exhortant la SPR à conclure que le demandeur n’était pas crédible sur le fondement des mêmes questions factuelles. Il s’en est suivi un dédoublement de procédures et des décisions contradictoires et, par conséquent, le demandeur a été traité injustement. Il a été jugé crédible dans une instance et, après avoir donné le même témoignage, il a été considéré non crédible relativement aux mêmes questions de fait et il a été exclu de la protection des réfugiés.

L’interprétation erronée de la preuve concernant la valeur des objets disparus entache l’appréciation, par la Commission, de la crédibilité du demandeur et de la gravité de ses actes

[34]           Le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur en concluant que les objets qui auraient disparu de la maison valaient 5 000 $, étant donné que la preuve ne renfermait pas suffisamment d’éléments pour lui permettre de tirer une telle conclusion. Le demandeur a expliqué qu’il ne pouvait avancer une valeur dans le cas des objets qu’il avait pris, mais que, dans son esprit, ils n’avaient pratiquement aucune valeur monétaire. Robert Knowles n’a pas été en mesure de déclarer la valeur des articles, ainsi qu’il ressort de la déclaration solennelle de l’agent de l’ASFC. La Commission a conclu que le rapport de police en avait fixé la valeur à 5 000 $, ce qui correspondait à l’accusation de vol aggravé (300 $ à 5 000 $). La Commission a toutefois mal interprété ces éléments de preuve. Le montant de 5 000 $ est le plafond prévu dans l’acte d’accusation pour cette infraction et les vols de plus de 5 000 $ correspondent à une infraction différente en Floride, affirme le demandeur. Le rapport de police est presque illisible. Il est impossible de savoir si les objets étaient évalués à environ 5 000 $ ou à 500 $. Il en va de même pour le chiffre de 130 $ inscrit juste en dessous de ce montant dans le même rapport. Les objets manquants ne sont pas décrits de façon exhaustive et on n’en trouve aucune évaluation ou description dans les documents versés au dossier.

[35]           Le demandeur affirme que cette interprétation incorrecte de la preuve a entaché l’appréciation que la Commission a faite de la crédibilité du demandeur en ce qui concerne ses intentions et les objets qu’il avait pris et qu’elle a également entaché la perception que la Commission avait de la gravité des actes du demandeur.

Défaut de bien définir et analyser l’infraction à l’origine de l’exclusion

[36]           Le demandeur affirme que la SPR avait l’obligation de tirer une conclusion factuelle au sujet de l’infraction à l’origine de la décision de l’exclure de la protection (Zeng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 956 [Zeng]). Elle devait identifier les éléments constitutifs de l’infraction du pays étranger (y compris les moyens de défense) et se fonder sur les faits pour conclure que ces éléments constitutifs étaient réunis. Bien qu’elle ne soit pas obligée d’énumérer ou de mentionner chacun des éléments constitutifs de l’infraction, la Commission doit, dans ses motifs, préciser de façon suffisamment claire la raison pour laquelle elle est d’avis que l’infraction a effectivement été commise (Jayasekara, précité; Zeng, précité; Ivanov c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1210).

[37]           Le demandeur affirme que le fondement juridique de la présente affaire est complexe, en ce qu’il porte sur un domaine très technique du droit de la Floride, et que la Commission n’a pas bien analysé le cadre légal sous‑jacent. Il soutient que la SPR n’a pas bien saisi la différence entre l’infraction de vol aggravé et celle de cambriolage et qu’elle a par conséquent commis une erreur de droit en ne définissant pas l’infraction commise à l’étranger pour laquelle le demandeur était exclu de la protection. Comme cette question n’a pas été analysée dans la décision, la juridiction de révision ne peut conclure que la Commission a bien saisi les subtilités de l’infraction de cambriolage en droit de la Floride. À défaut de condamnation à l’étranger, cette absence d’analyse juridique porte un coup fatal à la décision. Le litige portait sur la question de savoir s’il existait des raisons sérieuses de considérer qu’un cambriolage avait été commis, étant donné que les infractions moindres incluses dans cette infraction (comme le vol simple) ne pourraient être qualifiées de crimes graves au sens de l’alinéa Fb) de l’article premier (Osman c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 1414, 46 ACWS (3d) 101).

[38]           Bien que le demandeur ait admis que le fait de s’emparer d’objets se trouvant dans la maison satisfaisait aux exigences de l’actus reus et de la mens rea de l’infraction de vol, il soutient que l’infraction de cambriolage prévue à l’article 810.02 du chapitre 810, titre XLVI des Lois de 2012 de la Floride exige que [traduction] « l’intention de commettre l’infraction » existe au moment de l’introduction dans le lieu d’habitation, la structure ou le moyen de transport en question. Si l’accusé n’avait pas l’intention de commettre l’infraction au moment de son introduction, l’infraction de cambriolage n’est pas établie, même si l’accusé peut par la suite former cette intention et agir en conséquence. Le demandeur a expliqué qu’il n’avait pas l’intention de commettre un vol au moment où il s’était introduit dans la maison de sa voisine, et les documents soumis par le ministre sont muets sur la question de l’intention au moment de l’introduction. La Commission – de façon déraisonnable, suivant le demandeur – a estimé qu’il n’était pas crédible, a accepté la version des faits du ministre et semble avoir décidé que les éléments constitutifs du cambriolage avaient été établis, en se fondant sur la version des faits du ministre. Toutefois, on ne trouve aucune analyse de la raison pour laquelle les éléments constitutifs en question avaient été établis, et en particulier de la raison pour laquelle l’élément relatif à l’intention de commettre une infraction au moment de l’introduction avait été établi. Suivant le demandeur, il n’y avait aucun élément de preuve documentaire démontrant cette intention et aucun élément de preuve portant sur les circonstances permettant de conclure à pareille intention. De plus, le témoignage du ministre comportait des contradictions au sujet des circonstances entourant la perpétration de l’infraction et la Commission n’a pas résolu ces contradictions (le demandeur a‑t‑il agi seul ou avec un groupe d’hommes? Était‑il entré par la porte ou par une fenêtre?), de sorte qu’il est impossible de savoir pourquoi la Commission a conclu que le demandeur avait commis un cambriolage plutôt qu’une combinaison d’infractions moindres telles que l’intrusion ou un vol simple. La Commission a déclaré que le demandeur avait « de toute évidence » l’intention de voler les objets de valeur sans préciser dans ses motifs à quel moment cette intention a été formée.

[39]           Le demandeur affirme que la Commission a confondu les exigences de l’intention de l’infraction de vol aggravé et de celle de cambriolage en droit de la Floride et que, ce faisant, elle a ignoré les témoignages d’experts concernant les infractions en question que le demandeur avait soumis. Comme elle a omis ce détail important, la Commission croyait que le fait que le demandeur niait avoir eu l’intention de commettre les infractions en question au moment de son introduction dans le domicile équivalait à un déni de son intention ultérieure de dérober les chiens de faïence (Décision, au paragraphe 34). Seule cette interprétation des motifs peut expliquer les conclusions tirées par la Commission au sujet de la crédibilité et son affirmation que le demandeur refusait toujours d’accepter sa responsabilité d’avoir commis les infractions alors qu’en fait, le demandeur avait librement admis avoir commis un vol et avait exprimé des remords.

L’analyse de la crédibilité était déraisonnable

[40]           Le demandeur affirme que la Commission avait l’obligation de s’attaquer aux incohérences relevées dans la preuve et de formuler des conclusions suffisamment claires au sujet des faits constitutifs de l’infraction à l’origine de son exclusion. Lorsque la crédibilité est en cause, la Commission est tenue de formuler des motifs clairs et convaincants pour appuyer ses conclusions (Moreno c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 107 DLR (4th) 424 (CAF)). Dans le cas qui nous occupe, il semble que la Commission ait considéré que la preuve se présentait comme une bataille à finir entre la crédibilité du témoignage du demandeur et les documents du ministre, au lieu d’examiner les forces et les faiblesses de chacun. Même si elle a accepté intégralement les documents du ministre, la Commission ne s’est pas arrêtée aux importantes incohérences que comportaient ces éléments de preuve, à tel point que ses motifs ne permettent pas de savoir avec certitude les faits que la Commission a considérés comme étant établis. Suivant le demandeur, le rapport de police et la déclaration de l’agent de l’ASFC offraient des versions très différentes de ce qui s’était produit, et les incohérences portaient directement sur la nature et la gravité de l’infraction en question.

[41]           Par ailleurs, la Commission n’a pas tenu compte du fait que le témoignage du demandeur concordait avec le rapport de police et que, depuis le début, le demandeur avait fait preuve de franchise et avait exprimé des remords au sujet de ce qui s’était produit. Le demandeur n’a jamais nié que des accusations avaient été portées contre lui. Sa position était plutôt que, s’il avait été traduit en justice, il aurait été en mesure d’invoquer un moyen de défense contre l’accusation de cambriolage, la seule infraction qui se rapporte à la question de l’exclusion en application de l’alinéa 1Fb).

[42]           La conclusion de la Commission suivant laquelle il était « invraisemblable que le demandeur d’asile fasse l’objet des accusations portées contre lui si sa déclaration était vraie » est déraisonnable et n’est pas appuyée par le dossier. Suivant le demandeur, l’enquête policière se résumait à la présence de policiers sur les lieux, aux entrevues menées avec la plaignante et avec le demandeur et, enfin, à la préparation du rapport de police. Les éléments de preuve ont été recueillis lors des entrevues en question. Aucun autre élément de preuve n’est mentionné et la Commission a eu tort de supposer qu’il en existait d’autres. Les faits que cette enquête a révélés pouvaient donner lieu à diverses accusations criminelles, dont la plus grave était celle de cambriolage. Il n’y a absolument rien dans les documents qui permette de savoir avec quelle infraction la mens rea du demandeur était compatible. Il était donc entièrement possible que le demandeur soit accusé de cambriolage et qu’il ait un moyen de défense crédible à faire valoir. Le seul fait qu’il avait été accusé au criminel ne suffisait pas pour miner sa crédibilité alors qu’il niait avoir commis un cambriolage (Aguilar Valdes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 959, au paragraphe 46).

[43]           Le demandeur affirme que la méthode du tout ou rien adoptée par la Commission au sujet de la crédibilité l’a amenée à écarter des éléments de preuve inoffensifs et non contestés soumis par le demandeur. Par exemple, le demandeur a expliqué que la maison voisine était délabrée. Il n’a pas été interrogé sur cette déclaration, qui s’accordait avec l’ensemble de la preuve suivant laquelle la maison était vacante. Toutefois, la Commission a rejeté cet élément de preuve et a conclu que l’exécuteur de la succession gérait la maison et la louait – des faits qui ne trouvaient aucun appui dans la preuve – et a considéré ce fait comme une circonstance aggravante importante ayant une influence sur la gravité de l’infraction.

[44]           Il était par ailleurs déraisonnable de la part de la Commission de tirer une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité du demandeur en raison du fait que celui‑ci avait révélé davantage de détails au sujet de ce qui s’était passé à l’audience que dans son FPR. Le demandeur a expliqué qu’il ne connaissait pas la nature exacte des accusations avant d’avoir pris connaissance des documents provenant de la Floride alors qu’il se préparait pour son audience devant la SI. Dans l’exposé circonstancié de son FPR, qui concerne davantage les risques existants dans le pays d’origine que la criminalité, il a librement admis avoir eu des démêlés avec les autorités américaines. Interrogé par l’avocat de la partie adverse au sujet du fait qu’il avait dérobé les chiens de faïence alors même qu’il se préparait pour son enquête, le demandeur s’est souvenu avoir commis cet acte et a immédiatement admis devant les autorités canadiennes les circonstances entourant sa perpétration. Contrairement aux conclusions de la Commission suivant lesquelles il cherchait à tromper les autorités et refusait de reconnaître sa responsabilité pour ses infractions, le demandeur a collaboré de son mieux. Le fait qu’il ait fait des déclarations contraires à son intérêt au lieu de nier les allégations d’emblée aurait dû faire de lui un témoin plus crédible et non moins crédible.

Conclusion déraisonnable suivant laquelle la norme des « raisons sérieuses de penser » était respectée

[45]           Le demandeur affirme que, lorsqu’on tient compte comme il se doit de tous les aspects crédibles de la preuve, on constate ce qui suit : le demandeur, agissant seul, s’est introduit dans une maison vacante de son quartier par la porte, parce que cette maison était vieille et semblait abandonnée et qu’il était curieux. Il n’avait aucune intention de commettre une infraction lorsqu’il s’est introduit dans la maison, mais une fois à l’intérieur, il a pris deux chiens de faïence et une clé, ce qui, a-t-il admis, constituait un vol.

[46]           Le demandeur affirme que, comme il n’avait pas l’intention de commettre une infraction lorsqu’il est entré dans la maison, il n’y a aucune raison sérieuse de penser qu’il a commis un cambriolage. Or, il s’agit de la seule infraction pouvant donner lieu à une conclusion d’exclusion de la protection.

Conclusion déraisonnable suivant laquelle les infractions étaient « graves » au sens de l’alinéa Fb) de l’article premier

[47]           Le demandeur affirme que la Commission a conclu de façon déraisonnable que les infractions commises étaient graves au sens de l’alinéa Fb) de l’article premier. En plus de ses présumées erreurs concernant la valeur des objets disparus et de son omission de définir et d’examiner les éléments constitutifs des infractions susmentionnées, la Commission aurait, suivant le demandeur, tenu compte de circonstances aggravantes qui ne reposent sur aucun élément du dossier. Rien ne permettait à la Commission de conclure que le demandeur avait l’intention de prendre [traduction] « des objets de valeur », étant donné que la Commission ne disposait d’aucune liste complète ou évaluation des objets disparus. De plus, la Commission a conclu ce qui suit, alors que rien au dossier ne le lui permettait :

         quelqu’un aurait pu revenir dans la maison à tout moment;

         le demandeur était de toute évidence prêt à prendre tout objet de valeur et ne se souciait pas du préjudice que pourrait subir la propriétaire, tant du point de vue de la perte de ses biens que des conséquences psychologiques;

         le demandeur n’a pas assumé la responsabilité de ses actes;

         le demandeur n’a restitué aucun bien à la victime, et il a évité de s’acquitter de ses responsabilités devant la cour;

         le demandeur était prêt à prendre le risque que ce cambriolage dégénère en quelque chose de beaucoup plus grave.

Le demandeur affirme qu’aucun de ces scénarios ne trouve appui dans la preuve, ajoutant qu’il n’a été interrogé au sujet d’aucun d’entre eux à l’audience. La Commission ne disposait d’aucun renseignement suivant lequel quelqu’un vivait dans cette maison ou avait prévu la visiter, que quelqu’un s’était plaint d’avoir été lésé ou d’avoir subi un préjudice psychologique, que l’un ou plusieurs objets en question avaient une valeur sentimentale pour leur propriétaire, que le demandeur avait consciemment couru le risque que l’introduction par effraction dégénère ou qu’elle risquait effectivement de dégénérer. Les conclusions tirées par la Commission sur ces points sont hypothétiques et déraisonnables, affirme le demandeur. De plus, la conclusion suivant laquelle le demandeur avait refusé d’assumer sa responsabilité devant le tribunal contredit la propre analyse de la Commission suivant laquelle elle n’était pas en mesure de déterminer ce qui était arrivé au demandeur avant son expulsion au Honduras, en l’occurrence, s’il avait nié sa responsabilité devant le tribunal ou si les autorités américaines s’étaient rendues coupables d’omissions administratives.

[48]           Tous les renseignements versés au dossier donnaient à penser que la maison était inoccupée, et ce, depuis un certain temps. Le demandeur affirme par conséquent que la maison n’était plus une maison d’habitation au sens de la loi, ce qui constitue une circonstance atténuante. Rien dans les faits ne permettait de conclure que l’exécuteur continuait à permettre à quelqu’un d’y habiter (R c Sappier, 2005 NBPC 37).

Le défendeur

Aucun abus de procédure ou préclusion découlant d’une question déjà tranchée

[49]           Le défendeur affirme que l’allégation grave d’abus de procédure de la part du ministre formulée par le demandeur est injustifiée. Il est de jurisprudence constante que, pour conclure à un abus de procédure, « il doit y avoir une preuve accablante que les procédures examinées sont injustes au point qu’elles sont contraires à l’intérêt de la justice », et la preuve doit démontrer clairement « l’existence de motifs illégitimes, de mauvaise foi ou d’un acte si fautif qu’il viole la conscience de la collectivité à un point tel qu’il serait vraiment injuste et indécent de continuer » (R c Power, [1994] 1 RCS 601, au paragraphe 17; Blencoe c Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, au paragraphe 120 [Blencoe]; Caraan c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CF 360, au paragraphe 40). Le ministre a légitimement exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’alinéa 170e) de la Loi en intervenant à l’audience de la SPR. Bien que le demandeur cite les articles 102 à 104 de la Loi et que le ministre n’ait pas réexaminé la question de l’admissibilité du demandeur après avoir examiné l’allégation relative à l’interdiction de territoire, la disposition de la Loi relative à l’interdiction de territoire pour cause de grande criminalité ne s’applique pas dans les circonstances; elle ne s’applique que lorsque l’interdiction de territoire découle d’une condamnation qui a été prononcée à l’extérieur du Canada et qui satisfaisait à certains critères (alinéas 101f) et 101(2)b) de la Loi).

[50]           Le défendeur affirme en outre que notre Cour et la Cour d’appel fédérale ont toutes les deux conclu qu’il n’y avait pas de préclusion découlant d’une question déjà tranchée et qu’il n’était pas déraisonnable de la part du ministre d’intervenir à l’audience de la SPR. Il ressort de l’analyse de la Cour d’appel dans l’arrêt Feimi, précité, aux paragraphes 19 à 21, que le pouvoir discrétionnaire du ministre d’intervenir devant la SPR n’est assujetti à aucune restriction législative explicite (au paragraphe 21) :

[…] Les questions qui sont débattues à l’étape de l’examen de la recevabilité et à celle de l’exclusion, lors de l’examen de la demande d’asile, sont distinctes. Ainsi, aucune question d’irrecevabilité ne peut être soulevée même si ce sont les mêmes agissements criminels qui sous-tendent l’avis de danger formulé à l’étape de l’admissibilité et l’intervention qui a lieu lors de l’audience relative à l’exclusion.

(Voir également Abu Ganem c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1147, au paragraphe 43 [Abu Ganem].)

La Commission a conclu de façon raisonnable que l’on avait satisfait à la norme de preuve

[51]           Le défendeur affirme que la SPR a expliqué de façon détaillée les raisons pour lesquelles elle préférait « de loin » les éléments de preuve objectifs constitués par le rapport de police américain, les accusations au criminel et les renseignements contenus dans la déclaration de l’agent de l’ASFC. Se fondant sur ces éléments de preuve, la Commission a estimé que le ministre avait démontré qu’il existait des « raisons sérieuses de penser » que le demandeur avait commis un crime aux États‑Unis. La Commission était en droit d’apprécier l’ensemble de la preuve et avait pleine compétence pour apprécier la plausibilité de la preuve, pour apprécier la crédibilité du demandeur et pour tirer les conclusions nécessaires (Mundi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1260, au paragraphe 11; Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732 (CAF), au paragraphe 4 [Aguebor]; Giron c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] ACF no 81 (CAF)).

[52]           Le défendeur fait observer qu’une audience concernant une exclusion n’est pas de la nature d’un procès criminel et qu’il incombe au ministre de démontrer seulement qu’il existe des « raisons sérieuses de penser » que le demandeur d’asile a commis un crime avant d’arriver au Canada (Lai, précité, aux paragraphes 23 et 56; Murillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 966, au paragraphe 24). L’expression « raisons sérieuses de penser » équivaut à la formule « motifs raisonnables de croire ». Cette norme exige davantage qu’un simple soupçon, mais reste moins stricte que celle de la prépondérance des probabilités. Cette croyance doit essentiellement posséder un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi (Mugesera, précité, aux paragraphes 114 à 116; Lai, précité, au paragraphe 25; Xie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 250, au paragraphe 23 [Xie]).

[53]           Le défendeur affirme qu’en l’espèce il disposait de suffisamment d’éléments de preuve fondés sur le rapport de police, les accusations au criminel et les propres aveux du demandeur, qui avait reconnu qu’il s’était rendu dans la maison de sa voisine dans l’intention de voler une poubelle, qu’il avait enfoncé la porte, qu’il avait circulé dans la maison et qu’il avait pris des objets dans la maison et dans un véhicule. Notre Cour et la Cour d’appel ont jugé que la Commission pouvait se fonder sur un acte d’accusation et sur un mandat d’arrestation pour conclure, de façon raisonnable, qu’il y avait des raisons sérieuses de penser que le demandeur d’asile avait commis un crime. La Commission peut tenir compte d’éléments de preuve portant sur les accusations déposées même si ces accusations ne se soldent pas par une déclaration de culpabilité (Xie, précité, aux paragraphes 17 à 23; Legault c Canada (Secrétariat d’État) (1997) 42 Imm LR (2d) 192 (CAF); Abu Ganem, précité, au paragraphe 27; Betancour c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 767, aux paragraphes 48 à 54).

La conclusion qu’il s’agissait d’un crime grave était raisonnable

[54]           Le défendeur affirme que la conclusion tirée par la Commission au sujet de la crédibilité est déterminante quant au sort de la demande du demandeur. La Cour d’appel fédérale a reconnu que la SPR est un tribunal spécialisé pleinement compétent pour se prononcer sur la vraisemblance des témoignages. L’appréciation de la crédibilité d’un témoignage constitue une conclusion de fait pour laquelle la Commission a droit à un degré élevé de déférence (Aguebor, précité; Saha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] ACF no 1117, au paragraphe 23 (CF); Razzagh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] ACF no 918, au paragraphe 2 (CF)). L’appréciation que la Commission a faite de la gravité du crime était raisonnable, compte tenu de l’ensemble de la preuve dont elle disposait.

[55]           Le défendeur affirme que, pour évaluer la gravité d’un crime, une infraction est présumée être un « crime grave » dans le cas où elle serait punissable d’une peine d’emprisonnement d’au moins 10 ans si elle avait été commise au Canada (Jayasekara, précité, au paragraphe 40; Chan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 CF 390; Xie, précité, au paragraphe 40). Dans le cas qui nous occupe, s’il avait été commis au Canada, le crime du demandeur aurait été punissable en tant qu’introduction par effraction au sens de l’article 348 du Code criminel, ce qui constitue un acte criminel passible d’une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité. Il existe donc une présomption qu’il s’agissait d’un crime grave.

[56]           Toutefois, la Commission a reconnu à juste titre qu’il était possible de réfuter cette présomption au moyen d’autres facteurs et elle a tenu compte des « facteurs de l’affaire Jayasekara » en plus des opinions nationales et internationales au sujet de la gravité du crime. La conclusion tirée par la Commission au sujet de la crédibilité et son évaluation de la gravité du crime étaient raisonnables et ses motifs démontrent la justification, la transparence et l’intelligibilité de son processus décisionnel.

Réponse et arguments complémentaires du demandeur

Préclusion découlant d’une question déjà tranchée

[57]           Le demandeur explique qu’il ne prétend pas que le ministre était préclus d’intervenir devant la SPR sur la question de l’exclusion. Il affirme plutôt que, comme la SI avait déjà tranché de façon définitive la question de savoir quels faits étaient établis selon les documents soumis et selon le témoignage du demandeur, le ministre était tenu d’admettre les faits en question. Il était tenu de par la loi d’accepter les conclusions de la SI au lieu de chercher à les plaider de nouveau pour obtenir un meilleur résultat. C’est précisément le genre de situation que le principe de l’autorité de la chose jugée vise à empêcher.

[58]           Le demandeur affirme que la jurisprudence invoquée par le défendeur sur cette question ne s’applique pas. La décision Feimi, précitée, concernait des arguments portant sur la préclusion fondée sur la cause d’action et non sur la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. La décision Abu Ganem, précitée, portait sur la décision de la SPR et non sur la conduite du ministre qui était partie tant devant la SI que devant la SPR dans cette affaire.

[59]           Le demandeur conteste également l’opinion suivant laquelle il faut démontrer que le ministre était de mauvaise foi pour faire la preuve d’un abus de procédure. Hormis l’arrêt Blencoe, précité, la jurisprudence invoquée par le défendeur concerne l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la poursuite, qui ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire que dans certaines circonstances précises. L’arrêt Blencoe établit que, dans le contexte du droit administratif, on peut conclure à l’abus de procédure pour d’autres raisons que la mauvaise foi d’une partie, notamment lorsqu’un déni de justice naturelle ou un préjudice évident pourrait se produire.

[60]           Le demandeur affirme que la présente situation ressemble beaucoup à celle dont il était question dans la décision Thambiturai, précitée.

Conclusions déraisonnables

[61]           Le demandeur ne conteste pas les principes de droit énoncés par le défendeur, mais n’est pas d’accord avec lui pour dire qu’ils ont été correctement appliqués en l’espèce. En particulier, bien que la Commission ait le droit, dans des circonstances appropriées, de fonder ses conclusions sur un acte d’accusation déposé à l’étranger, le demandeur a également le droit de réfuter les allégations portées contre lui. Il faut tenir dûment compte de tout moyen de défense opposé aux accusations (Ramirez, précité, au paragraphe 311).

[62]           La question de savoir si le demandeur a commis l’infraction de cambriolage à l’étranger ne se résume pas à une question de crédibilité. La Commission est tenue par la loi de conclure que la personne en question a commis une infraction, et ce, même si la norme de preuve est peu exigeante. Il s’ensuit qu’à défaut de condamnation à l’étranger, la Commission doit procéder à tout le moins à une certaine analyse du cadre légal étranger et expliquer comment le droit étranger s’applique aux faits avant de pouvoir conclure que les accusations portées à l’étranger sont exactes et que l’infraction reprochée a effectivement été commise.

[63]           Dans le cas qui nous occupe, la Commission n’a pas reconnu que, pour établir l’infraction de cambriolage en droit, il fallait que l’intention de commettre l’infraction existe au moment de l’introduction. Il semble que la Commission ait conclu que le demandeur avait l’intention requise de commettre le cambriolage simplement parce qu’il avait par la suite formé l’intention de commettre un vol, et que la Commission ait par conséquent conclu que le demandeur n’était pas crédible lorsqu’il niait avoir eu l’intention de commettre l’infraction au moment où il s’était introduit dans la maison.

[64]           Contrairement à l’affirmation du défendeur suivant laquelle le rapport de police contredisait le témoignage du demandeur, celui‑ci soutient que les documents de la police et les documents judiciaires ne contredisent nullement son témoignage. Il ne nie pas que les accusations existent, mais a expliqué qu’il avait un moyen de défense valable à faire valoir. La simple existence des accusations ne mine pas sa crédibilité, et il était déraisonnable de la part de la Commission de conclure qu’elle n’avait d’autre choix que d’ajouter foi aux documents américains ou à ceux du demandeur.

[65]           Le demandeur affirme que, même si l’on réussissait à démontrer l’existence du pire scénario possible dans le cas qui nous occupe, l’infraction ne pourrait être considérée comme « grave » au sens de l’alinéa Fb) de l’article premier. La Convention relative aux réfugiés est un instrument relatif aux droits de la personne et les articles portant exclusion doivent être interprétés de façon restrictive. L’objet des alinéas Fa) et Fc) de l’article premier est d’« exclure les personnes responsables de violations graves, soutenues ou systémiques des droits fondamentaux de la personne qui constituent une persécution » (Pushpanathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 RCS 982 aux paragraphes 63 et 64; Ezokola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40). Il s’ensuit que seuls les auteurs des crimes les plus graves du droit commun qui sont responsables de violations graves des droits fondamentaux d’autrui doivent être punis par l’exclusion de la protection des réfugiés en application de l’alinéa Fb) de l’article premier. Or, le demandeur affirme que tel n’est pas le cas en l’espèce.

Incidence de l’affaire Febles

[66]           Le demandeur signale que la Cour suprême a entendu les arguments des parties dans l’affaire Febles c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), dossier no 35215 de la CSC [Febles], le 25 mars 2014. La portée et l’interprétation qu’il convient de donner à l’alinéa Fb) de l’article premier sont en litige dans cette affaire et le demandeur affirme que l’arrêt Febles changera probablement l’état du droit dans ce domaine. Il demande à la Cour de tenir compte de certaines propositions avancées par l’appelant et par les intervenants dans l’affaire Febles en les tenant pour des principes de droit exacts, et de notamment tenir ce qui suit pour acquis :

  • L’alinéa Fb) de l’article premier ne devrait s’appliquer que pour exclure les auteurs de crimes graves de droit commun comme les crimes punissables de la peine de mort et les crimes contre « l’intégrité physique, la vie et la liberté ».
  • La norme de preuve des « raisons sérieuses de penser » est moins exigeante que la norme criminelle de la preuve « hors de tout raisonnable », mais plus exigeante que la norme de la prépondérance des probabilités requise en matière civile.
  • Il est excessif et contraire aux principes d’interprétation des traités de présumer que les crimes punissables par une peine maximale d’au moins 10 ans, où les contrevenants peuvent être poursuivis par voie de mise en accusation, sont des crimes « graves ». Les crimes graves sont plutôt ceux qui se traduisent concrètement par une peine d’incarcération de plusieurs années. La Commission devrait examiner les faits de l’affaire plutôt que des maximums théoriques.
  • Les dispositions d’exclusion de la Convention relative aux réfugiés devraient être interprétées de façon restrictive et ne s’appliquer que lorsque l’intégrité de l’objet de la Convention est remise en question par l’inclusion. L’inclusion et l’exclusion devraient être toutes les deux considérées et la gravité des actes commis par le demandeur d’asile devrait être mise en balance avec les conséquences de son exclusion.
  • Même les demandeurs d’asile qui ont commis des crimes graves de droit commun dans le passé ne devraient pas être exclus si leur inclusion ne risque pas de compromettre la réalisation des objectifs de la Convention relative aux réfugiés.

ANALYSE

[67]           On trouve une des conclusions clés au paragraphe 28 de la décision de la Commission :

Par conséquent, j’estime que le demandeur d’asile s’est introduit par effraction dans la maison de sa voisine dans l’intention de voler tout objet de valeur susceptible de s’y trouver, et qu’il a effectivement volé divers articles dont la valeur est estimée à quelque 5 000 $ US.

[68]           On a du mal à trouver le fondement probatoire de cette conclusion dans la décision ou dans le dossier.

[69]           Je trouve par contre raisonnables les conclusions tirées par la Commission au sujet des contradictions relevées entre l’exposé circonstancié du FPR du demandeur et son témoignage :

J’ai minutieusement examiné les éléments de preuve et j’accorde une préférence marquée à ceux présentés par le ministre par rapport à ceux présentés par le demandeur d’asile pour les motifs qui suivent. Le demandeur d’asile a négligé d’indiquer dans l’exposé circonstancié de son FRP qu’il était entré dans la maison. Il ne me paraît pas crédible que, au moment de remplir son FRP, le demandeur d’asile eût oublié qu’il était entré dans la maison, alors qu’il se souvenait d’avoir pris une clé dans le contact d’un vieux véhicule. S’il n’existait aucun élément de preuve contraire, toute personne raisonnable appelée à lire cet exposé circonstancié du FRP conclurait que le seul geste posé par le demandeur d’asile consiste à avoir pris une clé dans le contact d’un vieux véhicule. Or, il est plus probable que le demandeur d’asile cherchait à cacher au lecteur qu’il était entré dans la maison. Le présent tribunal n’a pas la responsabilité d’évaluer pourquoi le demandeur d’asile a avoué qu’il était entré dans la maison à l’audience de la Section de l’immigration. Cependant, je ne dispose pas de suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour conclure que cet aveu a été fait parce que le demandeur d’asile s’était soudainement souvenu de ce fait.

[70]           Ces propos ne justifient cependant pas la conclusion de la Commission suivant laquelle le demandeur s’était introduit dans la maison « dans l’intention de voler tout objet de valeur ». Il est acquis aux débats qu’il s’est introduit par effraction dans la maison, mais la Commission devait quand même justifier par la preuve l’intention qu’avait le demandeur au moment de son introduction dans la maison. Voici le raisonnement suivi par la Commission pour tenter de faire cette démonstration :

Le rapport de police renferme des détails très précis concernant ce qui s’est produit. Dans un pays démocratique comme les États‑Unis, les policiers ont pour tâche d’enquêter de façon impartiale sur les incidents, et je n’ai aucune raison de croire que les choses se sont passées autrement dans l’affaire dont je suis saisi.

Je ne dispose pas de suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour conclure que le service de police a inventé des éléments de preuve ou qu’il n’a pas dûment documenté l’incident mettant en cause le demandeur d’asile. Les accusations portées par le procureur d’État viennent corroborer le rapport de police. Les États-Unis accordent énormément d’importance à la démocratie, et j’estime que des accusations criminelles ne seraient pas portées en l’absence d’éléments de preuve à l’appui. Le demandeur d’asile a affirmé qu’il était uniquement coupable d’avoir pris une clé qui se trouvait dans le contact d’un vieux véhicule ainsi que deux chiens de faïence qui se trouvaient dans la maison. Si ces affirmations étaient vraies, il n’aurait pas été accusé de vol au troisième degré (de 300 $ à 5 000 $). La valeur d’une clé et de deux chiens de faïence serait nettement inférieure à 300 $.

J’estime que les éléments de preuve du demandeur d’asile ne sont pas crédibles et, pour ce motif, j’y accorde peu de poids, alors que j’accorde beaucoup plus de poids aux éléments de preuve contenus dans le rapport de police ainsi que dans la déclaration de l’agent Clarke concernant ce que M. Knowles avait à dire au sujet du cambriolage de la maison de sa tante. Il me paraît invraisemblable que le demandeur d’asile fasse l’objet des accusations portées contre lui si sa déclaration était vraie.

[71]           Si j’ai bien compris ces extraits, le raisonnement suivi par la Commission pour conclure à « l’intention de voler tout objet de valeur » réside dans le fait que le rapport de police « renferme des détails très précis » à ce sujet et que ce témoignage est corroboré par le procureur de l’État qui a déposé les accusations. Il est important de se rappeler que le demandeur n’a jamais subi de procès et qu’il a été expulsé des États‑Unis, de sorte que l’on ignore quels éléments de preuve il aurait présentés pour répondre aux accusations et, notamment, quel aurait été son témoignage au sujet de la question de l’intention.

[72]           Le rapport de police, qui figure à la page 185 du dossier certifié du tribunal, explique, dans les passages qui nous intéressent, que le demandeur :

a)      s’est introduit par effraction dans un lieu d’habitation inoccupé;

b)      qu’il en est ressorti avec des biens estimés à environ 500 $;

c)      qu’il a emporté les biens en question chez lui;

d)     qu’il a par la suite exprimé des remords au sujet de ce qu’il avait fait et qu’il a [traduction] « admis qu’il s’était introduit dans la maison de la plaignante sans permission et y avait pris des biens qu’il avait emmenés chez lui ».

[73]           Aucun de ces éléments ne permet de conclure que le demandeur s’est introduit dans la maison « dans l’intention de voler tout objet de valeur susceptible de s’y trouver ». Le demandeur a lui-même témoigné au sujet de l’intention qui l’animait au moment où il est entré dans la maison et, bien que j’accepte les conclusions formulées par la Commission au paragraphe 24, suivant lesquelles « il est davantage probable que le demandeur d’asile cherchait à cacher au lecteur qu’il était entré dans la maison », la question cruciale de l’« intention » qu’il avait au moment d’entrer dans la maison n’est pas pour autant résolue.

[74]           Le fait que le procureur de l’État a déposé des accusations ne corrobore pas grand-chose. Il était de toute évidence possible que le demandeur ait eu l’intention requise au moment d’entrer dans la maison, mais cette intention devait être prouvée au procès et nous ignorons tout simplement si cette preuve aurait été possible ou comment la Cour aurait reçu la version des faits du demandeur et ses déclarations au sujet de son intention, s’il avait choisi de témoigner pour sa propre défense.

[75]           Le rapport de police et le dépôt d’accusations par le procureur de l’État ne réfutent pas les explications données par le demandeur au sujet de l’« intention » qu’il avait en entrant dans la maison, parce qu’ils ne fournissent aucun élément de preuve au sujet de cette intention.

[76]           Le rapport de police ne permet pas non plus de savoir avec certitude la valeur des biens que le demandeur a pris : « 500 C$ » ne correspond pas nécessairement à 5 000 $ » et la Commission n’explique pas les raisons pour lesquelles elle a décidé qu’il s’agissait de 5 000 $, si ce n’est qu’elle parle d’une accusation de « vol aggravé au troisième degré (300 $ à 5 000 $) ». Il s’ensuit que la valeur des biens volés se situait dans cette fourchette et non qu’ils valaient 5 000 $. La Commission laisse de toute évidence entendre que le demandeur a dû prendre plus que « deux chiens de faïence » s’il a été accusé de cette infraction. Elle nous apprend toutefois que le demandeur « a effectivement volé divers objets d’une valeur d’environ 5 000 $ US ». Il est tout simplement impossible de savoir à quoi la Commission fait allusion ici ou comment elle est arrivée au chiffre de 5 000 $, à moins qu’elle ne cite les chiffres contenus dans le rapport de police, ce qui est loin d’être clair. Le raisonnement suivi par la Commission à ce sujet tourne en rond. La Commission conclut que le chiffre est « 5 000 » parce que « le demandeur n’aurait pas été accusé d’une infraction dans la fourchette de 300 $ à 5 000 $ ».

[77]           Beaucoup de questions de crédibilité se posent dans l’instance introduite devant la Commission, à qui l’on ne peut reprocher d’avoir eu des doutes au sujet des omissions faites par le demandeur dans son FRP. La Commission devait quand même décider s’il y avait des motifs raisonnables de conclure à l’existence de l’« intention » requise ou à une introduction par effraction pour cambriolage au sens des lois de l’État de la Floride. Or, la Commission a failli à la tâche et n’a pas agi d’une façon que l’on pourrait qualifier de raisonnable.

[78]           La Commission s’est également laissé influencer par la déclaration de l’agent de l’ASFC, Adam Clarke, et par les rapports que ce dernier avait eus avec Robert Earl Knowles :

Le ministre a en outre présenté une déclaration de l’agent Adam Clarke, de l’Agence des services frontaliers du Canada. L’agent Clarke a communiqué avec un dénommé Robert Earl Knowles Sr., qui l’a informé que la maison qui avait été cambriolée appartenait à sa tante, qui est morte. Les policiers ont alerté M. Knowles le jour même du cambriolage. Les policiers lui ont dit que des locataires de la maison voisine s’étaient introduits dans la maison par une fenêtre arrière et qu’ils avaient volé de nombreux biens. M. Knowles a observé l’étendue des dommages, et voilà à quoi se résume sa participation au dossier. Il a été informé par la police que les coupables avaient été renvoyés des États‑Unis.

M. Knowles a indiqué que plus de 200 chiens de faïence, un aspirateur, des vases et nombre d’autres objets dont il ne se souvient pas précisément figuraient parmi les articles volés.

Bien que la déclaration de l’agent Clarke ne contienne aucun détail concernant l’état de la maison, il est indiqué dans les accusations portées par le procureur de l’État que la propriété appartenait à Robert Knowles ou à la succession d’Emily Hazel. J’en conclus que la propriétaire de la maison était Emily Hazel, que celle-ci est morte et que Robert Knowles agissait à titre d’exécuteur testamentaire.

[79]           On ne sait pas avec certitude ce sur quoi portent ces éléments de preuve. La Commission ne précise pas si elle pense que le demandeur s’est introduit dans la maison par une fenêtre arrière pour ensuite dérober une grande quantité de biens ou si elle pense que le demandeur a volé « plus de 200 chiens de faïence ». Ces observations portent peut-être simplement sur la propriété de la maison. Il convient toutefois de souligner qu’il existe d’importantes différences entre, d’une part, le rapport de police sur lequel la Commission a fortement tablé pour expliquer ce qui s’était produit et, d’autre part, les éléments de preuve concernant ces mêmes événements que l’agent de l’ASFC avait relayés après avoir conversé avec M. Knowles. La Commission devait clarifier ses conclusions et préciser les éléments de preuve qu’elle retenait pour conclure à l’existence des raisons sérieuses.

[80]           Le demandeur a soulevé de nombreuses questions et je ne considère pas qu’il s’agisse dans tous les cas d’erreurs donnant ouverture à un contrôle judiciaire. Toutefois, la principale réserve qu’a la Cour en l’espèce est le défaut de la Commission, dans le cadre de son analyse des « raisons sérieuses de penser », de fournir un fondement probatoire pour justifier sa conclusion cruciale, au paragraphe 28, suivant laquelle, lorsqu’il s’est introduit par effraction dans la maison de sa voisine, le demandeur avait l’intention « de voler tout objet de valeur susceptible de s’y trouver, et qu’il a effectivement volé divers articles dont la valeur est estimée à quelque 5 000 $ US ». Il ne suffit pas de dire que le demandeur a été inculpé, d’autant plus que le rapport de police ne renferme aucun élément de preuve portant sur son intention qui permettrait de conclure à un cambriolage plutôt que, par exemple, à une intrusion. Pour ce seul motif, la présente affaire devrait être renvoyée à la Commission pour réexamen.

[81]           L’avocat du demandeur a proposé les questions suivantes aux fins de certification :

[traduction] L’arrêt Ezokola c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40, [2013] 2 R.C.S. 678, de la Cour suprême du Canada a‑t‑il supplanté la jurisprudence antérieure et établi qu’aux termes de l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c 27 et de l’article 1F de la Convention relative au statut des réfugiés, 189 R.T.N.U. 150, entrée en vigueur le 22 avril 1954, la norme de preuve permettant de conclure qu’il existe des « raisons sérieuses de penser » qu’un demandeur d’asile a commis les actes prévus à l’article 1F ou en a été reconnu coupable n’équivaut ni à la norme de preuve criminelle ni à la norme de preuve civile, mais est plus exigeante que la norme de preuve des « motifs raisonnables de croire » et suppose qu’avant d’exclure un demandeur d’asile de la protection, le tribunal doit être convaincu à tout le moins selon la prépondérance des probabilités que le demandeur d’asile a commis les actes en question ou en a été déclaré coupable?

[82]           J’estime que, compte tenu du résultat et de mes motifs, il n’est pas important de répondre à ces questions pour rendre ma décision.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.      La demande est accueillie. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée pour réexamen par un tribunal différemment constitué;

2.      Il n’y a aucune question à certifier.

« James Russell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-8243-13

 

INTITULÉ :

PAUL EDGARDO GALINDO VASQUEZ c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 JUILLET 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 AOÛT 2014

 

COMPARUTIONS :

Maria Sokolova

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Edward Burnet

PoUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Maria Sokolova

Avocate

Vancouver (Colombie-Britannique

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

PoUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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