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Date : 20140801


Dossier : IMM-7399-13

Référence : 2014 CF 757

TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er août 2014

En présence de          monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

RISHIKESAN MAHENDRALINGAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               M. Rishikesan Mahendralingam, un citoyen du Sri Lanka, a demandé l’asile au Canada en raison de sa crainte de l’armée sri-lankaise et des organisations paramilitaires, en l’occurrence, le Parti démocratique populaire de l’Eelam [le PDPE] et le groupe Karuna. En 2011, il s’est enfui au Guatemala, puis aux États-Unis où il a obtenu l’asile, et par la suite au Canada.

[2]               M. Mahendralingam a présenté une demande d’asile. Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que M. Mahendralingam subirait probablement de la persécution s’il retournait au Sri Lanka. Cependant, la Commission a rejeté la demande de M. Mahendralingam au motif que la preuve qu’il a produite n’était pas crédible à certains égards.

[3]               M. Mahendralingam fait valoir que la Commission l’a traité injustement en ne lui laissant aucune possibilité d’expliquer une contradiction apparente entre son exposé circonstancié et une lettre fournie par son cousin. En outre, M. Mahendralingam affirme que la décision de la Commission était déraisonnable étant donné que celle-ci n’a pas tenu compte comme il se doit d’une lettre déposée en appui par son cousin, et qu’elle a par ailleurs tiré des conclusions défavorables touchant sa crédibilité. Il me demande d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner qu’un tribunal différemment constitué examine de nouveau sa demande d’asile.

[4]               Je suis d’accord avec M. Mahendralingam pour dire que la décision de la Commission était déraisonnable et que, par conséquent, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. À mon avis, la Commission a écarté, de façon déraisonnable, la preuve documentaire fournie à l’appui de la demande de M. Mahendralingam.

[5]               Les questions en litige sont les suivantes :

1.      La Commission a-t-elle traité injustement M. Mahendralingam?

2.      La décision de la Commission était-elle déraisonnable?

 

II.                La décision de la Commission

[6]               La Commission a accepté le témoignage de M. Mahendralingam selon lequel il a été détenu et battu par l’armée sri-lankaise en 2008 et 2009. La Commission a également conclu que M. Mahendralingam a été enlevé par le PDPE à trois reprises en 2009, et par le groupe Karuna en 2011. Il a été libéré en échange de pots-de-vin payés par son père et sa sœur.

[7]               La Commission a conclu que M. Mahendralingam subirait probablement de la persécution s’il retournait au Sri Lanka et qu’il ne bénéficierait pas de la protection de l’État. Cependant, selon la Commission, M. Mahendralingam n’a pas su expliquer adéquatement les raisons pour lesquelles il n’avait pas de passeport, a continué de fréquenter le collège au Sri Lanka même s’il risquait d’être enlevé de nouveau, a omis de mentionner que ses frères avaient également été maltraités, a omis de mentionner les menaces de mort qu’il disait avoir reçues et pourquoi il a quitté les États-Unis après avoir obtenu l’asile.

[8]               En outre, la Commission a conclu qu’une lettre, dans laquelle la sœur de M. Mahendralingam explique les circonstances dans lesquelles elle a payé la rançon en 2009, était imprécise quant à savoir pour qui elle avait réellement versé la rançon – M. Mahendralingam ou leur père. De surcroît, la Commission a conclu qu’une lettre corroborante du cousin de M. Mahendralingam n’était pas probante parce qu’elle n’avait pas été envoyée à partir d’une adresse différente de celle figurant dans l’exposé circonstancié de M. Mahendralingam.

[9]               En somme, la Commission a conclu que M. Mahendralingam n’a pas présenté une preuve crédible pour étayer qu’il subirait de la persécution au Sri Lanka.

A.                Première question en litige – La Commission a-t-elle traité injustement M. Mahendralingam?

[10]           M. Mahendralingam fait valoir que la Commission aurait dû lui laisser la possibilité de répondre à ses réserves concernant l’adresse du cousin. La lettre fournie par le cousin, corroborant l’allégation de M. Mahendralingam, selon laquelle il aurait été enlevé et séquestré contre rançon, contenait une adresse différente de celle indiquée par M. Mahendralingam dans son exposé circonstancié.

[11]           L’adresse n’était pas du tout pertinente, mais les circonstances entourant l’enlèvement de M. Mahendralingam l’étaient. Il n’y avait aucun fondement raisonnable pour écarter le contenu de la lettre en raison de l’adresse à partir de laquelle elle avait été envoyée.

[12]           Cependant, cette question ne me semble pas porter sur l’équité, mais plutôt sur le caractère raisonnable de la décision dans son ensemble.

B.                 Deuxième question en litige - La décision de la Commission était-elle déraisonnable?

[13]           Le ministre fait valoir que la Commission a raisonnablement écarté la preuve dans laquelle M. Mahendralingam a omis de mentionner la détention de ses frères, ou les menaces de mort qu’il a reçues. En outre, le ministre soutient que la Commission a eu raison de rejeter la lettre corroborante fournie par la sœur de M. Mahendralingam étant donné qu’elle n’a aucune connaissance directe de la situation au Sri Lanka et qu’il n’est pas clair dans sa lettre si elle a payé la rançon pour l’enlèvement de M. Mahendralingam ou de leur père.

[14]           Je suis en désaccord.

[15]           L’exposé circonstancié de M. Mahendralingam visait essentiellement à décrire les faits qui le concernaient, et non ceux qui concernaient d’autres membres de sa famille, qui étaient menacés par différents agents de persécution. Par conséquent, son omission de fournir des détails concernant l’expérience vécue par ses frères n’était pas une omission grave justifiant une conclusion défavorable quant à la crédibilité. En outre, il aurait évidemment été préférable que M. Mahendralingam mentionne spécifiquement les menaces de mort proférées contre lui, mais l’existence de menaces sérieuses pouvait raisonnablement être inférée à partir de sa preuve au sujet des enlèvements et du paiement des rançons. Selon toute vraisemblance, il n’y aurait eu aucun motif de payer les rançons si M. Mahendralingam n’avait pas été en danger.

[16]           Concernant la lettre de sa sœur, il serait possible d’y trouver une ambiguïté si on voulait y enlever de l’importance. Cependant, après une lecture honnête de la lettre, dans son ensemble, et vu l’objet pour lequel elle a été rédigée, il est clair que l’auteure parlait de paiements de rançon en faveur de M. Mahendralingam, et non de son père. À mon avis, la Commission a déraisonnablement écarté la valeur probante de la lettre.

[17]           Enfin, je statue que la conclusion de la Commission était incompatible avec la conclusion principale selon laquelle M. Mahendralingam risquait d’être enlevé et battu au Sri Lanka et ne pourrait obtenir la protection de l’État. Cette conclusion principale n’aurait pas dû être touchée par les divers petits problèmes relevés par la Commission dans la preuve corroborante. Aucun d’eux pris séparément ou ensemble n’étaient assez graves pour affaiblir la demande d’asile de M. Mahendralingam.

III.             Conclusion et dispositif

[18]           Je conclus que la manière dont la Commission a examiné la preuve concernant la demande d’ERAR de M. Mahendralingam était déraisonnable. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner qu’un tribunal différemment constitué examine de nouveau sa demande d’asile. Aucune des parties ne m'a proposé une question de portée générale à certifier et aucune ne sera énoncée.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen. Aucune question de portée générale n’est énoncée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7399-13

 

INTITULÉ :

RISHIKESAN MAHENDRALINGAM c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 MAI 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O'REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 30 JUILLET 2014

 

COMPARUTIONS :

Gabriel Chand

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Alison Brown

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chand & Company Law Corporation

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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