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Date : 20140711


Dossier : T-788-13

Référence : 2014 CF 688

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 11 juillet 2014

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

L’ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA ET L’INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée à l’encontre d’une décision d’un arbitre de grief (l’arbitre), nommé en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, LC 2003, c 22, article 2 (la LRTFP), relativement à des griefs de principe qu’ont déposés l’Alliance de la fonction publique du Canada (l’AFPC) et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’IPFPC).

Le contexte

[2]               L’IPFPC et l’AFPC, à titre d’agents négociateurs pour leurs unités de négociation respectives, ont présenté chacun un grief de principe en vertu de l’article 220 de la LRTFP. Ces griefs étaient liés à la manière dont le Conseil du Trésor appliquait l’Appendice sur le réaménagement des effectifs, qui constitue un volet des conventions collectives conclues entre l’AFPC et le Conseil du Trésor, ainsi que l’Entente sur le réaménagement des effectifs, laquelle est intégrée à toutes les conventions collectives conclues entre l’IPFPC et le Conseil du Trésor. Les griefs ont été regroupés, parce qu’ils soulevaient des questions semblables et que les dispositions applicables de l’Appendice sur le réaménagement des effectifs et de l’Entente sur le réaménagement des effectifs (collectivement, l’ARE/ERE) étaient identiques.

[3]               Les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’article 221 de la LRTFP. Aucun témoin n’a été appelé, et les griefs ont été instruits sur le fondement d’observations orales et écrites. L’arbitre avait à trancher quatre questions, et la demande de contrôle judiciaire porte sur la première d’entre elles.

La décision faisant l’objet du présent contrôle

[4]               La décision, datée du 9 avril 2013 (la décision), énonce la première question en ces termes :

[traduction]

1.                L’employeur [le Conseil du Trésor] est-il tenu aux termes de l’ARE/ERE [collectivement, l’Appendice sur le réaménagement des effectifs et l’Entente sur le réaménagement des effectifs] d’établir un système d’échange de postes ou d’établir des systèmes et des processus en vue de faciliter les possibilités d’échange de postes?

[5]               L’arbitre a également reproduit les dispositions applicables de l’Appendice sur le réaménagement des effectifs, qui sont représentatives de celles de l’ARE/ERE, de même que les positions des parties.

[6]               À cet égard, l’arbitre a décrété que l’AFPC et l’IPFPC avaient exprimé l’avis que les sections 1.1.5, 1.1.30 et 6.2.1 de l’ARE/ERE obligeaient le Conseil du Trésor, à titre d’employeur, à établir un système d’échange de postes ainsi que des systèmes et des processus en vue de faciliter les possibilités d’échange de postes. La section 1.1.5 devrait être interprétée comme englobant les échanges de postes, et la section 1.1.30 une obligation de faciliter les échanges de postes. La section 6.2.1 exigeait que tous les ministères ou organisations participent au processus d’échange de postes. L’objectif principal de l’ARE/ERE était de garantir aux employés touchés un emploi continu au sein de la fonction publique fédérale.

[7]               L’arbitre a déclaré que le Conseil du Trésor était d’avis que l’ARE/ERE ne créait pas – et que le Conseil du Trésor n’était pas obligé d’établir – un processus d’échange de postes. L’ARE/ERE précisait, en détail, les obligations des différents intervenants, et la quasi-totalité de ces obligations étaient imposées aux employés ou aux ministères. L’employeur n’avait aucun rôle à jouer dans le processus d’échange de postes. Il n’était pas légitime de se fonder sur les obligations générales de l’ARE/ERE en vue de créer pour l’employeur une obligation quelconque à cet égard. Quant à la section 1.1.5, elle exigeait simplement que les ministères « […] établissent des systèmes facilitant la réaffectation ou le recyclage de leurs employés touchés et excédentaires et de leurs personnes mises en disponibilité » et qu’il n’était pas légitime de considérer qu’une « réaffectation » était l’équivalent d’un échange de postes.

[8]               L’arbitre a considéré que la question qui lui était soumise consistait, en partie, à savoir si l’ARE/ERE exigeait que le Conseil du Trésor (ou les ministères) établisse un système d’échange de postes ou établisse des systèmes et des processus en vue de faciliter les possibilités d’échange de postes. Il n’a pas souscrit aux observations de l’AFPC et de l’IPFPC selon lesquelles les sections 1.1.30 ou 6.2.1 étayaient leur position. Cependant, pour ce qui était de la section 1.1.5, il a conclu :

24.       Cependant, selon la clause 1.1.5, l’établissement de systèmes « […] facilitant la réaffectation ou le recyclage [des…] employé-e-s touchés et excédentaires et [des…] personnes mises en disponibilité » est exigé. Le terme [traduction] « réaffectation » n’est utilisé dans aucune loi pertinente et il ne s’agit pas d’un terme technique (bien que le terme [traduction] « mutation » soit défini dans le paragraphe 2(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13). Le sens ordinaire du terme [traduction] « réaffectation » dans le dictionnaire, à mon avis, est le fait [traduction] « d’affecter (les troupes militaires, les employés ou les ressources) à un nouveau lieu ou à une nouvelle tâche » (voir www.oxforddictionaries.com). La question sur laquelle je dois me pencher est de savoir si le terme [traduction] « réaffectation » était censé inclure les échanges de postes. Je souscris à l’argument de l’employeur selon lequel ce serait une erreur, en principe, de donner au terme [traduction] « réaffectation » le sens d’» échange de postes ». Toutefois, dans un échange de postes, plusieurs événements se produisent : l’employé optant et le remplaçant se retrouvent; le ministère procède à l’examen de l’échange de postes proposé; puis les deux employés échangent leurs postes, l’employé optant occupera alors le poste qui est à conserver, et le remplaçant occupera le poste devant être supprimé. À mon avis, le terme [traduction] « réaffectation », bien que n’étant pas un synonyme d’« échange de postes », permet de décrire une partie de la notion d’échange de postes, à savoir le processus dans lequel deux employés échangent leurs postes. Il convient de rappeler que l’objectif même de l’ARE/ERE est de régler la question des mises en disponibilité et des éventuelles mises en disponibilité dans une situation de réaménagement des effectifs, et qu’il s’agit du contexte dans lequel les parties utilisent le terme [traduction] « réaffectation ». Je souligne également que les systèmes que les ministères doivent établir sont ceux qui permettront de faciliter la réaffectation, entre autres, des [traduction] « employés touchés », expression comprenant les employés optants. Je suis donc convaincu que la clause 1.1.5 s’applique au processus d’échange de postes.

25.       L’obligation imposée à l’employeur dans la clause 1.1.5 est d’« […établir] des systèmes facilitant la réaffectation […] de [ses] employé-e-s touchés […] ». Étant donné le peu d’arguments que j’ai reçu relativement à la Question 1, je n’ai pas l’intention d’énoncer dans la présente décision provisoire les paramètres de cette obligation. Il me suffit de déclarer que l’obligation englobe le fait d’aider les employés optants à échanger leurs postes avec des remplaçants.

Les questions en litige

[9]               Selon moi, les questions en litiges sont les suivantes :

1.                  L’observation du demandeur est-elle un nouvel argument non invoqué plus tôt devant l’arbitre et, dans l’affirmative, faut-il l’examiner dans le cadre d’un contrôle judiciaire?

2.                  Quelle est la norme de contrôle applicable?

3.                  La décision de l’arbitre est-elle raisonnable?

Les dispositions de la convention collective

[10]           Il est utile d’énoncer les dispositions applicables de l’Entente sur le réaménagement des effectifs, qui sont identiques à celles de l’Appendice sur le réaménagement des effectifs :

Objectifs

Le Conseil du Trésor a pour politique d’optimiser les possibilités d’emploi pour les employés nommés pour une période indéterminée en situation de réaménagement des effectifs, en s’assurant que, dans toute la mesure du possible, on offre à ces employés d’autres possibilités d’emploi. On ne doit toutefois pas considérer que la présente directive assure le maintien dans un poste en particulier, mais plutôt le maintien d’emploi.

[…]

Définitions

Échange de postes (alternation) – Un échange a lieu lorsqu’un employé optant (non excédentaire) qui préférerait rester dans l’administration publique centrale échange son poste avec un employé non touché (le remplaçant) qui désire quitter l’administration publique centrale avec une mesure de soutien à la transition ou une indemnité d’étude.

[…]

Employé excédentaire (surplus employee) – Employé nommé pour une période indéterminée et que l’administrateur général dont il relève a officiellement déclaré excédentaire par écrit.

Employé optant (opting employee) – Employé nommé pour une période indéterminée dont les services ne seront plus requis en raison d’une situation de réaménagement des effectifs et qui n’a pas reçu de l’administrateur général de garantie d’une offre d’emploi raisonnable. L’employé a 120 jours pour envisager les options offertes à l’article 6.3 du présent appendice.

Employé touché (affected employee) – Employé nommé pour une période indéterminée qui a été avisé par écrit que ses services pourraient ne plus être requis en raison d’une situation de réaménagement des effectifs.

[…]

Indemnité d’études (education allowance) – Une des options offertes à un employé nommé pour une période indéterminée touché par une situation de réaménagement des effectifs normale et à qui l’administrateur général ne peut garantir une offre d’emploi raisonnable. L’indemnité d’étude est un montant forfaitaire équivalant à la mesure de soutien à la transition (voir l’appendice B), plus le remboursement des frais de scolarité d’un établissement d’enseignement reconnu et des frais de livres et d’équipement requis, jusqu’à un maximum de 10 000 $.

[…]

Réaménagement des effectifs (work force adjustment) – Situation qui se produit lorsqu’un administrateur général décide que les services d’un ou de plusieurs employés nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d’une certaine date en raison d’un manque de travail, de la suppression d’une fonction, de la réinstallation d’une unité de travail à un endroit où l’employé ne veut pas être réinstallé ou du recours à un autre mode d’exécution.

Partie I

Rôles et responsabilités

Ministères ou organisations

1.1.1 Étant donné que les employés nommés pour une période indéterminée qui sont touchés par un réaménagement des effectifs ne sont pas eux-mêmes responsables de cette situation, il incombe aux ministères ou aux organisations de veiller à ce qu’ils soient traités équitablement et à ce qu’on leur donne toutes les possibilités raisonnables de poursuivre leur carrière dans la fonction publique.

[…]

1.1.5 Les ministères ou les organisations établissent des systèmes facilitant la réaffectation ou le recyclage de leurs employés touchés et excédentaires et de leurs personnes mises en disponibilité.

[…]

Partie VI

Options offertes aux employés

6.1 Généralités

6.1.1 Normalement, les administrateurs généraux garantiront une offre d’emploi raisonnable à un employé touché qui sera déclaré excédentaire et pour lequel ils savent qu’il existe ou ils peuvent prévoir une disponibilité d’emploi. L’administrateur général qui ne peut offrir une telle garantie doit en préciser les raisons par écrit, si l’employé le demande. L’employé qui reçoit cette garantie ne se verra pas offrir le choix des options ci-dessous.

6.1.2 L’employé qui ne reçoit pas de garantie d’offre d’emploi raisonnable de l’administrateur général aura 120 jours pour envisager les trois options mentionnées plus bas avant de devoir prendre une décision.

6.1.3 L’employé optant doit présenter par écrit son choix de l’une des options énumérées à l’article 6.3 du présent appendice pendant la période de 120 jours de réflexion. Il ne peut changer d’option lorsqu’il a fait son choix par écrit.

6.1.4 Si l’employé n’a pas fait de choix à la fin de la période de réflexion de 120 jours, il sera réputé avoir choisi l’option a), priorité d’employé excédentaire d’une durée de douze mois pour trouver une offre d’emploi raisonnable.

[…]

6.2 Échange de postes

6.2.1 Tous les ministères ou les organisations participeront au processus d’échanges de postes.

6.2.2 Un échange a lieu lorsqu’un employé optant qui préférerait rester dans l’administration publique centrale échange son poste avec un employé non touché (le remplaçant) qui désire quitter l’administration publique centrale, conformément aux dispositions de la partie VI de la présente directive.

6.2.3 Seul l’employé optant, et non celui dont le poste a été déclaré excédentaire, peut être affecté à un poste non touché d’une durée indéterminée dans l’administration publique centrale.

[…]

6.3 Options

6.3.1 Seul l’employé optant qui ne reçoit pas une garantie d’offre d’emploi raisonnable de son administrateur général aura le choix entre les options suivantes :

a)

(i)         une priorité d’employé excédentaire d’une durée de douze mois pour trouver une offre d’emploi raisonnable. Si une offre d’emploi raisonnable n’est pas faite au cours de ces douze mois, l’employé sera mis en disponibilité conformément à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. L’employé qui exerce cette option ou qui est présumé l’exercer est excédentaire.

(ii)        À la demande de l’employé, cette période de priorité d’excédentaire de douze mois est prolongée de la période non utilisée de 120 jours décrite au paragraphe 6.1.2, une fois qu’il a choisi par écrit l’option a).

(iii)       Lorsqu’un employé excédentaire qui a choisi, ou est réputé avoir choisi, l’option a) propose de démissionner avant la fin de sa période de priorité d’excédentaire de douze mois, l’administrateur général peut autoriser le versement d’un montant forfaitaire égal à la rémunération du poste d’attache pendant le reste de la période de priorité d’excédentaire jusqu’à un maximum de six mois. Le montant forfaitaire de rémunération en remplacement de la période excédentaire ne peut pas dépasser le maximum que l’employé aurait touché s’il avait choisi l’option b), la MST.

(iv)       Les ministères ou les organisations feront tout effort raisonnable pour présenter un employé excédentaire au cours de sa période de priorité d’excédentaire dans son secteur préféré de mobilité.

ou

b)         une MST, à savoir un montant forfaitaire versé à l’employé optant. Le montant est calculé selon le nombre d’années de service au sein de la fonction publique (voir appendice C). L’employé qui choisit cette option doit démissionner mais il aura droit à une indemnité de départ au taux de mise en disponibilité.

ou

**

c)         une indemnité d’étude, qui correspond à la MST (voir option b) ci-dessus) plus un montant n’excédant pas 10 000 $ pour le remboursement des frais de scolarité d’un établissement d’enseignement et des frais de livres et d’équipement requis, appuyés par un reçu. L’employé qui retient cette option :

[….]

Les observations et l’analyse

Question no 1 – L’observation du demandeur est-elle un nouvel argument non invoqué plus tôt devant l’arbitre et, dans l’affirmative, faut-il l’examiner dans le cadre d’un contrôle judiciaire?

La position des défendeurs

[11]           Les défendeurs sont d’avis que l’unique question que soulève la demande de contrôle judiciaire aurait pu être soumise à l’arbitre, mais elle ne l’a pas été. La Cour n’a donc pas à exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à examiner maintenant cette nouvelle question (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teacher’s Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654 (Alberta Teachers), aux paragraphes 22 et 23; Kainth c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 100 (Kainth), au paragraphe 26; Bekker c Canada, 2004 CAF 186 (Bekker), au paragraphe 11; Toussaint c Canada (Commission des relations de travail), [1993] ACF no 616 (CA) (Toussaint), au paragraphe 5).

[12]           Les défendeurs font valoir que la question que soulève le demandeur est que l’expression « employés touchés » ne peut s’interpréter comme englobant les employés optants et que, de ce fait, ces derniers ne tombent pas sous le coup de la section 1.1.5 de l’ARE/ERE. Toutefois, aucun des arguments qu’invoque le demandeur à cet égard n’a été soumis à l’arbitre. De plus, dans les observations écrites qu’ils ont présentées dans le cadre de l’arbitrage, les défendeurs se fondaient manifestement sur la section 1.1.5 et ils ont fait valoir que la disposition devait être interprétée comme englobant les employés participant à un échange de postes. Vu que, par définition, l’échange de postes englobe les employés optants, cela aurait dû attirer l’attention du demandeur sur le fait de savoir si les employés touchés englobaient les employés optants et l’inciter à soumettre la question à l’arbitre. Par ailleurs, le demandeur a présenté, au sujet de l’applicabilité de la section 1.1.5, des arguments en réponse qui contestaient la pertinence de cette disposition au motif que la « réaffectation » n’englobait pas la notion d’échange de postes, mais pas sur le fondement selon lequel les « employés optants » n’étaient inclus dans aucun des groupes d’employés énumérés à la section 1.1.5.

La position du demandeur

[13]           Le demandeur n’a pas présenté d’observations écrites sur ce point. Cependant, lorsqu’il a comparu devant moi, il a fait valoir que la question de savoir si l’expression « employés touchés » englobait les employés optants découlait des motifs de l’arbitre et que cette question n’avait pas été abordée à l’audience. Dans ces circonstances, on ne peut pas s’attendre à ce que le demandeur émette des hypothèses sur ce que les motifs de l’arbitre pourraient inclure et soulever ces derniers en tant que questions en litige à l’audience. Ces circonstances se distinguent de celles dont il était question dans l’arrêt Bekker, précité, qui portait sur le fait d’invoquer pour la première fois un argument fondé sur la Charte et sans préavis au stade du contrôle judiciaire, dans la décision Kainth, précitée, qui concernait l’admissibilité de nouvelles preuves au stade du contrôle judiciaire ainsi que dans l’arrêt Toussaint, précité, qui avait trait au rejet d’une plainte d’un employé alléguant qu’un syndicat avait manqué à son devoir de juste représentation. Dans cette affaire, il était invoqué qu’une disposition applicable de la convention collective concernée était invalide, un argument qui n’avait pas été soulevé devant la Commission des relations de travail. On a jugé qu’on ne pouvait pas trancher une question qui n’avait pas été soulevée devant le tribunal administratif.

[14]           Le demandeur a aussi fait valoir que les observations écrites que l’AFPC avait présentées dans le cadre de l’arbitrage, même si elles traitaient de la section 1.1.5, ne portaient pas sur le fait de savoir si l’expression « employés touchés » englobait les employés optants. Par ailleurs, ses observations traitaient directement de celles des défendeurs, en ce sens que ces derniers affirmaient que la section 1.1.5 ne faisait aucunement mention des échanges de poste. Quoi qu’il en soit, l’interprétation de la section 1.1.5 n’est pas une nouvelle question litigieuse.

Analyse

[15]           La Cour a le pouvoir discrétionnaire de ne pas examiner une question pour la première fois dans le cadre d’un contrôle judiciaire s’il n’y a pas lieu de le faire. De façon générale, ce pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé en faveur du demandeur au stade du contrôle judiciaire si cette question aurait pu être soulevée devant le tribunal administratif, mais ne l’a pas été (Alberta Teachers, précité, aux paragraphes 22 et 23).

[16]           Dans l’arrêt Alberta Teachers, la Cour suprême du Canada a fait remarquer qu’il y avait un certain nombre de raisons qui justifiaient cette règle générale, dont le fait que le législateur avait confié le règlement de la question en litige au tribunal administratif. Par conséquent, les cours de justice devraient respecter le choix législatif de désigner le tribunal administratif comme décideur de première instance en donnant à ce dernier la possibilité d’examiner la question et d’en traiter en premier ainsi que de faire connaître son avis. Cela est particulièrement vrai lorsque la question soulevée pour la première fois dans le cadre d’un contrôle judiciaire est liée à la fonction spécialisée ou à l’expertise du tribunal administratif. Dans de telles circonstances, la Cour devrait prendre garde de ne pas perdre de vue la perte de l’avantage qu’offre la position du tribunal administratif, qui est inhérente au fait d’autoriser à soulever la question. De plus, le fait de soulever une question pour la première fois dans le cadre d’un contrôle judiciaire peut porter injustement préjudice à la partie adverse et priver la Cour du dossier de preuve qui est nécessaire pour examiner la question (Alberta Teachers, précité, aux paragraphes 24 et 26).

[17]           Cependant, dans Alberta Teachers, la Cour suprême du Canada a conclu en définitive que, dans cette affaire, la raison d’être de la règle était d’une application restreinte. Dans cette affaire, le commissaire avait exprimé sa position dans plusieurs autres décisions et avait donc eu le loisir de trancher la question en première instance, offrant ainsi l’avantage de son expertise. De plus, aucune preuve n’était requise pour examiner la question et aucun préjudice n’était allégué. Il s’agissait plutôt de la simple détermination d’une question de droit, dont le fondement pouvait être examiné au stade du contrôle judiciaire.

[18]           Dans la présente affaire, il ressort du dossier que, dans ses observations écrites à l’arbitre, l’AFPC s’est fondée sur la section 1.1.5 (ainsi que sur les sections 1.1.30 et 6.2.1) de l’ARE/ERE à l’appui de sa position selon laquelle le Conseil du Trésor était tenu d’établir un système d’échange de postes ou d’établir des systèmes et des processus en vue de faciliter les possibilités d’échange de postes. Pour ce qui est de la section 1.1.5, l’AFPC a fait valoir :

[traduction]

L’AFPC soutient que cette disposition doit s’interpréter comme englobant les employés participant à un échange de postes. Premièrement, bien que la section 1.1.5 soit une disposition qui se rapporte à toutes les situations de réaménagement des effectifs, rien dans l’ARE/ERE ne donne à penser qu’il faudrait limiter cette disposition de façon à ce qu’elle n’englobe pas les échanges de postes. L’AFPC soutient de plus qu’étant donné que le terme « réaffectation » n’est pas défini dans l’ARE/ERE ou la convention collective en général, c’est la définition du mot « mutation » que l’on trouve dans la Loi sur l’emploi dans la fonction publique […] qui doit éclairer l’interprétation de cette section. Dans la LEFP, une « mutation » s’entend du « [t]ransfert d’une personne d’un poste à un autre […] ». Cette définition générale inclut à l’évidence l’échange de postes, et il y a donc lieu de considérer que la section 1.1.5 englobe cette option.

[19]           Dans ses observations écrites à l’arbitre, le demandeur a fait valoir que, si les parties avaient voulu imposer au Conseil du Trésor l’obligation d’établir un système d’échange de postes ou d’établir des systèmes et des processus en vue de faciliter les possibilités d’échange de postes, elles l’auraient indiqué expressément et en détail. Cependant, l’ARE/ERE ne dit rien au sujet de ces obligations, et le fait de les inclure par voie de référence à des dispositions de nature générale reviendrait à s’éloigner sensiblement des intentions des parties. Pour ce qui est de la section 1.1.5, le demandeur a fait valoir que celle-ci n’a trait qu’aux systèmes visant à faciliter la réaffectation ou le recyclage et qu’elle ne fait pas mention d’un système d’échange de postes.

[20]           Dans la présente demande, le demandeur soutient que l’arbitre a fait un lien entre l’exigence énoncée à la section 1.1.5 et le processus d’échange de postes en englobant les « employés optants » dans les « employés touchés ». Cependant, un « employé optant » n’est ni un employé touché, ni un employé excédentaire ni un employé mis en disponibilité, trois termes qui sont définis dans des dispositions de l’ARE/ERE séparément de celle des employés optants. L’expression « employés touchés » ne peut s’interpréter comme englobant les employés optants, et, de ce fait, ceux-ci ne tombent pas sous le coup de la section 1.1.5.

[21]           En fin de compte, l’arbitre a conclu que le mot « réaffectation », dans le contexte de la section 1.1.5, décrivait une partie du processus d’échange de postes. Il a ensuite signalé que les systèmes que les ministères sont tenus d’établir sont ceux qui faciliteront une réaffectation, notamment, d’employés touchés – un terme qui, a-t-il dit, incluait les employés optants. Pour ces deux raisons, l’arbitre s’est dit convaincu que la section 1.1.5 s’appliquait au processus d’échange de postes.

[22]           À mon avis, il était loisible au demandeur de faire valoir devant l’arbitre, pour ce qui était de la section 1.1.5, que l’expression « employé touché » n’englobait pas un « employé optant ». Cependant, après avoir examiné le dossier, il semble qu’il ne s’agissait pas là du principal point qui préoccupait les parties à l’arbitrage, mais que cette question découlait plutôt des motifs de l’arbitre. De plus, étant donné que les parties ont toutes deux traité de la section 1.1.5 à l’arbitrage, le point que le demandeur soulève maintenant n’est pas tant une question nouvelle qu’une question qui est liée à l’objet principal de leurs observations, soit le fait de savoir si la section 1.1.5 englobe les échanges de postes ou non.

[23]           En outre, comme dans l’affaire Alberta Teachers, dans le cas présent les justifications de la règle interdisant d’autoriser à traiter d’une nouvelle question dans le cadre d’un contrôle judiciaire peuvent être d’une application restreinte. En l’espèce, la Cour a eu le bénéfice de la position de l’arbitre sur la question de l’interprétation de la section 1.1.5. Bien que ses motifs sur ce point soient restreints, l’approche contextuelle qu’il a suivie pour interpréter les dispositions de l’ARE/ERE suffit pour expliquer sa conclusion. De plus, il n’est pas allégué que le fait de permettre d’avancer l’argument porterait préjudice aux défendeurs. Et, enfin, il n’y a pas non plus de préoccupations au sujet de la présentation d’un autre dossier de preuve à l’appui de cet argument, étant donné qu’à l’arbitrage, aucun témoin n’a été appelé et que l’affaire a été soumise à l’arbitre sur le seul fondement d’observations écrites et orales.

[24]           En conséquence, la demande peut être instruite.

Question no 2 – Quelle est la norme de contrôle applicable?

Les observations du demandeur

[25]           Le demandeur soutient qu’il a été conclu que la norme de contrôle qui s’applique à une décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique et de son arbitre, relativement à l’interprétation et à l’application des dispositions d’une convention collective, est la raisonnabilité (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 (Dunsmuir), aux paragraphes 57 et 62; Procureur général du Canada c Bearss, 2010 CF 299 (Bearss), au paragraphe 23; Procureur général du Canada c Bucholtz et al, 2011 CF 1259 (Bucholtz), aux paragraphes 36 à 38).

[26]           La décision d’un arbitre est déraisonnable lorsque ce dernier fait fi du sens clair et ordinaire d’une disposition d’une convention collective (Canada (Procureur général) c Lamothe, 2009 CAF 2, au paragraphe 13; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2009 NLCA 60, aux paragraphes 20 et 22, autorisation de pourvoi à la CSC refusée dans [2009] CSCA no 544 (Newfoundland and Labrador Nurses)) ou interprète une convention collective d’une manière qui donne lieu à une absurdité (Saint John (City) c Saint John Firefighters’ Assn, 2011 NBCA 31, aux paragraphes 41 et 45).

Les observations des défendeurs

[27]           Les défendeurs conviennent que la norme de contrôle qui s’applique en l’espèce est la raisonnabilité (Bucholtz et Bearss, précitées). Dans Bearss, la Cour a conclu que, bien qu’il ait été raisonnablement loisible à l’arbitre de retenir l’interprétation de la convention collective que proposait l’employeur, la Cour n’avait aucune raison de modifier sa décision, car il lui était aussi raisonnablement loisible d’adopter son interprétation. Il suffit, pour une cour de justice, de conclure qu’une autre interprétation aurait été raisonnable, ou qu’elle serait arrivée à un résultat différent. La Cour ne pouvait infirmer la décision de l’arbitre que si celle-ci n’appartenait pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

Analyse

[28]           Il n’est pas nécessaire dans tous les cas de procéder à une analyse exhaustive en vue de déterminer la norme de contrôle qui s’applique. Les tribunaux doivent tout d’abord vérifier si la jurisprudence a déjà déterminé de manière satisfaisante le degré de déférence qu’il convient d’accorder à un décideur pour ce qui est d’une catégorie de question particulière (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339 (Khosa), au paragraphe 53; Dunsmuir, précité, aux paragraphes 57 et 62). Dans l’affirmative, on peut adopter cette norme de contrôle.

[29]           Je conviens avec les parties que la décision par laquelle l’arbitre interprète et applique les dispositions d’une convention collective est assujettie à la norme de la raisonnabilité (Bearss, précitée, Bucholtz, précitée; voir aussi Canada (Procureur général) c McManaman, 2013 CF 1064, au paragraphe 14).

[30]           Pour contrôler la décision en fonction de la norme de la raisonnabilité, la Cour ne doit intervenir que si l’arbitre est arrivé à une conclusion qui n’est pas transparente, justifiable et intelligible et qui n’appartient pas aux issues acceptables, compte tenu de la preuve qui lui a été présentée (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Khosa, précité, au paragraphe 59). Il n’appartient pas à une cour de révision de substituer l’issue qui serait à son avis préférable, pas plus qu’il ne lui appartient d’apprécier à nouveau la preuve.

Question no 3 – La décision de l’arbitre est-elle raisonnable?

Les observations du demandeur

[31]           Le demandeur soutient que la décision de l’arbitre est déraisonnable, parce qu’elle fait abstraction du sens clair et ordinaire de termes qui sont définis dans l’ARE/ERE et qu’elle interprète l’ARE/ERE d’une manière qui mène à une absurdité en étendant la portée de la section 1.1.5 d’une façon que les parties n’ont pas envisagée ou négociée.

[32]           L’élément essentiel des observations du demandeur est que les parties ont décidé de définir séparément les expressions « employé touché », « employé optant » et « employé excédentaire » dans l’ARE/ERE. L’expression « employé touché » n’englobe pas l’« employé optant ». Étant donné que ces expressions sont définies séparément et qu’elles s’excluent l’une l’autre, rien ne permettait à l’arbitre d’intégrer les « employés optants » dans les « employés touchés » au moment d’interpréter la section 1.1.5 et, de ce fait, d’étendre la portée de cette disposition.

[33]           Le demandeur soutient que chacune de ces expressions définies représente un stade particulier le long d’un continuum que doivent suivre les employés. Un employé commence par être un employé touché dont les services ne sont peut-être plus requis à cause d’ une situation de réaménagement des effectifs. Cette situation peut englober un vaste groupe d’employés qui, en fin de compte, ne se retrouvent peut-être pas dans une situation de réaffectation des effectifs proprement dite. Quand il est décidé que les services d’un employé ne sont plus requis, c’est employé n’est plus un « employé touché » et il devient un « employé optant » ou il reçoit une garantie d’une offre d’emploi raisonnable. À la fin de la période de réflexion de 120 jours, l’employé peut passer à un stade ultérieur du continuum et devenir excédentaire (section 6.3.1a)(i)). Cela illustre que les parties à l’ARE/ERE se sont entendues sur la question et ont décidé de définir ces termes séparément.

[34]           Il ne s’agit pas d’un point qui requiert l’application de l’expertise de l’arbitre, et il est évident que celui-ci s’est simplement trompé.

Les observations des défendeurs

[35]           Les défendeurs soutiennent que l’interprétation de l’arbitre, à savoir que l’expression « employés touchés » englobe les employés optants, est raisonnable. Cette interprétation concorde avec le contexte de l’ARE/ERE et son objectif sous‑jacent, et il était raisonnablement loisible à l’arbitre de la faire. Le demandeur n’a présenté aucun argument convaincant selon lequel un « employé touché » ne peut raisonnablement s’interpréter comme englobant un « employé optant », et son interprétation minerait l’objet tout entier de l’ARE/ERE.

[36]           Essentiellement, l’arbitre a conclu qu’une fois qu’un employé devient un employé optant, il demeure un employé touché et peut donc bénéficier en même temps du double statut d’employé touché et d’employé optant. L’arbitre a jugé que les employés optants étaient un sous‑groupe des employés touchés.

[37]           Les défendeurs soutiennent que le demandeur n’a pas présenté d’argument interprétatif à l’appui de son affirmation selon laquelle les employés touchés et les employés optants s’excluaient mutuellement. Le simple fait qu’il s’agisse d’expressions définies séparément ne veut pas forcément dire qu’elles s’excluent mutuellement. Il n’y a donc rien de déraisonnable en soi à la conclusion de l’arbitre selon laquelle les « employés optants » constituent un sous‑groupe défini des « employés touchés ».

[38]           L’interprétation de l’arbitre concorde avec d’autres dispositions de l’ARE/ERE, comme la définition de l’« indemnité d’études ». Comme cette indemnité est l’une des trois options dont disposent les employés optants, cela implique que, pour les besoins de l’ARE/ERE, les employés optants sont encore considérés comme des employés touchés. De plus, l’interprétation concorde également avec la section « Objectifs » de l’ARE/ERE. De ce fait, la prétention du demandeur selon laquelle chaque statut d’employé représente un stade distinct le long d’un continuum ne concorde pas avec le libellé de l’ARE/ERE.

[39]           L’interprétation que fait le demandeur mènerait à des résultats absurdes, comme l’indique la section 6.2.2 des dispositions de l’ARE/ERE en matière d’échange de postes. Cette disposition n’est logique que si l’expression « employé touché » englobe les « employés optants ». De plus, selon l’interprétation du demandeur, l’employeur est obligé d’établir des systèmes permettant de faciliter la réaffectation ou le recyclage des employés touchés, des employés excédentaires et des personnes mises en disponibilité, mais il n’est pas soumis à cette obligation dans le cas des employés optants. Cela est illogique et mine l’objet de l’optimisation des possibilités d’emploi qui sont offertes aux employés touchés par un réaménagement des effectifs. Cela fait également échec à l’objet exprimé à la section « Objectifs » de l’ARE/ERE.

[40]           La conclusion de l’arbitre selon laquelle les « employés touchés » englobent les « employés optants » est logique, elle concorde avec l’ARE/ERE dans son ensemble et avec l’objet qui la sous-tend, et elle appartient aux issues possibles et acceptables.

Analyse

[41]           L’ARE/ERE définit bel et bien séparément les expressions « employé touché », « employé optant » et « employé excédentaire », lesquelles sont toutes utilisées à la section 1.1.5. Le point commun entre les trois est qu’elles se rapportent à des employés nommés pour une période indéterminée.

[42]           Le demandeur soutient que ces expressions définies s’excluent mutuellement et qu’il existe un continuum qui empêche un employé touché d’être aussi un employé optant. Cependant, le continuum que décrit le demandeur n’apparaît pas explicitement dans l’ARE/ERE, pas plus que la sous‑catégorie qu’évoquent les défendeurs.

[43]           Cela dit, selon moi, les dispositions de l’ARE/ERE n’étayent pas tout à fait la position du demandeur. Par exemple, la section 6.1.1 oblige les administrateurs généraux à garantir une offre d’emploi raisonnable aux « employés touchés » pour lesquels ils savent ou peuvent prévoir qu’un emploi sera disponible. On y lit ensuite que les employés touchés qui ont reçu la garantie n’auraient pas accès au choix d’options énoncées plus loin (à la section 6.3.1). C’est donc dire que, bien que la définition d’un « employé touché » indique qu’il s’agit d’un employé nommé pour une période indéterminée qui a été avisé que ses services « pourraient » ne plus être requis en raison d’une situation de réaménagement des effectifs, tandis que l’« employé optant » est défini comme étant celui dont les services ne « seront » plus requis, la section 6.1.1 fait état des « employés touchés » en faisant référence à ceux qui ont reçu une garantie. Leurs services seront requis, mais ils demeurent des employés touchés. Cela implique que les employés touchés qui n’ont pas reçu la garantie auraient accès aux dispositions en matière d’options, mais qu’ils demeurent aussi des employés touchés.

[44]           Par ailleurs, la section 6.2.2 des dispositions de l’ARE/ERE en matière d’échange de postes indique qu’« [u]n échange a lieu lorsqu’un employé-e optant qui préférait rester dans l’administration publique centrale échange son poste avec un employé-e non-touché (le remplaçant) qui désire quitter l’administration publique centrale, conformément aux dispositions de la partie VI du présent appendice ». Si, comme le suggère le demandeur, un employé touché exclut un employé optant, il ne serait pas nécessaire dans ce cas de faire référence à un employé « non touché ». L’interprétation du demandeur signifierait qu’un employé optant pourrait faire un échange avec un autre employé optant, car il n’est pas un employé touché. La disposition, telle que libellée, ne reflète l’intention des parties et le processus d’échange de postes que si l’expression « employé touché » englobe les employés optants.

[45]           Dans le même ordre d’idées, l’ARE/ERE définit une « indemnité d’études » comme « […] une des options offertes à un employé-e nommé pour une période indéterminée touché par une situation de réaménagement des effectifs normale et à qui l’administrateur général ne peut garantir une offre d’emploi raisonnable […] ». Cette définition emploie l’expression « touché par », mais il s’agit pourtant d’une option offerte aux employés optants selon la section 6.3.1.

[46]           Je ferais également remarquer que, lorsque l’ARE/ERE envisage d’exclure un groupe d’employés par rapport à un autre, cela est dit explicitement. Par exemple, la définition de l’échange de postes indique clairement que cela survient « lorsqu’un employé-e optant (non excédentaire) qui préférerait rester dans l’administration publique centrale échange son poste avec un employé-e non touché […] ». La section 6.2.3 indique que « [s]eul l’employé-e optant, et non celui dont le poste a été déclaré excédentaire, peut être affecté à un poste non touché d’une durée indéterminée au sein de l’administration publique centrale ». Il n’existe aucune exclusion semblable entre les employés touchés et les employés optants.

[47]           Dans ses motifs, l’arbitre traite du fait de savoir si le mot « réaffectation », qui est employé à la section 1.1.5, pourrait englober les échanges de postes. En concluant qu’une réaffectation permettait de décrire une partie de la notion d’échange de postes, mais sans être synonyme de cette dernière, il a noté qu’il fallait rappeler que l’objectif même de l’ARE/ERE était de régler la question des mises en disponibilité et des éventuelles mises en disponibilité dans une situation de réaménagement des effectifs et que c’est dans ce contexte que les parties à l’ARE/ERE ont employé le mot « réaffectation ». De là, il a conclu que les systèmes que les ministères sont tenus d’établir étaient ceux qui faciliteraient la réaffectation, notamment, d’« employés touchés », une « expression comprenant les employés optants ». Il s’est donc dit convaincu que la section 1.1.5 s’appliquait au processus d’échange de postes. À mon avis, bien que la décision de l’arbitre ait porté sur la question de la réaffectation, il a aussi examiné la section 1.1.5 dans le contexte de l’objet de l’ARE/ERE dans son ensemble, ce qui concorde avec les principes de l’interprétation des conventions collectives (Ronald M. Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada (4e éd.), (LexisNexis : Canada 2009), aux pages 28 à 31).

[48]           À cet égard, les objectifs énoncés de l’ARE/ERE sont d’optimiser les possibilités d’emploi dont disposent les employés nommés pour une période indéterminée « touchés par » une situation de rajustement des effectifs, surtout en veillant à ce qu’on leur fournisse d’autres possibilités d’emploi, dans toute la mesure du possible. La section 1.1.1 indique qu’étant donné que les employés nommés pour une période indéterminée qui sont « touchés par » un réaménagement des effectifs ne sont pas eux-mêmes responsables de cette situation, il incombe aux ministères ou aux organisations de veiller à ce que ces personnes soient traitées équitablement et à ce qu’on leur offre toutes les possibilités raisonnables de poursuivre leur carrière dans la fonction publique.

[49]           Compte tenu de cela, et eu égard à la déférence à laquelle ont droit les arbitres dans les affaires de cette nature (Bucholtz, précitée, au paragraphe 37; Bearss, précitée, aux paragraphes 23 et 35) et au fait que les employés sont tous, d’une façon ou d’une autre, « touchés par » un réaménagement des effectifs, peu importe l’issue ultime dans n’importe quelle situation donnée, il était raisonnablement loisible à l’arbitre d’interpréter que l’expression « employés touchés » englobait les « employés optants », et cette interprétation appartient aux issues possibles acceptables (Dunsmuir, précité, aux paragraphes 47 et 48; Newfoundland and Labrador Nurses, précité, au paragraphe 15).

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;
  2. Les défendeurs ont droit à des dépens de 3 500 $.

 « Cecily Y. Strickland »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-788-13

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c L’ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA ET L’INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 FÉVRIER 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

 

LE 11 JUILLET 2014

COMPARUTIONS :

Richard Fader

 

POUR LE demandeur

 

Andrew Raven

 

POUR LES défendeurS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE demandeur

 

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES défendeurS

 

 

 

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