Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20140717


Dossier : IMM-6525-13

Référence : 2014 CF 703

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 17 juillet 2014

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

ANTONY ROUTHLEDGE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               L’omission de se conformer de façon diligente à des directives dûment données en conformité avec le cadre légal du régime d’immigration peut entraîner le rejet de la demande.

II.                Introduction

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), visant une décision rendue le 18 juin 2013 par un agent d’immigration du Centre de traitement des demandes (le CTD) de Vegreville, en Alberta.

III.             Le contexte

[3]               Le demandeur, M. Antony Routhledge, est citoyen du Royaume-Uni. Avant de venir au Canada, il a vécu en Zambie et en Afrique du Sud.

[4]               En 2005, le demandeur a eu une fille, Kristin, avec une conjointe de fait, Mme Lynette Meryer, en Afrique du Sud. Le couple a fini par se séparer, et le demandeur a commencé à fréquenter Mme Melanie Boudreau, une Canadienne qui travaillait en Afrique du Sud.

[5]               Le demandeur est venu visiter le Canada avec Mme Boudreau et, en 2009, cette dernière l’a parrainé dans le cadre d’une demande d’établissement présentée au titre de la catégorie des époux ou des conjoints de fait au Canada. Dans sa demande de résidence permanente, le demandeur a désigné sa fille Kristin, qui vit en Afrique du Sud, en tant que membre de la famille qui n’accompagne pas le demandeur.

[6]               Dans le cadre du processus de demande, on a exigé que le demandeur et sa fille se soumettent à un examen médical afin d’établir s’ils étaient interdits de territoire au Canada pour des raisons d’ordre médical. Le demandeur a été examiné par un médecin désigné dans le Nord du Québec, et son ex‑conjointe a fait examiner leur fille par un médecin à Cape Town, en Afrique du Sud.

[7]               Le rapport médical de la fille du demandeur a par la suite été rejeté par le CTD, parce qu’il n’avait pas été produit par un médecin désigné. On a exigé du demandeur qu’il fournisse un autre rapport médical concernant sa fille, lequel serait cette fois‑là produit par un médecin désigné pratiquant en Afrique du Sud.

[8]               Le 15 mars 2012, le demandeur a demandé que sa fille soit dispensée de subir un examen médical; il a affirmé que son ex‑conjointe n’était pas prête à emmener sa fille voir un autre médecin pour que cette dernière se fasse examiner à nouveau. Cette demande a été rejetée.

[9]               Le 11 juin 2012, la fille du demandeur a été examinée par un autre médecin, cette fois‑ci à Hartenbos, dans la municipalité locale de Mussel Bay, en Afrique du Sud. Le rapport médical a lui aussi été rejeté par le CTD, parce qu’il n’avait pas été produit par un médecin désigné.

[10]           Le 25 mai 2013, le demandeur a écrit au CTD afin de l’informer qu’il souhaitait que sa fille soit exclue de sa demande.

[11]           Le 18 juin 2013, le défendeur a informé par écrit le demandeur que sa fille ne pouvait pas être exclue de la demande et que l’omission de satisfaire à l’exigence de soumettre sa fille à un examen médical par un médecin désigné pourrait entraîner le rejet de la demande. Trois mois supplémentaires ont été accordés au demandeur pour qu’il se conforme à cette exigence.

[12]           Le 19 septembre 2013, l’agent a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur, parce qu’il ne n’avait pas satisfait à cette exigence.

IV.             La décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

[13]           Dans une lettre datée du 18 juin 2013, l’agent a rejeté la demande du demandeur d’exclure sa fille de sa demande de résidence permanente, et il a donné les précisions suivantes :

[traduction]

 

Le sous‑alinéa 72(1)e)(i) du Règlement prévoit qu’un étranger au Canada devient résident permanent si, à l’issue d’un contrôle, ni lui ni les membres de sa famille – qu’ils l’accompagnent ou non – ne sont pas interdits de territoire.

Puisque vous n’avez pas été en mesure de fournir une preuve documentaire attestant que votre(vos) enfant(s) sont sous la garde exclusive d’une autre personne, le(s) membre(s) de la famille suivant(s) doivent continuer de faire l’objet d’un contrôle :

Kristin Jaqueline Routledge, née le 14 avril 2005.         

[…]

En ce qui concerne votre fille Kristin, la législation en matière d’immigration exige que tout demandeur de résidence permanente et les membres de leur famille se soumettent à un examen médical. L’examen doit être fait par l’un des médecins désignés […]

[…]

Vous avez demandé que votre personne à charge, Kristin Jaqueline Routledge, soit exclue de votre demande de résidence permanente. Après un examen attentif des faits, votre demande est rejetée. Le membre de la famille que vous avez désigné dans votre demande doit terminer le processus de contrôle. Le défaut de se conformer à nos directives peut entraîner le rejet de votre demande de résidence permanente.

(Dossier certifié du tribunal (DCT), pages 83 et 84.)

V.                La question en litige

[14]           L’agent a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale en ne motivant pas suffisamment sa décision?

VI.             Les dispositions législatives pertinentes

[15]           L’alinéa 42a) de la LIPR est pertinent en l’espèce :

42. Emportent, sauf pour le résident permanent ou une personne protégée, interdiction de territoire pour inadmissibilité familiale les faits suivants :

42. A foreign national, other than a protected person, is inadmissible on grounds of an inadmissible family member if

a) l’interdiction de territoire frappant tout membre de sa famille qui l’accompagne ou qui, dans les cas réglementaires, ne l’accompagne pas;

(a) their accompanying family member or, in prescribed circumstances, their non-accompanying family member is inadmissible; or

b) accompagner, pour un membre de sa famille, un interdit de territoire.

(b) they are an accompanying family member of an inadmissible person.

[16]           L’alinéa 72(1)e) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, est également pertinent dans la présente affaire :

72. (1) L’étranger au Canada devient résident permanent si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

72. (1) A foreign national in Canada becomes a permanent resident if, following an examination, it is established that

[…]

e) sauf dans le cas de l’étranger ayant fourni un document qui a été accepté aux termes du paragraphe 178(2) ou de l’étranger qui fait partie de la catégorie des résidents temporaires protégés :

(e) except in the case of a foreign national who has submitted a document accepted under subsection 178(2) or of a member of the protected temporary residents class,

(i) ni lui ni les membres de sa famille — qu’ils l’accompagnent ou non — ne sont interdits de territoire,

(i) they and their family members, whether accompanying or not, are not inadmissible,

VII.          La norme de contrôle applicable

[17]           Il est de droit constant que la question de savoir si les motifs sont suffisants est tranchée en fonction de l’examen du caractère raisonnable de la décision dans son ensemble (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708).

VIII.       Analyse

[18]           Le demandeur soutient que l’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale, parce qu’il n’a pas justifié le rejet de la demande de dispense de l’examen médical qui avait été exigé pour sa fille et parce qu’il n’a pas montré qu’il avait tenu compte des faits de l’espèce dans son analyse.

[19]           Selon la Cour, la prétention du demandeur selon laquelle l’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale peut être tranchée de façon sommaire, car la Cour suprême du Canada a clairement établi que l’insuffisance des motifs donnés par un décideur ne constitue pas un manquement si ce dernier a donné une forme quelconque de motifs écrits.

[20]           Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union, précité, la juge Rosalie Silberman Abella a énoncé ce qui suit :

[20] La question de l’équité procédurale […] notre Cour peut la trancher aisément. L’arrêt Baker établit que, « dans certaines circonstances », l’obligation d’équité procédurale requiert « une forme quelconque de motifs écrits » à l’appui d’une décision (par. 43). Il n’y est pas affirmé que des motifs s’imposent dans tous les cas, ni que leur qualité relève de l’équité procédurale […] [Non souligné dans l’original.]

[21]           En l’espèce, bien que la lettre de décision soit brève, il ressort clairement du dossier que le demandeur a souvent été informé du fait que la loi exigeait que sa fille soit examinée par un médecin désigné ainsi que des conséquences du non‑respect de cette exigence (DCT, page 87). Par ailleurs, le demandeur a souvent démontré qu’il n’avait pas su être diligent quant au respect des procédures établies. Malgré qu’il ait été informé à plusieurs reprises des exigences procédurales prévues au Règlement, le demandeur a tout de même fait examiner sa fille par des médecins non désignés. Après avoir essayé de soumettre deux rapports produits par des médecins non désignés, le demandeur a finalement demandé que sa fille soit dispensée de tout autre examen médical. Il ressort de la lecture de l’ensemble du dossier que le demandeur n’a fourni aucun document établissant de façon adéquate que sa fille était incapable de se soumettre à d’autres examens médicaux ou que son ex‑conjointe refusait d’emmener sa fille subir des examens. La Cour ne peut accepter que le rejet par l’agent de la demande de dispense ait pris le demandeur par surprise ni que les raisons qui ont poussé l’agent à prendre une telle décision ne soient pas transparentes.

[22]           Le demandeur est l’artisan de son propre malheur en l’espèce, et la Cour est convaincue que l’agent n’a aucunement manqué à son obligation d’équité procédurale.

IX.             Conclusion

[23]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, la demande de contrôle judiciaire du demandeur sera rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée et que l’affaire ne soulève aucune question de portée générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6525-13

 

INTITULÉ :

ANTONY ROUTHLEDGE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 JUILLET 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 17 JUILLET 2014

 

COMPARUTIONS :

Jean-François Bertrand

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Lyne Prince

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bertrand, Deslauriers Avocats Inc.

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.