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Date : 20140722


Dossier : IMM-4406-13

Référence : 2014 CF 733

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 juillet 2014

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

YUE HUA FANG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               Mme Yue Hua Fang (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 11 juin 2013. Dans cette décision, la Commission a rejeté l’appel interjeté par la demanderesse à l’encontre de la décision de l’agent des visas (l’agent) qui a conclu que la fille de la demanderesse n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial, ce qui la prive du parrainage de sa demande de résidence permanente aux termes de l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). La Commission a également conclu qu’elle n’avait pas compétence pour réviser la décision de l’agent relativement aux considérations d’ordre humanitaire (CH) au titre de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

II.                LE CONTEXTE

[2]               Les faits qui suivent sont tirés du dossier certifié du tribunal (le dossier). La demanderesse est citoyenne de la Chine. Après son premier mariage en Chine, en 1990, elle a donné naissance à deux enfants, un fils né en 1991 et une fille née en 1993. Le divorce fut prononcé en 1999, et la demanderesse se vit confier par la suite la garde de son fils. Son premier mari se vit par ailleurs confier la garde de leur fille, mais, en 2009, il consentit à l’immigration de cette dernière au Canada en compagnie de la demanderesse.

[3]               En 2002, la demanderesse épousa M. Li Jun Cao, un résidant permanent du Canada, qui parraina sa demande de résidence permanente au Canada à titre d’époux. À son arrivée au Canada, la demanderesse était accompagnée de son fils. Sa fille figurait sur sa demande de résidence permanente à titre de membre de la famille qui n’accompagne pas le demandeur, mais sa fille ne fit pas l’objet d’un contrôle médical à l’époque.

[4]               En 2004, dans le cadre de sa demande de résidence permanente, la demanderesse signa un document intitulé [traduction] « Déclaration concernant une personne à charge n’accompagnant pas le demandeur et n’ayant pas fait l’objet d’un contrôle ». Le document était rédigé en anglais et la demanderesse, qui ne comprend par l’anglais, apporta le formulaire à un responsable chinois afin qu’il le lui traduise. Ce responsable ne comprenait pas l’anglais et un de ses subordonnés expliqua le formulaire à la demanderesse. La demanderesse soutient maintenant que la traduction était incomplète et qu’elle ne fut jamais informée que le fait de signer cette déclaration signifiait qu’elle ne pourrait parrainer ultérieurement la demande de résidence permanente de sa fille au Canada.

[5]               La demanderesse et son fils se virent octroyer le statut de résidents permanents le 13 janvier 2005. En mai 2005, la demanderesse déposa une demande de résidence permanente au nom de sa fille au titre du regroupement familial. La demande fut rejetée le 30 mars 2006. Bien que la demanderesse ait introduit un appel, elle ne le poursuivit pas jusqu’au jugement, étant donné qu’elle était engagée dans un litige avec son premier mari relativement à la garde.

[6]               La demanderesse déposa une deuxième demande en 2008 par laquelle elle cherchait à parrainer sa fille au titre du regroupement familial et demanda que la demande soit examinée sous l’angle des CH en vertu de l’article 25 de la Loi. En 2009, la demanderesse divorça de son deuxième mari.

[7]               Le 5 janvier 2012, la fille de la demanderesse vit sa demande de visa de résidente permanente rejetée une nouvelle fois. L’agent en vint à la conclusion que la demanderesse ne pouvait parrainer sa fille, étant donné que sa fille n’avait pas fait l’objet d’un contrôle lorsque la demanderesse immigra au Canada en 2005. L’agent se fonda sur l’alinéa 117(9)d) du Règlement pour conclure que la fille de la demanderesse n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial.

III.             LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[8]               La demanderesse interjeta appel devant la Commission. Le 11 juin 2013, la Commission rejeta l’appel de la demanderesse.

[9]               À titre préliminaire, la Commission se posa la question de savoir si elle était compétente pour entendre l’appel de la décision de l’agent qui se prononçait sur des CH. Elle passa la jurisprudence en revue et reconnu qu’il existait des divergences d’opinions relativement à l’exercice de la discrétion sur les CH dans des affaires qui relevaient de la catégorie du regroupement familial. La Commission conclut qu’elle ne possédait pas la compétence pour se prononcer sur les questions relatives aux CH.

[10]           La Commission traita de la question relative à l’exclusion de la fille de la demanderesse de la catégorie du regroupement familial. Elle conclut que la demanderesse et sa fille se conformaient respectivement à la définition de répondante et de membre de la famille n’accompagnant pas le demandeur en vertu de la Loi et du Règlement. La Commission conclut également que la preuve établissait que la fille n’avait pas fait l’objet d’un contrôle lorsque la demanderesse immigra au Canada et qu’elle n’appartenait donc pas à la catégorie du regroupement familial, selon l’alinéa 117(9)d) du Règlement.

[11]           La Commission considéra les arguments soumis par la demanderesse relativement à un manquement à la justice naturelle, résultant prétendument de l’omission d’un agent d’informer la demanderesse des conséquences résultant de soumettre sa fille au contrôle en 2004, lorsque la demanderesse déposa sa première demande de résidence permanente. La Commission conclut qu’il n’y avait eu aucun manquement à la justice naturelle et confirma la décision de l’agent.

[12]           La Commission en vint également à la conclusion que l’exemption prévue au paragraphe 117(10) ne s’appliquait pas et que les CH ne suffisaient pas à infirmer l’interdiction de territoire de la fille.

IV.             LES OBSERVATIONS

[13]           La demanderesse soutient maintenant que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant qu’elle n’avait pas la compétence pour procéder à un nouvel examen des éléments de la décision de l’agent relatifs aux CH. La demanderesse soumet également que la Commission a commis une erreur en concluant que l’agent n’avait pas manqué à l’équité procédurale en 2004, alors que personne ne lui avait expliqué les conséquences de l’omission de soumettre sa fille à un contrôle lorsqu’elle immigra au Canada en 2004. Elle soutient de plus que la Commission a commis une erreur en concluant que le paragraphe 117(10) du Règlement ne s’appliquait à sa fille.

[14]           Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) ne souscrit pas à la position de la demanderesse et soutient que la Commission a conclu de façon appropriée qu’elle ne possédait pas la compétence lui permettant de se prononcer sur les prétentions relatives aux CH et qu’aucune erreur susceptible de contrôle n’a été commise dans la façon dont elle a disposé de l’appel.

[15]           Après l’audition de la présente demande de contrôle judiciaire, deux décisions traitant de la compétence de la Commission relativement aux CH ont été rendues; il s’agit des décisions Punian c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 335, et Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 262. Dans ces décisions, les juges Harrington et Phelan, respectivement, ont conclu que la Section d’appel de l’immigration n’avait pas compétence pour se prononcer sur les facteurs relatifs aux CH dans le cadre d’un appel de la décision d’un agent des visas lorsqu’un demandeur n’était pas membre de la catégorie du regroupement familial. Les parties ont demandé, et se sont vues accorder, la possibilité de traiter de ces décisions dans leurs observations consécutives à l’audience.

V.                LA NORME DE CONTRÔLE

[16]           La première question que l’on doit se poser porte sur la norme de contrôle applicable. La détermination de sa compétence par la Commission est une question de validité, susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte; voir l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 59.

[17]           Toutes les questions relatives à l’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte; voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43.

[18]           Les questions mixtes de fait et de droit, y compris l’appartenance de la fille de la demanderesse à la catégorie du regroupement familial, sont susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité; voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 53. La norme de la « raisonnabilité » prévoit que la décision doit être justifiable, transparente et intelligible; voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47.

VI.             LA LÉGISLATION

[19]           La Commission fonctionne comme un tribunal indépendant chargé de réviser les décisions rendues relativement à la délivrance de visas de résident permanent, en vertu du paragraphe 63(1) de la Loi qui prévoit ce qui suit :

63. (1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.

63. (1) A person who has filed in the prescribed manner an application to sponsor a foreign national as a member of the family class may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision not to issue the foreign national a permanent resident visa.

[20]           L’article 65 traite de la compétence qui permet de tenir compte des CH dans le cadre d’un appel d’une décision portant sur une demande déposée au titre du regroupement familial en ces termes :

65. Dans le cas de l’appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d’une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d’ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s’il a été statué que l’étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire.

65. In an appeal under subsection 63(1) or (2) respecting an application based on membership in the family class, the Immigration Appeal Division may not consider humanitarian and compassionate considerations unless it has decided that the foreign national is a member of the family class and that their sponsor is a sponsor within the meaning of the regulations.

[21]           Les pouvoirs de la Commission de faire droit à un appel sont énoncés ainsi, à l’article 67 :

67. (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

(a) the decision appealed is wrong in law or fact or mixed law and fact;

(b) a principle of natural justice has not been observed; or

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

[22]           L’appartenance à la catégorie du regroupement familial est définie au paragraphe 117(1) du Règlement. L’alinéa 117(9)d) est pertinent et prévoit ce qui suit :

117 (9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

[…]

 

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d’une demande à cet effet, l’étranger qui, à l’époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle.

 

117 (9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

(d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined.

VII.          ANALYSE ET CONCLUSION

[23]           La principale question soulevée par la présente demande concerne la conclusion de la Commission suivant laquelle elle n’a pas compétence pour examiner les CH dans la décision sur l’appel de la demanderesse. Tel qu’il a été mentionné précédemment, il s’agit là d’une question de compétence qui est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

[24]           Je suis convaincue que la conclusion de la Commission suivant laquelle elle n’a pas compétence pour se prononcer sur les CH dans la présente affaire est, au vu du langage clair de l’article 65 de la Loi qui précise l’étendue des pouvoirs de la Commission, correcte.

[25]           Le fondement de la demande de parrainage déposée par la demanderesse à l’égard de sa fille repose sur l’appartenance de cette dernière à la catégorie du regroupement familial, tel que la définit au Règlement. S’il a été déterminé qu’une personne ne se conforme pas au critère défini au Règlement, la Commission ne peut se prévaloir du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose relativement aux CH pour pallier l’inadmissibilité.

[26]           Les audiences devant la Commission constituent de nouvelles audiences; voir la décision dans Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et l’Immigration), 2005 CF 1673. Cela signifie que la Commission peut prendre connaissance d’une preuve nouvelle et rendre sa propre décision; elle n’est pas liée par la décision du décideur initial. À cet égard, je renvoie à la décision de la Cour suprême de Terre-Neuve et du Labrador dans Newterm Ltd, Re, (1988), 70 Nfld & PEIR 216 (1re inst, Terre‑Neuve), aux paragraphes 4 et 5.

[27]           Le pouvoir de la Commission lui permettant de tenir une nouvelle audience se limite à l’étendue que lui confère la Loi. L’article 65 circonscrit le pouvoir de la Commission de tenir une nouvelle audience relativement aux appels portant sur l’appartenance à la catégorie du regroupement familial et sur les CH.

[28]           Le pouvoir discrétionnaire relatif aux CH trouve sa source dans le paragraphe 25(1), qui prévoit ce qui suit :

25. (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

25. (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

[29]           L’article 25 confère au défendeur et à ses délégués, dont la Commission, le plein pouvoir discrétionnaire leur permettant de surmonter tout obstacle à l’admissibilité d’une personne au Canada. Il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire qui doit être exercé de façon équitable et en conformité avec la primauté du droit; voir l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 56.

[30]           Toutefois, dans les situations visées par l’article 65, ce pouvoir discrétionnaire n’existe pas. La Commission ne peut exercer son pouvoir discrétionnaire relatif aux CH que dans le cadre de la Loi, et, dans les circonstances de l’espèce, cette discrétion n’existe pas.

[31]           Tel qu’il a été mentionné ci-dessus, deux décisions ont été rendues après l’audition de la présente demande de contrôle judiciaire dans le cadre desquelles la compétence de la Section d’appel de l’immigration relativement à la prise en compte des CH, lorsqu’elle est saisie d’un appel portant sur l’appartenance à la catégorie du regroupement familial, a été abordée. Dans ses observations complémentaires, la demanderesse soutient que, dans la décision Punian, précitée, les faits sont différents, alors que la décision Chen, précitée, est tout simplement erronée.

[32]           Je ne suis pas d’accord. La question de savoir si la Commission peut tenir compte des CH dans le cadre d’un appel portant sur l’appartenance à la catégorie du regroupement familial est une question de compétence, qui est une question de droit. Cette question ne dépend pas des faits propres à une affaire.

[33]           Quant à l’observation suivant laquelle la décision Chen, précitée, est erronée, je m’en remets aux observations de la Cour d’appel fédérale dans Allergan Inc et al c Canada (Ministre de la Santé) et al (2012), 440 NR 269, au paragraphe 48 :

[…] un juge de la Cour fédérale ne devrait pas s’écarter des conclusions de droit tirées par un autre juge de la même Cour, à moins d’être convaincu qu’il est nécessaire de le faire et de pouvoir fournir des motifs convaincants à l’appui. Si ce test est appliqué, les divergences entre les décisions devraient être rares.

[34]           Tel qu’il a été mentionné précédemment, je suis d’avis que l’article 65 de la Loi limite le pouvoir de la Commission relativement aux CH lorsqu’elle conclut qu’une personne n’appartient pas à la catégorie du regroupement familial. En l’espèce, la fille de la demanderesse n’a pas fait l’objet d’un contrôle au moment où la demanderesse a immigré au Canada. En vertu de l’alinéa 117(9)d) du Règlement, elle n’appartient pas à la catégorie du regroupement familial. Par conséquent, aux termes de l’article 65 de la Loi, la Commission n’avait pas compétence pour tenir compte des CH lors de son examen de l’appel. La décision de la Commission est correcte à cet égard.

[35]           Je me pencherai maintenant sur la question de l’équité procédurale soulevée par la demanderesse.

[36]           Je ne vois aucun fondement aux arguments soumis par la demanderesse à cet égard. Il incombait à la demanderesse de s’assurer qu’elle comprenait les exigences prévues à la Loi et au Règlement auxquelles son engagement de parrainage devant conduire à l’immigration de sa fille au Canada devait se conformer. Il lui appartenait de s’informer pour connaître ces exigences ou encore de demander conseil si elle avait des questions à propos de la procédure.

[37]           Il n’existe aucune preuve qu’une personne soumise au contrôle du défendeur ait mal conseillé la demanderesse ou l’ait autrement induite en erreur. La demanderesse a choisi de demander conseil à une personne qu’elle a elle-même choisie et doit vivre avec les conséquences de ses actions à cet égard. L’agent n’avait aucune obligation de traduire ce formulaire pour la demanderesse, et le défendeur ne peut être tenu responsable de la traduction incorrecte provenant d’un tiers.

[38]           Enfin, reste la question de savoir si l’atténuation des conséquences qui s’entend des termes du paragraphe 117(10) du Règlement trouve application, ce paragraphe se lisant ainsi :

(10) Sous réserve du paragraphe (11), l’alinéa (9)d) ne s’applique pas à l’étranger qui y est visé et qui n’a pas fait l’objet d’un contrôle parce qu’un agent a décidé que le contrôle n’était pas exigé par la Loi ou l’ancienne loi, selon le cas.

117 (10) Subject to subsection (11), paragraph (9)(d) does not apply in respect of a foreign national referred to in that paragraph who was not examined because an officer determined that they were not required by the Act or the former Act, as applicable, to be examined.

[39]           Selon moi, cette disposition n’est d’aucun secours à la demanderesse, étant donné que rien au dossier n’indique qu’un agent a décidé que le contrôle de la fille de la demanderesse n’était pas nécessaire. Il n’existe aucun fondement factuel à l’application du paragraphe 117(10).

[40]           La norme de la raisonnabilité s’applique à cet aspect, étant donné qu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit. La Commission a conclu de façon raisonnable que l’exception prévue au paragraphe 117(10) ne s’appliquait pas.

[41]           Quoi qu’il en soit, au vu du dossier, la conclusion de la Commission était non seulement raisonnable, en ce qu’elle était justifiable, transparente et intelligible, mais, selon moi, il s’agissait de la seule conclusion possible au regard de la preuve au dossier.

[42]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[43]           Chacune des parties a soumis une question pour certification. La demanderesse a soumis la question suivante :

[TRADUCTION]

La SAI est-elle compétente pour réviser la décision d’un agent des visas au titre de l’article 25 de la LIPR lorsqu’une erreur de droit ou un manquement aux règles de justice naturelle ou encore un manquement à l’équité procédurale a été commis?

[44]           Le défendeur a proposé la question suivante :

[TRADUCTION]

Dans un appel formé en vertu du paragraphe 63(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 ( la LIPR) et compte tenu de l’empêchement prévu par l’article 65 de la LIPR, la Section d’appel de l’immigration est-elle compétente pour décider si un agent des visas a commis une erreur au titre de l’alinéa 67(1)a) de la LIPR lors de l’analyse d’une demande de visa de résident permanent présentée au titre du regroupement familial, plus particulièrement en ce qui concerne la décision de l’agent des visas rendue sur la demande de l’étranger présentée en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR et visant à obtenir, pour des considérations d’ordre humanitaire, la levée de tout ou partie des critères et obligations applicables aux termes de la LIPR et du Règlement connexe?

[45]           Le critère relatif à la certification d’une question est énoncé ainsi dans Zazai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2004), 318 NR 365, au paragraphe 11 : « Y a‑t‑il une question grave de portée générale qui permettrait de régler un appel? »

[46]           Selon moi, la question proposée par le défendeur répond à ce critère et, par conséquent, cette question sera certifiée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. La question suivante est certifiée :

[TRADUCTION]

 

Dans un appel formé en vertu du paragraphe 63(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 ( la LIPR) et compte tenu de l’empêchement prévu par l’article 65 de la LIPR, la Section d’appel de l’immigration est-elle compétente pour décider si un agent des visas a commis une erreur au titre de l’alinéa 67(1)a) de la LIPR lors de l’analyse d’une demande de visa de résident permanent présentée au titre du regroupement familial, plus particulièrement en ce qui concerne la décision de l’agent des visas rendue sur la demande de l’étranger présentée en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR et visant à obtenir, pour des considérations d’ordre humanitaire, la levée de tout ou partie des critères et obligations applicables aux termes de la LIPR et du Règlement connexe?

 

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

C. Laroche


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRIT AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4406-13

 

INTITULÉ :

YUE HUA FANG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

 

OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES REÇUES :

 

LE 11 DÉCEMBRE 2013

LES 20 ET 21 MARS AINSI QUE LES 9, 10 ET 25 AVRIL 2014

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DE L’ORDONNANCE

ET DES MOTIFS :

LE 22 JUILLET 2014

COMPARUTIONS :

Andrew Wlodyka

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Banafsheh Sokhansanj

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Wlodyka Macdonald Teng

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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