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Date : 20140722


Dossier : IMM-5305-13

Référence : 2014 CF 727

Ottawa (Ottawa), le 22 juillet 2014

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

ABBAS HASSAN GHADDAR

ET LES MEMBRES DE SA FAMILLE,

FATEN ALI JAWAD

FADL ABBAS GHADDAR

DANA ABBAS GHADDAR

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Au préalable

[1]               Sans démonstration d’une diligence adéquate pendant une période à assurer qu’une demande soit présentée de façon complète et dans les délais prescrits, un demandeur ne répond pas à l’exigence minimale qui l’aurait permis de racheter une faute commise par un demandeur (lui ou elle) même ou par son représentant.

II.                Introduction

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 12 juin 2013 par un agent des visas, dans laquelle l’agent a refusé de réexaminer une demande de résident permanent à titre d’investisseur selon la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR].

III.             Faits

[3]               Les demandeurs sont citoyens des Émirats Arabes Unis. Le 20 octobre 2009, le demandeur principal, monsieur Abbas Hassan Ghaddar, son épouse, madame Faten Ali Jawad, et ses deux enfants, Fadl Abbas Ghaddar et Dana Abbas Ghaddar, ont déposé une demande de résidence permanente dans la catégorie des gens d’affaires à titre d’investisseur, suite à l’émission d’un certificat de sélection du Québec.

[4]               En juin 2012, un agent des visas de l’ambassade du Canada à Abu Dhabi, aux Émirats Arabes Unis, a demandé des documents supplémentaires nécessaires à l’établissement de l’admissibilité de leur demande à leur représentant autorisé, Me Jacques Beauchemin.

[5]               Le 23 juillet 2012, Me Beauchemin aurait préparé une lettre et certains autres documents et aurait demandé à son adjointe de transmettre le tout par télécopieur et par services de courrier à l’ambassade.

[6]               Le 9 août 2012, Me Beauchemin a communiqué avec l’agent des visas pour des renseignements sur le dossier de ses clients et l’agent lui a indiqué qu’il était toujours en attente des documents supplémentaires qui lui avaient été demandés.

[7]               Le 12 septembre 2012, une lettre relative à l’équité procédurale a été envoyée à Me Beauchemin, indiquant explicitement que le défaut d’envoyer les documents demandés entrainerait le rejet de la demande de résidence permanente. Un délai de 30 jours a été accordé aux demandeurs pour produire les documents demandés.

[8]               Le 11 décembre 2012, une deuxième lettre relative à l’équité procédurale a été transmise à Me Beauchemin, lui accordant un autre délai de 30 jours pour soumettre les documents demandés. Après avoir reçu cette lettre, Me Beauchemin aurait demandé à son adjointe de s’assurer que « tout était en ordre ».

[9]               Le 13 mars 2013, soit presque un an après sa demande initiale pour les documents supplémentaires, l’agent des visas a rejeté la demande de résidence permanente pour le motif qu’il ne pouvait pas établir l’admissibilité des demandeurs sans les documents demandés.

[10]           Le 15 mai 2013, Me Beauchemin a transmis une demande de réexamen de cette décision à l’ambassade, accompagnée des documents supplémentaires. L’agent des visas a refusé cette demande de réexamen le 12 juin 2013.

[11]           Le 12 août 2013, les demandeurs ont déposé la présente demande de contrôle judiciaire à l’égard de cette décision.

IV.             Décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[12]           Le 12 juin 2013, l’agent des visas a refusé de réexaminer la demande de résidence permanente des demandeurs pour les motifs suivants (Notes STIDI (Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration), Pièce A de l’Affidavit de madame Hélène Exantus) :

Consultant is confirming having received original requests and PFL but for reasons he does not explain, nothing was sent to us. Consultant says client is not responsible. Authorized representative act on behalf of clients and are responsible for their actions, or lack of, on behalf of clients. No grounds for reopening case.

V.                Points en litige

[13]           Les questions en litige soulevées sont les suivantes :

1)      L’agent a-t-il commis une erreur en omettant de rouvrir le dossier pour un nouvel examen?

2)      L’agent a-t-il contrevenu aux principes de justice naturelle en refusant de réexaminer la demande de résidence permanente?

VI.             Dispositions législatives pertinentes

[14]           Les articles suivants de la LIPR s'appliquent en l'espèce :

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agente les visas et autres documents requis par règlement. L’agente peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

[…]

16. (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visas et documents requis.

16. (1) A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

VII.          Norme de contrôle

[15]           La question de savoir si un agent des visas a entravé son pouvoir discrétionnaire de rouvrir un dossier et la question d’application des règles de la justice naturelle doivent tous deux être examinés selon la décision correcte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 SCR 339; Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190).

VIII.       Analyse

A.                L’agent a-t-il commis une erreur en omettant de rouvrir le dossier pour un nouvel examen?

[16]           Les demandeurs avancent principalement que l’agent des visas a omis de reconnaitre l’existence de son pouvoir discrétionnaire de réexaminer la décision du 13 mars 2013 prise à l’égard de leur demande de résidence permanente. Les demandeurs prétendent qu’il n’y a aucun motif dans la décision de l’agent des visas ou dans ses notes STIDI expliquant pourquoi il refusait de réexaminer le dossier.

[17]           Pour les raisons qui suivent, la Cour n’est pas d’accord avec cette prétention. Or, le fait que l’agent n’a pas fourni des motifs plus détaillés justifiant sa décision de ne pas rouvrir le dossier ne pourrait servir de fondement unique pour l’annulation de la décision (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708). Les motifs devaient simplement permettre à la Cour de comprendre le fondement de la décision et d’établir si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables (Newfoundland Nurses’ Union au para 16).

[18]           En l’espèce, la preuve au dossier démontre clairement que l’agent avait connaissance de son pouvoir discrétionnaire de réexaminer la demande de résidence permanente; mais a choisi de ne pas l’exercer. Dans ses notes STIDI, l’agent a spécifié qu’il rejetait la demande de réexamen parce que le procureur du demandeur n’avait donné aucune raison valable pour le défaut d’avoir fourni les documents demandés à temps, malgré avoir reçu des avis exigeants des documents supplémentaires. Cette explication du refus d’exercer son pouvoir discrétionnaire de rouvrir le dossier était tout à fait raisonnable dans les circonstances.

[19]           Ainsi, contrairement aux prétentions des demandeurs, la Cour note qu’il n’existe aucune obligation générale d’examiner à nouveau une demande de résidence permanente après la réception de nouveaux renseignements (Trivedi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 422, 2010 CF 422 au para 30; Grigaliunas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 87, au para 18; Veryamani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1268, 379 FTR 153). Il incombe plutôt aux demandeurs de démontrer que les circonstances justifient l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agent des visas dans « l’intérêt de la justice » et « dans des circonstances exceptionnelles » (Kheiri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 193 FTR 112, 99 ACWS (3d) 828 au para 8; Moumivand c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 157 au para 18).

[20]           Les demandeurs ont clairement été avisés, dans la lettre datée du 12 septembre 2012, ainsi que celle du 11 décembre 2012, du fait qu’il leur incombait de fournir des documents suffisants pour démontrer qu’ils étaient admissibles au Canada. Ces lettres avertissaient les demandeurs de façon équitable et raisonnable des conséquences de l’omission de fournir les documents. Dans leur demande de réexamen, les demandeurs n’ont donné aucune justification raisonnable pour expliquer pourquoi les documents demandés n’avaient pas été produits lors de la révision originale du dossier. En effet, le procureur des demandeurs a tout simplement indiqué que « for unexplained reasons, the documents received from our client were not sent to you » (Dossier de la partie demanderesse à la p 78).

[21]           Vu ces circonstances, la Cour ne peut conclure qu’il était déraisonnable pour l’agent des visas de ne pas avoir rouvert le dossier pour un nouvel examen. Les demandeurs n’ont tout simplement pas réussi à démontrer comment l’exercice du pouvoir discrétionnaire était dans l’intérêt de la justice, ou en quoi leurs circonstances étaient exceptionnelles.

B.                 L’agent a-t-il contrevenu aux principes de justice naturelle en refusant de réexaminer la demande de résidence permanente?

[22]           La Cour juge que les demandeurs n’ont pas non plus démontré que le refus de l’agent de réexaminer leur demande soulève un problème de justice naturelle. Les demandeurs allèguent que l’agent des visas a violé un principe de justice naturelle en les tenant responsables de la négligence de leur représentant à fournir les documents demandés par l’agent des visas. Toutefois, les demandeurs et leur représentant ont eu plusieurs occasions de réparer leur erreur. Il s’est écoulé près d’un an entre la première demande de documentation et la décision finale. La Cour ne considère pas que les demandeurs ont démontré une diligence adéquate pendant cette période à s’assurer que leur demande soit présentée de façon complète et dans les délais prescrits. Comme cette Cour l’a conclu dans Moumivand, ci-dessus, les demandeurs n’ont donc pas répondu à l’exigence minimale qui leur aurait permis de racheter la faute de leur représentant.

[23]           La Cour rappelle que ce n’est que dans certaines circonstances extraordinaires que l'incompétence d’un avocat peut soulever un problème de justice naturelle; la lourde tâche de démontrer que sa cause s'inscrit dans le cadre de cette exception appartenant au demandeur (Radji c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 100, 308 FTR 175; Muhammed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 828, 237 FTR 8; Shirwa c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 2 CF 51, 23 Imm LR (2d) 123 (CF 1re inst)). Les circonstances des demandeurs en l’espèce ne s’inscrivent pas dans le cadre de cette exception.

IX.             Conclusion

[24]           Pour toutes les raisons ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire des demandeurs est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire des demandeurs soit rejetée sans aucune question d’importance générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5305-13

 

INTITULÉ :

ABBAS HASSAN GHADDAR ET LES MEMBRES DE SA FAMILLE, FATEN ALI JAWAD, FADL ABBAS GHADDAR, DANA ABBAS GHADDAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 juillet 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS:

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 juillet 2014

 

COMPARUTIONS :

Alain Vallières

 

Pour la partie demanderesse

 

Margarita Tzavelakos

 

Pour la partie défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Alain Vallières

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour la partie demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la partie défenderesse

 

 

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