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Date : 2014-07-22


Dossier : IMM-12705-12

Référence : 2014 CF 731

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 22 juillet 2014

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

AGNES MARGIT VERES-SZOGI

AGNES VERES-SZOGI

GERGO GALAMBOS

EMOKE VERES-SZOGI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS


I.                   Introduction

[1]               Il s’agit du contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] selon laquelle ni la demanderesse principale (la mère) ni les enfants (collectivement, les demandeurs) n'étaient des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger.

II.                Contexte

[2]               Les demandeurs sont des citoyens de la Hongrie. La demanderesse principale a mentionné plusieurs cas de violence conjugale, notamment ébriété, voies de fait, défaut de fournir un soutien financier et affectif et menaces de mort.

[3]               La SPR a conclu que la question déterminante était la protection de l’État. La SPR a examiné la situation de la Hongrie sur le plan de l’organisation juridique et démocratique, ainsi que l’établissement et le fonctionnement des services de police. Les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption en faveur de la protection de l’État.

[4]               La constatation importante de la SPR était que la demanderesse principale n’avait fait que « très peu d’efforts, voire aucun, pour obtenir la protection de l’État en Hongrie avant de solliciter la protection internationale au Canada ».

[5]               Tel que souligné par la SPR, la demanderesse principale n’a jamais signalé à la police les voies de fait que lui infligeait son époux. Le plus qui peut en être dit est que lorsque son époux a été arrêté en septembre 2001 pour une accusation concernant des armes et que la police a vérifié le lieu de travail de la demanderesse en septembre 2003, elle a à ces occasions mentionné les « voies de fait » à la police.

[6]               La SPR a conclu que la demanderesse principale ne s’était pas prévalue des possibilités de protection qui lui étaient offertes et que des recours s'offraient à elle si la police omettait d’agir. La SPR a reconnu que les mesures contre la violence conjugale n’étaient pas parfaites, mais a conclu à l’efficacité des efforts visant à corriger la situation.

[7]               Par conséquent, la SPR a conclu que la demanderesse aurait pu obtenir une protection efficace de la part de l’État si elle l’avait demandée.

III.             Analyse

[8]               La norme de contrôle applicable à la question du caractère adéquat de la protection de l’État est celle de la décision raisonnable (Carrillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, [2008] 4 RCF 636).

[9]               Il était raisonnable de conclure que la simple mention de « voies de fait » dans le contexte d’une intervention policière relative à une infraction en matière d’armes ne suffisait pas pour conclure que la demanderesse avait demandé la protection de l’État contre cette violence conjugale.

[10]           Cette conclusion est particulièrement convaincante étant donné que la demanderesse principale a dénoncé son mari pour une infraction relative aux armes, mais ne l’a jamais dénoncé pour violence conjugale ou familiale.

[11]           Il ne suffit pas que la demanderesse principale déclare qu’elle estimait que la protection de l’État était inadéquate, et ce, sans produire aucun élément de preuve objectif à cet égard.

[12]           Le juge Russell, dans Mejia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 354, a on ne peut mieux résumer les principes qui s’appliquent en l’espèce :

70        Essentiellement, la demanderesse soutient que le Mexique n’offre aucune protection aux femmes qui, comme elle, sont victimes d’abus sexuels. Le problème, avec cette affirmation, est son caractère hautement subjectif, et la demanderesse n’a produit que peu d’éléments objectifs pour étayer ses expériences personnelles ou son assertion selon laquelle elle ne peut compter sur la protection de l’État et ne dispose pas d’une PRI.

73        La Commission a procédé à une analyse détaillée de la protection offerte par l’État mexicain, dont elle a relevé les faiblesses, mais elle a raisonnablement conclu que la demanderesse pourrait obtenir la protection de la police et se prévaloir de la protection de la loi si elle choisissait d’y recourir. La Commission ne s’est pas arrêtée à l’examen du cadre théorique et aux expressions de bonnes intentions; elle s’est aussi penchée sur la pratique réelle qui a cours sur le terrain.

74        À la lumière de cette analyse, la Commission a aussi examiné ce que la demanderesse elle‑même a fait pour se prévaloir de la protection étatique. Or, la demanderesse s’est limitée à recourir au counseling psychologique offert par le DIF, qui, selon son FRP, l’a beaucoup aidée. Cependant, elle n’a entrepris aucune autre démarche.

75        Son explication selon laquelle elle n’a pas dénoncé son oncle à la police parce qu’elle avait le sentiment qu’il y avait des contacts, a été examinée par la Commission, qui l’a raisonnablement rejetée.

76        De nombreuses options s’offraient à la demanderesse, mais elle a choisi de ne recourir à aucune. La Commission a examiné ses diverses explications, mais les a trouvées insatisfaisantes. Selon son propre témoignage, la demanderesse connaissait l’existence d’organismes utiles, mais elle a tout simplement décidé de ne pas solliciter l’aide de la police et de ne pas tenter d’obtenir d’autres formes d’aide, à part le counseling psychologique qui, lorsqu’elle en a fait l’expérience, l’a manifestement aidée. Comme l’a souligné la juge Snider dans la décision Judge c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1089, aux paragraphes 8 et 10, il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile croie tout simplement qu’il ne peut se prévaloir de la protection de l’État.

77        La demanderesse n’a pas donné à la police et à l’État du Mexique l’occasion de l’aider.

[13]           Les demandeurs, essentiellement, demandent à la Cour de substituer son évaluation des faits à celle de la SPR. Telle n’est pas la fonction de la Cour et, même si cela était, la Cour ne conclurait pas autrement que la SPR.

IV.             Conclusion

[14]           Par conséquent, pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[15]           Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-12705-12

 

INTITULÉ :

AGNES MARGIT VERES-SZOGI, AGNES VERES-SZOGI, GERGO GALAMBOS, EMOKE VERES-SZOGI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 FÉVRIER 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 22 JUILLET 2014

 

COMPARUTIONS :

Hart A. Kaminker

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Nadine Silverman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hart A. Kaminker

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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