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Date : 20140709

Dossier : T‑1396‑11

Référence : 2014 CF 672

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 juillet 2014

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

OTTAWA ATHLETIC CLUB INC,

FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE
THE OTTAWA ATHLETIC CLUB

demanderesse

et

THE ATHLETIC CLUB GROUP INC. ET

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande fondée sur l’article 57 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch. T‑13 [Loi], en vue de radier une marque de commerce du registre tenu conformément à l’article 26 de la Loi [registre] ou, subsidiairement, de modifier le registre afin de restreindre la portée de l’enregistrement. La demanderesse sollicite également une ordonnance interdisant l’utilisation ultérieure de la marque de commerce dont elle allègue l’invalidité ou de la marque équivalente reconnue par la common law, au motif que ladite marque de commerce contrevient aux articles 10 et 11 de la Loi. La marque de commerce en question porte le numéro d’enregistrement LMC633,422 et a été enregistrée le 22 février 2005 [enregistrement]. La défenderesse, The Athletic Club Group Inc. [Athletic Club ou défenderesse], est le propriétaire inscrit.

LES FAITS À L’ORIGINE DU LITIGE

[2]               La demanderesse, Ottawa Athletic Club Inc. [OAC ou la demanderesse], exploite un centre de conditionnement physique à Ottawa depuis au moins 1976 et y offre différents services de conditionnement physique. Elle soutient avoir employé le nom commercial et la marque de commerce « Ottawa Athletic Club » de façon continue depuis ce temps.

[3]               La défenderesse, The Athletic Club Group Inc. (ou ses prédécesseurs en titre), a ouvert son premier centre de conditionnement physique à London (Ontario) en 1997 et a ouvert depuis des établissements à Amherstburg (1999), Brantford (2001), Guelph (2006), Kingsville (2001), Thunder Bay (2004), Waterloo (2011) et Ottawa, ainsi qu’un second établissement à London (2000). Elle a ouvert son centre d’« Ottawa‑Orleans » en novembre 2010 et celui d’« Ottawa‑Trainyards » en février 2011.

[4]               En juillet 2003, un des administrateurs et actionnaires actuels de la défenderesse, Alan Quesnel, a présenté une demande visant à enregistrer la marque de commerce en question, THE ATHLETIC CLUB & DESSIN [marque de commerce Athletic Club, également marque de commerce], reproduite ci‑dessous :

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[5]               L’enregistrement a été effectué le 22 février 2005; M. Quesnel était le déposant initial. La propriété de la marque de commerce a plus tard été transférée à une société de personnes formée entre M. Quesnel et M. David Wu, un autre administrateur et actionnaire actuel de la défenderesse, et a finalement été transféré à la société défenderesse, The Athletic Club Group Inc., le 21 septembre 2009, après avoir été détenu pendant un court laps de temps par des sociétés à dénomination numérique liées.

[6]               La défenderesse soutient qu’elle‑même (ainsi que ses prédécesseurs en titre) a employé la marque de commerce en liaison avec ses services de façon continue depuis 1997. La marque de commerce a été enregistrée en liaison avec les services suivants :

Services de restauration; services de casse‑croûte; exploitation d’un établissement pour conditionnement physique et/ou entraînement aux poids et haltères; exploitation d'un établissement de gymnastique aérobique; services d'entraînement personnel; tenue de cours de danse; exploitation d'un magasin de détail spécialisé dans la vente d'articles de sport, de vêtements pour hommes et femmes, d'aliments naturels et de suppléments pour la santé; services d’évaluation de la condition physique; tenue de cours de gymnastique, de conditionnement physique et de gymnastique aérobique; exploitation d'un salon de bronzage.

[7]               L’enregistrement comporte l’avis de désistement suivant : « Le droit à l’usage exclusif des mots ATHLETIC CLUB en dehors de la marque de commerce n’est pas accordé ».

[8]               La demanderesse demande la radiation de la marque de commerce pour différentes raisons, notamment parce qu’elle crée de la confusion avec son propre nom commercial et sa propre marque de commerce, qui étaient déjà employés depuis 21 ans lorsque la défenderesse a commencé à utiliser la marque de commerce Athletic Club.

[9]               La demanderesse a déposé sa propre demande à l’égard de la marque de commerce « OAC & dessin » [marque de commerce OAC], que la défenderesse conteste. Il s’agit de la demande n° 1,421,086 et la marque de commerce OAC y figure comme suit :

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[10]            La demanderesse soutient que la marque de commerce OAC est employée en liaison avec ce qui suit :

  • Exploitation d’un club de conditionnement physique; cours de conditionnement physique; exploitation d’un club de sports de raquette, nommément tennis, squash et racquetball; exploitation d’installations aquatiques, depuis au moins aussi tôt que 1983;
  • Services d’entraînement personnel, depuis au moins aussi tôt que 1989;
  • Exploitation d’installations de golf intérieures, depuis au moins aussi tôt que 1995;
  • Exploitation de camps d’été sportifs, depuis au moins aussi tôt que 1993.

[11]           En vertu de l’article 57 de la Loi, la Cour fédérale a une compétence initiale exclusive pour examiner les demandes visant à radier ou à modifier les inscriptions figurant dans le registre. Seule « une personne intéressée » peut présenter une demande de cette nature, mais il s’agit d’une catégorie large qui englobe quiconque est atteint ou a des motifs valables d’appréhender qu’il sera atteint par une inscription dans le registre et qui satisfait à la condition minimale applicable (voir Omega Engineering, Inc c Omega SA, 2006 CF 1472, au paragraphe 11 [Omega Engineering]). Il n’est pas contesté en l’espèce que la demanderesse est une « personne intéressée » au sens de la définition énoncée dans la Loi.

[12]           La demanderesse sollicite une déclaration portant que la marque de commerce Athletic Club est invalide, une ordonnance fondée sur le paragraphe 57(1) de la Loi afin de radier (ou, subsidiairement, de modifier) l’enregistrement de la marque de commerce Athletic Club parce qu’elle n’exprime ou ne définit pas exactement les droits existants du propriétaire inscrit, ainsi qu’une ordonnance fondée sur les articles 53.2, 10 et 11 de la Loi interdisant en permanence à la défenderesse d’employer, directement ou au moyen d’une licence, la marque de commerce Athletic Club et la marque équivalente reconnue par la common law.

[13]           Bien que présentée sous forme de demande, l’action en radiation fondée sur l’article 57 de la Loi n’est ni une demande de contrôle judiciaire ni un appel; il s’agit plutôt de l’exercice par la Cour fédérale de sa compétence initiale. En conséquence, elle n’est assujettie à aucune norme de contrôle. La Cour doit examiner les questions en litige avec un œil nouveau : voir Roger T. Hughes, Toni Polson Ashton et Neal Armstrong, Hughes on Trade Marks, 2e édition (édition en feuilles mobiles, rel 35‑8/2013) (Markham, LexisNexis Canada, 2005), aux pages 817 et 818 [Hughes on Trade Marks]; CIBC World Markets Inc c Stenner Financial Services Ltd, 2010 CF 397, au paragraphe 18; General Motors du Canada c Décarie Motors Inc, [2001] 1 CF 665 (CA), au paragraphe 31; Emall.ca Inc (faisant affaire sous la raison sociale de Cheaptickets.ca) c Cheap Tickets and Travel Inc, 2007 CF 243, au paragraphe 11, décision confirmée par 2008 CAF 50 [Cheaptickets].

QUESTIONS EN LITIGE

[14]           La demanderesse soulève les questions suivantes :

a)      La marque de commerce Athletic Club est‑elle invalide en raison de l’alinéa 18(1)a) de la Loi au motif que :

(i)         À la date de l’enregistrement (22 février 2005), elle donnait une description claire ou donnait une description fausse et trompeuse, en langue anglaise, de la nature ou de la qualité des services en liaison avec lesquels elle était employée, contrairement à l’alinéa 12(1)b) de la Loi;

(ii)       À la date de l’enregistrement, elle n’était pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi;

(iii)     À la date de l’enregistrement, elle était constituée du nom, dans une langue, de l’un des services à l’égard desquels elle était employée, contrairement à l’alinéa 12(1)c) de la Loi;

(iv)     À la date alléguée de premier emploi et de première adoption (31 décembre 1997), elle désignait le type de services qui y était associé, contrairement à l’alinéa 12(1)e) ainsi qu’aux articles 10 et 11 de la Loi?

b)      La marque de commerce Athletic Club est‑elle invalide en raison de l’alinéa 18(1)b) de la Loi au motif que :

(i)         À la date de l’avis de demande déposé en l’espèce (29 août 2011), elle n’était pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi?

c)      La marque de commerce Athletic Club est‑elle invalide en raison du paragraphe 18(1) de la Loi au motif que :

(i)         À la date de premier emploi alléguée (31 décembre 1997), elle créait de la confusion avec un nom commercial/une marque de commerce antérieurement employé(e) (soit Ottawa Athletic Club), contrairement aux alinéas 16(1)a) et 16(1)c) de la Loi?

d)     Subsidiairement, y a‑t‑il lieu de modifier l’enregistrement de la marque de commerce Athletic Club en radiant certains des services énumérés?

e)      Y a‑t‑il lieu d’interdire en permanence à la défenderesse d’employer, directement ou au moyen d’une licence, la marque de commerce Athletic Club et la marque équivalente reconnue par la common law, en application des articles 53.2, 10 et 11 de la Loi?

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[15]           Voici les dispositions de la Loi qui s’appliquent en l’espèce :

Définitions

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

Definitions

2. In this Act,

[…]

« créant de la confusion »

« créant de la confusion » Relativement à une marque de commerce ou un nom commercial, s’entend au sens de l’article 6.

[…]

“confusing”

“confusing”, when applied as an adjective to a trade‑mark or trade‑name, means a trade‑mark or trade‑name the use of which would cause confusion in the manner and circumstances described in section 6;

[…]

« distinctive »

 « distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

[…]

“distinctive”

“distinctive”, in relation to a trade‑mark, means a trade‑mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them;

[…]

« personne intéressée »

« personne intéressée » Sont assimilés à une personne intéressée le procureur général du Canada et quiconque est atteint ou a des motifs valables d’appréhender qu’il sera atteint par une inscription dans le registre, ou par tout acte ou omission, ou tout acte ou omission projeté, sous le régime ou à l’encontre de la présente loi.

[…]

“person interested”

“person interested” includes any person who is affected or reasonably apprehends that he may be affected by any entry in the register, or by any act or omission or contemplated act or omission under or contrary to this Act, and includes the Attorney General of Canada;

[…]

« marque de commerce »

Selon le cas :

a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres;

b) marque de certification;

c) signe distinctif;

d) marque de commerce projetée.

[…]

“trade‑mark”

“trade‑mark” means

(a) a mark that is used by a person for the purpose of distinguishing or so as to distinguish wares or services manufactured, sold, leased, hired or performed by him from those manufactured, sold, leased, hired or performed by others,

(b) a certification mark,

(c) a distinguishing guise, or

(d) a proposed trade‑mark;

[…]

« nom commercial »

« nom commercial » Nom sous lequel une entreprise est exercée, qu’il s’agisse ou non d’une personne morale, d’une société de personnes ou d’un particulier.

[…]

“trade‑name”

“trade‑name” means the name under which any business is carried on, whether or not it is the name of a corporation, a partnership or an individual;

[…]

Quand une marque de commerce est réputée adoptée

3. Une marque de commerce est réputée avoir été adoptée par une personne, lorsque cette personne ou son prédécesseur en titre a commencé à l’employer au Canada ou à l’y faire connaître, ou, si la personne ou le prédécesseur en question ne l’avait pas antérieurement ainsi employée ou fait connaître, lorsque l’un d’eux a produit une demande d’enregistrement de cette marque au Canada.

[…]

When deemed to be adopted

3. A trade‑mark is deemed to have been adopted by a person when that person or his predecessor in title commenced to use it in Canada or to make it known in Canada or, if that person or his predecessor had not previously so used it or made it known, when that person or his predecessor filed an application for its registration in Canada.

[…]

Quand une marque ou un nom crée de la confusion

6. (1) Pour l’application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l’emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

When mark or name confusing

6. (1) For the purposes of this Act, a trade‑mark or trade‑name is confusing with another trade‑mark or trade‑name if the use of the first mentioned trade‑mark or trade‑name would cause confusion with the last mentioned trade‑mark or trade‑name in the manner and circumstances described in this section.

Idem

Idem

(2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

(2) The use of a trade‑mark causes confusion with another trade‑mark if the use of both trade‑marks in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with those trade‑marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

 

Idem

Idem

(3) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec un nom commercial, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à cette marque et les marchandises liées à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à cette marque et les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

(3) The use of a trade‑mark causes confusion with a trade‑name if the use of both the trade‑mark and trade‑name in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with the trade‑mark and those associated with the business carried on under the trade‑name are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

 

Idem

Idem

(4) L’emploi d’un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les marchandises liées à cette marque sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les services liés à cette marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

(4) The use of a trade‑name causes confusion with a trade‑mark if the use of both the trade‑name and trade‑mark in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with the business carried on under the trade‑name and those associated with the trade‑mark are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

 

Éléments d’appréciation

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[…]

What to be considered

(5) In determining whether trade‑marks or trade‑names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade‑marks or trade‑names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade‑marks or trade‑names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade‑marks or trade‑names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

[…]

Autres interdictions

10. Si une marque, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production de marchandises ou services, nul ne peut l’adopter comme marque de commerce en liaison avec ces marchandises ou services ou autres de la même catégorie générale, ou l’employer d’une manière susceptible d’induire en erreur, et nul ne peut ainsi adopter ou employer une marque dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.

[…]

Further prohibitions

10. Where any mark has by ordinary and bona fide commercial usage become recognized in Canada as designating the kind, quality, quantity, destination, value, place of origin or date of production of any wares or services, no person shall adopt it as a trade‑mark in association with such wares or services or others of the same general class or use it in a way likely to mislead, nor shall any person so adopt or so use any mark so nearly resembling that mark as to be likely to be mistaken therefor.

[…]

Autres interdictions

11. Nul ne peut employer relativement à une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque adoptée contrairement à l’article 9 ou 10 de la présente loi ou contrairement à l’article 13 ou 14 de la Loi sur la concurrence déloyale, chapitre 274 des Statuts révisés du Canada de 1952.

[…]

Further prohibitions

11. No person shall use in connection with a business, as a trade‑mark or otherwise, any mark adopted contrary to section 9 or 10 of this Act or section 13 or 14 of the Unfair Competition Act, chapter 274 of the Revised Statutes of Canada, 1952.

[…]

Marque de commerce enregistrable

12. (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

[…]

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d’origine de ces marchandises ou services;

c) elle est constituée du nom, dans une langue, de l’une des marchandises ou de l’un des services à l’égard desquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer;

[…]

e) elle est une marque dont l’article 9 ou 10 interdit l’adoption;

[…]

When trade‑mark registrable

12. (1) Subject to section 13, a trade‑mark is registrable if it is not

[…]

(b) whether depicted, written or sounded, either clearly descriptive or deceptively misdescriptive in the English or French language of the character or quality of the wares or services in association with which it is used or proposed to be used or of the conditions of or the persons employed in their production or of their place of origin;

(c) the name in any language of any of the wares or services in connection with which it is used or proposed to be used;

[…]

(e) a mark of which the adoption is prohibited by section 9 or 10;

[…]

Idem

Idem

(2) Une marque de commerce qui n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa (1)a) ou b) peut être enregistrée si elle a été employée au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive à la date de la production d’une demande d’enregistrement la concernant.

[…]

(2) A trade‑mark that is not registrable by reason of paragraph (1)(a) or (b) is registrable if it has been so used in Canada by the applicant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of filing an application for its registration.

[…]

Enregistrement des marques employées ou révélées au Canada

16. (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des marchandises ou services, a droit, sous réserve de l’article 38, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard de ces marchandises ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l’a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n’ait créé de la confusion :

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

b) soit avec une marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

c) soit avec un nom commercial qui avait été antérieurement employé au Canada par une autre personne.

[…]

Registration of marks used or made known in Canada

16. (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade‑mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with wares or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those wares or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

(a) a trade‑mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

(b) a trade‑mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

(c) a trade‑name that had been previously used in Canada by any other person.

[…]

Effet de l’enregistrement relativement à l’emploi antérieur, etc.

17. (1) Aucune demande d’enregistrement d’une marque de commerce qui a été annoncée selon l’article 37 ne peut être refusée, et aucun enregistrement d’une marque de commerce ne peut être radié, modifié ou tenu pour invalide, du fait qu’une personne autre que l’auteur de la demande d’enregistrement ou son prédécesseur en titre a antérieurement employé ou révélé une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion, sauf à la demande de cette autre personne ou de son successeur en titre, et il incombe à cette autre personne ou à son successeur d’établir qu’il n’avait pas abandonné cette marque de commerce ou ce nom commercial créant de la confusion, à la date de l’annonce de la demande du requérant.

 

Effect of registration in relation to previous use, etc.

17. (1) No application for registration of a trade‑mark that has been advertised in accordance with section 37 shall be refused and no registration of a trade‑mark shall be expunged or amended or held invalid on the ground of any previous use or making known of a confusing trade‑mark or trade‑name by a person other than the applicant for that registration or his predecessor in title, except at the instance of that other person or his successor in title, and the burden lies on that other person or his successor to establish that he had not abandoned the confusing trade‑mark or trade‑name at the date of advertisement of the applicant’s application.

 

Quand l’enregistrement est incontestable

(2) Dans des procédures ouvertes après l’expiration de cinq ans à compter de la date d’enregistrement d’une marque de commerce ou à compter du 1er juillet 1954, en prenant la date qui est postérieure à l’autre, aucun enregistrement ne peut être radié, modifié ou jugé invalide du fait de l’utilisation ou révélation antérieure mentionnée au paragraphe (1), à moins qu’il ne soit établi que la personne qui a adopté au Canada la marque de commerce déposée l’a fait alors qu’elle était au courant de cette utilisation ou révélation antérieure.

When registration incontestable

(2) In proceedings commenced after the expiration of five years from the date of registration of a trade‑mark or from July 1, 1954, whichever is the later, no registration shall be expunged or amended or held invalid on the ground of the previous use or making known referred to in subsection (1), unless it is established that the person who adopted the registered trade‑mark in Canada did so with knowledge of that previous use or making known.

 

Quand l’enregistrement est invalide

18. (1) L’enregistrement d’une marque de commerce est invalide dans les cas suivants :

a) la marque de commerce n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement;

b) la marque de commerce n’est pas distinctive à l’époque où sont entamées les procédures contestant la validité de l’enregistrement;

c) la marque de commerce a été abandonnée.

Sous réserve de l’article 17, l’enregistrement est invalide si l’auteur de la demande n’était pas la personne ayant droit de l’obtenir.

When registration invalid

18. (1) The registration of a trade‑mark is invalid if

(a) the trade‑mark was not registrable at the date of registration,

(b) the trade‑mark is not distinctive at the time proceedings bringing the validity of the registration into question are commenced, or

(c) the trade‑mark has been abandoned,

and subject to section 17, it is invalid if the applicant for registration was not the person entitled to secure the registration.

Exception

(2) Nul enregistrement d’une marque de commerce qui était employée au Canada par l’inscrivant ou son prédécesseur en titre, au point d’être devenue distinctive à la date d’enregistrement, ne peut être considéré comme invalide pour la seule raison que la preuve de ce caractère distinctif n’a pas été soumise à l’autorité ou au tribunal compétent avant l’octroi de cet enregistrement.

[…]

Exception

(2) No registration of a trade‑mark that had been so used in Canada by the registrant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of registration shall be held invalid merely on the ground that evidence of the distinctiveness was not submitted to the competent authority or tribunal before the grant of the registration.

[…]

Désistement

35. Le registraire peut requérir celui qui demande l’enregistrement d’une marque de commerce de se désister du droit à l’usage exclusif, en dehors de la marque de commerce, de telle partie de la marque qui n’est pas indépendamment enregistrable. Ce désistement ne porte pas préjudice ou atteinte aux droits du requérant, existant alors ou prenant naissance par la suite, dans la matière qui fait l’objet du désistement, ni ne porte préjudice ou atteinte au droit que possède le requérant à l’enregistrement lors d’une demande subséquente si la matière faisant l’objet du désistement est alors devenue distinctive des marchandises ou services du requérant.

[…]

Disclaimer

35. The Registrar may require an applicant for registration of a trade‑mark to disclaim the right to the exclusive use apart from the trade‑mark of such portion of the trade‑mark as is not independently registrable, but the disclaimer does not prejudice or affect the applicant’s rights then existing or thereafter arising in the disclaimed matter, nor does the disclaimer prejudice or affect the applicant’s right to registration on a subsequent application if the disclaimed matter has then become distinctive of the applicant’s wares or services.

[…]

Pouvoir du tribunal d’accorder une réparation

53.2 Lorsqu’il est convaincu, sur demande de toute personne intéressée, qu’un acte a été accompli contrairement à la présente loi, le tribunal peut rendre les ordonnances qu’il juge indiquées, notamment pour réparation par voie d’injonction ou par recouvrement de dommages‑intérêts ou de profits, pour l’imposition de dommages punitifs, ou encore pour la disposition par destruction, exportation ou autrement des marchandises, colis, étiquettes et matériel publicitaire contrevenant à la présente loi et de toutes matrices employées à leur égard.

[…]

Power of court to grant relief

53.2 Where a court is satisfied, on application of any interested person, that any act has been done contrary to this Act, the court may make any order that it considers appropriate in the circumstances, including an order providing for relief by way of injunction and the recovery of damages or profits and for the destruction, exportation or other disposition of any offending wares, packages, labels and advertising material and of any dies used in connection therewith.

[…]

Juridiction de la Cour fédérale

55. La Cour fédérale peut connaître de toute action ou procédure en vue de l’application de la présente loi ou d’un droit ou recours conféré ou défini par celle‑ci.

[…]

Jurisdiction of Federal Court

55. The Federal Court has jurisdiction to entertain any action or proceeding for the enforcement of any of the provisions of this Act or of any right or remedy conferred or defined thereby.

[…]

Juridiction exclusive de la Cour fédérale

57. (1) La Cour fédérale a une compétence initiale exclusive, sur demande du registraire ou de toute personne intéressée, pour ordonner qu’une inscription dans le registre soit biffée ou modifiée, parce que, à la date de cette demande, l’inscription figurant au registre n’exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque.

[…]

Exclusive jurisdiction of Federal Court

57. (1) The Federal Court has exclusive original jurisdiction, on the application of the Registrar or of any person interested, to order that any entry in the register be struck out or amended on the ground that at the date of the application the entry as it appears on the register does not accurately express or define the existing rights of the person appearing to be the registered owner of the mark.

[…]

ARGUMENTS

La demanderesse

[16]           La demanderesse soutient que la marque de commerce Athletic Club est invalide essentiellement pour trois raisons : elle n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement, compte tenu de plusieurs motifs allégués (alinéa 18(1)a)); elle n’était pas distinctive à l’époque où la présente instance a été engagée (alinéa 18(1)b)) et, à la date à laquelle elle a été employée pour la première fois, elle créait de la confusion avec une marque de commerce ou un nom commercial antérieurement employé(e), de sorte que la défenderesse n’était pas la personne ayant le droit d’en obtenir l’enregistrement (article 6 et paragraphes 16(1) et 18(1)).

La marque de commerce crée de la confusion avec une marque de commerce ou un nom commercial antérieurement employé(e)

[17]           La demanderesse soutient que la marque de commerce Athletic Club crée, et créait à la date de son premier emploi, de la confusion avec le nom commercial et la marque de commerce établis depuis longtemps d’OAC, de sorte qu’elle est invalide au sens du paragraphe 18(1) de la Loi.

[18]           Le paragraphe 18(1) énonce que l’enregistrement d’une marque de commerce est invalide « si l’auteur de la demande n’était pas la personne ayant droit de l’obtenir ». Selon la demanderesse, l’auteur d’une demande de marque de commerce n’a pas le droit d’enregistrer une marque de commerce (ou d’en conserver l’enregistrement en cas de contestation subséquente) si, à la date à laquelle il l’a employée pour la première fois, la marque de commerce créait de la confusion avec une autre marque de commerce (alinéa 16(1)a)) ou un nom commercial (alinéa 16(1)c)) antérieurement employé(e) au Canada par une autre personne.

[19]           La demanderesse affirme qu’OAC a employé le nom commercial / la marque de commerce « Ottawa Athletic Club » de manière continue et sur une grande échelle afin d’annoncer ses services depuis 1976, notamment au moyen d’affiches, de commandites communautaires, de guides de programme, d’articles de promotion, d’annonces à la radio et dans les pages jaunes, des salons professionnels et des sites Web. Cet emploi précède de 21 ans l’utilisation de la marque de commerce Athletic Club par la défenderesse. OAC est un chef de file dans le domaine des sports et du conditionnement physique et elle jouit d’une excellente réputation.

[20]           La demanderesse affirme qu’il existe une preuve abondante établissant que la marque de commerce Athletic Club crée de la confusion avec le nom commercial et la marque de commerce d’OAC et elle fait valoir ce qui suit en ce qui concerne le critère servant à déterminer s’il y a confusion énoncé au paragraphe 6(5) de la Loi :

a)      Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus : la marque de commerce Athletic Club donne une description claire et n’est donc pas distinctive, alors qu’OAC a quant à elle exercé ses activités et employé sa marque de commerce / son nom commercial pendant 21 ans avant que la défenderesse commence à employer sa marque de commerce;

b)      La période pendant laquelle les marques de commerces ou noms commerciaux ont été en usage : voir plus haut;

c)      Le genre de marchandises, services ou entreprises : les marques de commerce respectives sont employées en liaison avec les mêmes services;

d)     la nature du commerce : les marques de commerce sont employées dans le même domaine;

e)      le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent : les mots employés dans les marques de commerce des parties sont presque identiques en ce qu’ils présentent un son similaire et les idées qu’ils suggèrent sont les mêmes.

[21]           La demanderesse cite plusieurs exemples de confusion réelle, y compris les suivants :

         Des membres du public téléphonent à OAC et croient que celle‑ci et la défenderesse sont une seule et même entreprise ou se disent surpris d’apprendre qu’il s’agit de deux entreprises différentes;

         Des membres du public téléphonent à OAC ou diffusent dans leurs comptes Twitter des gazouillis concernant les promotions ou activités de la défenderesse;

         Des membres du public envoient par erreur des demandes d’emploi à OAC à l’égard de postes annoncés par la défenderesse;

         De l’équipement de conditionnement physique destiné à la défenderesse est livré par erreur à OAC;

         Un professeur de collège a téléphoné à OAC pour se plaindre du traitement reçu par deux de ses élèves au cours d’entrevues, alors que les entrevues en question avaient été menées par la défenderesse;

         Un technicien s’est présenté à un établissement d’OAC pour réparer un appareil de conditionnement physique qui se trouvait en réalité à l’établissement de l’Athletic Club;

         Centraide a envoyé à OAC une proposition de marketing qui était destinée à la défenderesse et dont la page d’envoi comportait la marque de commerce de celle‑ci;

         Le deuxième résultat organique obtenu en cherchant sur Google l’expression « Ottawa Athletic Club » concerne The Athletic Club.

[22]           La demanderesse ajoute que la défenderesse a fait la promotion de ses services en utilisant un babillard comportant la même image de photothèque que celle qui figure dans le site Web d’OAC depuis environ deux ans, et lancé une page Facebook intitulée « The Athletic Club in Ottawa » un an après le lancement par OAC de sa propre page intitulée « Ottawa Athletic Club ». La demanderesse affirme qu’OAC n’a pas reçu de demandes de renseignements de personnes qui tentaient de joindre d’autres clubs d’athlétisme ou de présenter une demande d’emploi à d’autres clubs d’athlétisme avant que la défenderesse annonce ses activités à Ottawa.

[23]           La demanderesse reconnaît que, selon le paragraphe 17(2) de la Loi, elle ne peut chercher à faire invalider l’enregistrement de la marque de commerce de la défenderesse au motif que celle‑ci crée de la confusion avec sa propre marque de commerce ou son propre nom commercial que si la défenderesse était au courant de l’utilisation antérieure de la marque de commerce ou du nom commercial en question par la demanderesse avant d’adopter elle‑même la marque de commerce. Il en est ainsi parce que la demanderesse a engagé la présente procédure visant à radier la marque de commerce de la défenderesse du registre plus de cinq ans après l’enregistrement de celle‑ci. Cependant, la demanderesse affirme que la connaissance réelle est établie par ce qui suit : 1) la présence, dans les documents constitutifs de la société que la défenderesse a remplacée (et qui est maintenant une filiale de celle‑ci), d’un rapport de recherche de dénominations sociales NUANS qui est signé par Alan Quesnel et David Wu et daté du 25 juin 1997 et dans lequel la dénomination Ottawa Athletic Club figure; 2) le fait que l’auteur d’un affidavit déposé par la défenderesse, M. Chuck Kelly, n’ait pas fourni de réponses satisfaisantes à la question de savoir si M. Quesnel et M. Wu étaient au courant de cette recherche à la date à laquelle ils ont signé les documents constitutifs en question.

[24]           La demanderesse fait remarquer que la Cour fédérale a rendu une ordonnance interlocutoire dans laquelle elle a confirmé qu’il y avait eu renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat en ce qui concerne la communication de la recherche NUANS à The Athletic Club ou aux mandants ou actionnaires de celle‑ci par l’avocat qui s’est occupé de la constitution de la société. Cependant, la demanderesse fait valoir que, malgré les questions qui lui ont été posées et les engagements qu’il a formulés au cours de son contre‑interrogatoire supplémentaire, M. Kelly a refusé de fournir des dossiers ou des lettres de compte rendu de l’avocat qui permettraient d’éclaircir la question; il a également refusé de s’enquérir en bonne et due forme auprès de M. Quesnel, de M. Wu ou de l’avocat qui s’est occupé de constituer la société, ou encore d’effectuer des recherches appropriées dans les registres de la société. De plus, la défenderesse a refusé de s’assurer que M. Quesnel ou M. Wu puissent être contre‑interrogés, malgré le fait que ces deux fondateurs de l’entreprise Athletic Club étaient les personnes les mieux informées de l’origine de la marque de commerce et du nom commercial de celle‑ci.

[25]           La demanderesse soutient que la Cour devrait tirer une conclusion défavorable de ses allégations portant que la défenderesse n’a apparemment pas répondu correctement aux questions pertinentes en contre‑interrogatoire, et conclure que la défenderesse était effectivement au courant de l’utilisation par la demanderesse de son nom commercial et de sa marque de commerce au moins aussi tôt que juin 1997. Selon la demanderesse, il est bien établi qu’il est possible de tirer une conclusion défavorable lorsqu’une partie omet, sans explication raisonnable, de présenter des éléments de preuve qui lui sont accessibles et qui auraient pu résoudre la question en litige : Milliken & Co c Interface Flooring Systems (Canada) Inc, [1998] 3 CF 103, au paragraphe 26 [Milliken]. Dans la présente affaire, OAC n’est pas en mesure d’obtenir la lettre de compte rendu ou les notes d’honoraires se rapportant à la constitution en société de la London Athletic Club Inc., si ce n’est de la défenderesse. Les documents ou renseignements relèvent de la connaissance exclusive de la défenderesse et, dans de telles circonstances, à savoir lorsque la défenderesse refuse de produire des éléments de preuve de cette nature, la Cour déduira que les faits sont défavorables aux intérêts de celle‑ci : Hoffman‑La Roche Ltd c Apotex Inc (1983), 145 DLR (3d) 270 (CS Ont), au paragraphe 25 [Hoffman].

La marque de commerce n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement

[26]           La demanderesse invoque plusieurs motifs pour soutenir que la marque de commerce Athletic Club n’était pas enregistrable à la date de son enregistrement, soit le 22 février 2005, et que l’enregistrement est donc invalide en application de l’alinéa 18(1)a) de la Loi.

La marque de commerce donne une description claire des services

[27]           D’abord, la demanderesse souligne que, selon l’alinéa 12(1)b) de la Loi, une marque de commerce n’est pas enregistrable lorsque, « qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée […] ». La demanderesse affirme que cette disposition vise à empêcher les commerçants d’acquérir un monopole sur des mots qui appartiennent « au fonds commun de mots courants que tous les commerçants devraient pouvoir continuer à employer pour décrire leurs marchandises et leurs services » : Conseil du régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario c Canada (Procureur général), 2012 CAF 60, au paragraphe 37 [Enseignants de l’Ontario].

[28]           La demanderesse soutient que la question de savoir si une marque de commerce donne une description claire est une question de première impression qui peut être envisagée du point de vue de l’acheteur ordinaire des marchandises ou services en cause : Wool Bureau of Canada Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1978), 40 CPR (2d) 25, [1978] ACF n° 307, aux paragraphes 7 et 11 (CF 1re inst.) [Wool Bureau]; Mitel Corporation c Canada (Registraire des marques de commerce) (1984), 79 CPR (2d) 202, au paragraphe 7 (CF 1ère inst.) [Mitel]. Il ne convient pas de faire une analyse approfondie et critique des mots pour déterminer s’ils ont d’autres connotations; ce qu’il faut faire, c’est « établir ce que ces termes, dans le contexte où ils sont utilisés, représenteraient pour le public » : Riverside Paper Corp c First Base Inc, [1999] ACF n° 1291, au paragraphe 10 (CF 1re inst.) [Riverside Paper], citant John Labatt Ltd c Carling Breweries Ltd (1974), 18 CPR (2d) 15. Le mot « claire » de l’expression « description claire » doit être interprété comme « facile à comprendre, suffisante ou simple » plutôt que « rigoureusement exacte » (Drackett Co of Canada Ltd c American Home Products Corp, [1968] 2 Ex CR 89, au paragraphe 21; Evert‑Fresh Corp c Green Bag Pty Ltd, 2011 COMC 236, au paragraphe 18 [Green Bag]), et le caractère descriptif doit être examiné dans le contexte des marchandises et services en liaison avec lesquels la marque de commerce est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer : Mitel, précitée, au paragraphe 18.

[29]           La demanderesse ajoute que les mots donnant une description claire doivent être interprétés comme tels malgré les avis de désistement ou l’emploi de polices de caractères spéciales : Atlantic Promotions Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) (1984), 2 CPR (3d) 183 (CF 1re inst.), à la page 194; Agropur Cooperative c Parmalat SPA, 2011 COMC 30, au paragraphe 40 [Parmalat]. Si la marque de commerce en question est une marque composée (soit une marque qui comporte à la fois un élément mot et un élément graphique), elle ne sera pas – comme il est prévu à l’alinéa 12(1)b) de la Loi – enregistrable lorsque la marque, sous forme sonore, comporte des mots qui donnent une description claire et constituent une caractéristique prédominante de la marque : Best Canadian Motor Inns Ltd c Best Western International, Inc, 2004 CF 135 [Best Western]; Green Bag, précitée, aux paragraphes 21 et 22; 674802 BC Ltd (Amanda Enterprises) c Encorp Pacific (Canada), 2011 COMC 180, aux paragraphes 15 à 26 [Encorp Pacific]; Ogopogo Media Inc c BC Jobs Online Inc, 2011 COMC 127, aux paragraphes 12 à 20 [Ogopogo]; Parmalat, précitée, aux paragraphes 35 à 43; Fast Fence Inc c Yellow Fence Rentals Inc, 2010 COMC 96; Central City U‑Lock Ltd c JCM Professional Mini‑Storage Management Ltd (2009), 80 CPR (4th) 467 (COMC), aux paragraphes 18 à 24; Worldwide Diamond Trademarks Ltd c Canadian Jewellers Assn, 2010 CF 309, aux paragraphes 17 à 21 [Canadian Jewellers]; Canadian Tire Corp c Exxon Mobil Corp (2009), 80 CPR (4th) 407 (COMC), aux paragraphes 6 à 10; Canadian Council of Professional Engineers c Canada Society for Professional Engineers (1996), 66 CPR (3d) 563 (COMC), au paragraphe 11 [Professional Engineers]; Burns Foods (1985) Ltd c Superior Livestock of Canada, Inc (1996), 67 CPR (3d) 413 (COMC); Arthur c Auto Mart Magazine Ltd (1995), 66 CPR (3d) 117.

[30]           Dans la présente affaire, la défenderesse s’est désistée du droit à l’usage des mots « athletic club » en dehors de la marque de commerce Athletic Club et, ce faisant, elle a reconnu, de l’avis de la demanderesse, que ces mots donnent une description claire de la nature ou de la qualité des services de ladite défenderesse, qu’ils correspondent au nom des services eux‑mêmes ou sont par ailleurs communément employés dans le secteur d’activité en cause : Insurance Co of Prince Edward Island c Prince Edward Island Mutual Insurance Co (1999), 2 CPR (4th) 103 (COMC), aux paragraphes 6 et 10 [PEI Mutual]; Ogopogo, précitée, au paragraphe 13; Professional Engineers, précitée, au paragraphe 11.

[31]           La demanderesse fait également valoir que l’expression clairement descriptive « The Athletic Club » constitue la caractéristique prédominante de la marque. À cet égard, elle souligne que les deux auteurs des affidavits déposés par Athletic Club ont répondu rapidement et sans hésitation « The Athletic Club » lorsqu’ils se sont fait demander en contre‑interrogatoire comment sonnent les mots de la marque de commerce. L’élément graphique de la marque – soit une forme ovale de couleur noire dont le périmètre est entouré d’une autre ligne ovale de couleur noire – ne comporte aucun élément distinctif. La police de caractères n’est pas particulièrement distinctive et ceux‑ci ne permettraient pas aux consommateurs de l’identifier : Parmalat, précitée, au paragraphe 40. La demanderesse affirme qu’il arrive souvent que des mots soient encadrés dans une forme ovale et la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a affirmé qu’il serait inacceptable de soutenir que la simple insertion d’un texte à l’intérieur d’une bordure confère le droit d’empêcher à tout jamais qui que ce soit d’autre de les employer : voir Westfair Foods Ltd c Jim Pattison Industries Ltd, 1989 CarswellBC 689, au paragraphe 20, 59 DLR (4th) 46 (CSCB) [Westfair Foods], décision confirmée par (1990) 68 DLR (4th) 481 (CACB).

[32]           La demanderesse soutient que la présente affaire est semblable à l’affaire Encorp Pacific, précitée, dans laquelle la Commission des oppositions des marques de commerce a conclu que, compte tenu de la dimension et de la simplicité relatives de l’élément graphique de la marque, illustrée ci‑dessous, celle‑ci ne suscite pas de l’intérêt sur le plan visuel.

Test3

L’élément dominant de la marque était donc les mots « Bottle Depot », qui donnaient une description claire des services de recyclage. Appliquant le critère de la description énoncé dans la décision Best Western, précitée, la Commission a conclu que la marque, dans son ensemble et sous l’angle de la première impression, était clairement descriptive, dans sa forme sonore, des services en liaison avec lesquels elle était employée.

[33]           Citant la décision Riverside Paper, précitée, la demanderesse soutient que les mots « The Athletic Club », lorsqu’ils sont examinés dans leur contexte, donnent une description claire du service en liaison avec lequel la marque de commerce Athletic Club est et a été employée. Le consommateur ordinaire attribuerait d’emblée à la marque prise dans son ensemble un sens courant se rapportant aux services mentionnés en liaison avec la marque de commerce. Au soutien de cette affirmation, la demanderesse cite les définitions du dictionnaire des mots « athletic » et « club ». Elle cite également des déclarations que les auteurs des affidavits de la défenderesse ont formulées en contre‑interrogatoire et qui montrent, à son avis, que la principale idée suggérée par la marque de commerce concerne un [traduction] « lieu d’exercice physique » et que l’expression « athletic club » s’entend généralement d’un lieu d’exercice physique ou d’un établissement offrant les types de services qu’offrent la défenderesse et la demanderesse. Ces services comprennent le conditionnement physique, l’entraînement aux poids et haltères, la gymnastique aérobique, l’évaluation de la condition physique, l’entraînement personnel, l’exécution d’exercices, les cours de danse, etc. La demanderesse affirme que l’un des témoins de la défenderesse a reconnu que l’emploi de ces mots descriptifs aide à attirer des visiteurs sur le site Web de la défenderesse.

La marque de commerce est constituée du nom des services

[34]           La demanderesse fait valoir que, outre le fait qu’elle est descriptive des services offerts par la défenderesse, la marque de commerce Athletic Club correspond au nom, en langue anglaise, des services (ou d’une partie de ceux‑ci) en liaison avec lesquels elle est employée. Or, l’alinéa 12(1)c) énonce qu’une telle marque n’est pas enregistrable, et son enregistrement est donc invalide par application de l’alinéa 18(1)a).

[35]           La demanderesse souligne que le dossier de preuve comporte de nombreux exemples de personnes qui emploient les mots « athletic club » (club d’athlétisme) pour décrire les services offerts par la défenderesse. De l’avis de la demanderesse, cela montre que, à tout le moins en ce qui concerne certains services que la défenderesse offre (en l’occurrence, l’exploitation d’un établissement de conditionnement physique ou d’entraînement aux poids et haltères, l’exploitation d’un établissement de gymnastique aérobique, les services d’entraînement personnel, des services d’évaluation de la condition physique et des cours de gymnastique, de conditionnement physique et de gymnastique aérobique), l’expression « athletic club » constitue le nom des services.

[36]           Lorsque les mots d’une marque composée en constituent l’élément prédominant, la marque est susceptible de contrevenir à l’alinéa 12(1)c) de la Loi : Canadian Bankers Association c Northwest Bancorporation (1979), 50 CPR (2d) 113 (COMC), aux paragraphes 12 et 15 [Banco]; Brûlerie Des Monts Inc c 3002462 Canada Inc (1997), 132 FTR 150, 75 CPR (3d) 445 (CF 1re inst.). De plus, pour qu’une marque de commerce contrevienne à l’alinéa 12(1)c), il n’est pas nécessaire qu’elle soit principalement constituée dans une langue du nom de l’un ou l’autre des services; il suffit qu’elle soit simplement constituée dans une langue du nom de l’un ou l’autre service : Banco, précitée; Saputo Produits Laitiers Canada c Grande Cheese Company Limited, 2011 COMC 177, au paragraphe 30. Il est possible de satisfaire au fardeau de la preuve exigé par cette disposition en produisant des copies d’extraits d’ouvrages de référence démontrant qu’une définition se rapporte à la marque : David Oppenheimer Co, LLC c Imagine IP, LLC, 2011 COMC 84.

La marque de commerce est une marque dont l’emploi est interdit par l’article 10

[37]           La demanderesse soutient également que la défenderesse a adopté la marque de commerce Athletic Club en contravention de l’article 10 de la Loi. Cela signifie que la marque n’était pas enregistrable selon l’alinéa 12(1)e) et que l’enregistrement est invalide en application de l’alinéa 18(1)a).

[38]           La demanderesse affirme que, le 31 décembre 1997, lorsque la défenderesse a adopté la marque de commerce Athletic Club, cette marque est devenue, « en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, reconnue comme désignant » un type de services. L’article 10 interdit à toute personne d’adopter une telle marque (ou une marque qui lui ressemble beaucoup) à titre de marque de commerce en liaison avec les services en question ou avec d’autres services appartenant à la même catégorie générale, ou de l’utiliser d’une façon susceptible d’induire en erreur. La demanderesse affirme qu’un mot qui fait déjà l’objet d’une utilisation commerciale courante en liaison avec des services devrait pouvoir être employé par toute partie et ne saurait être disponible à titre de marque de commerce. Lorsqu’il peut être établi qu’une marque de commerce est constituée d’un tel mot ou qu’elle y ressemble, elle n’est pas enregistrable, elle n’est pas distinctive et son enregistrement est invalide : United Artists Records Inc c Soundtrack Limited (1977), 36 CPR (2d) 278 (COMC) [United Artists]; Benson & Hedges (Canada) Ltd c Empresa Cubana Del Tabaco (1975), 23 CPR (2d) 274 [Empresa Cubana]; Bank of Montreal c Merrill Lynch & Co Inc (1997), 84 CPR (3d) 262 (COMC) [Merrill Lynch].

[39]           La demanderesse invoque de nombreux articles de journaux, annuaires de pages jaunes, décisions judiciaires rendues au Canada et descriptions d’activités par des centres de conditionnement physique, ainsi que le témoignage en contre‑interrogatoire des auteurs des affidavits déposés par la défenderesse, qui démontrent tous que, en 1997, les mots « athletic club » en étaient venus, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, à désigner le type de services qu’offre la défenderesse. En conséquence, l’adoption de ces mots à titre de marque de commerce était interdite par l’article 10. De l’avis de la demanderesse, cette preuve renforce également les arguments susmentionnés selon lesquels la marque de commerce donne une description claire des services, contrairement à l’alinéa 12(1)b), et est constituée du nom des services, contrairement à l’alinéa 12(1)c).

 

La marque de commerce n’est pas distinctive

[40]           La demanderesse fait également valoir que la marque de commerce Athletic Club n’est pas distinctive (et ne l’était pas à la date à laquelle elle a été enregistrée), de sorte que son enregistrement est invalide tant aux termes de l’alinéa 18(1)b) que par l’effet combiné de l’alinéa 18(1)a) et du paragraphe 18(2) de la Loi.

[41]           La demanderesse souligne que, selon la définition du mot « distinctive » figurant à l’article 2 de la Loi, une marque de commerce distinctive est une marque qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi. Pour qu’une marque soit distinctive, trois conditions doivent donc être réunies : 1) la marque doit être associée à un produit ou un service; 2) lorsqu’il vend son produit ou son service, le « propriétaire » de la marque utilise celle‑ci en liaison avec ledit produit ou service; et 3) cette association permet au propriétaire de la marque de distinguer son produit ou son service de celui d’autres personnes : Nature’s Path Foods Inc c Quaker Oats Co of Canada (2001), 204 FTR 102, 2001 CarswellNat 784, au paragraphe 46 (CF 1re inst.); Bodum USA, Inc c Meyer Housewares Canada Inc, 2012 CF 1450, au paragraphe 117 [Bodum USA].

[42]           Dans la présente affaire, la demanderesse affirme qu’il existe deux dates pertinentes à prendre en compte en ce qui concerne le caractère distinctif de la marque de commerce Athletic Club. Si la marque de commerce n’était pas distinctive à l’une ou l’autre de ces dates, son enregistrement sera invalide. D’abord, suivant l’effet combiné de l’alinéa 18(1)a) et du paragraphe 18(2) de la Loi, l’enregistrement de la marque de commerce sera invalide si la marque n’était pas distinctive à la date de son enregistrement. En deuxième lieu, selon l’alinéa 18(1)b), l’enregistrement de la marque de commerce sera invalide si elle n’était pas distinctive à la date du dépôt de l’avis de demande (soit le 29 août 2011). La demanderesse soutient que la marque de commerce n’était pas distinctive à l’une ou l’autre de ces deux dates.

[43]           La demanderesse affirme que, lorsqu’une marque de commerce donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, elle n’est pas distinctive à première vue. Il est beaucoup plus difficile d’établir le caractère distinctif de mots descriptifs que de mots inventés : Riverside Paper, précitée, au paragraphe 13; Bodum USA, précitée, au paragraphe 136. Le caractère distinctif d’une marque composite peut s’apprécier en fonction de la « forme sonore » des mots lorsque la partie graphique n’est pas dominante : Worldwide Diamond Trademarks Ltd c Association canadienne des bijoutiers, 2010 CAF 326, au paragraphe 2. Tel qu’il est mentionné plus haut, la demanderesse soutient que les mots « Athletic Club » et non les éléments graphiques constituent l’élément dominant de la marque de commerce Athletic Club.

[44]           Une marque de commerce qui est couramment employée par d’autres tierces parties ne peut être distinctive d’une seule source, soutient la demanderesse, et lorsque le nom courant de marchandises ou de services est utilisé comme marque de commerce, celle‑ci perd son caractère distinctif. La difficulté de prouver l’existence d’un sens secondaire (ou que la marque jouit d’un caractère distinctif acquis) augmente proportionnellement à la nature courante de l’usage correspondant à la description d’un service et le fardeau de prouver l’existence de ce sens secondaire est une lourde charge. Lorsque les mots sont purement descriptifs et couramment employés, il est difficile d’imaginer un cas où ils pourraient acquérir un sens secondaire : Canada (Registraire des marques de commerce) c GA Hardie & Co, [1949] RCS 483, 1949 CarswellNat 8, au paragraphe 42.

[45]           La demanderesse soutient que la preuve révèle que, bien avant 1997, les mots « athletic club » étaient abondamment utilisés au Canada et le sont toujours. Leur emploi est répandu à un point tel qu’aucun des arguments que la défenderesse pourrait invoquer au sujet du sens secondaire ne saurait être retenu.

[46]           La preuve relative aux allégations portant sur l’utilisation de la marque de commerce Athletic Club ou de la publicité dont elle a fait l’objet avant la date de l’enregistrement est extrêmement ténue et, dans la mesure où elle concerne l’emploi ou la publicité après la date en question, elle n’est pas pertinente aux fins de l’application de l’alinéa 18(1)a) et du paragraphe 18(2) de la Loi. En d’autres termes, si la marque de commerce Athletic Club n’était pas distinctive à la date de son enregistrement, l’enregistrement sera invalide, peu importe les éléments de preuve concernant un sens secondaire acquis par la suite. La demanderesse fait également valoir que les éléments de preuve relatifs à l’utilisation de la marque de commerce ou à la publicité dont elle a fait l’objet après le 22 février 2005 ne sont pas pertinents en ce qui concerne la question de savoir si celle‑ci donnait une description claire des services (alinéa 12(1)b)) ou est constituée du nom des services (alinéa 12(1)c)), de sorte que [traduction] « la plupart des éléments de preuve déposés par la défenderesse ne sont pas pertinents ».

[47]           De plus, la défenderesse n’a déposé aucune preuve par sondage ou affidavit de consommateurs permettant d’affirmer que la marque de commerce avait acquis un sens secondaire ou un caractère distinctif à la date de l’enregistrement ou à la date d’introduction de la présente demande en cause.

[48]           La demanderesse fait également valoir que la défenderesse n’emploie pas constamment les mots « the athletic club » dans un encadré noir de forme ovale sur les affiches intérieures et extérieures de ses établissements ou sur son site Web, ce qui affaiblit l’allégation de la défenderesse quant au caractère distinctif acquis.

La défenderesse

[49]           La défenderesse soutient que la demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait à l’égard des motifs qu’elle a invoqués et que l’enregistrement de la marque de commerce Athletic Club devrait être maintenu.

[50]           Dans une procédure de radiation, il incombe à la partie demanderesse d’établir que l’enregistrement de la marque de commerce de la partie défenderesse est invalide; si la partie demanderesse ne s’acquitte pas de ce fardeau, l’enregistrement doit être maintenu : Boston Pizza International Inc c Boston Chicken Inc (2001), 211 FTR 106, 15 CPR (4th) 345 (CF 1re inst.), au paragraphe 64 [Boston Pizza 1re inst.], décision modifiée pour d’autres motifs par 2003 CAF 120 [Boston Pizza CAF].

Caractère distinctif de la marque de commerce

[51]           La défenderesse soutient que l’absence de caractère distinctif d’une marque de commerce à la date de son enregistrement n’est pas un motif valable d’invalidation de l’enregistrement en question, contrairement à ce qu’affirme la demanderesse en se fondant sur l’alinéa 18(1)a) et sur le paragraphe 18(2) de la Loi. La Cour fédérale a déjà examiné un argument similaire et n’a pas admis que l’absence de caractère distinctif à la date de l’enregistrement constituait une raison valable d’invalider celui‑ci en vertu de l’alinéa 18(1)a). La Cour doit plutôt se limiter à se demander si, selon l’alinéa 18(1)b), la marque était distinctive lorsque les procédures de radiation ont été engagées : Fibergrid Inc c Precisioneering Ltd (1991), 35 CPR (3d) 221, aux pages 229 et 230 (CF 1re inst.). En conséquence, la date pertinente pour évaluer le caractère distinctif en l’espèce est le 29 août 2011 et tous les éléments de preuve que la défenderesse a produits au sujet de la période précédant cette date sont pertinents.

[52]           La défenderesse souligne que, selon la définition du mot « distinctive » énoncée à l’article 2, le caractère distinctif peut être acquis ou inhérent : McCallum Industries Ltd
c HJ Heinz Co Australia Ltd
, 2011 CF 1216, au paragraphe 34. Si la marque de commerce Athletic Club distingue véritablement (caractère distinctif acquis) ou est adaptée à distinguer (caractère distinctif inhérent) les marchandises ou les services en liaison avec lesquels elle est employée, elle sera distinctive et son enregistrement devra être maintenu : Boston Pizza CAF, précité, aux paragraphes 5 et 6. Une marque de commerce enregistrée est réputée être valide jusqu’à preuve du contraire : Boston Pizza CAF, précité, au paragraphe 16. De plus, la marque « doit être considérée dans son ensemble comme une affaire de première impression » et ne doit pas être décomposée en ses éléments constitutifs : Brasseries Molson c John Labatt Ltée, [2000] 3 CF 145, au paragraphe 83 (CAF).

[53]           La défenderesse ajoute qu’une marque de commerce est « adaptée à distinguer » lorsqu’elle a un caractère distinctif inhérent : Boston Pizza CAF, précité, au paragraphe 6. La marque de commerce Athletic Club est une marque‑dessin qui comporte des éléments graphiques originaux et les marques de commerce qui incorporent un dessin original ont un caractère distinctif inhérent : Fairmont Resort Properties Ltd c Fairmont Hotel Management, LP, 2008 CF 876, au paragraphe 85.

[54]           La marque de commerce Athletic Club est constituée de deux ellipses, l’une à l’intérieur de l’autre, ayant pour effet de créer une légère ellipse entre celles‑ci qui fait ressortir davantage la marque de commerce. Les mots « The Athletic Club » figurent dans une couleur claire à l’intérieur de l’ellipse noire plus petite et sont écrits dans un style de police particulier et des caractères uniques qui distinguent davantage la marque de commerce. Il incombe à la demanderesse de démontrer que la marque de commerce de la défenderesse n’a pas un caractère distinctif inhérent, ce que la demanderesse n’a pas fait. Le seul exemple, donné par la demanderesse, d’une autre marque de commerce comportant une forme ovale qui est employée en liaison avec des services semblables à ceux de la défenderesse est une autre marque appartenant à celle‑ci (la marque Total Fitness). Cela permet d’affirmer que les formes ovales employées en liaison avec les services de la défenderesse permettent de distinguer les services de la défenderesse.

[55]           La défenderesse ajoute que la marque de commerce a non seulement un caractère distinctif inhérent (ce qui suffit pour maintenir l’enregistrement), mais aussi un caractère distinctif par suite de son emploi au Canada : Boston Pizza CAF, précité, aux paragraphes 3 et 13. Il est possible d’accentuer le caractère distinctif d’une marque de commerce en faisant de la publicité : In‑Touch Network Systems Inc c 01 Communique Laboratory Inc (2007), 63 CPR (4th) 224, à la page 229, [2007] COMC n° 111, au paragraphe 26 (COMC) [In‑Touch]. La défenderesse affirme qu’elle a largement publicisé la marque de commerce Athletic Club, de sorte que celle‑ci a acquis un caractère distinctif; ainsi, elle a affiché la marque bien en vue à l’intérieur et à l’extérieur de ses installations et investi des millions de dollars dans la publicité, des envois postaux, des affichettes de porte et du matériel promotionnel. La défenderesse affirme qu’elle a dépensé plus de 1,7 million de dollars dans la publicité relative aux services qu’elle offre en liaison avec la marque de commerce uniquement pour la période allant du 1er août 2010 au 31 juillet 2011.

[56]           La défenderesse répète qu’étant donné qu’il s’agit d’une procédure de radiation elle n’a pas le fardeau de la preuve et elle fait valoir que la demanderesse n’a présenté aucun argument établissant que la marque de commerce Athletic Club n’avait pas acquis un caractère distinctif à la date pertinente, soit la date d’introduction de la présente procédure. De l’avis de la défenderesse, même si la date de l’enregistrement est prise en compte, la demanderesse n’a pas établi que la marque de commerce de la défenderesse n’avait pas acquis un caractère distinctif.

Effets du désistement

[57]           La défenderesse soutient que l’argument de la demanderesse – selon lequel le désistement relatif à l’usage des mots « athletic club » ne devrait pas avoir d’incidence sur la procédure de radiation parce que la marque donne une description claire – rendrait l’article 35 de la Loi inopérant, ce qui ne saurait avoir été l’intention du législateur. L’article 35 de la Loi permet au propriétaire de se désister du droit à l’usage exclusif de la partie d’une marque de commerce qui ne serait peut‑être pas être enregistrable en soi. Le désistement de la défenderesse à l’égard de l’usage des mots « athletic club » montre que sa demande d’enregistrement visait les formes ovales et le style de police et les caractères distinctifs, et pas nécessairement le texte figurant à l’intérieur desdites formes. La marque déposée empêcherait alors d’autres personnes d’utiliser des formes ovales similaires comportant à l’intérieur des mots présentés dans le style de police et caractères distinctifs, quels qu’ils soient. Tel est, selon la défenderesse, l’objet de son désistement.

[58]           L’affaire Best Western que la demanderesse a invoquée concerne un désistement au droit à l’usage de certains mots et non de l’ensemble de la phrase et peut donc être distinguée d’avec la situation en l’espèce. Dans la présente affaire, le désistement concerne l’expression « athletic club » au complet et la demanderesse n’a pas établi que les éléments graphiques de la marque de commerce ne sont pas distinctifs. En conséquence, il y a lieu de tenir compte du désistement au moment d’évaluer le caractère descriptif de la marque de commerce ainsi que les autres motifs d’invalidité invoqués par la demanderesse sur le fondement des articles 10, 11 et 12 de la Loi.

La marque de commerce est enregistrable

La marque de commerce ne donne pas une description claire

[59]           La défenderesse affirme que la marque de commerce ne donne pas une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée et n’était donc pas une marque non enregistrable au sens de l’alinéa 12(1)b).

[60]           Le critère à appliquer pour savoir si une marque de commerce donne une description claire est celui de la première impression qu’avait la personne ordinaire ou raisonnable. Selon la jurisprudence, le mot « nature » dans l’expression « de la nature ou la qualité des marchandises ou services » s’entend d’une caractéristique, d’une particularité ou d’un trait inhérent aux marchandises ou aux services. En conséquence, pour qu’elle soit considérée comme une marque donnant une description claire, la marque doit décrire une caractéristique ou une qualité intrinsèque des marchandises ou des services : Enseignants de l’Ontario, précité.

[61]           D’abord, la défenderesse s’est désistée du droit à l’usage des mots « athletic club ». Ce désistement permet l’enregistrement d’une marque de commerce, pourvu que, exception faite des mots non enregistrables, la marque comporte une caractéristique distinctive qui la rendrait distinctive dans son ensemble : Lake Ontario Cement Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1976), 31 CPR (2d) 103, aux pages 109 et 110, [1976] ACF n° 1104, au paragraphe 17 (CF 1re inst.). Les éléments graphiques de la marque de commerce Athletic Club de la défenderesse sont distinctifs et celle‑ci devrait être évaluée sans égard à la partie ayant fait l’objet d’un désistement. Suivant cette approche, la partie de la marque de commerce qui n’a pas fait l’objet d’un désistement ne donne pas une description claire de la nature ou de la qualité des services de la défenderesse.

[62]           Cependant, selon la défenderesse, même si les mots eux‑mêmes de la marque de commerce sont évalués, celle‑ci demeure non descriptive de la nature ou de la qualité des services. La nature et la qualité ne s’entendent pas simplement d’un autre nom servant à désigner les services. Il s’agit de mots qui décrivent les marchandises ou services en cause (par exemple, des marchandises bleues, des marchandises ayant bon goût ou des marchandises fraîches), et non de tous les mots pouvant être associés à un service. Si le législateur avait souhaité une interprétation plus large, il n’aurait pas employé les mots « de la nature ou de la qualité ».

[63]           Même si l’alinéa 12(1)b) reçoit une interprétation plus large, il reste que les mots « the athletic club » ne donnent à tout le moins pas une description claire de certains des services de la défenderesse (notamment les services de restauration, les services de casse‑croûte et l’exploitation d’un magasin de détail), et l’article 57 de la Loi permet à la Cour de modifier l’enregistrement : Omega Engineering, précitée, aux paragraphes 16, et 30 à 32. De plus, bien que les mots « the athletic club » puissent évoquer une relation entre d’autres services offerts par la défenderesse, ils ne permettent pas de savoir de façon claire ou évidente de quels services il s’agit. Ces mots pourraient évoquer une variété de services, dont les services liés à la pratique du tennis, du squash ou du racquetball, ou des groupes comme un club de course ou d’aviron. Si la marque de commerce suggère un sens autre qu’une description des services, cela signifie que les mots dont elle se compose ne donnent pas une description claire de ceux‑ci.

[64]           La défenderesse affirme que l’alinéa 12(1)b) de la Loi ne saurait avoir pour objet d’empêcher les parties d’employer les mots « athletic club » dans des marques de commerce. Si la Cour concluait que ces mots donnent une description claire, cela signifierait que d’autres marques comportant ces mots, comme celle de la demanderesse, donneraient une description et ne pourraient non plus être enregistrées. De l’avis de la défenderesse, tel ne peut être le résultat visé par l’alinéa 12(1)b).

La marque de commerce est distinctive

[65]           Dans l’éventualité où la Cour estimerait que les mots « athletic club » donnent une description claire de la nature ou de la qualité des services de la défenderesse, celle‑ci fait valoir que la marque de commerce était devenue distinctive par suite de l’usage qu’elle en avait fait lorsque la demande d’enregistrement s’y rapportant a été déposée (le 29 juillet 2003), ce qui la rend enregistrable en vertu du paragraphe 12(2) de la Loi. La défenderesse affirme que la marque de commerce Athletic Club a été affichée bien en vue à l’intérieur et à l’extérieur des établissements qu’elle exploitait avant cette date (les établissements de Brantford, London‑Nord et London‑Sud), et que la publicité qui a été faite à compter de 1997, avant l’ouverture de chacun de ces établissements couvrait, l’ensemble du territoire où ils ont été implantés. Cela signifie que la défenderesse a tenté de joindre tous les foyers de Brantford et de London au moyen d’annonces dans lesquelles elle a employé la marque de commerce en liaison avec ses services. La défenderesse affirme que la preuve qu’elle a présentée à cet égard constitue la « pointe de l’iceberg » et qu’elle aurait pu présenter davantage d’éléments de preuve à ce sujet si elle avait eu plus de temps pour se préparer.

La marque de commerce n’est pas constituée du nom des marchandises ou des services

[66]           La défenderesse affirme que la marque de commerce n’est pas constituée du nom, dans une langue, des marchandises ou services à l’égard desquels elle est employée, de sorte qu’elle n’est pas une marque non enregistrable au sens de l’alinéa 12(1)c). Le critère de l’alinéa 12(1)c) est plus restreint que celui qui concerne l’usage de termes descriptifs énoncé à l’alinéa 12(1)b). La marque, considérée dans son ensemble, doit être manifestement le nom des marchandises ou des services, selon l’impression immédiate ou première du consommateur ordinaire des services en question : ITV Technologies, Inc c WIC Television Ltd, 2003 CF 1056, aux paragraphes 81 à 87 [ITV Technologies]. Contrairement au critère prévu à l’alinéa 12(1)b), le critère de l’alinéa 12(1)c) ne vise pas la forme sonore de la marque, de sorte qu’il faut l’examiner dans son ensemble, en tenant compte de ses éléments graphiques : Jordan & Ste‑Michelle Cellars Ltd c Alwar SpA, [1980] COMC n° 81, aux paragraphes 14 à 17, 63 CPR (2d) 235, à la page 239 (COMC) [Alwar].

[67]           La défenderesse affirme que la marque est un dessin et que les éléments graphiques ne sont manifestement pas constitués du nom, dans une langue, de l’un ou l’autre des services qu’elle offre. De plus, les mots de la marque ne correspondent manifestement pas au nom de l’un ou l’autre de ses services : les mots « the athletic club » ne désignent pas les services offerts, qui consistent en des services de restauration, des services de casse‑croûte, l’exploitation d’un établissement de conditionnement physique et ainsi de suite, tel qu’il est mentionné plus haut : ITV Technologies, précitée, au paragraphe 86. Les mots « athletic club » peuvent désigner différentes choses, dont des groupes d’athlètes comme un club de course ou d’aviron, et il s’ensuit qu’on ne peut dire que la marque est constituée du nom des services : ITV Technologies, précitée, au paragraphe 85.

[68]           De plus, la défenderesse s’est désistée du droit à l’usage des mots « athletic club », ce qui rend irrecevables les objections de la demanderesse fondées sur l’alinéa 12(1)c) : Calona Wines Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce), [1978] 1 CF 591 (CF 1re inst.), au paragraphe 3. Si tel n’était pas le cas, l’avis de désistement n’aurait aucune raison d’être.

La marque de commerce n’est pas une marque dont l’emploi est interdit

[69]           La défenderesse rejette également l’argument de la demanderesse selon lequel la marque de commerce est une marque dont l’emploi est interdit par l’article 10 de la Loi.

[70]           Pour que cet argument soit retenu, la demanderesse doit démontrer qu’en 1997, la marque de commerce Athletic Club était, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devenue reconnue au Canada comme désignant le genre, la quantité, la qualité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production de marchandises ou de services. La défenderesse ajoute que la demanderesse doit également établir que c’est l’ensemble de la marque, y compris les éléments graphiques, qui fait l’objet de cette interdiction. Un élément d’une marque ne peut constituer à lui seul une « marque » au sens de l’article 10, puisqu’il ne faut pas disséquer les marques de commerce en leurs éléments constitutifs : Glenora Distillers International Ltd c Scotch Whisky Assn, 2009 CAF 16, aux paragraphes 23 et 24 [Glenora Distillers].

[71]           La défenderesse affirme que le seul véritable argument que la demanderesse a invoqué en ce qui concerne l’article 10 est le fait que la marque de commerce était devenue reconnue comme marque désignant le « genre » de services, ce qui est synonyme de « type de services » (République de Chypre (Industrie et Commerce) c International Cheese Council of Canada, 2011 CAF 201, au paragraphe 29 [Chypre]). La défenderesse affirme que ni les mots « The Athletic Club » eux‑mêmes, ni la marque dans son ensemble ne désignent un genre ou un type de services.

[72]           La défenderesse reprend l’argument selon lequel les mots « athletic » et « club » ne devraient pas être examinés dans le contexte de l’article 10, parce qu’ils ont fait l’objet d’un désistement, faute de quoi l’article 35 de la Loi n’aurait aucune raison d’être : Jordan & Ste‑Michelle Cellars Ltd / Les Caves Jordan & Ste‑Michelle Ltée c Andres Wines Ltd, 1985 CarswellNat 562, 6 CIPR 49, au paragraphe 9 (CF 1re inst.) [Jordan & Ste‑Michelle (CF)]. La défenderesse soutient que l’article 35 contrecarre dans une certaine mesure l’application des dispositions de l’article 10 et permet donc que les mots « Athletic Club » fassent partie de sa marque de commerce. Comme en témoigne le désistement, la défenderesse n’a pas tenté d’empêcher d’autres commerçants d’employer des marques comportant les mots « athletic club »; c’est plutôt la demanderesse qui cherche à exercer un monopole sur ces mots.

[73]           La défenderesse affirme que l’article 10 ne saurait avoir pour objet d’interdire l’emploi de marques contenant les mots « athletic club ». Cette disposition énonce que « nul » ne peut adopter une marque dont l’emploi est interdit comme marque de commerce, ce qui signifie que, si la demanderesse avait gain de cause dans la présente demande, le sort des marques de commerce de nombreux commerçants comportant les mots « athletic club », y compris celle de la demanderesse elle‑même, serait compromis. La défenderesse ajoute que la décision United Artists qu’a rendue la Commission des oppositions des marques de commerce et que la demanderesse a citée n’a pas été suivie et renvoie à des expressions comme [traduction] « devraient être à la disposition de toute partie », qui ne figurent pas dans la Loi elle‑même. Qui plus est, tel qu’il est mentionné plus haut, la marque de commerce de la défenderesse n’empêche pas d’autres personnes d’utiliser les mots « athletic club » en liaison avec leurs services.

Le motif de la confusion avec une marque de commerce ou un nom commercial antérieurement employé(e) ne peut être invoqué

[74]           De l’avis de la défenderesse, l’allégation selon laquelle marque de commerce Athletic Club crée de la confusion avec la marque de commerce de la demanderesse ou le nom commercial antérieurement employé(e) par celle‑ci ne s’applique pas en l’espèce, en raison de l’article 17 de la Loi. Le paragraphe 18(1) énonce en effet expressément qu’il s’applique « sous réserve de l’article 17 ». Le paragraphe 17(2) prévoit que l’enregistrement d’une marque de commerce ne peut être radié ou modifié sur la foi d’une demande qui est présentée plus de cinq ans après l’enregistrement et qui allègue l’utilisation antérieure d’une marque de commerce ou d’un nom commercial créant de la confusion, « à moins qu’il ne soit établi que la personne qui a adopté au Canada la marque de commerce déposée l’a fait alors qu’elle était au courant de cette utilisation ou révélation antérieure ». La défenderesse affirme que la demanderesse n’a pas établi que les prédécesseurs en titre de la défenderesse ont adopté la marque de commerce alors qu’ils étaient au courant de l’utilisation antérieure qu’avait fait la demanderesse de sa marque de commerce ou de son nom commercial, de sorte que celle‑ci ne peut invoquer le motif de la confusion pour demander l’annulation de l’enregistrement de la marque de commerce en application du paragraphe 18(1).

[75]           Selon la défenderesse, aucun des affidavits ou documents déposés par la demanderesse ne comporte le moindre élément de preuve établissant qu’Alan Quesnel était au courant de l’existence de la marque de commerce ou du nom commercial de la demanderesse lorsqu’il a adopté la marque de commerce de la défenderesse. Qui plus est, l’argument de la demanderesse selon lequel la Cour devrait tirer une conclusion défavorable à cet égard devrait être rejeté, la défenderesse ayant répondu de manière appropriée à toutes les questions pertinentes que la demanderesse a posées en contre‑interrogatoire.

[76]           La défenderesse affirme avoir déclaré clairement, dans un affidavit de Chuck Kelly signé le 21 janvier 2012, que M. Quesnel n’était pas au courant de l’existence de la marque de commerce ou du nom commercial de la demanderesse avant d’adopter la marque de commerce de la défenderesse. Le rapport de recherche NUANS mentionné par la demanderesse a été présenté pour la première fois au cours du contre‑interrogatoire de Chuck Kelly. Il n’a pas été produit en preuve en bonne et due forme et a été présenté à des fins d’identification seulement. Après s’être engagé à vérifier si le rapport de recherche NUANS était l’original, Chuck Kelly a répondu que [traduction] « ni Alan Quesnel, David Wu ou Chuck Kelly, non plus que les dirigeants ou administrateurs de la défenderesse […] n’ont reçu de copie du rapport de recherche NUANS ou n’ont pris connaissance de celui‑ci lors de la constitution de la société ou avant qu’eux‑mêmes ou leurs entreprises commencent à employer la marque de commerce THE ATHLETIC CLUB ET DESSIN », et que la défenderesse était incapable de vérifier si le rapport de recherche NUANS présenté à des fins d’identification au cours du contre‑interrogatoire était l’original. M. Kelly a ajouté dans cette réponse qu’[traduction] « Alan Quesnel et David Wu ont signé les statuts constitutifs sur les conseils de leur avocat en même temps que plusieurs autres documents. Le rapport de recherche NUANS n’a jamais été porté à leur attention ».

[77]           La défenderesse affirme que cette réponse aurait dû mettre un terme à l’examen de la question, mais la demanderesse a alors présenté une requête dans laquelle elle a sollicité, entre autres redressements, plusieurs déclarations, l’autorisation de délivrer une assignation (à l’avocat qui s’est occupé de constituer la société), une ordonnance autorisant le contre‑interrogatoire d’une personne non partie (l’avocat qui s’est occupé de constituer la société), et l’obtention d’autres réponses de Chuck Kelly. La Cour a rejeté la majorité de ces demandes, mais a confirmé qu’il y avait eu renonciation partielle au privilège par suite des réponses déjà données par la défenderesse. La renonciation s’appliquait [traduction] « uniquement à la question de savoir si le rapport de recherche NUANS a été communiqué à la société ou à ses mandants ou actionnaires » et la Cour a autorisé la poursuite du contre‑interrogatoire de M. Kelly. La défenderesse affirme qu’au cours du contre‑interrogatoire subséquent de M. Kelly, la demanderesse s’est livrée à une « recherche à l’aveuglette » afin de trouver des éléments de preuve établissant que M. Quesnel était au courant de l’existence de la demanderesse ou des marques de commerce ou du nom commercial de celle‑ci lorsqu’il a adopté la marque de commerce, mais qu’aucun élément de preuve de cette nature n’a été mis au jour. Lorsqu’il a répondu aux questions mises en délibéré, M. Kelly a affirmé que [traduction] « le rapport de recherche NUANS mentionné dans l’ordonnance du 10 août 2012 n’a pas été communiqué à la société ou à ses mandants ou actionnaires ». La défenderesse soutient qu’elle a par conséquent répondu à toutes les questions pertinentes posées par la demanderesse, de sorte qu’aucune conclusion défavorable ne peut ou ne devrait être tirée contre elle. Il existe une preuve sous serment qui va directement à l’encontre de la conclusion défavorable demandée et il n’y a aucun élément de preuve appuyant cette conclusion. La défenderesse affirme qu’elle n’est pas tenue de faire les recherches demandées par la demanderesse dans les autres questions mises en délibéré au cours du deuxième contre‑interrogatoire de Chuck Kelly.

[78]           Si la Cour conclut que la demanderesse a établi que M. Quesnel était au courant de l’existence de la marque de commerce ou du nom commercial de la demanderesse avant d’adopter la marque de commerce Athletic Club, la défenderesse demande l’autorisation de déposer des éléments de preuve supplémentaires à ce sujet.

La marque de commerce ne crée en aucun cas de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial de la demanderesse

[79]           La défenderesse soutient que, même si la connaissance antérieure de la marque de commerce ou du nom commercial de la demanderesse est établie, la marque de commerce Athletic Club de la défenderesse ne crée aucune confusion selon le critère énoncé au paragraphe 6(5) de la Loi.

[80]           La défenderesse affirme que la demanderesse doit établir qu’il existe une probabilité de confusion et non une simple possibilité : Remo Imports Ltd c Jaguar Cars Ltd, 2007 CAF 258, au paragraphe 38. Selon la défenderesse, parmi les facteurs énumérés au paragraphe 6(5), le facteur le plus important est le degré de ressemblance entre les marques : Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, au paragraphe 49. La marque de commerce de la défenderesse est composée d’éléments graphiques distinctifs qui ne sont nullement semblables au nom commercial ou à la marque de commerce de la demanderesse.

[81]           La défenderesse ajoute que, même sur le plan du son sa marque de commerce ne crée pas un risque de confusion. Le premier mot ou la première syllabe d’une marque de commerce est de loin l’élément le plus important pour établir le caractère distinctif (Park Avenue Furniture Corp c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413) [Park Avenue] (CAF), et le premier mot de la marque de commerce / du nom commercial de la demanderesse est « Ottawa », lequel ne figure pas dans la marque de commerce de la défenderesse.

[82]           De plus, lorsque plusieurs commerçants utilisent des mots identiques comme « athletic club », des différences mineures peuvent permettre aux parties de distinguer les marques de commerce entre elles : Kellogg Salada Canada Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) [1992] 3 CF 442, au paragraphe 14, 43 CPR (3d) 349 (CAF). Dans la présente affaire, il appert de la preuve que de nombreux commerçants emploient des marques comportant les mots « athletic club », de sorte que les gens se sont habitués à faire des distinctions subtiles entre les marques en fonction de différences mineures. La nature de l’activité commerciale diminue également la probabilité de confusion, selon la défenderesse, parce que les clients doivent se rendre à l’un des deux établissements pour utiliser les services.

[83]           En ce qui concerne les exemples de confusion réelle que la demanderesse a mentionnés, la défenderesse affirme qu’aucune des personnes qui auraient confondu les marques de commerce n’a pu être contre‑interrogée et que diverses raisons n’ayant possiblement rien à voir avec une confusion entre les marques de commerce sont susceptibles d’expliquer ces cas. Qui plus est, même si les exemples présentés sont acceptés à titre d’éléments de preuve établissant la confusion, ils sont si peu nombreux compte tenu de la taille de la population d’Ottawa qu’ils sont peu significatifs.

[84]           Enfin, la défenderesse fait valoir qu’il est bien reconnu que les marques comportant des mots descriptifs n’ont pas un caractère distinctif inhérent et ne bénéficient donc que d’un degré minimal de protection de la part des tribunaux. Lorsqu’une partie adopte un nom descriptif, elle doit accepter qu’une certaine confusion est possible : PEI Mutual, précitée. La demanderesse semble revendiquer un monopole sur les mots « athletic club »; or, la Cour doit plutôt établir un équilibre entre les droits de la demanderesse et du public, et celui de la défenderesse d’exercer ses activités dans un contexte de libre concurrence. Si elle jugeait qu’il y a confusion en l’espèce, la Cour accorderait effectivement à la demanderesse un monopole sur l’emploi de marques de commerce comportant les mots « athletic club » en liaison avec les services qu’elle offre, et l’étendue de ce monopole est déraisonnable : PEI Mutual, précitée, au paragraphe 47; San Miguel Brewing International Ltd c Molson Canada 2005, 2013 CF 156, au paragraphe 40.

ANALYSE

Introduction

[85]           La demanderesse demande à la Cour d’ordonner que la marque de commerce Athletic Club soit radiée du registre et d’interdire à la défenderesse d’utiliser cette marque de commerce ou son équivalent en common law. Cette demande est motivée par ce que la demanderesse désigne comme étant l’[traduction] « immense confusion » qu’a générée au détriment de son entreprise l’entrée de la défenderesse sur le marché des activités sportives et du conditionnement physique à Ottawa en employant la marque de commerce Athletic Club.

[86]           La demanderesse affirme qu’elle ne s’oppose pas à ce que l’Athletic Club emploie une marque de commerce comportant les mots « athletic club », mais soutient que la marque de la défenderesse doit se distinguer d’une façon qui ne crée pas de confusion avec l’entreprise de la demanderesse et ne nuit pas à celle‑ci. Ainsi, il existe apparemment une entité faisant affaire à Ottawa sous le nom d’Ottawa Aboriginal Athletic Club; de l’avis de la demanderesse, ce nom est suffisamment distinctif pour ne pas nuire à OAC. Selon la demanderesse, la marque de commerce de la défenderesse pose problème parce que les mots courants et génériques « The Athletic Club » constituent ses éléments dominants et que ceux‑ci ne sont pas suffisamment distinctifs pour permettre d’éviter la confusion qui s’est produite, et qui continuera de se produire, si la défenderesse est autorisée à continuer à exercer ses activités à Ottawa en employant la marque de commerce.

[87]           La défenderesse répond qu’elle ne revendique les mots « The Athletic Club » à titre de marque de commerce et que le dessin‑marque qu’elle emploie est suffisamment distinctif pour permettre d’éviter toute confusion. La défenderesse ajoute que les cas de confusion, s’il en est, sont peu fréquents dans un marché où des entreprises doivent informer le public qu’elles offrent des services dans les domaines du sport et du conditionnement physique.

[88]           Les objections que formule la demanderesse à l’égard de la marque de commerce Athletic Club reposent sur plusieurs motifs et les parties conviennent qu’il suffit qu’un seul motif soit retenu pour justifier la radiation de la marque de commerce du registre ou, à tout le moins, la radiation de quelques‑uns des services mentionnés en liaison avec la marque de commerce Athletic Club de façon à restreindre la portée de l’enregistrement. En revanche, l’injonction permanente que la demanderesse sollicite à l’encontre de la défenderesse en ce qui concerne l’utilisation continue de la marque de commerce ne pourra être accordée que si la demanderesse réussit à établir que la marque de commerce est une marque dont l’emploi est interdit aux termes des articles 10 et 11 de la Loi. J’examine chacun des motifs invoqués à tour de rôle.

Confusion – Emploi antérieur

[89]           Il n’est pas contesté que la défenderesse a commencé à utiliser la marque de commerce Athletic Club seulement 21 ans après que la demanderesse ait commencé à employer de manière continue le nom commercial et la marque de commerce Ottawa Athletic Club. La demanderesse affirme donc que, en raison des alinéas 16(1)a) et 16(1)c) de la Loi, la défenderesse n’avait pas le droit d’enregistrer la marque de commerce le 22 février 2005, parce que celle‑ci créait de la confusion avec le nom commercial et la marque de commerce Ottawa Athletic Club de la demanderesse.

[90]           En ce qui concerne ce motif d’invalidité, un des problèmes à surmonter est le délai de prescription de cinq ans prévu à l’article 17 de la Loi :

Effet de l’enregistrement relativement à l’emploi antérieur, etc.

17. (1) Aucune demande d’enregistrement d’une marque de commerce qui a été annoncée selon l’article 37 ne peut être refusée, et aucun enregistrement d’une marque de commerce ne peut être radié, modifié ou tenu pour invalide, du fait qu’une personne autre que l’auteur de la demande d’enregistrement ou son prédécesseur en titre a antérieurement employé ou révélé une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion, sauf à la demande de cette autre personne ou de son successeur en titre, et il incombe à cette autre personne ou à son successeur d’établir qu’il n’avait pas abandonné cette marque de commerce ou ce nom commercial créant de la confusion, à la date de l’annonce de la demande du requérant.

 

Effect of registration in relation to previous use, etc.

 

17. (1) No application for registration of a trade‑mark that has been advertised in accordance with section 37 shall be refused and no registration of a trade‑mark shall be expunged or amended or held invalid on the ground of any previous use or making known of a confusing trade‑mark or trade‑name by a person other than the applicant for that registration or his predecessor in title, except at the instance of that other person or his successor in title, and the burden lies on that other person or his successor to establish that he had not abandoned the confusing trade‑mark or trade‑name at the date of advertisement of the applicant’s application.

 

Quand l’enregistrement est incontestable

(2) Dans des procédures ouvertes après l’expiration de cinq ans à compter de la date d’enregistrement d’une marque de commerce ou à compter du 1er juillet 1954, en prenant la date qui est postérieure à l’autre, aucun enregistrement ne peut être radié, modifié ou jugé invalide du fait de l’utilisation ou révélation antérieure mentionnée au paragraphe (1), à moins qu’il ne soit établi que la personne qui a adopté au Canada la marque de commerce déposée l’a fait alors qu’elle était au courant de cette utilisation ou révélation antérieure.

When registration incontestable

(2) In proceedings commenced after the expiration of five years from the date of registration of a trade‑mark or from July 1, 1954, whichever is the later, no registration shall be expunged or amended or held invalid on the ground of the previous use or making known referred to in subsection (1), unless it is established that the person who adopted the registered trade‑mark in Canada did so with knowledge of that previous use or making known.

[91]           La demanderesse affirme que ce délai ne s’applique pas en l’espèce parce que, comme il est prévu au paragraphe 17(2), « la personne qui a adopté au Canada la marque de commerce déposée l’a fait alors qu’elle était au courant de [l’]utilisation ou [de la] révélation antérieure [de cette marque] ».

[92]           Il est admis de part et d’autre que les personnes qui ont adopté la marque de commerce Athletic Club en l’espèce étaient MM. Alan Quesnel et David Wu, qui sont tous les deux des administrateurs et actionnaires de l’Athletic Club. La demanderesse affirme que M. Quesnel ou M. Wu était au courant de l’utilisation antérieure qu’elle faisait de la marque de commerce, parce qu’ils étaient les fondateurs de la société London Athletic Club Inc. et qu’ils ont signé les documents constitutifs de cette entité qui étaient joints au rapport de recherche obligatoire NUANS, lequel fait état du nom « Ottawa Athletic Club ».

[93]           La première question que la Cour doit trancher est donc de savoir si la demanderesse a établi que M. Quesnel et M. Wu étaient au courant de l’existence du nom commercial et de la marque de commerce d’OAC lorsqu’ils ont présenté la demande relative à la marque de commerce Athletic Club. Les parties ont des vues fort divergentes en ce qui concerne la preuve relative à cette question et ce qu’elle nous révèle. Ni M. Quesnel non plus que M. Wu n’ont fourni d’affidavit et M. Kelly, qui a déposé des affidavits pour la défenderesse et a été contre‑interrogé, n’a aucune connaissance directe de ce qui était connu à l’époque pertinente.

[94]           Il n’est pas contesté que la première personne qui a adopté la marque de commerce était M. Quesnel, qui est le prédécesseur en titre de la défenderesse. La demanderesse n’a produit aucun élément de preuve (elle a déposé neuf affidavits) montrant que M. Quesnel était au courant de l’existence de la marque de commerce ou du nom commercial de la demanderesse lorsqu’il a adopté la marque de commerce Athletic Club. Cependant, il est peu probable que la demanderesse ait une connaissance directe de ce que M. Quesnel savait à l’époque pertinente. Étant donné que M. Quesnel n’a déposé aucun affidavit, la demanderesse n’a pu lui demander ce qu’il savait. La défenderesse a produit un affidavit signé par M. Chuck Kelly, qui est responsable de l’exploitation de la défenderesse, mais qui n’a aucune connaissance directe des circonstances dans lesquelles la défenderesse a adopté la marque de commerce, plus précisément de ce que M. Quesnel pouvait savoir. La demanderesse a tenté de déterminer ce que M. Quesnel savait au sujet de la marque de commerce/du nom commercial de la demanderesse en contre‑interrogeant M. Kelly.

[95]           M. Kelly s’est montré assez cohérent à ce sujet. Dans son affidavit du 21 janvier 2012, au paragraphe 19, il donne des explications suivantes :

[traduction] Lorsqu’Alan Quesnel a commencé à utiliser la marque de commerce THE ATHLETIC CLUB & Dessin en 1997 et à accorder des licences quant à l’usage de cette marque, il ignorait l’existence de la demanderesse ou des marques de commerce ou noms commerciaux de celle‑ci. Je suis au courant de ce fait non seulement parce qu’Alan Quesnel m’en a personnellement informé, mais aussi parce que j’étais avec lui la première fois que l’existence de la demanderesse ainsi que des marques de commerce et noms commerciaux de celle‑ci a été portée à son attention.

[96]           Lorsqu’elle a contre‑interrogé M. Kelly au sujet de son affidavit, la demanderesse a produit le rapport de recherche NUANS, que M. Kelly n’avait jamais vu. Le document a été présenté à des fins d’identification seulement. En réponse à une question « mise en délibéré » et qui visait à savoir si le rapport de recherche NUANS était l’original, M. Kelly a dit ce qui suit :

[traduction]

Ni Alan Quesnel, David Wu ou Chuck Kelly, non plus que les dirigeants ou administrateurs de la défenderesse ou ses prédécesseurs en titre ou filiales n’ont reçu de copie du rapport de recherche NUANS ou n’ont pris connaissance de celui‑ci lors de la constitution de la société ou avant qu’eux‑mêmes ou leurs entreprises commencent à employer la marque de commerce THE ATHLETIC CLUB & DESIGN. En conséquence, Alan Quesnel, David Wu, Chuck Kelly ou les prédécesseurs en titre ou filiales ne sont en mesure de confirmer que le rapport de recherche NUANS montré à des fins d’identification était l’original. De plus, aucun original ou copie du rapport de recherche NUANS ne figure dans les registres de l’Athletic Club Group, de sorte qu’il n’a pas été possible de vérifier si le rapport de recherche NUANS montré à des fins d’identification est le même que l’original.

Alan Quesnel et David Wu ont signé les statuts constitutifs sur les conseils de leur avocat en même temps que plusieurs autres documents. Le rapport de recherche NUANS n’a jamais été porté à leur attention.

Les statuts constitutifs semblent être une copie des originaux et il n’y a aucune raison de croire qu’il ne s’agit pas d’une copie de l’original.

[97]           La demanderesse a continué à explorer cette question et a obtenu de la protonotaire Tabib une ordonnance l’autorisant à poursuivre le contre‑interrogatoire de M. Kelly sur certains points, compte tenu d’une renonciation restreinte au privilège du secret professionnel de l’avocat. La protonotaire Tabib a donné des éclaircissements au sujet de la portée restreinte de son ordonnance :

[traduction] Je m’empresse d’ajouter que cette renonciation s’applique uniquement à la question de savoir si le rapport de recherche NUANS a ou non été communiqué à la société ou aux mandants ou actionnaires de celle‑ci. Elle ne s’applique pas aux conseils juridiques que M. Corrent pourrait avoir sollicités ou donnés.

[98]           Par suite de cette ordonnance, M. Kelly a été contre‑interrogé une deuxième fois. Plusieurs questions ont été mises en délibéré et M. Kelly a répondu comme suit :

[traduction] Non. Alan Quesnel et David Wu n’étaient pas de façon générale au courant de la recherche NUANS exigée avant la constitution de la société. Le rapport de recherche NUANS mentionné dans l’ordonnance du 10 août 2012 n’a pas été communiqué à la société ou à ses mandants ou actionnaires.

[99]           Malgré ce qui semble être un témoignage assez concluant de M. Kelly selon lequel M. Quesnel ignorait l’existence de la marque de commerce ou du nom commercial de la demanderesse à l’époque pertinente, la demanderesse demande à la Cour de tenir compte des éléments suivants :

a)      OAC est un chef de file dans son domaine, et elle est connue à Ottawa depuis 1976. Comme il s’agissait de personnes souhaitant offrir le même service et se tailler une place dans le même marché, les mandants de l’Athletic Club devaient être au courant de l’existence d’OAC;

b)      Ni M. Quesnel ni M. Wu, qui avaient une connaissance directe de cet aspect, n’ont fourni d’affidavit. Ils ont plutôt permis que M. Kelly fournisse une preuve par ouï‑dire indirecte à ce sujet;

c)      Les raisons que M. Kelly a invoquées en réponse à la question de savoir pourquoi M. Quesnel et M. Wu n’ont pas fourni d’affidavit ne sont pas convaincantes;

d)     L’affidavit original de M. Kelly devait être déposé en même temps que les documents de la défenderesse, le 28 octobre 2011, mais un délai additionnel de deux mois a été accordé à la demanderesse, lequel venait à échéance le 22 janvier 2012. La défenderesse l’a déposé la veille de l’expiration dudit délai. La demanderesse estime qu’il s’agissait là d’une manœuvre délibérée visant à lui laisser peu de temps pour examiner le témoignage de M. Kelly selon lequel il n’avait nullement participé au choix du nom et de la marque de commerce de la défenderesse.

e)      M. Quesnel et M. Wu ont tous les deux signé les statuts constitutifs du London Athletic Club auxquels le rapport de recherche NUANS était joint. Le nom « Ottawa Athletic Club » figure sur ce document, de sorte que M. Quesnel devait forcément être au courant de l’existence de la demanderesse;

f)       Si M. Quesnel et M. Wu n’ont pas vu le rapport de recherche NUANS, M. Corrent, leur mandataire aux fins de la constitution en société de l’entreprise The London Athletic Club Inc., était certainement au courant, puisqu’il a déposé les documents relatifs à la constitution;

g)      Au cours de la suite de son contre‑interrogatoire, M. Kelly a admis avoir cherché le rapport de recherche NUANS uniquement dans les registres de la société, tout en reconnaissant qu’il était possible qu’un dossier comportant des documents relatifs à des recherches de noms de sociétés ait existé, mais qu’il n’avait pas cherché ce dossier;

h)      M. Kelly n’a pas demandé à l’avocat qui s’est occupé de la constitution le rapport de recherche NUANS, les factures ou les lettres de compte rendu se trouvant dans le dossier de l’avocat, et a refusé de le faire;

i)        M. Kelly n’a pas demandé à l’avocat qui s’est occupé de la constitution si M. Quesnel et M. Wu avaient discuté de la recherche NUANS lorsqu’ils ont signé les statuts constitutifs pour The London Athletic Club Inc.;

j)        M. Kelly a refusé de chercher et de produire des documents concernant la constitution de la société au motif qu’il n’était pas tenu de faire des recherches pour la demanderesse;

k)      M. Kelly s’est fait demander si, avant la constitution en société de l’entreprise The London Athletic Club, une recherche de marques de commerce reconnues par la common law avait été effectuée. Comme c’était à prévoir, il ne le savait pas et a dit qu’il n’était pas certain qu’une recherche avait été faite. Cependant, M. Kelly s’est également fait demander qui avait rédigé les réponses aux engagements qu’il avait donnés le 27 avril 2012, et il a répondu qu’une personne travaillant pour le cabinet d’avocats s’en était chargée après qu’il eut fourni des renseignements verbalement et par courriel. La demanderesse souligne que le même cabinet d’avocats a déposé la demande relative à la marque de commerce de la défenderesse, de sorte qu’il devait savoir si une recherche de marques de commerce reconnues par la common law avait été effectuée.

[100]       Comme l’enseigne la décision Bodum USA, précitée, la connaissance requise en vertu du paragraphe 17(2) de la Loi peut être imputée à une partie (au paragraphe 153) :

Bodum prétend qu’en vertu du paragraphe 17(2) de la Loi, l’enregistrement ne peut pas être radié, modifié ou jugé invalide du fait d’une utilisation antérieure par une personne autre que Bodum, à moins qu’il ne soit établi que Bodum a adopté la marque de commerce au Canada alors qu’elle était au courant de cette utilisation antérieure. Bodum soutient donc que les emplois, par exemple, de l’expression « French Press » par Hario en 1985, et par BonJour au début des années 1990 ne peuvent pas avoir pour effet d’invalider l’enregistrement. J’infère des éléments de preuve que la haute direction de Bodum, et plus précisément Jørgen Bodum et Carsten Jorgensen, étaient au courant de l’utilisation antérieure de l’expression lorsqu’ils l’ont adoptée comme marque de commerce, en raison de leur connaissance du marché et des préoccupations exprimées par Koen de Winter au sujet de la concurrence de BonJour. Pour cette raison, j’impute la connaissance requise à Bodum et j’ordonnerai la radiation de la marque de commerce.

[101]       La demanderesse demande également à la Cour de tirer une inférence défavorable à la défenderesse au motif que cette dernière n’a pas, sans explication raisonnable, présenté des éléments de preuve qui lui étaient accessibles et qui auraient pu résoudre la question. Voir la décision Milliken, précitée, au paragraphe 26. La demanderesse allègue que la défenderesse aurait été en mesure de présenter des éléments de preuve qui auraient permis de résoudre la question de savoir si la défenderesse était au courant, avant l’adoption de la marque Athletic Club, de l’emploi antérieur, par la demanderesse, d’une marque de commerce ou d’un nom commercial qui créerait de la confusion avec ladite marque de commerce. C’est pourquoi la demanderesse fait valoir que la Cour devrait tirer une conclusion défavorable et conclure que la défenderesse connaissait l’existence d’OAC depuis au moins aussi tôt que la date de sa constitution en société (ou, plus précisément, de la constitution de la société qui était son prédécesseur en titre), de sorte qu’elle était au courant de l’emploi antérieur d’une marque de commerce ou d’un nom commercial qui créerait de la confusion avec la marque de commerce Athletic Club.

[102]       L’allégation de la demanderesse porte principalement sur la question de savoir si les mandants de la défenderesse à l’époque – Alan Quesnel et David Wu – savaient que les avocats de celle‑ci avaient effectué, en juin 1997, en vue de la constitution de la société The London Athletic Club Inc., le prédécesseur en titre de la défenderesse, une recherche NUANS en ce qui concerne la marque de commerce Athletic Club. Le nom Ottawa Athletic Club figurait dans ce rapport de recherche NUANS, ainsi que plusieurs autres noms commerciaux comportant les mots « athletic club » (voir la pièce 2 jointe à la transcription du contre‑interrogatoire de M. Kelly, dossier de la demanderesse, volume 10, à la page 3411). La défenderesse a répondu aux questions dont la réponse avait été reportée au cours du contre‑interrogatoire de Chuck Kelly en affirmant que ni M. Wu non plus que M. Quesnel n’étaient au courant de cette recherche NUANS. Cependant, aucune de ces personnes n’a fourni d’affidavit (ce qui aurait permis de les contre‑interroger) et la défenderesse n’a pas cherché à obtenir les renseignements, se trouvant dans le dossier de l’avocat chargé de constituer la société, qui auraient peut‑être permis de déterminer si la recherche NUANS avait été portée à leur attention. La demanderesse a demandé à la Cour l’autorisation de signifier une assignation contraignant l’avocat à fournir ces renseignements, mais cette demande a été refusée. Pour leur part, les demandeurs n’ont pas déposé en preuve le rapport de recherche NUANS au moyen de leurs affidavits et ne l’ont présenté qu’« à des fins d’identification » lors du contre‑interrogatoire de Chuck Kelly.

[103]       Il semble à peu près indéniable que la défenderesse a choisi de ne pas présenter la meilleure preuve disponible sur cette question. Il n’y a aucune façon de savoir ce que le dossier de l’avocat ou le souvenir que celui‑ci en a aurait révélé au sujet de la recherche NUANS et si cette recherche a été portée à l’attention des mandants de la défenderesse, mais il reste tout au moins qu’aucune explication convaincante n’a été fournie pour justifier le choix de présenter une preuve par ouï‑dire concernant la connaissance qu’avaient M. Quesnel et M. Wu de la question plutôt que de produire des affidavits souscrits directement par ces personnes, sachant qu’ils sont toujours des administrateurs de la défenderesse et qu’ils participent activement à l’exploitation de l’entreprise (voir plus loin les commentaires concernant le paragraphe 81(2) des Règles des Cours fédérales, ci‑après les Règles).

[104]       La question que je dois trancher est de savoir si, en droit, le fait que la défenderesse de n’a pas présenté la meilleure preuve disponible sur ce point permet de tirer la conclusion défavorable que la demanderesse propose. À mon avis, compte tenu de la jurisprudence et des faits pertinents, une telle conclusion ne devrait pas être tirée en l’espèce.

Fondement proposé de la conclusion

[105]       La demanderesse invoque les décisions Milliken et Hoffman, précitées, pour soutenir qu’une conclusion défavorable devrait être tirée.

[106]       La décision Milliken a été rendue dans le cadre d’une affaire portant sur la violation du droit d’auteur. La partie demanderesse était propriétaire des droits sur un dessin, et la partie défenderesse avait installé du tapis sur lequel le dessin en question était représenté. Il s’agissait de savoir si le dessin était protégé par le droit d’auteur, et la réponse à cette question dépendait de la date de création du dessin. Si le dessin avait été créé après les modifications législatives apportées le 8 juin 1988, le droit d’auteur se serait appliqué. La demanderesse a fait valoir que l’alinéa 34(3)a) de la Loi sur le droit d’auteur établissait une présomption d’existence du droit d’auteur dans une action pour violation du droit d’auteur et imposait à la défenderesse (qui n’avait présenté aucun élément de preuve sur cette question) le fardeau de produire une preuve réfutant la présomption (paragraphe 17). Pour sa part, la défenderesse a soutenu que la date de la création du dessin constituait un fait substantiel et que la demanderesse était tenue de produire des éléments de preuve pour l’établir, ce qu’elle n’avait pas fait (paragraphe 19). La défenderesse a demandé à la Cour de tirer une conclusion défavorable du défaut de la demanderesse de présenter une preuve à cet égard. La Cour a présenté l’analyse suivante :

[25]      Il reste donc à trancher la question suivante: quand le dessin Mangrove a‑t‑il été créé? Les demanderesses soutiennent qu'il a été créé en septembre 1988. Toutefois, elles n'offrent aucun élément de preuve à l'appui de cette prétention. […] La preuve soumise à l'instruction indique simplement que le dessin a été créé avant le 11 janvier 1989, date à laquelle Richard Stoyles a acquis le dessin de Mme Iles à l'occasion d'un salon commercial tenu à Francfort, en Allemagne.

[26]      J'estime que l'omission de présenter des éléments de preuve sur un fait aussi substantiel m'autorise à tirer une conclusion défavorable et à conclure que le dessin a été créé avant le mois de juin 1988. Il est en effet bien établi qu'il est possible de tirer une conclusion défavorable lorsqu'une partie omet, sans explication raisonnable, de présenter des éléments de preuve qui lui sont accessibles et qui auraient pu résoudre la question en litige. Ce principe est énoncé dans le passage suivant tiré de Wigmore on Evidence:

[traduction] L'omission de présenter au tribunal une circonstance, un document, ou un témoin, alors que la partie elle‑même ou son adversaire allègue que les faits seraient ainsi élucidés, sert à montrer, ce qui est la déduction la plus naturelle, que la partie craint de le faire, et cette crainte prouve d'une certaine façon que la circonstance, le document ou le témoin, s'ils avaient été présentés, auraient exposé des faits défavorables à la partie. Ces déductions ne peuvent être à juste titre faites qu'à certaines conditions; de plus, elles peuvent toujours s'expliquer par des circonstances qui rendent plus naturelle une hypothèse autre que le fait que la partie craignait la divulgation. Cependant, le bien‑fondé de pareille déduction en général n'est pas remis en question.

 [Références omises]

[107]       La Cour a conclu que la demanderesse aurait pu faire témoigner la dessinatrice ou recueillir son témoignage par voie de commission rogatoire et qu’il était également raisonnable de s’attendre à ce que la demanderesse ait obtenu des renseignements concernant la date de la création du dessin lorsque les droits lui ont été cédés. En conséquence, la Cour a tiré une conclusion défavorable, comme le demandait la défenderesse.

[108]       Dans une note de bas de page figurant au paragraphe 26 de la décision Milliken, précitée, Mme la juge Tremblay‑Lamer a cité les autorités suivantes au soutien de la règle bien établie selon laquelle « il est possible de tirer une conclusion défavorable lorsqu’une partie omet, sans explication raisonnable, de présenter des éléments de preuve qui lui sont accessibles et qui auraient pu résoudre la question en litige » : Murray c City of Saskatoon (1951‑52), 4 WWR 234, aux pages 239 et 240 (CA Sask.); Lévesque c Comeau et al, [1970] RCS 1010; Adrian Keane, The Modern Law of Evidence, 3e éd. (Londres : Butterworths, 1995), à la page 13; Colin Tapper, Cross on Evidence, 8e éd. (Londres : Butterworths, 1995), aux pages 38 à 40 (dont la 12e édition est citée ci‑après); John Sopinka & Sidney N. Lederman, The Law of Evidence in Civil Cases (Toronto : Butterworths, 1974), aux pages 535 à 537; Stanley Schiff, Evidence in the Litigation Process, volume 1, 4e éd. (Toronto : Carswell, 1993), à la page 452.

[109]       Ces décisions et ouvrages donnent à penser, à mon sens, que le contexte est important lorsqu’il s’agit de déterminer s’il est possible de tirer une conclusion défavorable de l’omission d’une partie de présenter des éléments de preuve dont elle seule a la possession ou de faire témoigner une personne dont le témoignage pourrait vraisemblablement être favorable à sa cause. Comme Tapper l’explique, la principale conséquence découlant de l’application de ce concept dans les affaires civiles est la suivante : l’omission d’une partie de répondre à une preuve présentée par l’autre partie sans explication raisonnable, lorsque les moyens de répondre à cette preuve semblent être à sa portée, peut faire d’une preuve non concluante (ou preuve prima facie) une preuve solide :

[traduction] « Très peu de temps après que les parties eurent été autorisées à témoigner dans la plupart des affaires civiles en vertu de l’Evidence Act 1851, Alderson B a reconnu que l’omission de l’une des parties de nier un fait qu’elle est en mesure de nier « renforce la preuve présentée contre elle » […] Dans Halford c Brookes [[1991] 3 All ER 59, [1991] WLR 428, CA], une partie a soutenu que la modification a eu pour effet d’établir sans équivoque qu’une partie à une instance civile ne bénéficiait pas du droit de garder le silence et que des conclusions pouvaient encore plus facilement être tirées dans les affaires civiles. La Chambre des lords a traité du poids accordé à de telles inférences dans R c IRC, ex p TC Cooms & Co [[1991] 2 AC 283, [1991] 3 All ER 623] :

En général, dans notre système de droit, le silence d’une partie à l’égard des éléments de preuve présentés par l’autre partie peut accroître la valeur probante de ceux‑ci en ce qui a trait aux questions dont elle a effectivement ou vraisemblablement connaissance et au sujet desquelles on s’attendrait à ce qu’elle témoigne. En conséquence, selon les circonstances, une preuve prima facie pourrait devenir une preuve solide, voir une preuve prépondérante. Cependant, lorsque le silence (ou l’omission de présenter la preuve nécessaire), s’explique, même sans être entièrement justifié, de façon crédible, l’effet favorable de ce silence pour l’autre partie pourrait être réduit, voire annulé.

Eu égard à ce qui précède, il est évident, premièrement, qu’une preuve prima facie doit être présentée, deuxièmement, que la règle s’applique lorsqu’il y a eu omission totale ou partielle de témoigner, et troisièmement, qu’il est possible de réfuter l’inférence en expliquant le silence de façon plausible. Le silence peut faire d’une preuve prima facie une preuve convaincante, même au sujet d’une question très grave, tel un meurtre ou une fraude en equity, ou d’une question ayant des conséquences très graves, tel le transfert de la garde d’un enfant […] »

[Colin Tapper, Cross & Tapper on Evidence, 12e éd. (Oxford : Oxford University Press, 2010), aux pages 40 et 41].

[110]       Keane souligne également que ce type de conclusion peut renforcer la preuve présentée par l’autre partie (même une preuve faible), mais ne saurait remplacer l’absence de preuve sur une question donnée.

[traduction]

Dans les affaires civiles, lorsqu’une partie a omis de présenter des éléments de preuve ou des témoins le tribunal peut être justifié de tirer toutes les conclusions raisonnables possibles de la preuve présentée par la partie adverse au sujet des faits que la première partie a choisi de taire. En conséquence, des conclusions défavorables ont été tirées de l’absence inexpliquée de témoins qui étaient apparemment disponibles et dont le témoignage avait une importance vitale pour l’affaire. Dans Wisniewski c Central Manchester Health Authority [[1992] Lloyd’s Rep Med 223], le lord juge Brooke a tiré les principes suivants de la doctrine et de la jurisprudence à ce sujet :

1.         Dans certaines circonstances, un tribunal peut être en droit de tirer des conclusions défavorables de l’absence ou du silence d’un témoin susceptible d’avoir des éléments de preuve importants à présenter sur une question en litige dans l’action.

2.         Lorsque le tribunal est disposé à tirer des conclusions de cette nature, celles‑ci peuvent avoir pour effet de renforcer la preuve que l’autre partie a présentée sur cette question ou d’affaiblir celle qu’a présentée la partie qui aurait raisonnablement pu appeler le témoin à la barre, le cas échéant.

3.         Cependant, la première partie doit avoir présenté des éléments de preuve, si faibles soient‑ils, sur la question avant que le tribunal puisse tirer la conclusion souhaitée : en d’autres termes, il doit y avoir une preuve à laquelle l’autre partie est appelée à répondre sur cette question.

4.         Si le tribunal juge satisfaisante l’explication donnée au sujet de l’absence ou du silence du témoin, aucune conclusion défavorable de cette nature ne pourra être tirée. En revanche, si une explication crédible est donnée, même si elle n’est pas entièrement satisfaisante, l’effet défavorable de l’absence ou du silence pourrait être réduit, voire annulé.

[Adrian Keane, James Griffiths & Paul McKeown, The Modern Law of Evidence, 8e éd. (Oxford : Oxford University Press, 2010), aux pages 14 et 15, non souligné dans l’original]

[111]       L’autre décision que la demanderesse a citée, Hoffman, précitée, semble moins utile à sa cause. Dans cette affaire, la défenderesse, qui était un distributeur de médicaments génériques, était tenue de verser des redevances à la demanderesse jusqu’à ce que les quatre brevets de celle‑ci relatifs à la fabrication du médicament Diazépam aient expiré, à moins qu’ils ne soient plus employés. La défenderesse a versé des redevances jusqu’à l’expiration du troisième brevet, puis a cessé de le faire, soutenant que son fabricant (une troisième société située en Italie) n’utilisait pas le procédé protégé par le quatrième brevet.

[112]       Une série de lettres ont ensuite été échangées entre les parties. La défenderesse y indiquait que son fabricant lui avait assuré que le procédé protégé par le quatrième brevet n’était pas employé. La demanderesse a exigé la divulgation du procédé du fabricant de la défenderesse. Celui‑ci a refusé, mais a donné des assurances supplémentaires. La demanderesse a autrement réussi à obtenir ce qui, à son avis, était une description du procédé de fabrication de la défenderesse et a soutenu que son utilisation constituait une contrefaçon de son brevet. La défenderesse a demandé à la demanderesse de divulguer les renseignements qu’elle prétendait détenir au sujet du procédé du fabricant afin de les vérifier et de déterminer s’il y avait effectivement contrefaçon du brevet. La demanderesse a répondu que cette divulgation aurait pour effet de transférer injustement le fardeau de la preuve : il appartenait à la défenderesse de démontrer qu’elle ne commettait pas de contrefaçon du brevet. La défenderesse a demandé à son distributeur de divulguer son procédé directement à l’avocat de la défenderesse (et uniquement à celui‑ci) (et non à la défenderesse ou à la demanderesse ou encore à l’avocat de celle‑ci). Il semble qu’aucun autre élément de preuve n’ait été présenté sur la question.

[113]       De l’avis de la Cour, la question à trancher était [traduction] « manifestement de savoir à qui incombait le fardeau de la preuve » (au paragraphe 15). Dans les circonstances, la défenderesse devait réfuter une présomption de preuve établie par la Loi sur les brevets selon laquelle, en l’absence de preuve indiquant le contraire, toute substance comportant la même composition chimique serait réputée avoir été produite au moyen du procédé breveté. Étant donné que la défenderesse avait fourni une preuve montrant le contraire, la Cour a conclu que [traduction] « le diazépam importé par la défenderesse […] et vendu par celle‑ci […] a effectivement été produit au moyen du procédé breveté de la demanderesse et était donc assujetti aux paiements de redevances […] » (au paragraphe 22). La Cour a ensuite présenté l’analyse suivante, qui menait à la même conclusion :

[traduction]

[23]      Invoquant les décisions Pleet c. Canadian Northern Quebec R. W. Co. (1921), 50 O.L.R. 223, 64 D.L.R. 316, 26 C.R.C. 227 (C.A. Ont.), confirmée par [1923] 4 D.L.R. 1112, 26 C.R.C. 238 (C.S.C.), et Toronto Auer Light Co., Ltd. et al. c. Colling (1898), 31 O.R. 18 (Cour div.), la demanderesse soutient qu’indépendamment du paragraphe 41(2) de la Loi sur les brevets, en common law, la règle a toujours été que lorsque l’une des parties est censée avoir particulièrement connaissance de l’objet d’une allégation, c’est à elle qu’il incombe de prouver cette allégation, qu’elle soit de nature positive ou négative.

[24]      Par conséquent, dans une affaire comme la présente où la demanderesse est titulaire d’un brevet de procédé et la défenderesse titulaire d’une licence obligatoire, le fardeau de la preuve est transféré à la défenderesse, qui doit établir que le fournisseur étranger qu’elle a choisi n’utilise pas le procédé breveté de la demanderesse. La défenderesse est la seule des deux parties qui est vraiment en mesure d’établir le procédé étranger effectivement utilisé. C’est particulièrement vrai dans la mesure où la défenderesse et son avocat ont donné ordre au fournisseur étranger de ne communiquer à l’avocat de la demanderesse aucun renseignement sur le procédé de fabrication de la défenderesse.

[Non souligné dans l’original]

[114]       Malgré la mention, quelque peu déroutante, selon laquelle « le fardeau de la preuve est transféré à la défenderesse » du paragraphe 24, la règle de common law invoquée n’a pas été utilisée pour modifier la présomption d’origine législative (ou le fardeau de la preuve) dans Hoffman. Au contraire, cette présomption a été le facteur déterminant dans l’affaire.

[115]       Compte tenu de la doctrine et de la jurisprudence susmentionnées, il est évident que la preuve présentée par les parties ainsi que le fardeau de la preuve qui incombe à chacune d’elles au sujet de la question à trancher constituent des éléments clés dont la Cour doit tenir compte pour déterminer s’il y a lieu de tirer la conclusion défavorable que la demanderesse propose en l’espèce. De plus, eu égard aux faits particuliers de la présente affaire, la Cour doit se demander quels sont les renseignements que la défenderesse devait obligatoirement fournir en vertu des règles applicables au contre‑interrogatoire sur affidavit et, de façon plus générale, à la communication dans le cadre d’une procédure.

La conclusion défavorable prévue au paragraphe 81(2) des Règles

[116]       En plus de la règle de common law invoquée par la demanderesse, dans les circonstances de la présente affaire, il convient également d’examiner l’effet du paragraphe 81(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106; voici le texte de l’article 81 de ces Règles :

Contenu

81. (1) Les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle, sauf s’ils sont présentés à l’appui d’une requête – autre qu’une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire – auquel cas ils peuvent contenir des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits, avec motifs à l’appui.

Poids de l’affidavit

(2) Lorsqu’un affidavit contient des déclarations fondées sur ce que croit le déclarant, le fait de ne pas offrir le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits substantiels peut donner lieu à des conclusions défavorables.

[Non souligné dans l’original]

[117]       Selon Saunders, Rennie et Garton, cette disposition des Règles n’empêche pas nécessairement la Cour d’admettre une preuve par ouï‑dire présentée au moyen d’un affidavit, conformément aux principes applicables à l’admission de la preuve par ouï‑dire (voir Ethier c Canada (Commissaire de la GRC), [1993] 2 CF 659, 151 NR 374 (CA)). Cependant, une conclusion défavorable peut être tirée lorsqu’une preuve par ouï‑dire est présentée plutôt qu’une preuve directe et qu’aucune explication adéquate n’est fournie au sujet des raisons pour lesquelles la meilleure preuve n’est pas disponible : Brian J. Saunders, Donald J Rennie et Graham Garton, Federal Courts Practice 2014 (Toronto : Thomson Reuters, 2013), à la page 417.

[118]       Le fondement de la règle précitée est le suivant : « La preuve par affidavit doit pouvoir être vérifiée pendant le contre‑interrogatoire du déposant » : Bressette c Conseil de la Bande de Kettle and Stony Point, [1997] ACF n° 1130, au paragraphe 3, 137 FTR 189. La présentation d’une preuve par ouï‑dire au moyen d’affidavits pose manifestement problème pour la partie adverse, parce que la valeur du contre‑interrogatoire concernant cette preuve s’en trouvera considérablement affaiblie. Le déposant sait uniquement ce qu’il s’est fait dire et, tel qu’il est mentionné ci‑dessous, le témoin contre‑interrogé au sujet d’un affidavit n’est nullement tenu de chercher à obtenir d’autres renseignements en réponse aux questions qui lui sont posées (c’est‑à‑dire de « s’informer »).

[119]       Lorsqu’il existe de meilleurs éléments de preuve, il sera difficile de soutenir que la condition de la « nécessité » – à laquelle est assujettie l’admission de la preuve par ouï‑dire en vertu de la méthode fondée sur des principes, qui exigent que la preuve soit fiable et nécessaire – est remplie : United States Polo Assn. c Polo Ralph Lauren Corp, [2000] ACF n° 1472, au paragraphe 10, 286 NR 282 [United States Polo]. Lorsque cette preuve est admissible, la « conclusion défavorable » mentionnée au paragraphe 81(2) des Règles peut influer sur le poids à accorder à l’affidavit : voir Lumonics Research Ltd c Gould, [1983] 2 CF 360 (CA); Nation Crie de Tataskweyak c Sinclair, 2007 CF 1107, aux paragraphes 26 à 28.

Quel était le fardeau de la preuve de la demanderesse?

[120]       Hughes affirme ce qui suit, dans le contexte des procédures de radiation :

[traduction] La partie qui attaque l’enregistrement a le fardeau d’établir qu’il devrait être radié. La marque déposée est présumée valide. Cette présomption n’est pas forte et signifie simplement qu’il est nécessaire de présenter une preuve que la Cour devra soupeser.

[Hughes on Trade Marks, op. cit, à la page 818, notes de bas de pages omises]

Voir également Kelly Gill, Fox on Canadian Law of Trade‑Marks and Unfair Competition, 4éd. (feuilles mobiles) (Toronto : Carswell, 2002, ouvrage mis à jour en janvier 2014), aux pages 11‑37 à 11‑39 [Fox on Trade‑Marks].

[121]       Dans la décision Bodum USA, précitée, le juge Mosley a décrit ce fardeau comme suit :

[20]      Un enregistrement est présumé valide, et il incombe à la partie qui prétend le contraire d’en faire la preuve sur le fondement du droit à un emploi exclusif prévu à l’article 19 de la Loi : General Motors du Canada c Moteurs Décarie Inc., [2001] 1 CF 665, 9 CPR (4th) 368 (CA), au paragraphe 31. Cependant, la formulation de la présomption est « plutôt faible ». Cela signifie tout simplement qu’une demande de radiation sera accueillie seulement si un examen de tous les éléments de preuve mène à la conclusion que la marque de commerce n’était pas enregistrable à l’époque pertinente : Emall.ca Inc. c Cheaptickets and Travel Inc, 2008 CAF 50, au paragraphe 12.

[122]       Il appert clairement de l’arrêt Cheaptickets, auquel le juge Mosley renvoie, que la présomption est effectivement faible et qu’elle ne modifie guère la charge qui incombe déjà, de la manière habituelle, à la partie qui attaque la validité du brevet (Cheaptickets, précité, aux paragraphes 10 à 12). Voir également Apotex Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), 2010 CAF 313, au paragraphe 5 [Apotex (2010)].

[123]       Dans la présente affaire, en raison du paragraphe 17(2) de la Loi, le fardeau de la preuve de la demanderesse comporte l’obligation de démontrer que la défenderesse savait que la demanderesse utilisait une marque créant de la confusion lorsqu’elle a adopté la marque de commerce Athletic Club : voir Bousquet c Barmish Inc, [1991] ACF n° 813, 48 FTR 122, décision confirmée par [1993] ACF n° 34; 150 NR 234 (CAF). Hughes résume cette exigence comme suit :

[traduction] Lorsqu’il est allégué qu’une personne a présenté une demande visant à enregistrer une marque de commerce employée par une autre, les procédures de radiation fondées sur ce motif doivent être introduites dans les cinq années suivant l’enregistrement, faute de quoi la partie qui demande la radiation doit établir tant l’emploi que la connaissance de cet emploi par l’inscrivant à la date de la demande […]

[Hughes on Trade Marks, op.cit., à la page 606, notes de bas de pages omises]

[124]       Dans certains cas, la Cour sera peut‑être disposée à inférer des faits établis au dossier la connaissance, notamment en tenant compte de la connaissance qu’a la défenderesse du marché ou de la place importante qu’occupe la marque de commerce ou le nom commercial de la demanderesse dans ce marché : voir la décision Bodum USA, précitée, au paragraphe 153.

L’obligation de la défenderesse de communiquer des renseignements ou documents et de répondre aux questions formulées au cours du contre‑interrogatoire concernant les affidavits

[125]       Même s’il incombe à la demanderesse de prouver que la défenderesse était au courant de l’emploi antérieur d’une marque créant de la confusion, il est également nécessaire de déterminer en quoi consiste l’obligation, s’il en est, de la partie défenderesse quant à la divulgation de renseignements à ce sujet dans le cadre de la procédure.

[126]       Une procédure de radiation est introduite par une demande ou, si une autre réparation est sollicitée en plus de la radiation ou de la modification de l’enregistrement, par une demande ou une action : article 58 de la Loi. Étant donné que la demanderesse en l’espèce demande à la Cour d’interdire tout emploi ultérieur de la marque de commerce Athletic Club par la défenderesse, il semblerait que les deux options s’offraient à elle.

[127]       La demanderesse a déposé un avis de demande plutôt qu’une déclaration, lequel permet de tirer avantage d’une procédure plus rapide, qui offre toutefois des moyens plus limités de contraindre la partie adverse à divulguer des éléments de preuve (voir Sierra Club of Canada c Canada (Ministre des Finances), [1999] ACF n° 306, au paragraphe 14, 163 FTR 109 [Sierra Club]). En conséquence, la demanderesse « ne saurait compter sur les déclarations de l’intimé pour prouver ses propres prétentions » : Merck & Frosst Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), [1994] ACF n° 662, au paragraphe 26, 169 NR 342 [Merck (1994)]; Eli Lilly Canada Inc c Apotex Inc, 2007 CF 455.

[128]       Cependant, le demandeur n’est pas entièrement privé de la possibilité de contraindre la partie adverse à répondre à des questions ou à communiquer des documents pertinents quant aux questions en litige et à la preuve. Il est vrai qu’une partie ne peut pas forcer une autre partie à déposer un affidavit : Nourhaghighi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1350, au paragraphe 20. Cependant, si la partie défenderesse décide de présenter des éléments de preuve sous forme d’affidavits (ce qu’elle sera peut‑être tenue de faire pour répondre de façon efficace à la demande), elle pourra mener des contre‑interrogatoires au sujet de ces affidavits, comme les Règles le lui permettent (articles 83 à 86 des Règles), et exiger des déposants qu’ils produisent certains documents pertinents lors de ces interrogatoires (articles 91 et 94 des Règles).

[129]       En conséquence, la Cour doit se demander quelles étaient les réponses que la partie défenderesse devait donner, et sur quel fondement elle devait le faire, et quels documents elle était tenue de divulguer, le cas échéant.

Obligation de répondre aux questions légitimes et pertinentes sur le plan juridique dans le cadre du contre‑interrogatoire

[130]       La question de l’étendue du contre‑interrogatoire d’un déposant a longtemps suscité la controverse et les réponses données par la Cour ont varié au fil du temps (voir
Maheu c IMS Health Canada, [2003] ACF n° 902, au paragraphe 5, 234 FTR 277 [Maheu]). L’analyse que le juge Hugessen a présentée dans Merck Frosst Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), [1997] ACF n° 1847, aux paragraphes 4 à 8, 146 FTR 249 [Merck (1997)], est très souvent citée :

[4]        Il convient tout d'abord de rappeler certaines notions élémentaires. Le contre‑interrogatoire n'est pas un interrogatoire préalable et il diffère de celui‑ci sous plusieurs rapports importants. Plus particulièrement,

a)             la personne interrogée est un témoin, et non une partie;

b)             les réponses données sont des éléments de preuve, et non des aveux;

c)             le témoin peut légitimement répondre qu'il ignore quelque chose; il n'est pas tenu de se renseigner;

d)            on ne peut exiger d'un témoin qu'il produise un document que s'il en a la garde ou la possession, les mêmes règles s'appliquant à tous les témoins;

e)             les règles relatives à la pertinence sont plus restreintes.

[5]        Comme les oppositions qui sont à l'origine des requêtes sur lesquelles je suis appelé à statuer se fondent presque toutes sur la pertinence, j'aborde immédiatement la question.

[6]      Aux fins de la présente instance, j'estime utile de scinder la pertinence en deux catégories, soit la pertinence formelle et la pertinence juridique.

[7]      La pertinence formelle est liée aux questions de fait qui opposent les parties. Dans le cas d'une action, ces questions sont délimitées par les actes de procédure, mais dans le cas d'une demande de contrôle judiciaire, où aucun acte de procédure n'est déposé (l'avis de requête lui‑même ne devant faire état que du fondement juridique, et non factuel, de la demande de contrôle), elles sont circonscrites par les affidavits que déposent les parties. Le contre‑interrogatoire de l'auteur d'un affidavit ne peut donc porter que sur les faits énoncés dans celui‑ci ou dans un autre affidavit produit dans le cadre de l'instance.

[8]      Toutefois, outre la pertinence formelle, les questions posées en contre‑interrogatoire doivent avant tout satisfaire à l'exigence de la pertinence juridique. Même le fait énoncé dans un affidavit produit dans le cadre de l'instance n'est pertinent sur le plan juridique que lorsque son existence ou son inexistence peut contribuer à déterminer si le redressement demandé peut ou non être accordé. (Je laisse de côté les questions visant à miner la crédibilité du témoin, car elles constituent une catégorie à elles seules.) Ainsi, par exemple, il serait très exceptionnel qu'une question se rapportant au nom et à l'adresse, souvent déclinés par le déposant, ait une pertinence juridique, c'est‑à‑dire qu'elle puisse avoir une incidence sur l'issue du litige.

[Non souligné dans l’original]

[131]       La Cour d'appel fédérale a confirmé cette décision sans faire de commentaires au sujet de l’étendue du contre‑interrogatoire de l’auteur d’un affidavit (Merck & Co c Canada (Ministre de la Santé), [1999] ACF n° 1536, 249 NR 15) et a cité ces principes avec approbation à d’autres occasions (voir Association des crabiers acadiens Inc. c Canada (Procureur général), 2009 CAF 357, au paragraphe 38; Simpson Strong‑Tie Co c Peak Innovations Inc, 2009 CAF 266, au paragraphe 8 [Simpson Strong‑Tie]).

[132]       La description que le juge Hugessen donne des faits pertinents, soit les « faits énoncés dans [l’affidavit du déposant] ou dans un autre affidavit produit dans le cadre de l’instance » est plus large que certaines descriptions antérieures (voir Joel Wayne Goodwin c Canada (Procureur général), T‑486‑04 (6 octobre 2004) [Goodwin], et la décision Merck (1994), précitée, selon lesquelles ils se limitaient aux questions découlant de l’affidavit lui‑même ainsi qu’aux questions portant sur la crédibilité du déposant), mais plus restreinte que d’autres (voir Almrei (Re), 2009 CF 3, au paragraphe 71: [traduction] « le contre‑interrogatoire ne se limite pas strictement à la teneur du texte de l’affidavit, pourvu qu’il soit pertinent, légitime et axé sur une question soulevée dans l’instance ou sur la crédibilité du demandeur »). Cependant, il semble être généralement admis que [traduction] « l’auteur d’un affidavit qui formule certaines déclarations sous serment ne devrait pas échapper à un contre‑interrogatoire légitime au sujet des renseignements qu’il fournit volontairement dans son affidavit » et « qu’il peut être contre‑interrogé non seulement sur des questions précisément énoncées dans son affidavit, mais également sur les questions connexes que soulèvent ses réponses » : Merck Frosst Canada Inc c Canada (Minister of National Health and Welfare), [1996] ACF no 1038, au paragraphe 9, 69 CPR (3d) 49 [Merck (1996)], citant Wyeth Ayerst Canada Inc c Canada (Minister of National Health and Welfare) (1995), 60 CPR (3d) 225 (CF 1re inst.).

[133]       Quelle que soit la façon dont la portée du contre‑interrogatoire d’un déposant d’un affidavit est définie, l’auteur de l’affidavit doit répondre aux questions légitimes et pertinentes sur le plan juridique n’outrepasse pas cette portée (décision Merck (1996), précisée).

Obligation de respecter les engagements pris, mais aucune obligation d’entreprendre

[134]       La partie qui s’engage à répondre à des questions au cours d’un contre‑interrogatoire est tenue d’y répondre (Maheu, précitée, au paragraphe 11; Bruno c Canada (Procureur général), 2003 CF 1281, au paragraphe 5 [Bruno]). Cependant, le témoin n’est nullement tenu de prendre de tels engagements ou de répondre aux questions mises en délibéré, tel qu’il est mentionné dans la décision Bruno, précitée, au paragraphe 5 :

[5]        Pour ce qui est des « engagements » auxquels, lors du contre‑interrogatoire, on a opposé un refus ou sur lesquels on a dit qu’on réfléchirait, il importe peu à mon avis de savoir si une réponse partielle a ou non été donnée par la suite ou de connaître les raisons données par les défendeurs pour refuser de répondre. Je souscris entièrement à l’extrait des motifs d’ordonnance donnés par le juge Hugessen dans la décision Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [1997] A.C.F. n° 1847, où il dit que l’une des différences entre les contre‑interrogatoires et les interrogatoires préalables est que « le témoin peut légitimement répondre qu’il ignore quelque chose; il n’est pas tenu de se renseigner ». Un engagement n’est rien d’autre que le fait pour une partie d’accepter de se renseigner afin d’être en mesure de répondre à une question à laquelle le témoin ne connaît pas la réponse. Dans le contexte d’un contre‑interrogatoire, les parties ne sont aucunement tenues de prendre quelque engagement que ce soit. La personne qui subit un contre‑interrogatoire sur affidavit est un témoin, et non pas une partie. Une connaissance des faits jugée insuffisante lors du contre‑interrogatoire d’un témoin peut avoir une incidence sur la crédibilité, la valeur probante du témoignage, etc., mais elle ne justifiera pas une obligation de prendre un engagement. Bien entendu, lorsqu’une partie qui n’est aucunement tenue de prendre un engagement s’engage librement à fournir d’autres réponses ou documents, cet engagement doit être respecté. Mais ce n’est pas le cas pour les « engagements » en l’espèce.

[Non souligné dans l’original]

[135]       Les engagements relatifs à la communication de documents doivent également être respectés et la réponse à une question mise en délibéré peut constituer un engagement tacite : Autodata Ltd c Autodata Solutions Co, 2004 CF 1361 [Autodata].

Aucune obligation de se renseigner

[136]       Tel qu’il est également mentionné dans l’extrait précité de la décision Bruno, l’auteur d’un affidavit « n’est pas tenu de se renseigner », contrairement au témoin interrogé dans le cadre d’un interrogatoire préalable, qui doit chercher les réponses aux questions pertinentes dont il ne connaît pas la réponse. Bien que certaines décisions antérieures énonçant le contraire aient été rendues (voir Merck & Co c Apotex Inc, [1996] ACF n° 405, 110 FTR 155 (CF 1re inst.); Bland c Commission de la capitale nationale, [1989] ACF n° 542, 29 FTR 232 (CF 1re inst.); Lessona Corp c Reliable Hosiery Mills Ltd (1974), 14 CPR (2d) 168 (CF 1re inst.), telle semble être désormais l’opinion établie : voir la décision Bruno, précitée, au paragraphe 5, et la décision Maheu, aussi précitée, au paragraphe 8. Le fait que l’auteur d’un affidavit ait une connaissance limitée des faits pertinents peut avoir une incidence sur sa crédibilité de son témoignage ou sur le poids à accorder à celui‑ci, mais le témoin ne peut être contraint de trouver des réponses qui ne relèvent pas de ses connaissances : Ward c Nation crie de Samson, [2001] ACF n° 1383, 2001 CFPI 990, au paragraphe 3; Trevor Nicholas Construction c Canada (Minister of Public Works), [2008] ACF no 377, 2008 CF 306, aux paragraphes 33 et 34. La réponse « Je ne sais pas » est une réponse acceptable.

[137]       Une décision donne à penser que l’auteur d’un affidavit qui est un « mandataire » d’une société plutôt qu’un simple « témoin » pourrait être tenu de s’efforcer d’obtenir des renseignements additionnels : voir Royal Bank of Scotland plc c Golden Trinity (Le), [2000] 4 CF 211. Cependant, cette décision a été considérée comme une décision d’espèce et n’a pas été suivie : voir Unitor ASA c Seabreeze I, [2001] ACF n° 681; 2001 CFPI 416; Fabi c Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CF 439.

Obligation de communiquer des documents dans le cadre d’un contre‑interrogatoire

[138]       L’alinéa 91(2)a) des Règles permet à une partie qui entend contre‑interroger l’auteur d’un affidavit d’exiger au moyen d’une « assignation à comparaître » qu’il apporte avec lui les documents ou éléments matériels « qui sont en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de la partie pour le compte de laquelle elle est interrogée et qui sont pertinents aux questions soulevées dans l’action […] » (non souligné dans l’original). L’exigence de la possession, de l’autorité ou de la garde concerne le déposant lui‑même et non la partie, bien que, dans le cas d’une personne disposant de larges pouvoirs au sein d’une organisation, la portée de cette exigence pourrait être assez large.

[139]       Cette obligation de communication s’applique sous réserve d’une dispense pouvant être obtenue en vertu du paragraphe 94(2) des Règles : « La Cour peut, sur requête, ordonner que la personne ou la partie pour le compte de laquelle la personne est interrogée soient dispensées de l’obligation de produire pour examen certains des documents ou éléments matériels demandés dans l’assignation à comparaître, si elle estime que ces documents ou éléments ne sont pas pertinents ou qu’il serait trop onéreux de les produire du fait de leur nombre ou de leur nature ». L’obligation de communication a été interprétée de façon assez restrictive, notamment en privilégiant une interprétation étroite de la notion de pertinence (voir Eli Lilly and Co c Apotex Inc, 2005 CAF 134), de sorte que les parties « ne peuvent compter, ni exiger, que la procédure sommaire imposée pour les demandes leur permet de vérifier chaque détail de chaque affirmation faite dans des affidavits ou dans des contre‑interrogatoires portant sur des documents qui peuvent se trouver en la possession de la partie adverse » : arrêt Simpson Strong‑Tie, précité, au paragraphe 24.

[140]       Bien que la Cour ait reconnu que des communications moins formelles entre les avocats avant l’interrogatoire pourraient avoir le même effet qu’une demande formelle effectuée au moyen d’une assignation à comparaître, elle a de façon constante affirmé que la demande doit être formulée avant l’audience. Aucun mécanisme ne permet à la Cour d’ordonner la communication de documents sur le fondement de demandes qui sont présentées lors du contre‑interrogatoire ou après celui‑ci (voir la décision Goodwin, précitée, et la décision Bruno, précitée, au paragraphe 6), sauf peut‑être lorsque les questions posées lors du contre‑interrogatoire jettent les bases permettant de soutenir les documents auraient dû être produits en réponse à l’assignation à comparaître (voir la décision Simpson‑Strong‑Tie, précitée, au paragraphe 9). Comme la protonotaire Tabib l’a expliqué dans la décision Bruno, précitée, au paragraphe 6 :

[6]        […] Une partie qui omet de demander la production de documents avant de procéder à un contre‑interrogatoire doit accepter le témoin tel quel et ne peut le renvoyer afin que celui‑ci obtienne ou produise des documents qui n’ont pas été demandés dans l’assignation à comparaître ou que le témoin n’a pas en sa possession au moment du contre‑interrogatoire.

[141]       Il n’y a pas non plus de mécanisme permettant d’exiger la communication d’éléments de preuve avant le contre‑interrogatoire (plutôt qu’au cours de celui‑ci), mais des considérations financières pourraient entrer en jeu si un « piège » est tendu à une partie en l’ensevelissant sous une masse de documents lors du contre‑interrogatoire : décision Sierra Club, précitée, aux paragraphes 10, 14 à 16 et 20.

Résumé des obligations de la défenderesse en matière de communication

[142]       Compte tenu de l’analyse qui précède, j’estime que les obligations de la défenderesse en matière de communication, y compris les obligations de Chuck Kelly de répondre aux questions posées au cours du contre‑interrogatoire concernant son affidavit, peuvent être résumées comme suit :

1.      M. Kelly était tenu de répondre, à tout le moins, aux questions pertinentes sur le plan juridique qui découlaient de son affidavit ou qui avaient une incidence sur sa crédibilité, et sans doute aux questions découlant d’autres affidavits ou pertinentes quant à l’une ou l’autre des questions de droit en litige;

2.      M. Kelly devait répondre aux questions uniquement en se fondant sur ses connaissances personnelles et n’était pas tenu de « se renseigner » en s’informant auprès d’autres personnes liées à l’entreprise de la défenderesse;

3.      La défenderesse était tenue de communiquer tous documents pertinents qui étaient en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de M. Kelly et qui ont été demandés à l’avance au moyen de l’assignation à comparaître ou de communications équivalentes entre les avocats;

4.      M. Kelly était tenu de répondre aux questions pertinentes auxquelles il s’était engagé à répondre ou de communiquer les documents pertinents qu’il s’était engagé à fournir lors du contre‑interrogatoire, mais il n’était nullement tenu de prendre de tels engagements ou de répondre aux questions mises en délibéré.

Contre‑interrogatoires concernant la recherche NUANS et ordonnance de la protonotaire au sujet de la requête de la demanderesse visant à obtenir des réponses et documents supplémentaires

[143]       Lors du premier contre‑interrogatoire de M. Kelly, tenu le 30 mars 2012, l’avocat de la demanderesse a présenté « à des fins d’identification » une copie des statuts constitutifs de l’entreprise The London Athletic Club Inc., qui était le prédécesseur en titre de la défenderesse, ainsi qu’un rapport de recherche NUANS qui était joint aux statuts en question et qui comportait une liste de noms d’entreprise similaires. Une recherche NUANS doit obligatoirement être menée avant la constitution d’une entreprise en société, pour s’assurer que le nom d’entreprise demandé est disponible. Après avoir constaté que M. Kelly ne se souvenait pas d’avoir déjà vu ce document, l’avocat de la demanderesse lui a demandé de s’engager à vérifier si le rapport de recherche NUANS et les statuts constitutifs étaient les originaux (c’est‑à‑dire des copies conformes) de ces documents. L’avocat de la défenderesse a répondu de façon plutôt ambigüe à la question de savoir si un engagement avait été pris ou si la réponse avait été mise en délibéré, mais elle est désignée [traduction] « réponse différée n° 7 » dans la transcription du contre‑interrogatoire et dans les réponses de la défenderesse aux engagements : voir le dossier de la demanderesse, volume 10, onglet 14, à la page 3195, et le volume 11, onglet 15, à la page 3470. Voici l’échange pertinent :

[traduction]

Interrogatoire par M. Miller

Q.  Je montre au témoin les statuts constitutifs et le rapport de recherche NUANS originaux relatifs à la société London Athletic Club Inc., lesquels documents portent la date du 25 juin 1997.  J’ai obtenu ces documents afin de tenter d’accélérer les choses, parce qu’autrement, j’aurais demandé au témoin un engagement à le produire et je lui aurais donné l’occasion d’en prendre connaissance. Il m’a mentionné qu’il a accès au registre des différents clubs. Ce document‑ci est le premier. J’aimerais le déposer à titre de pièce 2.

M. Adams : Chuck, avez‑vous déjà vu ce document auparavant? Avez‑vous déjà vu cette pièce? Avez‑vous déjà vu un document semblable qui aurait été versé dans les dossiers?

Le témoin : Vous savez, je ne dis pas que je ne l’ai pas vu. Cela ne me dit rien à première vue.

M. Miller : D’accord, si vous voulez le présenter à des fins d’identification aujourd’hui […]

M. Adams : Oui.

M. Miller : […] D’accord. Cependant, je vais vous demander de vous engager à préciser s’il s’agit bel et bien du rapport de recherche NUANS original et des statuts constitutifs originaux.

M. Adams : Oui, nous le ferons. Nous allons mettre la question en délibéré et faire des vérifications à ce sujet.

[144]       La défenderesse a répondu, dans ses réponses aux engagements, que [traduction] « la défenderesse […] ne peut confirmer si le rapport de recherche NUANS montré à des fins d’identification était l’original […] » et a fourni d’autres renseignements afin d’expliquer cette réponse. La réponse complète est la suivante (voir le dossier de la demanderesse, aux pages 3470 et 3471) :

      [traduction]

  • Ni Alan Quesnel, David Wu ou Chuck Kelly, non plus que les dirigeants ou administrateurs de la défenderesse ou ses prédécesseurs en titre ou filiales n’ont reçu de copie du rapport de recherche NUANS ou n’ont pris connaissance de celui‑ci lors de la constitution en société ou avant qu’eux‑mêmes ou leur entreprise commencent à employer la marque de commerce THE ATHLETIC CLUB &Dessin. En conséquence, Alan Quesnel, David Wu, Chuck Kelly ou les prédécesseurs en titre ou filiales ne peuvent confirmer que le rapport de recherche NUANS montré à des fins d’identification était l’original. De plus, aucun original ou copie du rapport de recherche NUANS ne figure dans les registres de l’Athletic Club, de sorte qu’il n’a pas été possible de vérifier si le rapport de recherche NUANS présenté à des fins d’identification est le même que l’original.
  • Alan Quesnel et David Wu ont signé les statuts constitutifs sur les conseils de leur avocat en même temps que plusieurs autres documents. Le rapport de recherche NUANS n’a jamais été porté à leur attention.
  • Les statuts constitutifs semblent être une copie des originaux et il n’y a aucune raison de croire qu’il ne s’agit pas d’une copie de l’original.

[145]       Insatisfaite de cette réponse, la demanderesse a présenté une requête visant à obtenir des réponses et documents supplémentaires de la défenderesse. Elle a également demandé l’autorisation de contraindre l’avocat qui avait déposé les statuts constitutifs à produire un affidavit et à témoigner devant la Cour, ainsi qu’une ordonnance l’autorisant à signifier une assignation à comparaître à cet avocat. La protonotaire Tabib s’est prononcée sur cette requête dans une ordonnance datée du 10 août 2012.

[146]       En ce qui a trait à la question de savoir si la défenderesse avait fourni une réponse appropriée à l’engagement et à la question mise en délibéré, ainsi qu’à la question de savoir s’il y avait lieu que la Cour oblige la défenderesse à fournir une réponse supplémentaire, qu’elle fasse témoigner l’avocat qui s’est occupé de la constitution, ou qu’elle produise des documents par son entremise la protonotaire Tabib a présenté l’analyse suivante :

[traduction]

La demanderesse n’aime pas la réponse non concluante qu’elle a obtenue en ce qui concerne la conformité de la recherche NUANS. Elle aime encore moins la justification fournie. Elle affirme que l’engagement n’a pas été respecté et que M. Kelly devrait aller plus loin et chercher d’autres façons de faire des vérifications, notamment en interrogeant M. Corrent ou en obtenant sa propre copie d’ONCORP ou de Service Ontario. Elle ajoute que la justification devrait être radiée, parce qu’elle va au‑delà de ce qui a été demandé et qu’il s’agit d’une explication intéressée.

Je ne puis souscrire à ces arguments. Les moyens que M. Kelly devait employer pour procéder aux vérifications n’ont nullement été précisés dans la demande d’engagement. Dans la mesure où la réponse fournie indique ce que M. Kelly a fait, il appert qu’il a demandé à M. Quesnel, à M. Wu et à tous les administrateurs et dirigeants des sociétés pertinentes s’ils reconnaissaient le rapport de recherche NUANS, et il s’est fait dire par ces personnes qu’elles ne l’avaient pas vu à la date pertinente, qu’elles n’avaient pas été mises au courant de son existence et qu’elles n’en avaient pas obtenu copie. Il appert également que M. Kelly a consulté les registres de la société The Athletic Club et qu’il n’a pas trouvé le rapport de recherche NUANS. Ces deux démarches concrètes ne sauraient être une source de reproches. Il en est de même de la réponse par laquelle il communique le résultat de ces démarches.

La première question à trancher est donc de savoir si la réponse fournie est suffisante ou si M. Kelly devrait être tenu de faire les autres vérifications suggérées par la demanderesse afin de vérifier l’authenticité du rapport de recherche NUANS.

Bien qu’un témoin contre‑interrogé sur un affidavit ne soit pas tenu de s’engager à se renseigner davantage pour répondre à des questions qui ne relèvent pas de sa connaissance, les engagements pris volontairement doivent être respectés (voir Merck Frosst Canada Inc. c Canada (Ministre de la Santé), [1997] ACF n° 1847, et Autodata Ltd. c Autodata Solutions Co., 2004 CF 1361). Cela étant dit, lorsqu’un engagement est pris, le témoin n’est pas tenu pour autant de fournir une réponse à tout prix, mais plutôt de prendre des dispositions raisonnables pour le faire. Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, les parties ne conviennent pas des mesures que le témoin doit prendre pour fournir une réponse, il faut déterminer au cas par cas ce qui constitue des mesures raisonnables.

Dans les circonstances, il ne m’apparaît raisonnable d’exiger que le témoin se renseigne auprès de tierces parties afin de vérifier l’authenticité du rapport de recherche NUANS. Ce document n’a pas été rédigé par la défenderesse et celle‑ci ne l’a pas présenté non plus au soutien de sa défense. Il ne s’agit même pas d’un document que la demanderesse a déposé de manière régulière et la défenderesse en conteste farouchement l’authenticité. C’est un document que l’avocat de la demanderesse a montré sans préavis au témoin dans le cadre des contre‑interrogatoires, afin de combler ce qu’il estimait être une lacune dans la preuve présentée. Même lorsqu’un engagement est pris sans contrainte, il y a des limites à l’obligation d’une partie de s’informer et d’obtenir des renseignements auprès de sources extérieures à sa propre organisation afin de permettre à son adversaire de vérifier ou de présenter des éléments de preuve qu’il aurait pu présenter de manière indépendante.

[Non souligné dans l’original]

[147]       La protonotaire Tabib semble avoir voulu éviter d’imposer des obligations quant aux réponses à des engagements s’écartant trop des principes régissant le contre‑interrogatoire de l’auteur d’un affidavit. Cette préoccupation m’apparaît légitime : si une partie ne peut contraindre l’auteur d’un affidavit à s’informer ou à communiquer des documents en réponse aux questions posées lors même du contre‑interrogatoire, l’engagement (qu’il s’agisse d’un engagement réel ou d’un engagement tacite découlant d’une réponse) a‑t‑il pour effet de transformer soudainement le processus en un interrogatoire préalable en bonne et due forme? En même temps, il appert clairement de la jurisprudence exposée plus haut que les parties doivent répondre aux questions auxquelles elles se sont engagées à répondre et communiquer les documents qu’elles se sont engagées à communiquer. Dans la décision Autodata, dont a fait mention la protonotaire Tabib (également rendue par cette dernière), l’analyse suivante est présentée au sujet de la façon de concilier ces aspects parfois contradictoires :

[17]      Puis la demanderesse affirme qu'elle n'est pas tenue d'accepter les simples affirmations de la défenderesse, en réponse à l'engagement, selon lesquelles il n'y a eu aucun transfert d'éléments incorporels ou de droits de propriété intellectuelle, qu'elle est fondée à vérifier lesdites affirmations et que la communication de l'intégralité de la convention d'achat d'actions apporterait des éclaircissements ou conduirait à des interrogations complémentaires.

[18]      Le langage de l'argumentation de la demanderesse est le langage de l'interrogatoire préalable. Certes, si cette procédure était une action et si la question avait été posée dans un interrogatoire préalable, je reconnaîtrais que l'intégralité de la convention d'achat d'actions présente une utilité, car sa production pourrait conduire à une série d'enquêtes complémentaires sur des aspects pertinents, et qu'une demande de communication de la convention constitue une demande complémentaire valide.

[19]      Cependant, un contre‑interrogatoire sur affidavit n'est pas un interrogatoire préalable, et une demande n'est pas une action. Une demande vise à accélérer la procédure, c'est une procédure sommaire. C'est pourquoi il n'y a pas d'interrogatoires préalables dans les demandes. Les parties ne peuvent compter, ni exiger, que la procédure sommaire imposée pour les demandes leur permette de vérifier chaque détail de chaque affirmation faite dans des affidavits ou dans des contre‑interrogatoires portant sur des documents qui peuvent se trouver en la possession de la partie adverse. Si une partie n'est pas tenue d' « accepter » la simple affirmation d'un témoin dans un contre‑interrogatoire, elle est cependant limitée, dans ses tentatives de vérifier ladite affirmation, aux questions qu'elle peut poser au témoin, et aux réponses du témoin données au cours du contre‑interrogatoire. Dans la mesure où il existe des documents pouvant appuyer ou contredire l'affirmation du témoin, la production des documents ne pourra se faire que s'ils ont été énumérés, ou suffisamment identifiés, dans une assignation à comparaître dûment signifiée, ainsi que le prévoit l'alinéa 91(2)c) des Règles (voir Bruno c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. n° 1604). Je répète : un contre‑interrogatoire sur affidavit est la preuve orale directe du témoin, non un interrogatoire préalable de la partie. Par conséquent, les avocats seraient bien avisés de voir un contre‑interrogatoire sur affidavit avec la même circonspection qu'un contre‑interrogatoire, de peur d'inviter le genre de « simple affirmation » que déplore aujourd'hui la défenderesse, et de devoir contester la crédibilité du témoin ou le poids à accorder au témoignage, comme seul moyen de contester l'affirmation.

[Non souligné dans l’original]

[148]       Tout en rejetant la présentation de la demanderesse selon laquelle la défenderesse était tenue de s’informer auprès de l’avocat qui la représentait précédemment pour savoir si le rapport de recherche NUANS présenté à des fins d’identification était une copie de l’original, la protonotaire Tabib a convenu avec la demanderesse que la réponse de la défenderesse soulevait la question de savoir si le document en question avait été communiqué aux mandants de celle‑ci par cet avocat. En conséquence, elle a confirmé qu’il y avait eu renonciation au privilège sur cet aspect restreint (mais non en ce qui concerne les conseils juridiques donnés) et que le contre‑interrogatoire pouvait se poursuivre.

[149]       En ce qui concerne la question de savoir s’il y avait lieu d’autoriser à déposer d’autres éléments de preuve ou à contraindre l’avocat qui s’est occupé de la constitution en société de la défenderesse à témoigner, la protonotaire Tabib est arrivée à la conclusion suivante :

[traduction] Enfin, la partie de la requête de la demanderesse visant à obtenir l’autorisation de signifier ou de produire un affidavit supplémentaire de M. Corrent ou de présenter son témoignage à l’audience doit être rejetée. Une partie ne peut scinder sa cause en présentant, après le début des contre‑interrogatoires, une preuve qu’elle aurait pu et qu’elle aurait dû présenter plus tôt (voir Atlantic Engraving Ltd. c Lapointe Rosenstein, 2001 CFPI 1279, [2001] ACF 1757).

[150]       M. Kelly a été soumis à un autre contre‑interrogatoire le 24 août 2012. M. Kelly a alors affirmé qu’il avait demandé à Alan Quesnel et à David Wu s’ils avaient vu le rapport de recherche NUANS, et que ceux‑ci avaient tous les deux répondu par la négative (dossier de la demanderesse, page 3513, question 966). Il a indiqué qu’il s’était assuré que le rapport de recherche NUANS ne se trouvait pas dans les registres de la défenderesse, mais qu’il n’avait pas tenté par ailleurs d’obtenir une copie du rapport de recherche original (ibid, questions 980 à 983). Il n’a pas communiqué avec l’ex‑avocat (ibid, question 999), ni n’a tenté d’obtenir une copie des Archives du gouvernement de l’Ontario (ibid, question 1004).

[151]       L’avocat de la demanderesse a demandé qu’un certain nombre d’engagements soient pris, notamment quant à la question de savoir si M. Quesnel ou M. Wu était au courant de façon générale, à la date de la constitution en société de la défenderesse, qu’une recherche NUANS était obligatoire, et si l’un ou l’autre avait déjà procédé à la constitution d’autres sociétés. La demanderesse a également sollicité des engagements à l’égard de la communication d’un vaste éventail de documents, y compris ceux qui avaient été signés à la date de la constitution en société de l’entreprise The London Athletic Club et de chacune des autres filiales de la défenderesse ainsi que le dossier des avocats qui s’étaient occupés de l’enregistrement de la marque de commerce (et qui représentent également la défenderesse en l’espèce), une fois les conseils juridiques fournis supprimés.

[152]       La défenderesse a refusé de fournir la plupart de ces engagements, affirmant qu’ils dépassaient la portée du contre‑interrogatoire ou n’étaient pas pertinents, qu’ils concernaient, dans certains cas, des renseignements privilégiés et M. Kelly n’avait pas à faire des recherches pour la demanderesse. Toutefois, la défenderesse a fourni une réponse à la question de savoir si M. Quesnel et M. Wu étaient au courant, de manière générale, de l’obligation d’effectuer une recherche NUANS avant de constituer une entreprise en société :

[traduction] Non. Alan Quesnel et David Wu n’étaient pas de façon générale au courant de la recherche NUANS exigée avant la constitution d’une société. Le rapport de recherche NUANS mentionné dans l’ordonnance du 10 août 2012 n’a pas été communiqué à la société ou à ses mandants ou actionnaires.

Autre éléments de preuve concernant la connaissance antérieure que la défenderesse avait des marques de commerce ou du nom commercial de la demanderesse

[153]       La question factuelle en litige est de savoir si la défenderesse était déjà au courant de l’existence de la demanderesse et des marques de commerce ou du nom commercial de celle‑ci avant d’adopter la marque de commerce The Athletic Club. À cet égard, M. Kelly a affirmé ce qui suit dans son deuxième affidavit, signé le 21 janvier 2012 :

[traduction]

19.       Lorsqu’Alan Quesnel a commencé à utiliser la marque de commerce THE ATHLETIC CLUB & Dessin en 1997 et à accorder des licences à l’égard de cette marque, il ignorait l’existence de la demanderesse ou des marques de commerce ou noms commerciaux de celle‑ci. Je suis au courant de ce fait non seulement parce qu’Alan Quesnel m’en a personnellement informé, mais aussi parce que j’étais avec lui la première fois que l’existence de la demanderesse ainsi que des marques de commerce et noms commerciaux de celle‑ci a été portée à son attention.

[154]       La seule partie de cet affidavit qui est admissible et sur laquelle la Cour pourrait peut‑être se fonder est l’affirmation de M. Kelly selon laquelle celui‑ci se trouvait « avec » M. Quesnel lorsqu’il a appris l’existence des marques de commerce et noms commerciaux d’OAC. L’admissibilité de cette déclaration est douteuse et, même si cette affirmation était admissible, sa valeur probante m’apparaît à peu près nulle.

[155]       Dans l’arrêt United States Polo, précité, aux paragraphes 10 et 11, la Cour d'appel fédérale a conclu que le juge de première instance avait commis une erreur en citant et en prenant en compte une preuve par affidavit fait sur la foi de renseignements tenus pour véridiques sans que la nécessité d’utiliser une preuve obtenue par ouï‑dire plutôt qu’une preuve originale n’avait pas été établie. Bien que M. Kelly ait affirmé en contre‑interrogatoire que M. Quesnel était souvent à l’extérieur du pays, ce fait ne justifie pas l’omission de sa part de produire un affidavit. Au vu du dossier, il semble évident que M. Quesnel et M. Wu auraient pu tous les deux déposer des affidavits. En conséquence, il n’était pas nécessaire que M. Kelly présente une preuve par ouï‑dire au sujet de la connaissance ou de l’absence de connaissance que ces personnes avaient de l’existence de la demanderesse et de la marque de commerce ainsi que du nom commercial de celle‑ci lorsqu’elles ont constitué la société The London Athletic Club Inc. et commencé à utiliser la marque de commerce Athletic Club. La défenderesse aurait pu présenter une preuve directe à ce sujet si elle avait choisi de le faire.

[156]       M. Kelly affirme qu’il se trouvait avec M. Quesnel lorsque celui‑ci a entendu parler pour la première fois de l’existence de la demanderesse, mais il ne nous dit pas quels sont les faits qui l’ont incité à conclure que M. Quesnel n’était pas déjà au courant de l’existence de celle‑ci. S’il s’agissait d’une déclaration de M. Quesnel en ce sens, celle‑ci constituerait également une preuve par ouï‑dire et serait inadmissible. Il n’en demeure pas moins que c’est l’état d’esprit de M. Quesnel (quant à la question de savoir s’il apprenait l’existence de la demanderesse pour la première fois) qui est important dans ce scénario, et aucun renseignement que M. Kelly fournit dans son affidavit ne nous éclaire à ce sujet.

Y a‑t‑il lieu de tirer une conclusion défavorable?

[157]       À mon avis, il est indéniable que la défenderesse a refusé de présenter la meilleure preuve disponible au sujet de la connaissance qu’avaient ses mandants de l’existence de la demanderesse ainsi que de la marque de commerce et du nom commercial de celle‑ci à l’époque pertinente (preuve directe de ces mandants eux‑mêmes). Elle a plutôt décidé de se fonder sur la preuve par ouï‑dire de M. Kelly, qui n’avait pas de liens avec la société défenderesse à l’époque. Cette façon de procéder a désavantagé la demanderesse, qui n’a pu mettre en doute la preuve de la défenderesse. Comme cela est très clairement ressorti des contre‑interrogatoires de M. Kelly, ce dernier n’avait aucune connaissance personnelle à ce sujet et il était seulement en mesure de répéter les réponses aux questions très précises qu’il avait posées à M. Quesnel et à M. Wu.

[158]       En ce qui concerne la recherche NUANS elle‑même, la défenderesse souligne à juste titre que la demanderesse n’a soulevé cette question que lors du contre‑interrogatoire de M. Kelly, après que toute la preuve ait été présentée. En conséquence, la demanderesse ne peut maintenant reprocher à la défenderesse de ne pas avoir fait témoigner M. Quesnel ou M. Wu à ce sujet.

[159]       Cependant, la plus grande difficulté à laquelle la demanderesse se heurte est qu’il lui incombait de prouver que la défenderesse était au courant de l’usage antérieur d’une marque de commerce ou d’un nom commercial qui créait de la confusion. La demanderesse n’a pas présenté le moindre élément de preuve – si faible soit‑il – montrant que la défenderesse était au courant de l’usage par la demanderesse d’une marque de commerce ou d’un nom commercial créant de la confusion lorsqu’elle a adopté la marque de commerce Athletic Club en 1997. Elle n’a pas présenté le rapport de recherche NUANS au moyen de ses propres affidavits et n’a pas demandé la communication des documents concernant la constitution en société survenue en 1997 au moyen d’une assignation à comparaître avant le contre‑interrogatoire de M. Kelly. De plus, elle n’a présenté aucun élément de preuve qui permettrait à la Cour de déduire du contexte que la défenderesse – qui à cette époque procédait à l’ouverture d’un seul établissement à London (Ontario) – devait forcément être au courant de l’existence de la demanderesse ainsi que de la marque de commerce ou du nom commercial de celle‑ci (voir la décision Bodum USA, précitée, au paragraphe 153).

[160]       À mon avis, il appert clairement de la doctrine et de la jurisprudence que, bien qu’une conclusion défavorable puisse renforcer une preuve faible ou faire d’une preuve prima facie une preuve concluante, elle ne peut permettre à la partie ayant le fardeau de la preuve d’établir son allégation malgré l’absence totale de preuve à ce sujet. Il doit y avoir une preuve à laquelle la partie défenderesse est invitée à répondre avant que celle‑ci soit tenue de présenter la meilleure preuve ou que la Cour puisse arriver à la conclusion que son silence ne favorise pas sa cause : Tapper, op. cit., aux pages 40 et 41; ouvrage de Keane, précité, aux pages 14 et 15. La demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve à ce sujet auquel la défenderesse aurait pu répondre, de sorte que la Cour ne peut tirer de conclusion défavorable. N’ayant présenté aucun élément de preuve de son propre chef, la demanderesse ne saurait reprocher à la défenderesse d’avoir choisi de ne pas faire témoigner M. Quesnel et M. Wu sur cette question et les obliger de ce fait à subir un contre‑interrogatoire. Elle n’avait rien à gagner en agissant de la sorte.

[161]       La conclusion serait peut‑être différente si la défenderesse ne s’était pas conformée à une obligation en matière de communication. Cependant, la demanderesse n’a pas établi que la défenderesse avait omis de répondre à une question à laquelle elle devait répondre ou de communiquer un document qu’elle était tenue de fournir. En qualité de témoin et non de partie, M. Kelly n’était pas tenu d’obtenir des renseignements en vue de répondre aux questions qui lui étaient posées en contre‑interrogatoire. Même si la défenderesse devait se conformer aux engagements qu’elle avait pris, elle n’était nullement tenue de s’engager de la sorte. La protonotaire Tabib a déjà conclu que la défenderesse s’était raisonnablement conformée à son engagement qui consistait à vérifier si le rapport de recherche NUANS présenté à des fins d’identification était une copie conforme à l’original, et cette conclusion ne m’apparaît pas erronée. Même si cette vérification avait été faite (par exemple, par l’entremise de l’avocat ou auprès des Archives du gouvernement), elle n’aurait ajouté rien de substantiel au dossier de preuve. La demande de vérification visait à permettre à la demanderesse de poser des questions complémentaires au sujet de la connaissance que la défenderesse avait de la recherche NUANS. Elle a maintenant posé ces questions et n’a pas obtenu le succès escompté.

[162]       Qui plus est, la demanderesse n’a pas suivi la procédure appropriée pour contraindre la défenderesse à communiquer des documents pertinents se trouvant en sa possession dans le cadre du contre‑interrogatoire de M. Kelly, ce qui est peut‑être plus grave encore. Dans son affidavit, M. Kelly a mis en cause la connaissance antérieure, par la défenderesse, de l’existence de la demanderesse et du nom commercial de celle‑ci. Il semble donc que la demanderesse aurait eu le droit d’exiger, au moyen de l’assignation à comparaître, que la défenderesse cherche dans ses dossiers les documents pertinents, y compris les rapports de recherche NUANS associés aux différentes entreprises qu’elle a constituées en sociétés. Comme elle ne l’a pas fait, aucun mécanisme ne permettait à la Cour d’exiger cette communication par suite de demandes formulées pendant ou après le contre‑interrogatoire : voir Goodwin, précitée, et Bruno, précitée, au paragraphe 6.

[163]       En conséquence, je ne crois pas que la Cour puisse tirer une conclusion défavorable à la lumière des faits établis en l’espèce. Elle doit donc évaluer et soupeser la preuve disponible et pertinente pour décider si la connaissance devrait être présumée. Ce n’est pas une tâche facile. Dans la décision Bodum USA, précitée, le juge Mosley a pu imputer la connaissance en inférant « des éléments de preuve que la haute direction de Bodum, et plus précisément Jorgen Bodum et Carsten Jorgensen, étaient au courant de l’utilisation antérieure de l’expression lorsqu’ils l’ont adoptée comme marque de commerce, en raison de leur connaissance du marché et des préoccupations exprimées par Koen de Winter au sujet de la concurrence de BonJour ». Dans la présente affaire, nous ne pouvons que formuler des hypothèses en ce qui concerne les renseignements que M. Quesnel et M. Wu possédaient au sujet de la demanderesse et du marché, et rien dans la preuve ne concerne des propos tenus au sujet de la concurrence. M. Kelly a également déclaré que ni lui, ni M. Quesnel, M. Wu ou les dirigeants ou administrateurs de la défenderesse, ainsi que les prédécesseurs en titre ou filiales de celle‑ci [traduction] « n’ont reçu de copie du rapport de recherche NUANS ou n’ont pris connaissance de celui‑ci lors de la constitution en société ou avant qu’eux‑mêmes ou leur entreprise commencent à employer la marque de commerce THE ATHLETIC CLUB & Dessin » et que [traduction] « [l]orsqu’Alan Quesnel a commencé à utiliser la marque de commerce THE ATHLETIC CLUB & Dessin en 1997 et à accorder des licences à l’égard de cette marque, il ignorait l’existence de la demanderesse ou des marques de commerce ou noms commerciaux de celle‑ci ». Je conviens avec la demanderesse que la valeur probante de ce genre de déclaration, qui constitue une preuve par ouï‑dire, est sans doute minime; cependant, hormis l’affirmation générale de la demanderesse selon laquelle une personne se trouvant dans la position de M. Quesnel devait être au courant de l’existence de celle‑ci, aucun élément de preuve ne permet d’imputer la connaissance.

Connaissance imputée par l’entremise d’un avocat/mandataire

Est‑il possible d’imputer aux mandants de la défenderesse la connaissance de l’avocat au sujet de la recherche NUANS?

[164]       Dans Mah c Wawanesa Mutual Insurance, 2013 ABCA 363 [Mah], la Cour d’appel de l’Alberta a souligné que [traduction] « les tribunaux imputent [la connaissance d’un mandataire] à un mandant dans deux situations : lorsqu’un avis est donné au mandataire ou lorsque celui‑ci a obtenu les renseignements dans le cadre de ses fonctions ». La Cour d’appel de l’Ontario a commenté le fondement de cette règle dans Durbin c Monserat Investments Ltd (1978), 20 OR (2d) 181, à la page 183, 87 DLR (3d) 593, à la page 595 (CA Ont). Elle a fait remarquer que la connaissance d’un mandataire est normalement imputée à son mandant [traduction] « en raison de la présomption selon laquelle le mandataire transmettra les renseignements qu’il possède à son mandant, parce qu’il est tenu de le faire ».

[165]        Reynolds donne une deuxième explication au sujet de la règle, soit l’identité du mandant et du mandataire et l’idée selon laquelle [traduction] « le mandant ne devrait pas pouvoir se servir du mandataire pour se placer dans une position plus avantageuse que celle dans laquelle il se serait trouvé s’il avait agi lui‑même » : F.M.B. Reynolds, Bowstead and Reynolds on Agency, 18e éd (Londres : Sweet & Maxwell, 2006), aux pages 481 et 482.

[166]       Comme Reynolds le souligne, la portée de la règle et les exceptions dont elle fait l’objet sont fonction du principe retenu pour justifier son application et il est parfois difficile de concilier les décisions rendues à ce sujet (Reynolds, op. cit., aux pages 480 à 482).

[167]       Néanmoins, Fridman expose la règle générale et ses principales exceptions comme suit :

[traduction] La question de savoir si le mandant était au courant de certains renseignements peut avoir une incidence cruciale sur la relation du mandant avec une tierce partie. À cet égard, il a été décidé que la connaissance de ces renseignements par le mandataire du mandant, que ce soit par suite d’un avis qu’il a reçu ou autrement, peut être imputée au mandant. Cependant, il existe deux situations dans lesquelles cette connaissance ne sera pas imputée au mandant, soit lorsque le mandataire a commis une fraude ou une faute (exécution fautive) à son endroit et lorsque la tierce partie avec laquelle le mandataire a traité sait que celui‑ci ne communiquera pas ces renseignements […]

G.H.L. Fridman, Canadian Agency Law, 2e éd (Markham : LexisNexis Canada, 2012), à la page 216.

Plus loin, il restreint comme suit la portée de la règle :

[traduction] Pour que la connaissance du mandataire puisse être imputée au mandant, elle doit être pertinente quant à l’opération à l’égard de laquelle les services du mandataire sont retenus et celui‑ci doit avoir l’obligation de communiquer l’avis à son mandant […]

Fridman, op. cit, aux pages 218‑219.

[168]       À cet égard, il semblerait que la question de savoir si le mandataire a reçu un avis formel d’une autre partie ou s’il a acquis autrement les renseignements pertinents dans le cadre de l’exécution de l’opération pour laquelle ses services ont été retenus importe peu : Fridman, op. cit., à la page 218, citant Wilson c Carica Life Insurance Co, [2001] BCJ no 2668, 36 CCLI (3d) 185, à la page 201 (CSCB), décision confirmée par [2002] 11 WWR 17 (CACB); voir également l’arrêt Mah, précité, au paragraphe 13.

[169]       Il est bien établi que ce principe peut s’appliquer aux relations entre l’avocat et son client : Bank of Montreal c Dresler, 2002 NBCA 69, au paragraphe 66; John MM Troup Ltd et al c Royal Bank of Canada, [1962] RCS 487; Vescio et al c Peterman et al (1999), 45 OR (3d) 613, [1999] OJ no 4039 (CA Ont); Purdom c Northern Life Assurance Co of Canada, [1928] OJ no 91, aux paragraphes 53 à 55, 63 OLR 12 (CS Ont), décision confirmée par [1930] RCS 119.

[170]       Ni l’exception de la fraude ou de l’exécution fautive non plus que celle découlant du fait que la tierce partie sait que le mandataire ne communiquera pas les renseignements au mandant ne s’appliquent en l’espèce. Cependant, la réserve selon laquelle [traduction] « [la connaissance] doit être pertinente quant à l’opération à l’égard de laquelle les services du mandataire sont retenus et celui‑ci doit avoir l’obligation de communiquer l’avis à son mandant » soulève des questions.

[171]       En ce qui concerne la première proposition, Fridman cite Krumm c Shephard District n° 220, [1928] RCS 487 [Krumm]. Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a imputé à un père la connaissance que son fils avait acquise en donnant suite à sa directive de payer des taxes foncières. Le fils a payé les taxes conformément aux directives de son père, mais la municipalité a déduit que le terrain avait été transféré au fils et a établi le reçu et les avis de cotisation subséquents au nom de celui‑ci. Le fils le savait et cette connaissance a été imputée au père. En conséquence, il a été inféré que le père avait consenti à ce que les cotisations relatives au terrain soient établies au nom du fils (et à ce que les avis ultérieurs soient uniquement envoyés au fils). Après le décès du père, le fils a négligé de payer les taxes et la municipalité a vendu le terrain pour taxes impayées. La succession du père a poursuivi la municipalité, soutenant qu’elle n’avait jamais reçu d’avis de cotisation. La Cour suprême du Canada a décidé que la connaissance que le fils avait du changement constituait un moyen de défense valable. Les juges Duff et Smith ont exposé la question comme suit :

[traduction] […] de deux choses l’une : soit le père s’est assuré personnellement de la façon habituelle, en vérifiant les avis, que le calcul fait par l’autorité taxatrice était exact […], soit il a laissé à son fils le soin de s’en occuper. Dans un cas comme dans l’autre, le fils saurait, alors que, dans le premier cas, tous les deux sauraient effectivement que la personne visée par la cotisation était le fils. Étant donné que le fils a acquis les renseignements au cours de l’exécution de la tâche qui lui avait été confiée quant à l’opération en question et que les renseignements étaient pertinents quant à celle‑ci, la connaissance doit être imputée au père aux fins de l’examen de l’effet juridique de l’opération elle‑même […]

[Non souligné dans l’original]

[172]       En revanche, Reynolds cite Wyllie c Pollen (1863) 32 LJ Ch 782, 3 De GJ & Sm 596, 11 WR 1081 [Wyllie], où il a été décidé que la connaissance d’un fait par le mandataire ne sera pas imputée au mandant à moins que les renseignements en question ne soient pertinents quant à l’opération pour laquelle les services du mandataire ont été retenus, de sorte que celui‑ci avait l’obligation de les communiquer. Ainsi, dans une affaire où un avocat représentait le cessionnaire d’une hypothèque, la connaissance qu’avait l’avocat de l’existence de charges subséquemment enregistrées sur le titre n’a pas été imputée au mandant, parce que ce renseignement n’était pas pertinent quant au transfert (voir Reynolds, op. cit., à la page 491).

[173]       La décision Halifax Mortgage Services Ltd (Formerly BNP Mortgages) c Stepsky, [1995] 4 All ER 656 [Stepsky], illustre la deuxième proposition, selon laquelle le mandataire doit avoir l’obligation de communiquer l’avis à son mandant. Dans Stepsky, un cabinet d’avocats représentait tant les emprunteurs (un couple marié) que le prêteur dans le cadre de l’octroi d’un prêt hypothécaire de deuxième rang. Une bonne partie du prêt a servi au remboursement des dettes d’entreprise de l’époux plutôt qu’à la réalisation de l’objet déclaré (acquisition de parts familiales dans une entreprise). L’épouse a soutenu que son obligation de rembourser devait être annulée, parce que les avocats savaient que c’était à cette fin que le prêt avait été contracté et que la connaissance de ce fait devait être imputée à la banque. Il a été décidé que l’obligation qu’avaient les avocats de mettre fin à leur mandat de représentation parce que les intérêts de leurs clients étaient devenus incompatibles l’emportait sur toute obligation de transmettre les renseignements en question au prêteur. En conséquence, la connaissance ne pouvait lui être imputée.

[174]       Dans Magrath c Collins, [1917] AJ n° 74, au paragraphe 5, 37 DLR 611, cette proposition est énoncée sous forme positive : [traduction] « l’avis donné à un mandataire est réputé avoir été donné au mandant lorsque le mandataire est tenu, en raison des obligations qu’il a à son endroit, de le lui communiquer ». Voir également Whitney c Great Northern Insurance Co, [1917] AJ n° 76, 32 DLR 756, à la page 760, et la décision Wyllie, précitée.

[175]       Il me semble que, dans la présente affaire, la Cour doit se demander si la mention du nom de la société demanderesse dans le rapport de recherche NUANS était pertinente quant à l’opération pour laquelle les services de l’avocat ont été retenus et si celui‑ci avait l’obligation de transmettre le renseignement en question aux mandants ou administrateurs de la défenderesse.

[176]       À mon avis, le dossier de preuve ne permet pas d’affirmer que le renseignement était pertinent quant à la constitution en société de la défenderesse ou qu’une obligation de communication de cette nature a pris naissance; en conséquence, la connaissance par imputation n’a pas été établie par la demanderesse. L’avocat avait pour mandat de constituer une société – The London Athletic Club Inc. – qui, à l’époque, devait exploiter un seul établissement à London (Ontario). Rien ne donne à penser que l’existence d’une société appelée « Ottawa Athletic Club » constituait un obstacle à la constitution en société du prédécesseur en titre de la défenderesse, The London Athletic Club Inc. Le rapport de recherche NUANS que les demanderesses citent comporte une liste d’un certain nombre de sociétés utilisant le nom d’une ville ou un autre élément désignatif avec les mots « athletic club » dans leur nom (voir la pièce 2 jointe à la transcription du contre‑interrogatoire de M. Kelly, dossier de la demanderesse, volume 10, aux pages 3411 à 3415). De plus, il n’y a aucun renseignement donnant à penser que l’avocat s’est fait demander de déterminer ou de prévoir si des problèmes ultérieurs pourraient survenir relativement à des marques de commerce ou des noms commerciaux, que ce soit à London ou en ce qui concerne l’ouverture éventuelle d’autres établissements. En l’absence de preuve contraire, je conclus que l’existence d’une société portant le nom d’« Ottawa Athletic Club » n’était pas pertinente quant à la constitution de la société pour laquelle les services de l’avocat avaient été retenus. Tel étant le cas, il est difficile de voir pourquoi l’avocat aurait été tenu d’attirer tout particulièrement l’attention des mandants de la défenderesse sur ce renseignement.

[177]       Cependant, même s’il est possible d’imputer la connaissance du rapport de recherche NUANS aux mandants ou administrateurs de la défenderesse, il y a lieu de se demander si cette connaissance pourrait être assimilée à la connaissance de l’utilisation ou une révélation antérieure, par une autre partie, d’une marque de commerce ou d’un nom commercial créant de la confusion au sens du paragraphe 17(2) de la Loi. En termes simples, même si la connaissance de la recherche NUANS peut être imputée ou établie, la recherche fournit une preuve faible quant à la question de la connaissance qu’avait la défenderesse de l’utilisation antérieure d’une marque de commerce ou d’un nom commercial créant de la confusion. Certaines sociétés n’exercent aucune activité commerciale, et il arrive que des entreprises exercent leurs activités sous des noms autres que ceux qui figurent dans le registre des sociétés. Il se peut qu’un rapport de recherche NUANS révèle très peu de renseignements au sujet de l’utilisation antérieure et actuelle des noms ou marques de commerce qui y figurent.

[178]       Le rapport de recherche NUANS aurait peut‑être indiqué que des recherches plus poussées étaient nécessaires avant l’adoption de la marque de commerce Athletic Club. Étant donné que les tribunaux sont disposés, dans certains cas, à inférer la connaissance à partir des circonstances, (voir la décision Bodum USA, précitée, au paragraphe 153), la connaissance par imputation peut être suffisante pour satisfaire à la condition de la connaissance énoncée au paragraphe 17(2) – à savoir que la connaissance est établie lorsqu’une partie était au courant ou aurait dû être au courant de l’utilisation antérieure d’une marque de commerce ou d’un nom commercial créant de la confusion – mais les tribunaux ne semblent pas s’être prononcés clairement à ce sujet. Il est donc possible que la connaissance par imputation du rapport de recherche NUANS (soit la connaissance du mandataire imputée au mandant) constitue une connaissance par imputation de l’utilisation antérieure d’une marque de commerce ou d’un nom commercial créant de la confusion (c’est‑à‑dire que la défenderesse aurait dû être au courant ou s’informer).

[179]       Très peu d’éléments de preuve ou d’arguments ont été présentés à la Cour quant à savoir quelles inférences peuvent être tirées au sujet de la connaissance de l’utilisation antérieure d’un nom commercial créant de la confusion en raison de la connaissance du rapport de recherche NUANS. Si ce rapport avait été produit en preuve en bonne et due forme, la Cour aurait peut‑être en mains d’autres éléments de preuve au sujet de la portée de cette recherche et de ce qu’elle a permis ou aurait dû permettre à la défenderesse de savoir. Cependant, compte tenu de la conclusion que j’ai tirée plus haut, il n’est pas nécessaire de trancher cette question.

[180]       Étant donné que la demanderesse n’a pas, à mon avis, établi la connaissance de l’utilisation antérieure au sens du paragraphe 17(2) de la Loi, le délai de prescription de cinq ans prévu au paragraphe 17(1) s’applique et empêche la demanderesse d’alléguer l’invalidité aux termes des alinéas 16(1)a) et 16(1)c).

Description claire ou description fausse et trompeuse – alinéa 12(1)b)

[181]       La demanderesse affirme que, selon l’alinéa 18(1)a) de la Loi, la marque de commerce Athletic Club n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement parce qu’elle donnait une description claire ou une description fausse ou trompeuse, en langue anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle était employée, ou à l’égard desquels on projetait de l’employer, ce qui allait à l’encontre de l’alinéa 12(1)b). La demanderesse ajoute que ce motif d’invalidité ne peut en l’espèce être écarté parce que la marque serait devenue distinctive au sens du paragraphe 12(2) de la Loi.

[182]       L’alinéa 12(1)b) de la Loi énonce clairement qu’une marque de commerce est susceptible de donner une description claire ou une description fausse et trompeuse, en raison de « sa forme graphique, écrite ou sonore ». Dans la présente affaire, la marque en cause est une marque composée qui comporte un dessin de forme ovale contenant les mots « The Athletic Club » écrits dans une forme stylisée, lesquels ont fait l’objet d’un désistement. La défenderesse ne cherche pas à faire valoir des droits sur les mots qui y sont inscrits, mais plutôt protéger le dessin dans son ensemble, qu’elle affirme être distinctif.

[183]       Comme la demanderesse le souligne, dans la décision Best Western, précitée, il a été établi que lorsqu’une marque composée comporte, sous sa forme sonore, des mots (même s’ils ont fait l’objet d’un désistement) qui donnent une description claire ou une description fausse ou trompeuse, la marque ne sera pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)b) si les mots constituent la caractéristique prédominante de la marque. D’ailleurs, le Bureau des marques de commerce a modifié son manuel d’examen pour tenir compte de cette position par suite de la décision Best Western. Dans la décision Canadian Jewellers, précitée, le juge Kelen a confirmé et suivi la décision rendue dans Best Western.

[184]       Pour sa part, la défenderesse affirme que la marque de commerce Athletic Club ne peut être invalidée en application de l’alinéa 12(1)b), parce que les mots dont elle se compose ont fait l’objet d’un désistement, qu’ils ne constituent pas la caractéristique prédominante de ladite marque et que, en tout état de cause, ils ne donnent pas une description claire ou une description fausse ou trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises ou des services en liaison avec lesquels la marque en question est employée. À mon avis, aucun de ces arguments ne permet de préserver la validité de la marque de commerce.

[185]       Les deux auteurs des affidavits produits par la défenderesse ont confirmé en contre‑interrogatoire que la forme sonore de la marque de commerce était « the athletic club ».

[186]       La défenderesse soutient que les mots de la marque de commerce ne constituent pas l’élément prédominant de celle‑ci et que c’est le dessin dans son ensemble qui est distinctif. Cependant, à mon avis, la demanderesse a raison d’affirmer que, sous l’angle de la première impression, les mots « The Athletic Club », qui ont fait l’objet d’un désistement, constituent l’élément dominant et influent de la marque. Ni l’encadré de forme ovale de la marque de commerce non plus que la police de caractères ne comportent le moindre élément distinctif donnant à penser que les consommateurs identifieraient la marque en question au moyen de ces aspects graphiques plutôt qu’à l’aide des mots. Bien que la défenderesse se soit désistée du droit de les employer, les mots demeurent la caractéristique dominante et influente de la marque de commerce. La forme ovale et la police de caractères ne suscitent pas un intérêt sur le plan visuel de nature à éliminer la prédominance visuelle des mots, et le simple fait d’encadrer ceux‑ci au moyen d’une bordure ne saurait donner naissance à un droit d’empêcher les autres de le faire : voir Westfair Foods, précitée, au paragraphe 20.

[187]       Je suis également d’avis, compte tenu des définitions de dictionnaire et du témoignage livré par les auteurs des affidavits produits par la défenderesse eux‑mêmes en contre‑interrogatoire, ainsi que de la preuve présentée par la demanderesse au sujet de l’emploi par des tiers, que les mots « athletic » et « club » donnent une description claire de la plupart des services en liaison avec lesquels la marque de commerce Athletic Club est et a été employée. Dans l’arrêt Enseignants de l’Ontario, précité, au paragraphe 29, la Cour d'appel fédérale a récemment énoncé les principes régissant cette question.

[29]      Il est de jurisprudence constante que le critère applicable pour décider si une marque de commerce donne une description claire est celui de la première impression créée dans l’esprit de la personne normale ou raisonnable. Si cette personne n’est pas certaine de la signification de la marque de commerce en ce qui concerne les marchandises ou les services ou si elle hésite à ce sujet ou encore si la marque de commerce suggère un sens autre qu’un sens qui décrit les marchandises ou les services, on ne peut pas dire que ce mot donne une description claire. On ne devrait pas tenter de résoudre la question en procédant à une analyse critique des mots qui forment la marque, mais on devrait plutôt tenter de déterminer l’impression immédiate que donne la marque, compte tenu des marchandises ou des services avec lesquels elle est utilisée ou avec lesquels on se propose de l’utiliser. En d’autres termes, la marque de commerce ne doit pas être examinée de façon isolée, mais en fonction de l’ensemble du contexte des marchandises et des services. Pour établir si une marque de commerce donne une description claire, il faut également se rappeler que le mot « claire » à l’alinéa 12(1)b) de la Loi sert à véhiculer l’idée qu’il doit être évident, clair ou manifeste que la marque de commerce donne une description des marchandises ou des services (Hughes on Trade‑marks, 2e éd., édition à feuilles mobiles (consulté le 7 février 2012), (Markham, LexisNexis, 2005), p. 629 à 631, par. 30; Milan Chromecek et Stuart c. McCormack, World Intellectual Property Guidebook Canada, (New York, Matthew Bender & Co. Inc., 1991) p. 6‑61 à 6‑68; voir également les décisions Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp. (1968), 55 C.P.R. 29, p. 33 et 34 (Cour de l’Éch.) (Drackett); et Molson (CAF) au paragraphe 30)). Enfin, le mot « nature » que l’on trouve à l’alinéa 12(1)b) a été défini par la jurisprudence comme devant s’entendre d’une caractéristique, d’une particularité ou d’un trait inhérents aux marchandises ou aux services (Drackett, p. 34; G.W.G. Ltd. c. Registraire des marques de commerce, (1981), 55 C.P.R. 2d 1, p. 6, Association of Professional Engineers of Ontario c. Registrar of Trade‑marks, (1959), 31 C.P.R. 79, p. 88).

 

En l’espèce, ces principes m’amènent à conclure que la marque de commerce Athletic Club, sous sa forme sonore, donne une description claire des marchandises et services en liaison avec lesquels elle est employée.

[188]       Le fait que quelques‑uns des services et marchandises énumérés (par exemple, les services de restauration et l’exploitation d’un salon de bronzage) ne sont pas nécessairement liés au sport et au conditionnement physique n’empêche pas l’invalidation de la marque en vertu de l’alinéa 12(1)b). Comme je l’explique ci‑dessous à l’égard de l’article 10 de la Loi, ces services, offerts dans un établissement semblable à ceux qu’exploitent la défenderesse et la demanderesse, sont visés par le sens courant de l’expression « athletic club ». Il ressort clairement de la jurisprudence que l’analyse fondée sur l’alinéa 12(1)b) n’est pas un exercice abstrait visant à déterminer si les services offerts en liaison avec une marque de commerce correspondent aux définitions que donnent les dictionnaires aux mots de la marque, mais une analyse contextuelle fondée sur l’impression immédiate des utilisateurs possibles du service : voir Wool Bureau, précitée, aux paragraphes 7 et 11; Mitel, précitée, aux paragraphes 7 et 18; Riverside Paper, précitée, au paragraphe 10, et Enseignants de l’Ontario, précitée, au paragraphe 29.

[189]       Dans le but d’éviter les conséquences de l’alinéa 12(1)b), la défenderesse allègue que la marque de commerce avait acquis un caractère distinctif à la date de production de la demande d’enregistrement, au sens du paragraphe 12(2) de la Loi, soit le 29 juillet 2003.

Date pertinente pour l’évaluation du caractère distinctif acquis au sens de l’alinéa 12(1)b) et du paragraphe 12(2)

[190]       L’extrait suivant de l’ouvrage Fox on Trade‑Marks, op. cit., donne une description utile des dates pertinentes à prendre en compte pour savoir si une marque de commerce devrait être radiée, au regard des différentes dispositions de la Loi susceptibles de s’appliquer dans le contexte de la radiation (à la page 11‑34) :

[traduction] Il y a donc quatre grandes dates qui sont pertinentes aux fins de la radiation en application de la Loi sur les marques de commerce, soit (1) la date à laquelle la marque de commerce déposée a été employée ou révélée pour la première fois au Canada (paragraphe 16(1)); (2) la date de production de la demande d’enregistrement sous‑jacente (paragraphes 16(2) et 16(3)); (3) la date d’enregistrement de la marque de commerce (alinéa 18(1)a)) et (4) la date à laquelle sont entamées les procédures contestant la validité de l’enregistrement (alinéa 18(1)b) et c)). Cependant, c’est surtout la quatrième date qui est déterminante, car les trois premières dates renvoient en réalité à des situations montrant que, à la quatrième date susmentionnée, soit la date de la demande de radiation, la marque figure à tort au registre. Cependant, lorsque la radiation est demandée au motif que la marque de commerce n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement, cette date a une importance majeure et la preuve montrant que la marque est subséquemment devenue suffisamment distinctive pour être enregistrable en vertu du paragraphe 12(2) n’est pas pertinente. La preuve du caractère enregistrable n’est pertinente qu’en ce qui concerne la date de l’enregistrement et la disposition d’exception du paragraphe 18(2) ne concerne nullement le caractère distinctif acquis après cette date.

[Non souligné dans l’original]

[191]       Les décisions citées au soutien de cette dernière proposition, selon laquelle la date pertinente est la date de l’enregistrement, ont été rendues en application de la loi alors en vigueur : voir General Motors Corp c Bellows, [1949] RCS 678 [General Motors]; Somerlite Ltd c Brown (1934), 51 RPC 205, et Shredded Wheat Co Ltd c Kellogg Co of Great Britain Ltd (1940), 57 RPC 148. Il faut donc prendre en compte le texte législatif actuellement en vigueur ainsi que des décisions dans lesquelles il a été interprété.

[192]       La Cour est autorisée à radier une inscription dans le registre en vertu de l’article 57 de la Loi lorsque l’inscription « n’exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque ».

[193]       La demanderesse soutient que l’inscription n’exprime pas exactement les droits de la défenderesse, parce que l’enregistrement est invalide en vertu de l’alinéa 18(1)a) :

18. (1) L’enregistrement d’une marque de commerce est invalide dans les cas suivants :

a) la marque de commerce n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement;

[…]

[Non souligné dans l’original]

[194]       La raison pour laquelle la marque de commerce n’était apparemment pas enregistrable à la date de l’enregistrement est énoncée à l’alinéa 12(1)b) :

12. (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

[…]

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d’origine de ces marchandises ou services;

[…]

[Non souligné dans l’original]

[195]       La disposition dite « d’exception » susmentionnée, le paragraphe 12(2), est ainsi libellée :

(2) Une marque de commerce qui n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa (1)a) ou b) peut être enregistrée si elle a été employée au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive à la date de la production d’une demande d’enregistrement la concernant.

[Non souligné dans l’original]

[196]       Il est bien évident que la « disposition d’exception » ne renvoie qu’à une seule date, soit la date de la demande d’enregistrement de la marque de commerce, en l’occurrence, le 29 juillet 2003. Par ailleurs, lorsque l’alinéa 12(1)b) est lu conjointement avec l’alinéa 18(1)a), il est également évident que la date pertinente aux fins de l’application de l’alinéa 12(1)b) est « la date de l’enregistrement ».

[197]       En conséquence, lorsque la non‑conformité à l’alinéa 12(1)b) est alléguée dans des procédures de radiation fondées sur la Loi actuelle, deux dates sont susceptibles d’être pertinentes :

1.      La date pertinente pour déterminer si l’enregistrement d’une marque de commerce était invalide parce que cette marque donnait « une description claire ou […] une description fausse et trompeuse » des produits ou services en liaison avec lesquels elle était employée (soit le critère de l’alinéa 12(1)b)) est la date de l’enregistrement, en l’occurrence, le 22 février 2005;

2.      Dans la mesure où la partie défenderesse invoque la « disposition d’exception » pour soutenir que la marque de commerce était enregistrable malgré la non‑conformité à l’alinéa 12(1)b) au motif « qu’elle a été employée au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive », la date pertinente est la date de la demande d’enregistrement, en l’occurrence, le 29 juillet 2003 : voir Bodum USA, précitée, au paragraphe 18; Cheaptickets, précitée, aux paragraphes 20 et 21, et Candrug Health Solutions Inc c Thorkelson, 2007 CF 411, aux paragraphes 24 et 25, infirmée pour d’autres motifs par 2008 CAF 100 [Candrug].

[198]       Il me semble que le principe de base de l’arrêt General Motors, précité, demeure valide : l’utilisation de la marque après la date de son enregistrement de façon à la rendre distinctive n’est pas pertinente lorsque le caractère descriptif justifie la radiation. Cependant, selon la Loi actuelle, le « caractère distinctif acquis » par l’usage doit être évalué à la date de la demande d’enregistrement et non à la date de l’enregistrement lui‑même.

[199]       Cette date est différente de celle utilisée pour déterminer s’il y a absence de caractère distinctif au sens de l’alinéa 18(1)b), soit la date à laquelle les procédures de radiation ont été engagées. Cependant, l’alinéa 18(1)a) prévoit un motif de radiation distinct : voir les décisions précitées Bodum USA, aux paragraphes 147 et 148 et 150 et 151, Cheaptickets, au paragraphe 22, et Candrug.

À qui incombe le fardeau de la preuve dans une demande de radiation?

[200]       Tel qu’il est mentionné ailleurs dans le présent jugement, de façon générale, il incombe à la partie qui demande la radiation d’une marque de commerce d’établir que l’inscription devrait être radiée du registre. Dans Fox on Trade‑Marks, op. cit., les commentaires suivants sont formulés au sujet du fardeau de la preuve de la partie qui demande la radiation au motif que la marque n’était pas enregistrable à la date de son enregistrement (soit le motif de radiation fondé sur l’alinéa 18(1)a)) (aux pages 11‑39 – 11‑40) :

[traduction] Dans le cas d’une demande de radiation fondée sur ce motif, le paragraphe 54(3) énonce que l’enregistrement d’une marque de commerce fait foi à première vue des faits énoncés dans la copie certifiée de l’inscription de l’enregistrement. En conséquence, la partie qui sollicite la radiation d’une marque de commerce enregistrée doit présenter des éléments de preuve montrant que la marque de commerce n’aurait pas dû être enregistrée, par exemple, parce qu’elle ne constitue pas une marque de commerce ou qu’elle est visée par les exceptions de l’alinéa 12(1)a) ou b) […]

[201]       Est‑ce à dire que la demanderesse doit prouver non seulement que la marque donnait une « description claie ou une description fausse et trompeuse » au sens de l’alinéa 12(1)b), mais aussi que cette même marque n’avait pas acquis un caractère distinctif en raison de son emploi au Canada à la date de la demande d’enregistrement s’y rapportant, de sorte que la disposition d’exception du paragraphe 12(2) ne s’applique pas? Les commentaires que la Cour d'appel fédérale a formulés lorsqu’elle a examiné cette disposition de la Loi dans l’arrêt Cheaptickets, précité, qui concernait une demande de radiation fondée explicitement sur l’alinéa 12(1)b) et sur le paragraphe 12(2) – donnent à penser que ce n’est pas nécessairement le cas.

[202]       Dans l’arrêt Cheaptickets, la Cour d'appel fédérale a souligné que le paragraphe 18(2) offrait un « moyen de défense » au titulaire d’une marque de commerce dans le cadre d’une procédure en radiation, et a semblé dire qu’il en était de même du paragraphe 12(2). Cheaptickets était le titulaire de la marque de commerce, et Emall était la partie qui en demandait la radiation. La Cour d'appel fédérale a répondu comme suit aux arguments des parties concernant le paragraphe 12(2) :

[18]      Emall prétend que le paragraphe 12(2) peut être invoqué lors du processus d’enregistrement d’une marque de commerce, et non à l’occasion d’une procédure en radiation. Elle soutient que, dans une procédure en radiation, la disposition pertinente est le paragraphe 18(2), rédigé comme suit (non souligné dans l’original) :

18. (2) Nul enregistrement d'une marque de commerce qui était employée au Canada par l'inscrivant ou son prédécesseur en titre, au point d'être devenue distinctive à la date d'enregistrement, ne peut être considéré comme invalide pour la seule raison que la preuve de ce caractère distinctif n'a pas été soumise à l'autorité ou au tribunal compétent avant l'octroi de cet enregistrement.

18. (2) No registration of a trade‑mark that had been so used in Canada by the registrant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of registration shall be held invalid merely on the ground that evidence of the distinctiveness was not submitted to the competent authority or tribunal before the grant of the registration.

19.     Le paragraphe 18(2) offre au titulaire d’une marque de commerce déposée un moyen de défense particulier pouvant être invoqué dans le cadre d’une procédure en radiation si la marque de commerce possédait un caractère distinctif au moment où le processus d’enregistrement a pris fin, même si le Registraire des marques de commerce n’a pas reçu de preuve de ce fait.

20.    La conséquence de l’argument formulé par Emall est que, si Cheaptickers n’est pas en mesure d’établir que le caractère distinctif existait à la fin du processus d’enregistrement, comme le prévoit le paragraphe 18(2), elle n’aurait même pas la possibilité de tenter d’établir qu’il existait au début de ce processus. Emall n’a cité aucune source à l’appui d’une interprétation aussi restrictive du paragraphe 12(2), et je ne vois aucune raison d’accepter cette interprétation. À mon avis, l’existence du paragraphe 18(2) n’empêche pas Cheaptickers d’invoquer le paragraphe 12(2) dans la procédure en radiation.

21.     Cheaptickets a raison de dire que le juge Strayer n’a pas fait état du paragraphe 12(2). Il peut s’agir d’une erreur ou d’une omission de sa part ou cela peut indiquer qu’il a estimé qu’il n’était pas important d’en parler. Dans l’un ou l’autre des cas, l’omission est sans conséquence. Le dossier ne comporte aucun élément de preuve qui peut raisonnablement appuyer l’argument de Cheaptickets suivant lequel les marques de commerce avaient acquis un caractère distinctif à la date à laquelle les demandes d’enregistrement ont été déposées.

[Non souligné dans l’original]

[203]       Ces commentaires montrent bien que la Cour d'appel fédérale n’a pas jugé à propos d’imposer à la partie qui sollicitait la radiation, Emall.ca, l’obligation de prouver la proposition négative, c’est‑à‑dire que la marque n’avait pas acquis de caractère distinctif par suite de son emploi à la date de la demande d’enregistrement. Elle a plutôt conclu qu’il était loisible à la partie contestant la demande de radiation d’« invoquer » le paragraphe 12(2) et de « tenter d’établir que [le caractère distinctif] existait au début [du] processus [d’enregistrement] ». Elle a ensuite rejeté les arguments de Cheaptickets et conclu que le dossier ne comportait aucun élément de preuve permettant d’établir que ce caractère distinctif avait été acquis. Cette conclusion semble davantage compatible avec la proposition selon laquelle, si la défenderesse veut « invoquer » le paragraphe 12(2), il lui appartient de présenter une preuve établissant que le caractère distinctif au sens de cette disposition avait été acquis à la date pertinente.

[204]       D’aucuns soutiendront que, lorsque la preuve concernant ce caractère distinctif est contradictoire, la présomption de validité de la marque de commerce devrait encore servir à résoudre l’ambiguïté. Cela signifierait que, même s’il incombe à la partie défenderesse de montrer qu’il existe des éléments de preuve permettant raisonnablement d’invoquer le caractère distinctif acquis de la marque au sens de la disposition d’exception du paragraphe 12(2), le fardeau de la preuve général incombe toujours à la partie qui sollicite la radiation et l’ambigüité devrait être résolue contre celle‑ci : voir, dans le contexte de procédures d’opposition à des marques de commerce, John Labatt Ltd c Molson Co (1990), [1990] ACF n° 533, 36 FTR 70, décision confirmée par 42 CPR (3d) 495, 144 NR 318 (CAF), et Chypre, précitée, aux paragraphes 26 à 28.

[205]       Quoi qu’il en soit, la Cour d'appel fédérale a affirmé sans équivoque, dans l’arrêt Cheaptickets, précité, que la présomption de validité de la marque de commerce était faible et que la question de savoir si la marque devait être radiée devait être tranchée en fonction de l’ensemble de la preuve présentée :

[12]      La présomption de validité établie par l’article 19 de la Loi sur les marques de commerce est semblable à la présomption de validité d’un brevet établie à l’article 45 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4. Dans l’arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [2002] 4 R.C.S. 153, le juge Binnie a estimé que la formulation de la présomption était plutôt faible et expliqué (au paragraphe 43) que la présomption augmente peu la charge qui incombe déjà, de la manière habituelle, à la partie qui attaque la validité du brevet. Cela signifie, à mon avis, qu’une demande de radiation sera accueillie seulement si l’examen de toute la preuve présentée à la Cour fédérale permet d’établir que la marque de commerce n’était pas enregistrable à l’époque pertinente. La présomption de validité ne sert à rien de plus.

[Non souligné dans l’original]

[206]       Ce principe a été réitéré dans la décision Apotex (2010), précitée, au paragraphe 5.

[5]        De plus, dans Emall.ca Inc. (c.o.b. Cheaptickets.ca) c. Cheap Tickets and Travel Inc., [2009] 2 R.C.F. 43, 68 C.P.R. (4th) 381, au par. 12 (C.A.), notre Cour a statué que la présomption de validité signifie simplement qu’une demande de radiation sera accueillie uniquement si l’examen de toute la preuve présentée permet d’établir que la marque de commerce n’était pas enregistrable à l’époque pertinente. Glaxo ne prétend pas que le juge a omis d’examiner l’ensemble de la preuve avant de tirer sa conclusion. Son argument ne peut en conséquence être retenu.

[Non souligné dans l’original]

[207]       Dans la présente affaire, la défenderesse invoque les éléments de preuve suivants qui établiraient le caractère distinctif de la marque de commerce à la date pertinente :

a)      Des affiches de la marque de commerce tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des établissements de la défenderesse à Brantford depuis novembre 2001, à London‑Nord depuis 1997 et à London‑Sud depuis 2000;

b)      Une publicité couvrant l’ensemble du territoire depuis 1997 et avant l’ouverture de chaque établissement susmentionné;

c)      Des annonces publiées dans la London Free Press avant le 24 juillet 2003 et dans The Expositor (Brantford) entre juillet et décembre 2003.

[208]       Comme l’a souligné le juge Kelen dans la décision Canadian Jewellers, précitée, au paragraphe 75 :

Il doit exister des éléments de preuve très solides pour établir que les marques de commerce projetées étaient distinctives au moment de la demande d’enregistrement. Le paragraphe 12(2) de la Loi est une disposition exceptionnelle qui impose une « charge lourde » à la demanderesse, laquelle doit démontrer que les marques de commerce projetées ont acquis un caractère distinctif : Brasseries Molson, précité, au paragraphe 53.

[209]       J’ai examiné attentivement la preuve que la défenderesse a présentée au sujet du caractère distinctif acquis au sens du paragraphe 12(2) et je ne crois pas qu’elle satisfait au critère applicable. Ainsi, les exemples d’annonces figurant à la pièce 51 jointe à l’affidavit de M. Kelly sont très problématiques. Les dates sont écrites à la main et il est difficile de savoir qui les a écrites ou de ce qu’il en a été de leur distribution. M. Kelly n’a pu fournir d’éclaircissements au sujet de ces points importants. De plus, l’emploi de la marque de commerce dans les annonces faisant la promotion du London Community Health & Wellness Program constitue essentiellement un emploi de la marque en liaison avec la University of Western Ontario et avec le London Health Science Centre en ce qui concerne une série de conférences dans le cadre d’un programme communautaire gratuit; il ne s’agit pas de l’emploi de la marque de commerce en liaison avec les marchandises ou services à l’égard desquels elle est enregistrée.

[210]       De plus, il ressort de la preuve présentée au sujet des dépenses de publicité engagées au cours de la période pertinente qu’environ 150 000 $ auraient été dépensés, ce qui n’est pas un montant très élevé dans ce contexte.

[211]       En ce qui a trait à l’emploi de la marque de commerce à l’intérieur et à l’extérieur des établissements de la défenderesse, certains éléments de preuve montrent que celle‑ci n’a pas constamment employé les mots « The Athletic Club » à l’intérieur d’une bordure noire de forme ovale, ni même à l’intérieur d’une bordure de forme ovale.

[212]       Plusieurs des éléments de preuve servant habituellement à établir le caractère distinctif n’ont pas été produits au dossier. Ainsi, la défenderesse n’a présenté aucun sondage effectué auprès des consommateurs ni affidavit souscrit par un ou des consommateurs en vue d’établir le caractère distinctif de la marque aux yeux de ceux­ci; de plus, il n’y a aucun élément de preuve montrant que la défenderesse a même tenté de faire valoir ses droits afférents à la marque de commerce.

[213]       Par ailleurs, il existe également une preuve abondante de l’emploi des mots « the athletic club » par des tiers, ce qui fait de ces mots une expression générique dans le domaine du conditionnement physique. C’est ce qu’ont confirmé les témoins de la défenderesse en contre‑interrogatoire. Ainsi, lorsqu’on lui a montré un article de la Montreal Gazette de 1991, notamment le passage [traduction] « Je me suis abonné à un club d’athlétisme (athletic club) avec deux idées en tête. La première était de retrouver la forme et la seconde, de perdre du poids », M. Kelly a confirmé que ces commentaires ne renvoyaient pas à l’Athletic Club et que les mots « athletic club » s’entendaient simplement d’un lieu d’exercice physique. Cela signifie que l’élément dominant de la marque de commerce Athletic Club contient des mots couramment employés, de sorte qu’il devient encore plus important de présenter une preuve forte du caractère distinctif de la marque pour la période pertinente.

[214]       La défenderesse souligne que la promotion peut rehausser le caractère distinctif d’une marque (décision In‑Touch, précitée, au paragraphe 26) et mentionne différentes formes de promotion auxquelles elle a eu recours depuis qu’elle a commencé à employer la marque de commerce en décembre 1997. Ces formes de promotion comprennent des affiches dans les établissements de la défenderesse, des annonces dans des journaux et revues et à la télévision, de la publicité sur son site Web et dans les pages Facebook associées à chacun de ses établissements, des promotions lors de matchs de hockey, des marchandises, des articles de promotion distribués au moyen d’encarts dans les journaux, des cartons à la porte et des messages publipostés, ainsi que des annonces présentées dans les cinémas. Cependant, la plupart des éléments de preuve concernant ces activités de promotion se rapportent à la période postérieure à la demande d’enregistrement déposée le 29 juillet 2003, et même à l’enregistrement proprement dit, survenu le 22 février 2005.

[215]       Ainsi, la défenderesse soutient que ses dépenses de publicité associées à tous ses établissements s’élèvent à environ 4,1 millions de dollars pour la période allant de 2005 à 2010 et à 1,7 million de dollars pour la période d’un an allant du 1er août 2010 au 31 juillet 2011. Ces données montrent que les dépenses de publicité de la défenderesse ont augmenté en fonction du nombre d’établissements, ce qui était prévisible. Cependant, toutes les dépenses susmentionnées ont été faites après la période pertinente aux fins du paragraphe 12(2) de la Loi. La défenderesse affirme avoir injecté une somme de 9 600 $ dans des annonces publiées dans le Guelph Expositor entre juillet et décembre 2013, mais il s’agit d’un petit montant dont la plus grande partie a probablement été dépensée après le 29 juillet 2003.

[216]       Il est évident que la défenderesse a publié des annonces dans la London Free Press au cours de la période pertinente, malgré les problèmes déjà mentionnés en ce qui concerne la preuve relative à ces annonces. Ainsi, certaines « feuilles de parution » de ces annonces comprennent la page complète sur laquelle l’annonce a figuré, y compris la date imprimée au haut de la page (voir, par exemple, les annonces des 12, 19 et 26 juillet et des 1er, 13, 20 et 27 septembre 1999, ainsi que des 12, 19 et 28 février, du 31 mars, des 3, 17 et 27 avril, des 1er, 15, 23 et 29 mai, des 1er, 5 et 12 juin, du 27 septembre et du 6 novembre 2000, qui se trouvent toutes dans le dossier de la défenderesse, au volume 5, à l’onglet 52). Il semble donc que la défenderesse ait publié assez régulièrement des annonces dans la London Free Press au cours de la période pertinente. Cependant, cette publicité en soi ne semble pas suffisante pour établir le caractère distinctif de la marque de commerce, que ce soit à London ou sur le marché canadien en général, du moins en l’absence d’éléments de preuve concernant l’effet de cette publicité sur la connaissance de la défenderesse et de la marque de commerce de celle‑ci, aucune preuve n’ayant été présentée à ce sujet.

[217]       Les annonces publiées dans The Expositor (Brantford) qui ont été fournies à titre d’exemple sont relativement peu nombreuses et ne portent pas de date (voir le dossier de la défenderesse, volume 4, à l’onglet 43). La preuve ne permet pas d’affirmer avec certitude que l’une ou l’autre des annonces en question est liée à la période pertinente.

[218]       La défenderesse affirme qu’elle a fait une « publicité complète » sur chaque marché avant d’ouvrir ses établissements, que ce soit au moyen d’annonces ou d’encarts dans des journaux, de cartons à la porte ou de messages publipostés. Elle soutient avoir distribué [traduction] « des centaines de milliers » d’encarts dans des journaux, de cartons à la porte et de messages publipostés. Cependant, les documents fournis à titre d’exemple de ces formes d’annonces ne portent pas de date et la défenderesse n’a présenté aucun élément de preuve montrant qu’ils se rapportent à la période pertinente : dossier de la défenderesse, volumes 1 à 3, onglets 23 à 36. La demanderesse a demandé des listes d’expédition, des reçus, des factures, etc. afin de vérifier si l’une ou l’autre de ces activités de promotion avait eu lieu au cours de la période pertinente, mais la défenderesse a simplement fourni des déclarations générales dans ses réponses aux engagements, soulignant qu’elle avait « toujours » utilisé abondamment ces méthodes et continuait à le faire (voir le dossier de la demanderesse, volume 11, onglet 15, réponse reportée n° 18, à la page 3477).

[219]       Dans son affidavit, M. Kelly affirme que le nom de domaine du site Web de la défenderesse a été enregistré pour la première fois le 11 mai 2005; comme Facebook n’existait pas avant le 29 juillet 2003, il est bien certain que ces outils de promotion ne sont pas pertinents quant à l’analyse fondée sur le paragraphe 12(2).

[220]       En conséquence, dans l’ensemble, je suis d’avis que la défenderesse n’a pas établi que la marque de commerce avait acquis un caractère distinctif aux fins du paragraphe 12(2) le 29 juillet 2003.

[221]       Comme l’a souligné le juge Mosley dans la décision Bodum USA, précitée, au paragraphe 147, en dernière analyse, « pour évaluer le caractère distinctif, la cour doit appliquer son propre sens commun aux éléments de preuve : Thorkelson c PharmaWest Pharmacy Limited, 2008 CAF 100, au paragraphe 15 ». À mon avis, la preuve présentée en l’espèce est insuffisante pour appuyer les allégations de la défenderesse quant au caractère distinctif acquis au sens du paragraphe 12(2) de la Loi.

[222]       La défenderesse soutient que l’alinéa 12(1)b) ne peut servir à empêcher les parties d’employer les mots « athletic club » dans leurs marques de commerce, car cela signifierait que toutes les marques comportant ces mots seraient des marques non enregistrables. Je ne puis voir la logique de cet argument. Toute personne peut employer ces mots dans sa marque de commerce, pourvu qu’elle se désiste du droit à l’usage exclusif de ceux‑ci et que la marque de commerce soit par ailleurs distinctive et ne soit pas interdite par une autre disposition de la Loi. Le problème survient, comme c’est le cas en l’espèce, lorsque les mots demeurent, malgré le désistement dont ils ont fait l’objet, l’élément prédominant d’une marque de commerce qui n’est pas distinctive.

[223]       J’en suis donc arrivé à la conclusion que la demanderesse a établi l’invalidité au titre de l’alinéa 12(1)b) et que la marque de commerce Athletic Club devrait être radiée.

Le nom des services – alinéa 12(1)c)

[224]       La défenderesse souligne que, contrairement à l’alinéa 12(1)b), l’alinéa 12(1)c) ne comporte pas d’exigence sur le plan du son, ce qui signifie que c’est la marque de commerce dans son ensemble qui doit être examinée, y compris tous ses éléments graphiques. Voir Alwar, précitée, aux paragraphes 14 à 17. Selon la défenderesse, la marque de commerce Athletic Club, dans son ensemble, n’est « clairement » pas constituée du nom de l’un ou l’autre des services de la défenderesse, parce que cette marque est un dessin et que les éléments graphiques ne correspondent manifestement pas au nom, dans une langue ou l’autre, des services en question.

[225]       Dans la présente affaire, il existe de nombreux éléments de preuve indiquant que, depuis des années, y compris à la date de l’enregistrement, plusieurs autres personnes emploient les mots « athletic club » pour décrire précisément les services qu’offre la défenderesse.

[226]       J’ai déjà conclu que les mots « athletic club » constituent l’élément dominant de la marque de commerce et que les éléments graphiques n’ont aucun caractère distinctif. Cela signifie que la défenderesse s’appuie essentiellement sur les mots « athletic club », même si elle s’est désistée du droit à l’usage exclusif de ces mots dans sa demande d’enregistrement.

[227]       Comme la demanderesse le souligne, il appert de la décision que la Commission des oppositions des marques de commerce a rendue dans Banco que, lorsque les mots d’une marque de commerce composée en constituent l’élément dominant, celle‑ci pourrait contrevenir à l’alinéa 12(1)c), ce qui était le cas dans cette affaire :

[traduction]

[12]      Le mot « bank » utilisé comme verbe est défini comme suit :

3bank « verbe‑banked/banking/‑S vi 1 a : exploiter une banque b : exercer des activités bancaires 2 a : déposer de l’argent sur un compte en banque <se rendre en ville pour magasiner>] b : avoir un compte auprès d’une banque ou d’un banquier <l’entreprise à la First National> vt 1; déposer à la banque <votre salaire>

[ . . ]

[14]      Peut‑être est‑il exagéré d’affirmer que le mot « bank » et l’expression « banking services » sont synonymes; cependant, eu égard aux définitions figurant dans le Webster's Dictionary, toute autre conclusion serait difficilement soutenable. Tout comme des mots tels « bakery » (boulangerie) et « laundry » (blanchisserie) sont tout à fait inséparables des services exécutés dans ces établissements, les mots « bank » et « banking » ne peuvent être séparés et, même si je constate que les significations anglaises données au mot espagnol « banco » dans le Cassell's Dictionary sont loin d’être aussi élaborées que les définitions figurant dans le Webster's Dictionary, il n’en demeure pas moins que le mot « banco » employé en espagnol est l’équivalent du mot « bank » en anglais et, à mon sens, il est également l’équivalent de l’expression « banking services » de la langue anglaise.

[15]      La demanderesse a soutenu que l’allégation fondée sur les dispositions de l’alinéa 12(1)c) ne peut être retenue, parce que l’opposante n’a présenté au registraire aucun élément de preuve établissant que le mot « banco » constitue principalement le nom en espagnol du mot anglais « bank », et aucun élément de la preuve de l’opposante ne permet d’affirmer que Hunt est un expert de la langue espagnole ou une personne connaissant bien cette langue; cependant, il me semble qu’aucun de ces arguments n’est valable. D’abord, la demanderesse n’a pas le droit d’interpréter l’alinéa 12(1)c) en y ajoutant des mots qui ne figurent pas dans le texte, et encore moins d’introduire les dispositions de l’alinéa 12(1)b) dans celles de l’alinéa 12(1)c). L’alinéa 12(1)c) n’exige pas que la marque de commerce soit constituée principalement du nom, dans une langue, de l’un des services à l’égard desquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer. Les dispositions de l’alinéa 12(1)c) s’appliquent si la marque visée par la demande d’enregistrement est constituée simplement du nom, dans une langue, des services à l’égard desquels elle est employée ou à l’égard desquels on projette de l’employer. Or, le mot « banco » en espagnol, tout comme le mot « bank » de la langue anglaise, a plusieurs sens, dont certains ne sont nullement liés entre eux; néanmoins, l’un comme l’autre sont utilisés pour désigner le type d’établissement connu comme une banque commerciale ou une banque d’épargne ainsi que les services qui y sont offerts, de sorte que l’allégation fondée sur les dispositions de l’alinéa 12(l)c) est très forte et la partie demanderesse n’a pas réussi à la réfuter en ce qui concerne l’une ou l’autre des marques de commerce dont elle a demandé l’enregistrement.

[228]       Dans la présente affaire, j’estime que les mots « athletic club » sont entièrement indissociables des services offerts aux établissements de la défenderesse et à d’autres clubs d’athlétisme et que les éléments graphiques ne sont pas suffisants pour que la marque de commerce soit distinctive et qu’elle échappe ainsi à l’interdiction énoncée à l’alinéa 12(1)c). Malgré le fait que le mot « athletic » ne saurait s’appliquer à chacun des services offerts par la défenderesse lorsqu’ils sont examinés de façon distincte, ces services constituent ensemble les services d’un « club d’athlétisme ». De plus, l’alinéa 12(1)c) interdit l’enregistrement d’une marque de commerce lorsqu’elle est « constituée du nom, dans une langue, de l’une des marchandises ou de l’un des services à l’égard desquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer » (non souligné dans l’original). Les mots « Athletic club » correspondent au nom des services de la défenderesse lorsqu’ils sont examinés dans leur contexte.

[229]       Si les arguments de la défenderesse étaient retenus, un commerçant pourrait obtenir un monopole sur une description générique de services simplement en se désistant du droit à l’usage exclusif des mots en question, puis en utilisant ceux‑ci comme éléments dominants d’un dessin‑marque dont les éléments graphiques ne sont pas distinctifs. À mon avis, cette conséquence irait tout à fait à l’encontre de l’objet général du désistement.

[230]       En conséquence, j’estime que la demanderesse a établi que, le 22 février 2005, la marque de commerce Athletic Club contrevenait à l’alinéa 12(1)c), de sorte qu’elle n’était pas enregistrable.

Marque interdite par l’article 10

[231]       La demanderesse affirme que la marque de commerce Athletic Club est également invalide parce qu’elle contrevient à l’article 10 de la Loi, compte tenu des alinéas 18(1)a) et 12(1)e) de celle‑ci.

[232]       Par souci de commodité, l’article 10 est reproduit à nouveau ci‑après :

10. Si une marque, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production de marchandises ou services, nul ne peut l’adopter comme marque de commerce en liaison avec ces marchandises ou services ou autres de la même catégorie générale, ou l’employer d’une manière susceptible d’induire en erreur, et nul ne peut ainsi adopter ou employer une marque dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.

10. Where any mark has by ordinary and bona fide commercial usage become recognized in Canada as designating the kind, quality, quantity, destination, value, place of origin or date of production of any wares or services, no person shall adopt it as a marque de commerce in association with such wares or services or others of the same general class or use it in a way likely to mislead, nor shall any person so adopt or so use any mark so nearly resembling that mark as to be likely to be mistaken therefor.

[233]       Les parties conviennent que la date pertinente pour l’examen de cette question est la date de l’adoption de la marque de commerce par la défenderesse, soit le 31 décembre 1997.

[234]       La défenderesse affirme que la marque de commerce Athletic Club ne peut être déclarée invalide au titre de l’article 10, pour les raisons suivantes :

1.     La demanderesse doit établir que c’est la totalité de la marque, y compris l’élément graphique, qui est interdite. Un élément d’une marque de commerce ne constitue pas une marque au sens de l’article 10, puisqu’il ne faut pas disséquer les marques de commerce en leurs éléments constitutifs : Glenora Distillers, précité, aux paragraphes 23 et 24;

2.     La demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve établissant que l’article 10 interdirait « la totalité de la marque », y compris les éléments graphiques;

3.     La demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve tendant à démontrer que même la partie nominale de la marque de commerce désignerait la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production de l’un ou l’autre des services ou des marchandises;

4.     Les mots « athletic » et « club » ont fait l’objet d’un désistement;

5.     L’article 35 de la Loi prévoit un certain assouplissement et permet que les mots « Athletic Club » fassent partie de la marque de commerce de la défenderesse;

6.     L’article 10 ne saurait avoir pour objet d’interdire les marques contenant les mots « athletic club ». Ce résultat irait à l’encontre du texte clair de cet article, qui dispose que « nul » ne peut adopter une marque dont l’emploi est interdit à titre de marque de commerce.

[235]       La Cour doit décider si, à la date pertinente, les mots « athletic club » étaient devenus une marque susceptible de déclencher l’application de l’interdiction prévue à l’article 10 et si l’adoption par la défenderesse de sa marque de commerce allait à l’encontre de cette interdiction. Il s’agit là d’une question cruciale à trancher en l’espèce puisque, à mon sens, l’injonction permanente que la demanderesse sollicite ne sera appropriée que si la marque de commerce va à l’encontre de l’interdiction prévue à l’article 10.

[236]       Tel qu’il est expliqué ci‑dessous, la preuve de la demanderesse au sujet d’une pratique commerciale ordinaire et authentique établissant l’existence d’une marque interdite au sens de l’article 10 pose problème à certains égards. Cependant, compte tenu de l’ensemble de la preuve, j’estime que l’allégation de la demanderesse a été établie.

Effet du désistement en ce qui concerne l’article 10 de la Loi

[237]       L’article 10 de la Loi est ainsi libellé :

10. Si une marque, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production de marchandises ou services, nul ne peut l’adopter comme marque de commerce en liaison avec ces marchandises ou services ou autres de la même catégorie générale, ou l’employer d’une manière susceptible d’induire en erreur, et nul ne peut ainsi adopter ou employer une marque dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.

[238]       La défenderesse affirme que l’article 35 prévoit un assouplissement à l’égard de l’article 10 et permet l’adoption d’une marque qui contreviendrait par ailleurs à cette disposition lorsque la partie contestable (en l’occurrence, la partie nominale) fait l’objet d’un désistement. Voici le texte de l’article 35 :

35. Le registraire peut requérir celui qui demande l’enregistrement d’une marque de commerce de se désister du droit à l’usage exclusif, en dehors de la marque de commerce, de telle partie de la marque qui n’est pas indépendamment enregistrable. Ce désistement ne porte pas préjudice ou atteinte aux droits du requérant, existant alors ou prenant naissance par la suite, dans la matière qui fait l’objet du désistement, ni ne porte préjudice ou atteinte au droit que possède le requérant à l’enregistrement lors d’une demande subséquente si la matière faisant l’objet du désistement est alors devenue distinctive des marchandises ou services du requérant.

[239]       Selon la défenderesse, il ne faut pas tenir compte de la partie de la marque de commerce visée par le désistement au moment d’évaluer l’applicabilité de l’interdiction prévue à l’article 10; s’il en était autrement, l’article 35 n’aurait aucune utilité. La défenderesse invoque la décision Jordan & Ste‑Michelle (CF), précitée.

[240]       J’ai examiné cette décision (commentée ci‑dessous) et, même si elle donne à penser que le désistement prévu à l’article 35 (alors l’article 34) est pertinent jusqu’à un certain point quant à l’analyse fondée sur l’article 10 (position à laquelle je ne souscris pas, pour les raisons que j’ai exposées), je ne crois pas que la Cour fédérale y affirme que la partie de la marque ayant fait l’objet du désistement ne doit pas être prise en compte aux fins de cette même analyse.

[241]       L’article 10 ne traite nullement de l’enregistrement. Il interdit plutôt l’adoption ou l’emploi de certaines marques de commerce dans les circonstances qui y sont décrites. Les désistements faits lors de l’enregistrement n’ont rien à voir avec cette interdiction. Comme Hughes le souligne, l’enregistrement ne donne pas naissance à un droit d’adopter ou d’employer une marque de commerce, mais crée une présomption selon laquelle ce droit existe :

[traduction] Ce n’est pas l’enregistrement qui fait d’une partie le propriétaire d’une marque de commerce; pour être en mesure de faire enregistrer la marque, cette partie doit déjà en être propriétaire […]  L’enregistrement crée une présomption réfutable au sujet des droits, laquelle présomption peut être réfutée par d’autres éléments de preuve, notamment une preuve concernant une obligation contractuelle.

Hughes on Trade Marks, op. cit., à la page 601.

[242]       En conséquence, il me semble que le fait qu’une personne se désiste du droit à l’usage exclusif de certains mots au moment d’enregistrer une marque de commerce n’a rien à voir avec la question de savoir si elle avait le droit d’adopter cette marque au départ.

[243]       La pertinence de l’article 10 dans une procédure en radiation s’explique par le fait que l’alinéa 12(1)e) empêche l’enregistrement d’une marque de commerce dont l’article 10 interdit l’adoption. En conséquence, l’article 10, appliqué conjointement avec les alinéas 18(1)a) et 12(1)e), peut servir de fondement à la radiation.

[244]       De prime abord, compte tenu de ce qui précède, les désistements pourraient avoir une certaine importance aux fins de l’analyse, parce qu’ils sont pertinents quant au processus d’enregistrement. Cependant, l’alinéa 12(1)e) empêche l’enregistrement d’une marque dont l’adoption est interdite par l’article 10 et les désistements faits lors de l’enregistrement ne peuvent être liés à la question de savoir si l’adoption de la marque au départ était interdite par cette disposition. Je cite à nouveau l’ouvrage de Hughes : [traduction] « ce n’est pas l’enregistrement qui fait d’une partie en cause le propriétaire d’une marque de commerce; pour être en mesure de faire enregistrer la marque, cette partie doit déjà en être propriétaire » : Hughes on Trade Marks, op. cit., à la page 601.

[245]       Bien qu’un mode d’analyse différent de celui qui est exposé ci‑dessus y soit suivi, je ne crois pas que la décision Jordan & Ste‑Michelle (CF), précitée, appuie la thèse de la défenderesse. La marque projetée en cause dans cette affaire était BABY DUCK CANADIAN CHAMPAGNE et l’auteur de la demande d’enregistrement s’était désisté du droit à l’usage exclusif des mots « Canadian champagne ». La décision à l’examen, qui a été confirmée, a été rendue par la Commission des oppositions des marques de commerce (voir Jordan & Ste‑Michelle Cellars Ltd/Les Caves Jordan & Ste‑Michelle Ltée c Andres Wines Ltd, [1983] COMC n° 97, 81 CPR (2d) 230 [Jordan & Ste‑Michelle (COMC)]), qui s’est exprimée comme suit aux paragraphes 9 et 10 :

[traduction]

[9]        […] Étant donné que l’article 10 de la Loi renvoie au statut de la marque avant son adoption par la partie requérante et non à son statut consécutif à l’adoption, la preuve doit établir que la marque CANADIAN CHAMPAGNE était devenue reconnue au Canada comme une marque désignant le genre, la qualité ou le lieu d’origine du champagne canadien à la date de son adoption par la requérante, soit la date de production de la demande de celle‑ci. À cet égard, je suis d’avis que l’opposante s’est acquittée de ce fardeau dans l’affidavit de Browning, notamment au paragraphe 3, selon lequel différentes sociétés ont utilisé pendant de nombreuses années les mots « Canadian champagne » pour désigner un type particulier de vin qu’elles ont vendu au Canada. De plus, l’affidavit de Browning, que la requérante n’a pas contesté ou contredit, établit que les mots « Canadian champagne » ont généralement été reconnus comme des mots désignant un vin pétillant contenant plus de 10 % d’alcool par volume qui est fabriqué principalement à partir de raisins cultivés au Canada et dont l’effervescence découle uniquement de la fermentation secondaire du vin dans des barils fermés. Cette description constitue donc, selon les termes ordinaires du commerce, le type de vin que la requérante devait vraisemblablement avoir l’intention de vendre au Canada en liaison avec sa marque de commerce BABY DUCK CANADIAN CHAMPAGNE. En tout état de cause, la requérante a effectivement admis que le champagne canadien désigne le genre de marchandises en liaison avec lesquelles elle a l’intention d’utiliser sa marque de commerce, puisqu’elle s’est désistée du droit à l’usage exclusif des mots « Canadian champagne » en dehors de la marque de commerce et qu’elle a modifié l’état déclaratif de marchandises dans sa demande afin de couvrir le « Canadian champagne » (champagne canadien), ce qui, eu égard à l’alinéa 29a) de la Loi sur les marques de commerce, constitue une déclaration, dans les termes ordinaires du commerce, que la requérante a adoptée (à compter de la date de production de sa demande) relativement aux marchandises précises en liaison avec lesquelles elle projette d’employer sa marque de commerce BABY DUCK CANADIAN CHAMPAGNE.

[10]      En ce qui concerne l’interdiction relative à l’adoption d’une marque de commerce au titre de l’article 10 de la Loi sur les marques de commerce, la marque de commerce dont l’enregistrement est demandé doit être identique à la marque désignant le genre ou la qualité des marchandises ou avoir avec elle une ressemblance telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre. En conséquence, en ce qui concerne l’adoption de la marque de commerce, je ne crois pas qu’il soit possible d’invoquer l’article 10 pour refuser une marque de commerce qui, tout en créant de la confusion avec une marque qui désigne le genre ou la qualité des marchandises, n’est pas identique à celle‑ci ni n’a avec elle une ressemblance telle qu’on pourrait les confondre. L’article 10 n’interdirait donc pas l’adoption d’une marque de commerce comprenant un mot qui désigne le genre de marchandises (ou qu’on pourrait vraisemblablement confondre avec une marque de cette nature), alors que la marque de commerce, examinée dans son ensemble, ne serait pas confondue avec celle‑ci. Dans la présente affaire, je ne crois certainement pas que la marque de commerce de la requérante, BABY DUCK CANADIAN CHAMPAGNE, aurait avec la marque CANADIAN CHAMPAGNE une ressemblance telle qu’on pourrait vraisemblablement confondre les deux marques. L’adoption par différents producteurs de vin canadien des mots « Canadian champagne » en liaison avec le champagne canadien informerait sans doute le consommateur canadien de l’existence de différents fabricants de vin qui produisent du champagne canadien destiné à être distribué au Canada, de sorte que l’ajout des mots « baby duck » aux mots « Canadian champagne » par la requérante permettrait de distinguer le champagne canadien de celle‑ci d’avec ceux des autres, et d’éviter de ce fait tout risque que le consommateur moyen confonde la marque Baby Duck Canadian Champagne de la requérante avec la marque CANADIAN CHAMPAGNE relativement au champagne canadien.

[246]       Il est évident que la COMC n’a pas fait abstraction de la partie de la marque visée par le désistement pour évaluer la conformité de celle‑ci à l’article 10. Elle s’est plutôt demandée s’il y avait une « marque » qui, « en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique », était devenue « reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité […] le lieu d’origine […] etc. […] de marchandises ou services », et elle a conclu que les mots « Canadian champagne » respectaient ces critères. Elle s’est ensuite demandé si la marque de commerce dont l’enregistrement était projeté était identique à cette marque ou comportait avec elle une ressemblance « telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre ». Pour répondre à cette question, la Commission a examiné la marque de commerce dont l’emploi était projeté « dans son ensemble », y compris l’élément ayant fait l’objet du désistement. Elle a comparé les mots « BABY DUCK CANADIAN CHAMPAGNE » aux mots « Canadian champagne » et a conclu que, lorsqu’examinés comme un tout, les premiers ne seraient pas confondus avec les derniers.

[247]       Qui plus est, la Commission n’a pas affirmé que le désistement devait être pris en compte au cours de l’analyse fondée sur l’article 10. Elle a simplement mentionné le désistement comme preuve du fait que la requérante avait elle‑même reconnu que les mots en question en étaient venus à désigner, en raison d’une pratique commerciale ordinaire, le genre de marchandises en liaison avec lesquelles elle avait l’intention d’employer la marque projetée.

[248]       Lorsque le juge Cullen, de la Cour fédérale, a examiné cette décision, il a comparé l’interdiction énoncée à l’article 10 à celle de l’article 9 de la Loi, et il a jugé que les termes visés par un désistement étaient pertinents quant à la première, mais non quant à la seconde (décision Jordan & Ste‑Michelle (CF), précitée, aux paragraphes 7 à 13) :

[7]        L'article 9 interdit d'adopter « ...à l'égard d'une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque composée de ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu'on pourrait vraisemblablement la confondre avec ce qui suit :... »; les alinéas a) à o) contiennent l'énumération des objets de l'interdiction. Quelques exemples suffiront ici à faire ressortir ce sur quoi l'article 9 insiste tout particulièrement : les armoiries, l'écusson ou le drapeau de Sa Majesté; les armoiries ou l'écusson d'un membre de la famille royale; les armoiries, l'écusson ou le drapeau adoptés et employés à quelque époque par le Canada ou par une province; l'emblème héraldique de la Croix‑Rouge, le Croissant rouge ou le Lion rouge; une devise ou un mot scandaleux, obscène ou immoral; les mots « Nations Unies »; le sigle GRC.

[8]        Cet article a un caractère prohibitif très prononcé. Selon moi, si une personne tentait d'utiliser une telle marque en l'intégrant à une marque de commerce plus étendue, sa demande ne serait pas accueillie et elle ne pourrait se prévaloir du désistement prévu à l'article 34. Je ne puis imaginer qu'un examinateur/ registraire dise à un requérant: [traduction] « La marque de commerce est acceptable, mais vous devez vous désister du droit exclusif d'utiliser les mots « Nations Unies » ou GRC ».

[9]        Ce n'est toutefois pas le cas en ce qui concerne l'article 10; si ce l'était, l'article 34 n'aurait plus sa raison d'être. Il est clair que certains mots peuvent faire l'objet d'un désistement, et CANADIAN CHAMPAGNE en est presque un exemple classique. Je suis convaincu qu'avant l'adoption de l'article 34 l'intimée (la requérante) n'aurait pas pu faire enregistrer la marque de commerce BABY DUCK CANADIAN CHAMPAGNE. L'avocat de l'intimée a admis au cours de sa plaidoirie que l'article 34 permet d'enregistrer toute une gamme de marques de commerce en utilisant les mots Canadian champagne. À titre d'exemple, je crois qu'il a mentionné les possibilités suivantes: Calonna Premium Vintage Canadian Champagne, Andres Richelieu Canadian Champagne, Chateau‑Gai Canadian Champagne, Jordan Gold Seal Canadian Champagne, etc.

 [10]     L'argument selon lequel l'article 10 empêche l'adoption de la marque BABY DUCK CANADIAN CHAMPAGNE vaudrait certainement pour CANADIAN CHAMPAGNE mais non pour la marque dans son entier. L'article sur le désistement permet d'utiliser un mot ou des mots qui seraient autrement interdits par l'alinéa 12(1)b). L'intimée (la requérante) a adopté cette marque, BABY DUCK CANADIAN CHAMPAGNE, conformément à l'article 3 de la Loi sur les marques de commerce lorsqu'elle a « produit ... une demande d'enregistrement de ladite marque au Canada ».

[…]

[12]      Je suis certainement d'accord avec l'appelante pour dire que l'intérêt public exige que le registre des marques conserve toute sa pureté. Dans le cas présent, qu'est‑ce qui va à l'encontre de l'intérêt public? À cet égard, le public sera mieux renseigné parce qu'il saura quel champagne canadien il a acheté.

[13]      De plus, si certaines marques ‑ par exemple, celles que visent les interdictions de l'article 9 ‑ ne doivent pas être inscrites dans le registre, l'article 34 permet d'échapper aux dispositions de l'article 10 et d'enregistrer une marque de commerce qui contient les termes « Canadian Champagne ».

 [Non souligné dans l’original]

[249]       À l’instar de la COMC, la Cour fédérale n’a pas fait abstraction de cette partie de la marque ayant fait l’objet du désistement pour déterminer si ladite marque était conforme à l’article 10. C’est ce qui ressort clairement du texte du paragraphe 10 de la décision :

L'argument selon lequel l'article 10 empêche l'adoption de la marque BABY DUCK CANADIAN CHAMPAGNE vaudrait certainement pour CANADIAN CHAMPAGNE mais non pour la marque dans son entier.

[250]       Tout comme la COMC, la Cour fédérale a ensuite conclu que la marque « Canadian Champagne » était une marque dont l’emploi était interdit (et la requérante avait admis cette interdiction dans son avis de désistement), mais que la marque de commerce visée par la demande – BABY DUCK CANADIAN CHAMPAGNE – n’avait pas avec cette marque une ressemblance telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre. C’est là le fondement de la décision de la Cour fédérale.

[251]       La Cour fédérale a également fait remarquer qu’en l’absence de la disposition relative au désistement, une marque de commerce ne pourrait comporter l’expression « Canadian Champagne », malgré le fait qu’on ne pourrait vraisemblablement confondre la marque « dans son entier » avec cette marque. De l’avis de la Cour fédérale, cette conséquence découlerait tant de l’alinéa 12(1)b) (voir le paragraphe 10) que de l’article 10 (voir le paragraphe 13) de la Loi. J’estime donc, pour les raisons exposées ci‑dessus, que les avis de désistement ne sont pas pertinents aux fins de l’analyse fondée sur l’article 10. Ce qu’il faut déterminer, c’est simplement s’il existe une marque interdite ayant avec la marque projetée une ressemblance telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.

[252]       Les commentaires formulés au sujet des désistements dans Fox on Trade‑Marks semblent également aller à l’encontre de la position de la défenderesse. Voici les extraits pertinents de ces commentaires (aux pages 6‑11 et 6‑12) :

[traduction]

[…] Si la partie requérante se désiste du droit à l’usage exclusif de chacun des éléments d’une marque de commerce, la marque de commerce dans son ensemble pourrait encore être enregistrable si la combinaison des éléments est distinctive en soi. En revanche, la partie requérante ne pourra échapper à une conclusion selon laquelle la marque de commerce en cause donne une description fausse et trompeuse en se désistant du droit à l’usage exclusif de la partie de la marque qui en constitue l’élément dominant.

[…]

[…] Lorsqu’il s’agit de déterminer si deux marques créent de la confusion, l’objet de la renonciation doit être pris en compte parce que les marques en cause doivent être examinées dans leur ensemble. Cependant, si la seule ressemblance entre les deux marques tient à l’objet de la renonciation, le motif d’opposition ne saurait être accueilli puisque le but de la renonciation est de permettre à d’autres personnes de faire usage de cet objet non enregistrable d’une manière indépendante.

[Non souligné dans l’original, notes de bas de pages omises]

[253]       Bien que ces observations portent sur le caractère distinctif et sur la confusion, et non explicitement sur l’article 10, elles mettent en lumière le fait que le désistement n’a pas pour but de permettre aux parties d’adopter, d’employer ou d’enregistrer des marques de commerce qui n’ont aucun élément distinctif autre que l’élément ayant fait l’objet du désistement. Le but est plutôt de permettre l’enregistrement de marques distinctives (considérées dans leur ensemble) comportant certains éléments à l’égard desquels la partie requérante ne peut revendiquer un monopole : voir Café Suprême F et P Ltée c Canada (Registraire des marques de commerce), [1984] ACF n° 42, 3 CIPR 201; A Lassonde Inc c Canada (Registraire des marques de commerce), [2000] ACF n° 128, aux paragraphes 43 et 44, 180 FTR 177; Canadian Parking Equipment Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1990), 34 CPR (3d) 154, à la page 161 (CAF); RJ Reynolds Tobacco Co c Rothmans, Benson & Hedges Inc (1993), 47 CPR (3d) 439 (CF 1re inst.).

[254]       J’estime donc que la défenderesse ne saurait se fonder sur le fait qu’elle s’est désistée du droit à l’usage exclusif des mots « athletic club » pour contourner l’interdiction prévue à l’article 10 si ces mots sont devenus, « en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique », reconnus comme une marque qui désigne un genre de marchandises ou de services au Canada au sens de l’article 10, et si la marque de commerce Athletic Club, considérée dans son ensemble (y compris les mots ayant fait l’objet du désistement), a avec cette marque une ressemblance telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.

La marque de commerce Athletic Club est‑elle interdite par l’article 10?

[255]       Dans la présente affaire, la « marque » qui, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, serait devenue reconnue au Canada comme désignant un genre de services est constituée des mots « athletic club ». La marque de commerce qui doit être comparée à cette « marque » se compose des mots « The Athletic Club », ainsi que des éléments graphiques connexes.

[256]       La Cour doit donc déterminer, en premier lieu, si les mots « athletic club » respectent les conditions d’application de l’interdiction prévue à l’article 10. Les parties semblent convenir que, des éléments énumérés à l’article 10 (genre, qualité, quantité, destination, valeur, lieu d’origine ou date de production), seul le « genre » est pertinent en l’espèce. La Cour doit donc déterminer si les mots « athletic club » sont devenus une « marque » qui désigne un genre de marchandises ou de services au sens de l’article 10 (une « marque désignative »). Dans l’affirmative, la Cour doit déterminer si la marque

test

a avec la marque « athletic club » une ressemblance telle qu’on pourrait vraisemblablement confondre les deux marques.

Les mots « athletic club » constituent‑ils une « marque » au sens de l’article 10?

[257]       L’article 10 renvoie à une « marque » qui est devenue reconnue comme désignant un genre, une qualité, etc. de marchandises ou de services, et interdit l’emploi d’une marque de commerce dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre. L’absence de définition du mot « marque » dans la Loi rend encore plus complexe la tâche de déterminer si les mots « athletic club » sont devenus une marque répondant à cette description. Pour tenter de déterminer le sens du mot « marque » employé à l’article 10, il est logique d’examiner l’objet de cette disposition et la place qu’elle occupe dans le régime législatif. Cependant, une certaine ambiguïté existe également à ce sujet.

[258]       Dans Fox on Trade‑Marks, l’analyse suivante est présentée au sujet de l’objet et de la portée de l’article 10 (à la page 5‑66.6) :

[traduction]

Cette disposition remplace l’article 13 de la Loi sur la concurrence déloyale, dont le texte était similaire, mais qui n’allait pas aussi loin. L’interdiction relative à l’adoption qui était énoncée dans la Loi sur la concurrence déloyale concernait les symboles eux‑mêmes. Dans la Loi sur les marques de commerce, l’interdiction couvre désormais toute marque ayant avec une marque interdite de cette nature une ressemblance telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre. Cet article vise de toute évidence, comme la disposition qu’il a remplacée, à empêcher l’adoption de marques comme les marques de contrôle apposées sur l’argent ou toute autre marque bien connue servant à indiquer la qualité ou l’origine […]

[259]       Cependant, il est évident que cette disposition couvre davantage que les marques « servant à indiquer la qualité ou l’origine », puisque, selon son texte, elle englobe des marques désignant « le genre, […] la quantité, la destination [ou] la valeur » de marchandises ou de services. Ainsi, le mot « HALLOUMI », qui sert à désigner un « genre » de fromage en raison de son utilisation commerciale répandue au Canada, ne pouvait appartenir (à titre de marque de certification) au ministère du Commerce et de l’Industrie de la République de Chypre : décision Chypre, précitée. L’article 10 ne s’appliquait pas de façon à protéger une marque servant à indiquer la qualité ou l’origine d’un produit contre son exploitation commerciale à titre de marque de commerce, tel qu’il est mentionné dans Fox on Trade‑Marks, mais plutôt de manière à protéger les usages commerciaux existants du mot « halloumi » contre une revendication de monopole sur le droit d’employer le mot au moyen de l’enregistrement d’une marque de certification (voir également Unitel Communications Inc c Bell Canada, [1995] ACF n° 613, aux paragraphes 139 et 178, 92 FTR 161 [Unitel] : l’article 10 interdit l’adoption d’une marque qui est devenue générique « dans l’esprit collectif des membres de l’univers pertinent »).

[260]       Dans l’arrêt Glenora Distillers, précité la Cour d'appel fédérale s’est demandé ce qui constitue une « marque » protégée par l’article 10, sans toutefois trancher la question de façon définitive. Dans cette affaire, il s’agissait de savoir si le mot « Glen » était une marque de cette nature, de sorte que la marque de commerce « GLEN BRETON » de l’appelante serait interdite (en raison de la confusion vraisemblable avec « Glen ») par l’article 10. La Scotch Whiskey Association a soutenu que, par suite de son emploi courant dans les noms de whisky écossais comme Glenfiddich, Glenmorangie et Glenlivet, le préfixe « Glen » en était venu à désigner un genre de whisky (écossais) et que la marque de commerce que l’appelante projetait d’employer allait donc à l’encontre de l’article 10 de la Loi. Curieusement, l’association avait fait valoir que ses membres avaient le droit d’employer le mot « Glen » dans leurs marques de commerce, parce qu’ils étaient des distillateurs de véritable whisky écossais. Le juge Sexton, de la Cour d'appel fédérale, a présenté l’analyse suivante :

[21]      La Loi ne définit pas le terme « marque » qui figure à l’article 10. L’article 2 définit en partie l’expression « marque de commerce » comme suit : « marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres ». L’intimée soutient que le mot « marque » est de toute évidence plus large que l’expression « marque de commerce » et elle avance l’idée que le mot « Glen », qui fait partie de bon nombre de marques de commerce enregistrées, peut être considéré en soi comme une « marque » pour l’application de l’article 10.

[22]      Je retiens la première partie de cet argument, suivant lequel une marque n’est pas nécessairement une marque de commerce. Dans son ouvrage Fox on Trademarks, Fox précise bien qu’une marque qui est employée à des fins purement décoratives ou qui n’est employée que dans un entrepôt ne sera considérée comme une marque de commerce que si elle sert effectivement à distinguer le commerçant des marchandises (4e éd., édition à feuilles mobiles (Toronto, Thomson Carswell, 2002), aux pages 3‑14 à 3‑16). Par exemple, l’étiquette fixée à une marchandise pour indiquer aux employés d’un entrepôt la date de fabrication ne répondrait probablement pas à la définition de « marque de commerce ». De même, une marque de certification (une marque servant à indiquer que les marchandises répondent à une norme déterminée, en étant par exemple un produit « biologique »), qui peut être employée par de nombreux commerçants différents, est une « marque », mais pas une « marque de commerce », parce qu’elle n’est pas unique à un commerçant déterminé.

 [23]     On n’a cependant cité à la Cour aucun précédent à l’appui de la proposition qu’un élément d’une marque de commerce peut constituer à lui seul une marque. À mon avis, une telle proposition irait à l’encontre de nombreux précédents ─ qui débordent néanmoins le cadre de l’article 10 ─ qui affirment qu’en principe, on ne doit pas disséquer les marques de commerce, ni les analyser syllabe par syllabe.

[Non souligné dans l’original]

[261]       L’expression qui constituerait une marque interdite dans la présente affaire est « athletic club ». La demanderesse fait valoir que cette expression fait partie de plusieurs marques de commerce ou noms commerciaux au Canada, mais non que l’expression « athletic club » en constituait la totalité. Il s’agissait plutôt d’un élément de ces marques de commerce ou noms commerciaux. La demanderesse ajoute que les emplois de l’expression « athletic club » dans un sens générique (ou descriptif) ont contribué à faire de cette expression une « marque désignative » (et donc interdite) au sens de l’article 10. L’analyse qui précède semble remettre en question la possibilité que l’une ou l’autre de ces formes d’usage commercial établisse l’existence d’une marque interdite au sens de l’article 10.

[262]       L’idée avancée par la Cour d'appel fédérale dans Glenora Distillers, précité, selon laquelle des éléments de marques de commerce existantes ne peuvent à eux seuls constituer des marques pour l’application de l’article 10, est davantage qu’une remarque incidente et pourrait avoir des conséquences importantes en l’espèce. Elle nécessite donc un examen attentif. Dans Glenora Distillers, l’appelante, Glenora Distillers International Ltd [Glenora], utilisait le préfixe « Glen » dans sa marque de commerce pour évoquer une similitude avec les whiskys écossais, même si le Règlement sur les aliments et drogues ne lui permettait pas de qualifier son produit de « produits écossais », parce qu’il était distillé au Canada. La Cour d'appel fédérale a conclu qu’« on peut légitimement dire que Glenora a commercialisé son produit en tablant sur ses ressemblances avec un whisky écossais de single malt, à part le nom » (paragraphe 6). L’intimée, la Scotch Whiskey Association, s’est opposée à la demande, soutenant que « l’emploi de marques comportant le préfixe ‘Glen’ en liaison avec divers whiskys écossais de single malt bien connus […] a entraîné une association entre le mot « Glen » et les whiskys distillés en Écosse » (paragraphe 7).

[263]       La COMC avait conclu que le mot « Glen » n’était pas devenu une marque interdite au sens de l’article 10 en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, mais le juge Harrington, de la Cour fédérale, est arrivé à la conclusion contraire. Il a souligné que les single malts de type Glen représentaient 59 % du marché canadien des single malts, que, en raison d’une certaine confusion sur le marché, le whisky Glen Breton était perçu comme un whisky écossais et que cette confusion découlait de l’emploi du mot « Glen » dans la marque de commerce de Glenora.

[264]       La Cour d'appel fédérale a infirmé cette décision et est arrivée à la conclusion suivante, aux paragraphes 17 à 19 :

[17]      Je suis d’avis que le juge Harrington a commis une erreur de droit en ne se demandant pas si le mot « Glen », qui avait déjà été employé pour diverses marques de commerce enregistrées, constituait effectivement une « marque » au sens de l’article 10 de la Loi sur les marques de commerce […]

[18]      Dans son mémoire des faits et du droit, l’Association signale qu’au paragraphe 16 de ses motifs, le juge Harrington déclare que la marque « Glen » est devenue reconnue comme désignant du whisky de l’Écosse au Canada. Il n’a pas toutefois abordé expressément l’argument que le mot « Glen », qui ne constituait qu’un élément de la marque GLEN BRETON, et, partant, un élément de toute marque déposée (par ex. GLENFIDDICH), ne constituait pas en soi une marque. Il s’est contenté de dire :

Je suis donc persuadé que Glen Breton n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)e) de la Loi parce que l’article 10 en interdit l’adoption étant donné que nul ne peut adopter une marque comme marque de commerce si cette marque « en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devient reconnue au Canada comme désignant le […] le lieu d’origine […] de marchandises […] de la même catégorie générale ».

 [19]     Le juge n’a pas expressément conclu que le mot « Glen » était une marque et on n’a porté à notre connaissance aucun élément de preuve qui nous justifierait de tirer une telle conclusion.

[Non souligné dans l’original]

[265]       La Cour d'appel fédérale a conclu par la suite qu’il n’a « pas été démontré que le mot ″Glen constitue une marque au sens de l’article 10 de la Loi sur les marques de commerce et j’estime qu’on ne peut l’interdire » (paragraphe 28).

[266]       Pour arriver à cette conclusion, la Cour d'appel fédérale a examiné le sens du mot « marque », comme le montre le passage précité, et a conclu que la proposition selon laquelle un élément d’une marque de commerce peut constituer à lui seul une « marque » irait « à l’encontre de nombreux précédents – qui débordent néanmoins le cadre de l’article 10 – qui affirment qu’en principe, on ne doit pas disséquer les marques de commerce, ni les analyser syllabe par syllabe » (paragraphe 23). Après avoir examiné deux décisions rendues en ce sens (Thomas J Lipton Ltd c Salada Foods Ltd (n° 3) (1979), 45 CPR (2d) 157 (CF 1re inst.), et Park Avenue, précitée, la Cour d'appel fédérale a conclu comme suit :

[26]      Bien qu’aucun de ces précédents ne porte directement sur l’article 10 de la Loi, j’estime que la même logique essentielle s’applique et qu’il serait injustifié de la part de la Cour de fractionner les marques déjà enregistrées ou la marque GLEN BRETON de l’appelante, comme l’intimée nous y invite. En premier lieu, ces précédents révèlent une tendance lourde de la part des tribunaux, qui refusent de fragmenter les marques de commerce lorsqu’ils les analysent pour déterminer si elles sont enregistrables, ce qui, en soi, est convaincant. De plus, le raisonnement suivi dans l’arrêt Park Avenue est solide. Le mot « Glen », qui est un mot courant qui fait partie d’un grand nombre de marques de commerce enregistrées, est, au mieux, une composante distinctive faible des marques de commerce en question. Cependant, en fragmentant ces marques de commerce pour considérer le mot « Glen » comme une marque en soi, la Cour accorderait à ce mot une protection commerciale injustifiée.

[Non souligné dans l’original]

[267]       La Cour d'appel fédérale donne ensuite une autre raison – bien qu’elle soit encore liée au principe selon lequel les marques de commerce devraient être examinées dans leur ensemble et non disséquées – pour conclure que la marque de commerce Glen Breton n’était pas une marque interdite. Plus précisément, elle a convenu avec la COMC que, même si le mot « Glen » était une marque interdite, il ne dominait pas la marque de commerce Glen Breton au point de rendre celle‑ci non enregistrable (voir les paragraphes 27 et 28). Cette question sera examinée ci‑dessous. Pour l’instant, la question qui me préoccupe est de savoir si l’expression « athletic club » constitue une « marque », de sorte qu’elle pourrait être interdite par l’article 10 au départ.

[268]       Interprété de façon générale, l’arrêt Glenora Distillers pourrait être considéré comme étayant la proposition voulant qu’une pratique commerciale ordinaire et authentique qui fait d’une marque une marque interdite au sens de l’article 10 doive correspondre à une utilisation de la marque à titre de marque de commerce (et non comme marque générique ou descriptive) et, en fait, à une utilisation comme marque de commerce entière. L’usage commercial d’un mot comme partie ou élément d’une marque de commerce ne pourrait donner à ce mot la force « désignative » nécessaire pour que celle‑ci devienne une marque interdite au sens de l’article 10. Si cette proposition était acceptée, elle aurait d’importantes incidences en l’espèce, puisque l’expression « athletic club » a été employée sur le plan commercial tant dans un sens générique (ou descriptif) que comme élément des marques de commerce d’autres établissements de conditionnement physique, mais n’a pas été utilisée (du moins jusqu’à son adoption par la défenderesse) comme marque de commerce entière de l’un ou l’autre de ces établissements.

[269]       Cependant, après une analyse plus poussée, j’estime que tel ne pouvait être le résultat voulu de l’arrêt Glenora Distillers, car il mènerait à un illogisme dans le raisonnement de la Cour d'appel fédérale.

[270]       Comme la Cour d'appel fédérale l’a fait remarquer, l’affaire dont elle était saisie était quelque peu inusitée. Toutes les décisions qui lui avaient été citées concernaient l’interdiction de mots ou d’expressions déterminés qui « donnaient de façon inhérente une description de la nature ou de la qualité des produits qui étaient vendus » (paragraphe 30). Elle a commenté quelques exemples :

[30]      […] Ainsi, dans la décision Bank of Montreal c. Merrill Lynch & Co. (1997), 84 C.P.R. (3d) 262, la Commission des oppositions des marques de commerce a conclu que les mots CASH MANAGEMENT ACCOUNT étaient interdits en liaison avec des services financiers, car ils étaient couramment considérés comme [traduction] « désignant un type de services financiers grâce auxquels on peut consolider et gérer des placements de fonds liquides et du crédit par le truchement d’un seul compte » (à la page 275).

[31]      Dans le même ordre d’idées, la Commission a estimé que la marque HABANOS était une marque interdite dans le cas des produits du tabac, parce qu’elle ressemblait aux marques HABANA et HAVANA, qui étaient couramment utilisées par les commerçants et qui étaient considérées comme évoquant notamment le tabac cubain en rapport avec la capitale de Cuba (Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. Empresa Cubana Del Tabaco (1975), 23 C.P.R. (2d) 274) […]

[271]       La Cour d'appel fédérale a également souligné ce qui suit :

[32]      Évidemment, il serait possible pour une marque qui ne donne pas de façon inhérente une description d’une des qualités du produit, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, de devenir une marque désignative […]

[272]       La Cour d'appel fédérale a observé une différence entre ces affaires et celle dont elle était saisie. Dans les décisions Merrill Lynch et Empresa Cubana, précitées, elle a conclu que « l’interdiction prévue à l’article 10 permet d’empêcher un commerçant de monopoliser à son profit une marque qui est communément employée dans un secteur d’activité déterminé et dont il est entendu qu’elle désigne des marchandises ou des services d’une certaine qualité » (paragraphe 31). En revanche, dans l’affaire dont elle était saisie, elle estimait que la Scotch Whiskey Association (au paragraphe 32) :

[…] cherche essentiellement à revendiquer un monopole sur un mot qui n’est pas intrinsèquement descriptif pour un groupe de commerçants (en l’occurrence, ses membres) alors qu’on ne sait pas avec certitude si l’un quelconque des membres de l’Association a effectivement incorporé ce mot dans sa marque de commerce dans le but de faire savoir que son whisky est d’origine écossaise.

[273]       La Cour d'appel fédérale a rejeté l’argument de l’Association selon lequel même si une marque comportant « Glen » comme préfixe était interdite par l’article 10, les membres de l’Association auraient le droit de continuer à utiliser leur propre marque à préfixe « Glen » étant donné qu’ils distillent des whiskys écossais. De l’avis de la Cour d'appel fédérale, cette assertion « contredit carrément le libellé de cette disposition, qui dispose clairement que nul ne peut adopter une marque interdite comme marque de commerce » (paragraphe 33). C’est dans ce contexte qu’elle a formulé les remarques suivantes :

[34]      En résumé, donner gain de cause à [l’appelante] dans le cadre du présent appel compromettrait le sort des marques de commerce de bon nombre des membres de l’Association. À mon sens, une telle solution ne se justifierait pas et elle ne serait pas fidèle à l’esprit et à l’objet de l’article 10 de la Loi. En conséquence, j’accueillerais l’appel et d’enjoindrais au registraire de faire droit à la demande présentée par Glenora en vue de faire enregistrer la marque GLEN BRETON.

[274]       En d’autres termes, comme la Cour d'appel fédérale l’a reconnu, le fait d’admettre que « Glen » était une marque interdite ne signifiait pas nécessairement que les marques comportant le mot « Glen » comme préfixe seraient interdites (voir les paragraphes 27 et 28) – résultat qui, de l’avis de la Cour d'appel fédérale, ne pouvait être bien fondé, car il ne serait pas fidèle « à l’esprit et à l’objet de l’article 10 de la Loi ». La même observation peut être formulée en l’espèce. Même si l’expression « athletic club » est une marque interdite, elle ne domine pas nécessairement l’une ou l’autre des marques de commerce des concurrents de la défenderesse au point où l’emploi ultérieur de ces marques serait interdit.

[275]       En revanche, l’interprétation générale susmentionnée de la décision Glenora Distillers, selon laquelle seule l’utilisation d’une marque comme marque de commerce et, effectivement, comme marque de commerce entière pourrait faire de la marque en question une marque interdite au sens de l’article 10 – mènerait inexorablement à ce résultat chaque fois que l’existence d’une marque interdite est constatée. L’existence d’une marque désignative ne pourrait être établie que par l’usage commercial d’une marque de commerce dont l’emploi ultérieur serait interdit dès que l’existence de la marque désignative serait constatée, parce qu’elle serait identique à la marque interdite. À mon avis, il s’agirait là d’un résultat absurde qui ne peut être acceptable, comme la Cour d'appel fédérale l’a reconnu.

[276]       Comme la Cour d'appel fédérale l’a fait remarquer, la situation de l’affaire Glenora Distillers était quelque peu inusitée et le principe selon lequel l’élément « Glen » de la marque de commerce ne peut constituer une « marque » en soi pour l’application de l’article 10 doit être interprété dans ce contexte. Cet élément n’avait aucun sens descriptif inhérent et, même s’il était étroitement associé aux whiskys écossais, les membres de l’Association ne l’avaient pas adopté pour désigner cette origine. Il ne possédait tout simplement pas un sens suffisamment fort ou distinctif en soi pour être une marque désignative pour l’application de l’article 10. En fragmentant les marques de commerce qui avaient mené à l’association du mot « Glen » avec les whiskys écossais afin de le considérer comme une marque en soi, « la Cour accorderait à ce mot une protection commerciale injustifiée » (paragraphe 26).

[277]       En revanche, comme l’a souligné la Cour d'appel fédérale, la plupart des décisions relatives à l’article 10 concernaient des mots ou expressions qui donnaient de façon inhérente une description de la nature ou de la qualité des produits ou services qui étaient vendus (paragraphe 30), et les tribunaux ont été davantage disposés à les reconnaître comme des marques désignatives. À mon avis, si l’expression « Canadian champagne » peut désigner un genre de vin aux fins de l’article 10 (Jordan & Ste‑Michelle (CF), précitée, au paragraphe 10), le mot « HALLOUMI » peut désigner un genre de fromage (Chypre, précitée) et l’expression « CASH MANAGEMENT ACCOUNT » peut désigner un genre de service financier (Merrill Lynch, précitée) au sens de l’article 10, il ne semble y avoir aucune raison, à première vue, pour laquelle l’expression « athletic club » ne pourrait désigner un genre de services de conditionnement physique si elle en était venue, dans les faits, à désigner ces services par suite d’une pratique commerciale ordinaire et authentique.

[278]       De plus, il ressort à mon avis de ces décisions que l’emploi d’une expression dans un sens générique (ou descriptif) ou comme élément d’une marque de commerce peut contribuer à faire de la marque en question une marque désignative en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique. Je suis convaincu que les mots « cheddar » et « Scotch » seraient des marques interdites au sens de l’article 10, même si personne n’emploie ces mots en eux‑mêmes comme marques de commerce en liaison avec des produits généralement considérés comme des produits décrits par les mots en question. Effectivement, c’est précisément ce qu’interdit l’article 10. Il empêche « un commerçant de monopoliser à son profit une marque qui est communément employée dans un secteur d’activité déterminé et dont il est entendu qu’elle désigne des marchandises ou des services d’une certaine qualité [ou j’ajouterais d’un certain genre] » (paragraphe 31).

La preuve établit‑elle que l’expression « athletic club » est une « marque » qui désigne un genre de services au sens de l’article 10?

[279]       La preuve à présenter pour établir qu’un mot ou expression est devenu une marque désignative au sens de l’article 10 a été décrite de différentes façons. Dans la décision ITV Technologies, précitée, Mme la juge Tremblay‑Lamer a tiré la conclusion suivante, au paragraphe 88 :

Le troisième motif invoqué par ITV Technologies à propos du caractère enregistrable est fondé sur l'alinéa 12(1)e) et l'article 10 de la Loi. Aux termes de l'article 10, l'adoption ou l'emploi d'une marque peuvent être interdits si, en raison d'une pratique commerciale ordinaire et authentique, elle devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine ou la date de production de marchandises ou services. Cette interdiction de la Loi a pour conditions que l'usage de la marque en question se fasse au Canada et que celle‑ci ait été couramment employée au Canada à l'époque considérée comme désignant un aspect des marchandises ou services qui en forment l'objet (Unitel Communications Inc., précitée).

[280]       L’interdiction législative exige que l’usage de la marque en question se fasse au Canada et que celle‑ci ait été couramment employée au Canada à l’époque considérée comme désignant un aspect des marchandises ou services qui en forment l’objet (Unitel, précitée).

[281]       Dans la décision Unitel, précitée, le juge Gibson a estimé que la question à trancher était de savoir « si l’une quelconque des marques en litige était devenue générique, à la date de son enregistrement, dans l’esprit collectif des membres de l’univers pertinent » (paragraphe 178), entendant par‑là « un terme générique à l’égard des biens ou services en liaison avec lesquels elle est employée ». Le juge Gibson s’est fondé sur l’arrêt Ciba‑Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, [1992] 3 RCS 120, pour conclure que l’ « univers » pertinent à prendre en compte pour trancher cette question était composé des utilisateurs finaux du produit ou service en question (voir le paragraphe 105).

[282]       Dans l’affaire Chypre, précitée, tant la Cour fédérale que la Cour d'appel fédérale ont estimé que la COMC n’avait commis aucune erreur en concluant qu’il ressortait de la preuve qu’« en raison d’une pratique commerciale authentique, la marque ou d’autres termes semblables sont devenus reconnus au Canada comme désignant une sorte de fromage » : voir Conseil canadien des fromages internationaux c République de Chypre (Ministry of Commerce, Industry and Tourism), [2008] COMC n° 99, au paragraphe 30, 70 CPR (4th) 430, décision confirmée par 2010 CF 719, aux paragraphes 51 à 58, et par 2011 CAF 201, au paragraphe 24 (non souligné dans l’original). Dans la décision rendue par la Cour fédérale [Chypre (CF)], le juge de Montigny a souligné, au paragraphe 54, que les opposants à l’enregistrement devaient :

[…] démontrer que la Marque (ou toute autre marque « dont la ressemblance avec la marque est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre », pour reprendre les termes de l’article 10) a largement été employée au Canada par des tiers avant la date pertinente pour désigner une sorte de fromage, et que la Marque signifie ou constitue une description acceptée dans l’industrie : voir Sealy Canada Ltd./Ltée. c. Simmons I.P. Inc. (2005), 47 C.P.R. (4th) 296, aux par. 35‑37 (C.O.M.C.). 

Au paragraphe 57, le juge de Montigny décrit comme suit le fardeau de la preuve :

[…] établir que le terme « halloumi », ou des termes dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre, a été largement utilisé au Canada par des tiers pour désigner une sorte de fromage.

Il a ensuite donné les explications suivantes au paragraphe 58 :

[…] le critère applicable n’est pas quantitatif, mais bien qualitatif.  Ce que les opposantes devaient établir, c’est que le terme « halloumi » faisait l’objet d’une large reconnaissance dans l’industrie en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique.

[283]       Je souscris à la façon dont le juge de Montigny a exposé le fardeau de la preuve. L’expression « athletic club » sera une marque interdite au sens de l’article 10 de la Loi si, à l’époque pertinente, cette expression, ou des expressions dont la ressemblance est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre, était largement utilisée au Canada par d’autres personnes pour désigner un genre de services ou d’installations de conditionnement physique, et si son sens était reconnu ou accepté dans l’industrie.

[284]       Dans le contexte de l’opposition survenue dans l’affaire Chypre, l’opposante n’avait que le fardeau initial d’établir une preuve prima facie à cet égard, après quoi c’est à la requérante qu’il incombait de démontrer que la marque de commerce visée par la demande n’était pas une marque interdite au sens de l’article 10 : Chypre (CF), précitée, au paragraphe 53. Tel n’est pas le cas en l’espèce, alors que la partie qui demande la radiation supporte le fardeau de la preuve tout au long de l’instance. Cependant, la question à trancher en dernier ressort, telle que formulée par le juge de Montigny (indépendamment de la partie à qui incombe le fardeau de la preuve), s’applique également dans ce contexte.

[285]       La demanderesse a présenté plusieurs types d’éléments de preuve afin d’établir qu’en décembre 1997, lorsque la défenderesse a commencé à employer la marque de commerce Athletic Club, les mots « athletic club » étaient devenus, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, reconnus au Canada comme des mots désignant un genre de services.

Éléments de preuve provenant des contre‑interrogatoires

[286]       D’abord, la demanderesse cite les réponses que les témoins de la défenderesse, Chuck Kelly et Alex Hunt, ont données au cours de leur contre‑interrogatoire sur affidavit, et où ils semblent reconnaître qu’en plus de faire partie de la raison sociale et de la marque de commerce de la défenderesse, l’expression « athletic club » est une expression descriptive servant à désigner des installations semblables à celles qu’exploite ladite défenderesse. 

[287]       Alex Hunt, enquêteur privé qui a déposé un affidavit pour le compte de la défenderesse, a reconnu ce qui suit : un « athletic club » ou des « athletic clubs » offriraient habituellement du conditionnement physique, de l’entraînement aux poids et haltères, de la danse aérobique et de l’entraînement personnel ainsi que des cours de gymnastique, de conditionnement physique et de gymnastique aérobique; la vente d’articles comme des barres énergétiques, des boissons énergétiques et d’autres aliments santé visant à compléter l’entraînement est [traduction] « quelque chose que vous voyez » dans ces établissements; les [traduction] « plus gros » offrent souvent en vente des articles et vêtements de sport et des collations; de plus, des services d’évaluation de la condition physique sont offerts moyennant des frais à ces établissements : voir le contre‑interrogatoire d’Alex Hunt, dossier de la demanderesse, volume 10, onglet 12, questions 32, 37 à 40 et 93.

[288]       Pour sa part, Chuck Kelly a reconnu que [traduction] « quelques‑uns » des services que la défenderesse offre dans ses établissements correspondent aux définitions que donnent les dictionnaires des mots « athletic » et « club »; l’expression « athletic clubs » est expressément mentionnée dans une des définitions de dictionnaire du mot « club » que la demanderesse a citée; la description d’un « athletic club » figurant dans un article paru en 1991 dans la Gazette de Montréal et présenté par la demanderesse renvoyait à un « place to exercise » (lieu d’exercice); il y a d’autres « athletic clubs » (clubs d’athlétisme) au Canada qui offrent des services comme des services d’évaluation de la condition physique, des services de restauration, un casse‑croûte, des cours de danse et la vente d’articles de sport, d’aliments naturels et de suppléments pour la santé; en 1996, il y avait des clubs d’athlétisme qui offraient des cours de danse; les membres du club The Athletic Club utilisent ces installations principalement pour s’entraîner et rencontrer des gens; un des aspects que la défenderesse tente de projeter à l’aide de sa marque de commerce est la forme physique; de nombreuses entreprises canadiennes autres que la défenderesse emploient les mots « athletic club » dans leur nom : voir le contre‑interrogatoire de Chuck Kelly, dossier de la demande, volume 10, onglet 14, questions 313 à 319, 343 à 345, 378, 384 et 385, 410 et 509. Au cours du même contre‑interrogatoire, M. Kelly a soutenu que les expressions « fitness club » (club de culture physique) ou « health club » (club de santé) seraient plus fréquemment employées par d’autres personnes à titre d’expressions descriptives désignant des établissements qui offrent les genres de services offerts par la défenderesse; il a également mentionné que les services de massage et de vente au détail (hormis la vente au détail négligeable) étaient deux services que la défenderesse offrait et qui n’entreraient pas dans les définitions que donnent les dictionnaires des mots « athletic » et « club » : voir ibid, questions 316 à 319 et 499.

[289]       Bien qu’elles soient liées jusqu’à un certain point à la question de savoir si, en décembre 1997, les mots « athletic club » étaient devenus une marque désignant un genre de services, ces réponses ne sont pas non plus des éléments convaincants à cet égard. Les deux témoins en question semblent plutôt reconnaître que l’expression « athletic club » est devenue, du moins jusqu’à un certain point, une expression générique et serait perçue comme une expression englobant bon nombre des services offerts par la défenderesse. Cependant, les membres de l’« univers » pertinent dont l’opinion a de l’importance pour la présente affaire sont les utilisateurs finaux réels (ou possibles) des services en question (Unitel, précitée, au paragraphe 105), et le fait que ces deux témoins aient reconnu les emplois génériques de l’expression n’est pas une preuve solide de la façon dont ce vaste public la perçoit.

[290]       Dans le cas de M. Hunt, l’avocat a précisé, après une série d’objections aux questions posées, qu’il parlait uniquement en fonction de ses connaissances ou de son expérience personnelles et qu’il n’était [traduction] « nullement présenté à titre d’expert sur la façon dont un club d’athlétisme fonctionne ou sur les services qu’offrent généralement les clubs d’athlétisme » (voir le contre‑interrogatoire d’Alex Hunt, dossier de la demanderesse, aux pages 3132 et 3133).

[291]       En ce qui concerne M. Kelly, la jurisprudence établit clairement que, puisqu’il était contre‑interrogé à titre de témoin et non de partie, ses réponses ne peuvent être considérées comme des admissions. À l’instar de celui de M. Hunt, son témoignage équivaut à des réponses à une enquête. L’avocat de la demanderesse lui a demandé à maintes reprises de se placer en 1996‑1997, avant l’adoption de la marque de commerce par la défenderesse, pour répondre aux questions. Cependant, il a constamment affirmé au cours de son témoignage qu’à l’époque, il avait une connaissance très limitée des clubs d’athlétisme. Il a dit qu’il aurait associé l’expression à [traduction] « un gymnase », qu’il était membre d’un « gym » où il avait accès à des poids et haltères, à de l’équipement cardio et à une distributrice, et que le seul « athletic club » qu’il connaissait était le Detroit Athletic Club qui, selon lui, ressemblait très peu aux établissements de la défenderesse : voir le contre‑interrogatoire de Chuck Kelly, questions 350 à 378 et 499 à 506. Cette perception engloberait quelques éléments des services de la défenderesse (par exemple, poids et haltères, équipement cardio, distributrices et, dans certains cas, cours de danse), mais d’autres (par exemple, entraînement personnel, évaluations de la condition physique et activités de vente au détail) ne seraient pas couverts.

Éléments de preuve provenant d’archives de journaux

[292]       La demanderesse a également présenté de nombreux exemples d’articles de journaux contenant l’expression « athletic club ». Les exemples les plus pertinents pour la présente affaire sont ceux d’articles publiés entre la fin des années 1980 et 1997, que la demanderesse a obtenus de la base de données Canadian Newsstand, accessible via la Bibliothèque publique d’Ottawa. Dans plusieurs de ces articles, l’expression « athletic club » est employée dans un sens descriptif pour désigner apparemment des établissements voués aux sports ou à la forme physique, tandis que dans d’autres, les noms d’organisations ou d’établissements comportant les mots « athletic club » y sont mentionnés. Même s’il est possible d’inférer du contexte que ces mentions concernent dans certains cas des établissements qui ressemblent jusqu’à un certain point à ceux de la défenderesse, dans la plupart des cas, il n’est pas possible de décrire avec précision l’éventail d’activités et de services qu’offrent les établissements en question. Certains articles renvoient à des lieux de pratique de squash et de tennis, à des lieux réservés à des épreuves de course ou encore à des installations où les participants sont accueillis, sans que l’on y précise s’il s’agit d’endroits consacrés à une activité particulière ou de centres d’athlétisme et de conditionnement physique de façon plus générale, tandis que d’autres renvoient plus clairement à des centres de conditionnement physique polyvalents (voir le dossier de la demanderesse, aux pages 2549, 2585, 2593, 2630, 2643, 2645 et 2646). Au moins un article renvoie à un centre de conditionnement physique comportant un local où des vêtements de sport sont offerts en vente (voir le dossier de la demanderesse, à la page 2567). D’autres établissements ou organisations mentionnés dans les articles sont (encore là, d’après le contexte) différents à première vue de ceux des parties, comme des équipes de rugby ou de hockey, un club de boxe et des bars pour amateurs de sport ou pour célibataires (voir le dossier de la demanderesse aux pages 2472, 2475 et 2540).

[293]       Ce que ces éléments permettent de dire, c’est que l’expression « athletic club » a été, du moins à quelques occasions avant 1997, employée dans des articles de journaux comme expression descriptive servant à désigner des établissements de gymnastique et de conditionnement physique qui offraient au moins quelques‑uns des services qu’offre actuellement la défenderesse. Le degré précis de chevauchement ou de ressemblance ne peut être déterminé à partir des articles eux‑mêmes. Cette preuve appuie la position de la demanderesse jusqu’à un certain point, mais est loin d’être concluante en soi. Elle donne à penser que l’expression avait un sens descriptif auprès des membres du public concernés à l’époque pertinente, mais n’établit pas qu’elle avait un sens véritablement reconnu ou accepté dans l’industrie ni quel était ce sens. La possibilité que des organisations ou établissements différents aient employé l’expression « athletic club » dans leurs noms ne saurait porter un coup fatal à la thèse de la demanderesse fondée sur l’article 10 si cette expression avait déjà un sens bien reconnu dans le contexte pertinent.

Éléments de preuve tirés des annuaires de Pages jaunes

[294]       La demanderesse a également présenté une preuve fondée sur des inscriptions figurant dans des annuaires de Pages jaunes de différentes villes du Canada pour certaines années comprises entre 1985 et 2011. Ces inscriptions montrent que les établissements dont le nom comportait l’expression « athletic club » étaient inscrits sous des rubriques comme « Fitness Centres & Programs » (centres et programmes de conditionnement physique), « Health Clubs » (clubs de santé), « Gymnasiums » (gymnases), « Gyms » (gyms), « Fitness & Health Clubs » (clubs de culture physique et de santé), « Athletic Organizations » (organisations d’athlétisme), « Health Studios » (studios de santé), « Fitness Centres » (centres de conditionnement physique), « Health, Fitness & Exercise Services » (services de santé, de conditionnement physique et d’exercice) et « Physical Fitness » (conditionnement physique). Certains annuaires comportaient également une rubrique intitulée « Sports/Athletic Clubs and Organizations » (clubs et organisations de sport et d’athlétisme), malgré le fait que les établissements employant l’expression « athletic club » dans leurs noms ne semblaient pas être inscrits sous cette rubrique.

[295]       Cette preuve démontre que, dans plusieurs villes du Canada, des établissements inscrits sous des rubriques laissant croire à l’existence d’un certain chevauchement avec les services de la défenderesse employaient l’expression « athletic club » dans leurs noms avant 1997. Parmi ces villes, mentionnons Vancouver / Burnaby et le Lower Mainland de la Colombie‑Britannique, Victoria, Calgary, Edmonton, Winnipeg, Toronto‑Est, Hamilton‑Wentworth / Burlington, Ottawa‑Hull et Halifax‑Dartmouth. Dans quelques‑uns de ces marchés (par exemple, Vancouver / Burnaby et le Lower Mainland), un examen des annuaires plus récents laisse voir un accroissement marqué de l’emploi de l’expression par ces établissements, bien qu’il y ait eu plusieurs inscriptions pertinentes avant 1997.

[296]       Comme c’est le cas des articles de journaux susmentionnés, cette preuve ne permet pas de déterminer l’éventail de services offerts par chacun des établissements ou organisations inscrits, mais plusieurs des catégories (par exemple, « Fitness Centres & Programs », « Health Clubs » et « Fitness Centres ») donnent effectivement à penser qu’ils offrent des services présentant une certaine similitude avec les services de la défenderesse.

Éléments de preuve tirés des recherches de noms de sociétés, de noms commerciaux et de marques de commerce ainsi que des recherches complémentaires

[297]       La demanderesse a effectué un certain nombre de recherches en vue de trouver des noms de sociétés, des noms commerciaux et des marques de commerce comportant l’expression « athletic club ». Elle a utilisé le moteur de recherche CDNameSearch (qui sert à faire des recherches dans la base de données de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC), le service OnCorp (qui permet de rechercher les noms de sociétés et noms commerciaux de l’Ontario), le service NUANS ainsi que celui du Registraire des entreprises du Québec. Ces recherches ont révélé l’existence de nombreuses entreprises et organisations qui emploient l’expression « athletic club » dans leurs dénominations sociales ou encore dans leurs noms commerciaux et leurs marques de commerce. La base NUANS contient à elle seule plus de cent (100) inscriptions actives de noms comportant cette expression. En elles‑mêmes, ces inscriptions ne nous éclairent pas vraiment sur les services offerts ou sur les activités poursuivies par ces organisations. Cependant, examinées avec d’autres types d’éléments de preuve que la demanderesse a présentés, ces inscriptions deviennent plus pertinentes.

[298]       Le premier type d’éléments de preuve est une série d’enregistrements effectués en application de la Loi sur les noms commerciaux de l’Ontario, LRO 1990, ch B.17. Le 17 décembre 2007, la défenderesse a déposé des demandes d’enregistrement fondées sur cette loi afin que trois de ses filiales – The Guelph Athletic Club Inc., The Thunder Bay Athletic Club Inc. et Total Fitness Athletic Club (Brantford) Ltd. – puissent exercer leurs activités sous le nom de The Athletic Club. Dans chacune de ces demandes d’enregistrement, l’activité inscrite sous la rubrique « activité poursuivie » est « ATHLETIC CLUB ». Dans la même veine, la défenderesse a présenté le renouvellement d’un enregistrement fait par la Cambridge Group Inc. en application de la Loi sur les noms commerciaux afin d’exercer ses activités sous le nom de Toronto Athletic Club; dans ce renouvellement d’enregistrement, l’activité inscrite à titre d’activité exercée est également un « ATHLETIC CLUB ».

[299]       La demanderesse affirme que le Toronto Athletic Club décrit ainsi ses activités depuis 1987. Alors que le renouvellement d’enregistrement fourni par la défenderesse ne permet pas de le confirmer, la preuve de la demanderesse, que la défenderesse n’a pas contestée, montre que le Toronto Athletic Club exerce ses activités depuis plus de 25 ans (voir l’affidavit d’Antonniou daté du 26 août 2011, pièce H, dossier de la demanderesse, volume 6, à la page 2069). La demanderesse a présenté très peu d’éléments de preuve concernant les activités de ce club. Dans la pièce susmentionnée, il est simplement écrit qu’il s’agit d’un [traduction] « club privé » et, selon une copie papier d’une recherche menée dans Google, ce club est [traduction] « l’endroit où les gens d’affaires de Toronto se rencontrent pour s’entraîner et manger au Stratus tout en bénéficiant d’une vue imprenable des îles de Toronto! » (dossier de la demanderesse, à la page 2874).

[300]       La demanderesse a également téléphoné à un certain nombre d’entreprises nommées dans les résultats des recherches susmentionnées de noms de sociétés et de noms commerciaux afin de vérifier leurs activités. Un résumé des réponses que la demanderesse a compilées (et que la défenderesse n’a pas contestées) montre que, sous la rubrique « what they do » (ce qu’ils font), la plupart des dix‑neuf établissements joints offrent des « fitness facilities » (installations de conditionnement physique), huit possèdent une piscine ou offrent des sports aquatiques et deux sont dotés d’installations de squash. Deux établissements (y compris le Toronto Athletic Club susmentionné) sont simplement inscrits à titre de [traduction] « club privé », tandis qu’un centre est également inscrit à titre d’établissement offrant des [traduction] « installations de hockey ». La plupart de ces établissements sont ouverts depuis au moins dix ans, et dix des dix‑neuf centres ont commencé à exercer leurs activités avant que la défenderesse adopte la marque de commerce en 1997 (de ces établissements, sept étaient inscrits à titre d’établissements exploitant des [traduction] « installations de conditionnement physique », deux, à titre de « clubs privés » et un à titre d’établissement exploitant des [traduction] « installations de hockey ») : voir l’affidavit d’Antonniou du 26 août 2011, pièce H, dossier de la demanderesse, à la page 2069. Une autre série d’appels effectués par l’avocat de la demanderesse a permis de confirmer que cinq autres établissements employant l’expression « athletic club » dans leurs noms exerçaient leurs activités depuis respectivement 120, 35, 35, 1 et 30 ans, mais la demanderesse n’a pas précisé les services offerts par ces organisations : voir l’affidavit d’Oliver daté du 14 septembre 2011, dossier de la demanderesse, volume 7, onglet 11, aux paragraphes 137 à 141.

[301]       Enfin, un rapport préliminaire détaillé des résultats de la recherche menée à l’aide de CDNameSearch, qui proviennent de la base de données sur les marques de commerce de l’OPIC, fournit des renseignements sur les marchandises et services en liaison avec lesquels les marques de commerce correspondant au critère de recherche « ATHLETIC & CLUB » ont été inscrites : voir l’affidavit d’Oliver daté du 14 septembre 2011, pièce K, dossier de la demanderesse, aux pages 2200 à 2205.

[302]       La marque de commerce FIT CITY ATHLETIC CLUB ET DESSIN, qui a été enregistrée en mars 1999 et appartient à FITCITY for Women Inc., de Richmond (C.‑B.), est enregistrée en liaison avec les marchandises et services suivants :

MARCHANDISES :

(1) Vêtements, nommément, pantalons de survêtement, pulls molletonnés, tee‑shirts, chapeaux, shorts; gants d’haltérophilie et grosses tasses.

SERVICES :

(1) Exploitation d’un commerce de détail qui fournit des services de club d’athlétisme, nommément, un centre de culture physique, des services de salon de coiffure, des services de massages, des services de salon de bronzage, des services d’esthéticien.

[303]       La marque de commerce MANSFIELD CLUB ATHLÉTIQUE, qui a été enregistrée en février 2008 et appartient à The Atwater Badminton & Squash Club, de Montréal (Québec), est enregistrée en liaison avec les marchandises et services suivants :

MARCHANDISES :

(1) Vêtements pour hommes, femmes et enfants, nommément shorts de course et de gymnastique, pantalons à ceinture élastique, pulls d'entraînement et hauts de survêtement, débardeurs, tee‑shirts, tee‑shirts à manches longues, vestes, chaussettes; léotards et collants pour femmes; chapellerie, nommément chapeaux et casquettes; sacs de sport, grosses tasses à café et chaînes porte‑clés.

SERVICES :

(1) Exploitation d'un centre de conditionnement physique, d'athlétisme et de santé offrant un programme complet de conditionnement physique et de tests destinés à évaluer la forme physique de personnes.

[304]       D’autres marques de commerce figurant sur la liste concernent des marchandises et des services qui ne sont pas semblables à ceux qu’offre la défenderesse. La marque de commerce « Maple Leaf Athletic Club in a circle with maple leaf & design », qui appartient à The Maple Leaf Athletic Club, d’Edmonton, est enregistrée en liaison avec les services suivants : (1) Club de sports qui encourage la participation à des activités sportives, nommément le soccer, le hockey et la crosse. La marque de commerce MARLBORO ATHLETIC CLUB, qui appartient à Maple Leaf Sports & Entertainment Ltd., de Toronto, est enregistrée à l’égard des services suivants : « (1) Fourniture d’amusement et de divertissement au moyen de parties de hockey, et promotion d’un intérêt dans le hockey ». La marque de commerce SHANKS ATHLETIC CLUB, qui appartient à Schanks International Inc., de Calgary, est enregistrée en liaison avec les services suivants : « (1) Exploitation d’un bar pour amateurs de sport, y compris la vente et le service d’aliments et de boissons, et vente d’articles souvenirs et d’attirail lié au sport », ainsi qu’en liaison avec différentes marchandises.

Autres éléments de preuve

[305]       À mon avis, la demanderesse souligne à juste titre que l’expression « athletic club » a été employée dans un sens générique dans plusieurs décisions judiciaires (voir National Council of Jewish Women of Canada, Toronto Section c North York (Township), 1961 CarswellOnt 157, au paragraphe 7, 30 DLR (2d) 402 (CA);
Kehoe c Thorold (Town), 1973 CarswellOnt 465, au paragraphe 7, 35 DLR (3d) 512 (HCJ Ont); Mayfair Tennis Courts Ltd c Nautilus Fitness and Racquet Centre Inc, 1999 CarswellOnt 601, aux paragraphes 32 et 33, 23 RPR (3d) 271 (Div gén); Rodgers c Calvert, 2004 CarswellOnt 3602, au paragraphe 42, 244 DLR (4th) 479;
Rachfalowski c R, 2008 CCI 258, au paragraphe 21; Ninpo Martial Arts Inc c Lepa, 2009 CarswellAlta 1375, 2009 ABPC 251, au paragraphe 6; R c Tejeda‑Rosario, 2009 CarswellOnt 9057, au paragraphe 5 (CSJ Ont); Eltom c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1555, au paragraphe 25), ainsi que dans certains textes législatifs (voir le règlement général pris en application de la Loi sur l’assurance‑santé, RRO 1990, Règlement 552 (General), disposition 24(1) 8.2, et le règlement sur les droits des établissements pris en application de la Loi sur les établissements de santé autonomes, RRO 1990, Règlement 650 (Facility Fees), disposition 1(1) 8.2).

[306]       La demanderesse invoque également des définitions que donnent certains dictionnaires des mots « athletic » et « club », mais l’expression « athletic club » n’y est pas définie, de sorte que ces définitions n’ont guère de pertinence pour la présente analyse. Dans un des dictionnaires mentionnés, l’expression « athletic club » figure à titre d’exemple de « club », ce qui dénote un emploi générique ou descriptif (malgré l’absence de définition précise) de l’expression (voir le Shorter Oxford English Dictionary, dossier de la demanderesse, à la page 2872), mais cela ne nous dit pas comment les utilisateurs (réels ou possibles) des services de la défenderesse comprenaient l’expression en 1997.

Conclusion

[307]       Chacun des éléments de preuve exposés plus haut présente en soi un tableau incomplet. Cependant, examinés ensemble, ces éléments de preuve me permettent de conclure qu’en décembre 1997, selon la prépondérance des probabilités, l’expression « athletic club » était devenue très largement employée au Canada par d’autres membres de l’industrie à laquelle les parties appartiennent et qu’elle avait un sens bien établi au sein de cette industrie et chez les utilisateurs réels et possibles des services des parties. Plus précisément, la preuve démontre qu’avant 1997, plusieurs établissements visés par les recherches de la demanderesse exploitaient des centres de conditionnement physique sous des noms commerciaux qui comprenaient l’expression « athletic club » et dont certains étaient inscrits sous des rubriques pertinentes dans les Pages jaunes, et que l’expression était employée dans un sens descriptif (ou générique) dans des journaux de façon à désigner ces établissements.

[308]       Il se peut que des différences aient existé entre ces établissements. Certains étaient peut‑être dotés de piscines et de terrains de squash, et d’autres non. Certains comportaient peut‑être des commerces de vente au détail d’aliments et de boissons, et d’autres non. Nous ignorons combien offraient des services d’entraînement personnel et de massage ou d’autres attraits. Certains étaient peut‑être plus chics ou plus exclusifs que d’autres.

[309]       Cependant, il semble indéniable que le public pertinent aurait compris qu’il s’agissait de lieux d’exercice et sans doute aussi de lieux permettant de rencontrer d’autres personnes ayant un intérêt pour la forme physique ou des activités sportives précises, et d’échanger avec elles. En d’autres termes, en 1997, l’expression « athletic club » était devenue une expression générique désignant des établissements semblables à ceux qu’exploitaient les parties en l’espèce, même si les services et attraits précis offerts par chacun d’eux pouvaient varier. En conséquence, l’expression « athletic club » était devenue, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, une marque désignant un genre de services. Personne n’avait donc le droit d’adopter cette marque (ou une marque ayant avec elle une ressemblance telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre) « comme marque de commerce en liaison avec ces […] services ou autres de la même catégorie générale, ou [de] l’employer d’une manière susceptible d’induire en erreur ».

[310]       La partie soulignée du passage qui précède est importante. Elle signifie que l’article 10 n’exige pas une corrélation parfaite avec les services que la marque en est venue à désigner pour que l’interdiction s’applique. Lorsque les services que la partie concernée cherche à offrir appartiennent à « la même catégorie générale », l’utilisation de la marque désignative en liaison avec eux sera interdite. Bien que les services actuellement offerts par la défenderesse puissent être différents à certains égards de ceux qui en étaient venus à être désignés par la marque « athletic club » en 1997, la preuve démontre qu’ils font partie « de la même catégorie générale ». Ainsi, si la marque de commerce de la défenderesse a une ressemblance telle avec la marque « athletic club » qu’on pourrait vraisemblablement confondre les deux marques (question qui sera examinée ci‑dessous), son utilisation en liaison avec ces services sera interdite.

La marque de commerce Athletic Club a‑t‑elle avec la marque « athletic club » une ressemblance telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre, ce qui irait à l’encontre de l’article 10?

[311]       Tel qu’il est mentionné plus haut, la question que la Cour doit trancher à cet égard est celle de savoir si la marque

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a une ressemblance telle avec la marque « désignative » « athletic club » qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.

[312]       La Cour doit notamment se demander si les éléments graphiques, même s’ils ne sont assez « distinctifs » pour échapper à une conclusion (par exemple) relative au caractère descriptif au sens de l’alinéa 12(1)b) (au moyen de la disposition d’exception du paragraphe 12(2)) ou à la confusion au titre de l’article 16, pourraient néanmoins être suffisants pour permettre à la partie concernée d’échapper à une conclusion selon laquelle la marque est interdite au sens de l’article 10. En fait, en interdisant uniquement les marques qui sont identiques à une marque désignative ou qui ont avec elle une ressemblance telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre, l’article 10 semble imposer un seuil plus élevé que celui de la simple confusion ou de l’absence de caractère distinctif : voir Jordan & Ste‑Michelle (COMC), précitée, au paragraphe 10.

[313]       Dans Fox on Trade‑Marks, les commentaires suivants sont formulés au sujet de la question de savoir dans quels cas l’interdiction s’appliquera ou ne s’appliquera pas (aux pages 5‑66.6 à 5‑66.8) :

[traduction]

Il a été décidé que l’article 10 n’interdisait pas l’adoption d’une marque comportant une expression prohibée précédée d’un adjectif qui décrit les marchandises visées par la demande [citant McCain Foods Ltd. c 1009222 Ontario Inc. (2001), 15 CPR (4th) 110, à la page 124 (COMC)] […]

Il convient de souligner que l’article 10 de la Loi n’emploie pas le mot « confusion », mais plutôt les mots « dont la ressemblance […] est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre ». Il s’agit de l’une des circonstances mentionnées au paragraphe 6(5) de la Loi et de l’un des plus importants facteurs à prendre en compte pour savoir s’il y a un risque de confusion entre des marques de commerce ou des noms commerciaux. La Commission des oppositions des marques de commerce a souligné que le texte de l’article 10 est semblable à celui de l’article 9 de la Loi; elle a donc appliqué le critère énoncé dans Canada c Kruger [(1978), 44 CPR (2d) 135, à la page 139 (COMC)], et s’est posé la question suivante à titre d’analogie : « La personne qui connaît bien les appellations d’origine de la partie opposante [ou l’une d’elles], mais qui s’en souvient imparfaitement pourrait‑elle confondre la marque avec les appellations en question? »

La totalité d’une marque de commerce doit être examinée dans le cadre de l’analyse fondée sur l’article 10. Même lorsqu’un mot déterminé est interdit, si ce mot est employé en combinaison avec un élément distinctif, tout en ne dominant pas la marque, celle‑ci sera quand même enregistrable [citant l’arrêt Glenora Distillers, précité, au paragraphe 27] […]

[314]       Je fais mienne cette analyse et je crois qu’on peut en déduire que le critère établi par les termes « dont la ressemblance […] est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre », à l’article 10, s’attache à une catégorie plus restreinte de marques (et fixe donc un seuil plus élevé) que celui de la « confusion » établi à l’article 16, qui vise une catégorie plus large.

[315]       Cependant, les tribunaux appelés à rendre des décisions sur le fondement de l’article 10 recourent encore au concept de la « domination » pour déterminer si les « éléments distinctifs » d’une marque de commerce sont suffisants pour que celle‑ci ne puisse être confondue avec une marque « désignative ». Voici à nouveau un extrait de l’analyse faite dans l’arrêt Glenora Distillers, précité :

[28]      […] même si le mot « Glen » pouvait être considéré comme une marque et était de ce fait, interdit, j’estime qu’il ne domine pas la marque GLEN BRETON au sens de la décision Molson, lorsqu’on examine la marque de commerce dans son ensemble.

Le mot « Export » ne dominait pas la marque « Molson Export » au point de faire de celle‑ci une marque visée par l’interdiction prévue à l’article 10, pas plus que le mot « Glen » ne dominait la marque « Glen Breton » au point de déclencher l’application de cette interdiction. L’expression « athletic club » domine‑t‑elle la marque

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au point où l’interdiction devrait s’appliquer?

[316]       Je n’ai pu trouver aucune décision analogue rendue sur le fondement de l’article 10 au sujet de la combinaison d’un dessin et d’un texte. Les tribunaux n’ont donc guère, voire pas du tout, traité de la question de savoir si les éléments graphiques qui ne respectent pas le critère du caractère « distinctif » pour l’application de l’alinéa 12(1)b) ou de l’article 16 pourraient néanmoins empêcher l’application de l’interdiction prévue à l’article 10, en raison du seuil plus élevé établi implicitement par les mots « dont la ressemblance […] est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre ».

[317]       Dans la décision Principauté de Monaco c Monte Carlo Holdings Corp, [2013] COMC n° 5058, 2013 COMC 58 [Monte Carlo], la Commission des oppositions des marques de commerce a examiné une marque composée à la lumière de l’article 10. Elle a conclu que la marque de commerce projetée « DIAMOND REWARDS CLUB MONTE CARLO INN & Dessin » comportait certains éléments distinctifs, de sorte que, même si « Monte Carlo » était une marque désignant le lieu d’origine des services (conclusion que la Commission n’a pas tirée), elle ne dominait pas la marque projetée au point où l’on pourrait vraisemblablement confondre les deux marques. La marque de commerce en question est reproduite ci‑dessous :

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[318]       À mon avis, les éléments distinctifs de la marque en cause dans l’affaire Monte Carlo étaient beaucoup plus importants que ceux qui sont examinés en l’espèce et la marque désignative était beaucoup moins en vue dans la marque de commerce examinée dans son ensemble.

[319]       Même si j’estime que l’article 10 fixe un seuil plus élevé que celui établi par les critères de la « confusion » ou de l’absence de « caractère distinctif » prévus ailleurs dans la Loi, je suis d’avis que la marque « athletic club » domine la marque de commerce Athletic Club de façon telle qu’on pourrait vraisemblablement confondre les deux marques. En conséquence, j’estime que l’interdiction prévue à l’article 10 s’applique.

[320]       À mon avis, la demanderesse a prouvé que la marque de commerce est interdite au sens de l’article 10.

Article 11 et alinéa 12(1)e)

[321]       Pour les motifs exposés ci‑dessus, il me semble que la marque de commerce est également interdite au sens de l’article 11 et de l’alinéa 12(1)e).

Réparations

[322]       La demanderesse sollicite une décision interdisant en permanence l’utilisation de la marque de commerce conformément aux articles 53.2, 10 et 11 de la Loi, que voici :

Autres interdictions

10. Si une marque, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production de marchandises ou services, nul ne peut l’adopter comme marque de commerce en liaison avec ces marchandises ou services ou autres de la même catégorie générale, ou l’employer d’une manière susceptible d’induire en erreur, et nul ne peut ainsi adopter ou employer une marque dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.

[…]

Autres interdictions

11. Nul ne peut employer relativement à une entreprise, comme marque de commerce ou autrement, une marque adoptée contrairement à l’article 9 ou 10 de la présente loi ou contrairement à l’article 13 ou 14 de la Loi sur la concurrence déloyale, chapitre 274 des Statuts révisés du Canada de 1952.

[…]

Pouvoir du tribunal d’accorder une réparation

53.2 Lorsqu’il est convaincu, sur demande de toute personne intéressée, qu’un acte a été accompli contrairement à la présente loi, le tribunal peut rendre les ordonnances qu’il juge indiquées, notamment pour réparation par voie d’injonction ou par recouvrement de dommages‑intérêts ou de profits, pour l’imposition de dommages punitifs, ou encore pour la disposition par destruction, exportation ou autrement des marchandises, colis, étiquettes et matériel publicitaire contrevenant à la présente loi et de toutes matrices employées à leur égard.

[323]       Comme il ressort clairement de l’article 53.2, le pouvoir de prononcer une injonction est un pouvoir discrétionnaire. Cependant, par définition, une marque qui va à l’encontre de l’article 10 est une marque que « nul ne peut […] adopter » (article 10) ou « employer relativement à une entreprise » (article 11).

[324]       Dans College of Traditional Chinese Medicine Practitioners and Acupuncturists of British Columbia c Council of Natural Medicine College of Canada, 2009 CF 1110, où le juge O’Keefe a conclu que plusieurs des marques en cause allaient à l’encontre de l’article 10 (et étaient toutes employées d’une manière qui allait à l’encontre de l’alinéa 7d)), la Cour fédérale a estimé qu’il s’agissait d’un cas justifiant de rendre un jugement sommaire en faveur du demandeur dans une action en radiation et de prononcer une injonction permanente interdisant toute utilisation ultérieure des marques par le défendeur.

JUGEMENT

1.      LA COUR DÉCLARE que la marque de commerce canadienne enregistrée sous le numéro LMC633422 (la marque de commerce Athletic Club) est invalide;

2.      LA COUR ORDONNE :

a)      Conformément au paragraphe 57(1) de la Loi sur les marques de commerce (Loi), l’inscription de la marque de commerce Athletic Club au registre canadien des marques de commerce doit être radiée au motif qu’elle n’exprime ou ne définit pas exactement les droits existants de la personne paraissant être le propriétaire inscrit de la marque en cause;

b)      Conformément aux articles 53.2, 10 et 11 de la Loi, il est interdit en permanence à la défenderesse d’employer, directement ou au moyen d’une licence, la marque de commerce Athletic Club et la marque équivalente en common law;

c)      La demanderesse a droit à ses dépens dans la présente instance.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1396‑11

 

INTITULÉ :

OTTAWA ATHLETIC CLUB INC, FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE THE OTTAWA ATHLETIC CLUB c THE ATHLETIC CLUB GROUP INC. ET LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 JANVIER 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 9 JUILLET 2014

 

COMPARUTIONS :

Scott Miller et Jahangir Valiani

 

POUR La demanderesse

 

Michael Adams et Thomas McConnell

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MBM Intellectual Property Law LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR La demanderesse

 

Riches, McKenzie & Herbert LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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