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Date : 20140604

Dossier : T-2262-12

Référence : 2014 CF 538

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 4 juin 2014

En présence du juge chargé de la gestion de l’instance Roger R. Lafrenière

ENTRE :

SAMEER MAPARA

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               La défenderesse, Sa Majesté la Reine (la Couronne), demande en vertu de l’article 416 des Règles des Cours fédérales qu’il soit ordonné au demandeur, M. Sameer Mapara, de fournir un cautionnement de 15 430,78 $ pour les dépens de la Couronne dans le cadre de la présente action.

[2]               La Couronne sollicite également une ordonnance interdisant au demandeur de prendre de nouvelles mesures dans l’instance jusqu’à ce que le cautionnement demandé ait été versé à la Cour ainsi qu’une prorogation de délai pour lui permettre de signifier et de déposer son mémoire relatif à la conférence préparatoire dans les 30 jours suivant la date de la remise du cautionnement.

[3]               Pour les motifs que je vais exposer, la requête est accueillie.

I.                   Nature de la demande du demandeur

[4]               Le demandeur est un détenu sous responsabilité fédérale qui purge une peine d’emprisonnement à perpétuité pour un meurtre au premier degré à l’Établissement de Ferndale, établissement correctionnel fédéral à sécurité minimale situé à Mission, en Colombie‑Britannique.

[5]               Le 18 décembre 2012, le demandeur a intenté l’action en dommage-intérêts sous-jacente contre la Couronne par suite de son isolement préventif non sollicité d’une durée de 20 jours, du 1er juin au 20 juin 2012. Il soutient que le directeur de l’Établissement de Ferndale a ordonné, à tort et sans justification, qu’il soit soustrait à la population carcérale générale, qu’il fasse l’objet d’un transfèrement non sollicité vers l’Établissement de Mission et qu’il y soit mis en isolement préventif dans l’unité de garde en milieu fermé.

[6]               On a informé le demandeur qu’on l’avait mis en isolement préventif en application de l’alinéa 311(2)a) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition parce qu’il y avait des motifs raisonnables de croire qu’il avait agi ou tenté d’agir d’une manière compromettant « la sécurité d’une personne ou du pénitencier ». Le demandeur était plus précisément accusé d’avoir fait des déclarations inexactes au sujet d’un projet de levée de fonds à des fins de bienfaisance et d’avoir produit des documents trompeurs. L’équipe de direction de l’Établissement de Ferndale a dit s’inquiéter du fait que le demandeur et les membres de sa famille aient pu être les bénéficiaires de la levée de fonds.

[7]               Le demandeur soutient que les allégations portées contre lui ne reposent sur aucun fait et qu’on l’a mis en isolement à titre de représailles, pour avoir recouru au processus de règlement des griefs et intenté plusieurs poursuites contre le directeur de l’Établissement de Ferndale, dont diverses demandes de contrôle judiciaire soumises à la Cour et plusieurs requêtes d’habeus corpus présentées à la Cour suprême de la Colombie-Britannique, à la Cour d’appel de la Colombie-Britannique et à la Cour suprême du Canada.

[8]               Le demandeur fait valoir dans sa déclaration que le directeur l’a emprisonné à tort et injustement, qu’il s’est montré négligent en s’acquittant de ses obligations envers lui prévues par la loi, et qu’il y a eu violation des droits que lui garantissent les articles 7, 9 et 12 de la Charte, ce qui justifie qu’on lui accorde une réparation en application du paragraphe 24(1) de la Charte.

II.                Historique de la procédure

[9]               La défense de la Couronne a été signifiée le 1er février 2013. Le dossier de la Cour ne contient aucune réponse du demandeur.

[10]           Le 5 juillet 2013, le demandeur a présenté une requête écrite dans laquelle il a invoqué la règle de l’engagement tacite pour demander qu’on l’autorise à utiliser certains documents produits dans le cadre de la présente action dans un appel, interjeté devant la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, à l’encontre de la décision par laquelle la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a, le 14 février 2013, rejeté sa demande d’habeus corpus. La requête a été accueillie sans frais par ordonnance datée du 16 août 2013.

[11]           Le 7 février 2014, le juge en chef a ordonné que l’instance se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale. On a enjoint au demandeur de présenter dans les 20 jours, après consultation de la Couronne, un projet de calendrier pour les prochaines étapes de l’instance.

[12]           Le 25 février 2014, le demandeur a remis à la Cour une lettre dans laquelle il informait celle‑ci que les parties avaient convenu qu’il signifierait et déposerait au plus tard le 17 mars 2014 une demande de conférence préparatoire et un mémoire relatif à la conférence préparatoire. Des directives ont été données en conséquence aux parties.

[13]           Une fois la demande du demandeur reçue, on a fixé au 7 mai 2014 la date de la tenue de la conférence préparatoire.

[14]           La Couronne a introduit la présente requête le 10 avril 2014, et la Cour a ajourné la tenue de la conférence préparatoire en attendant la décision sur la requête de la Couronne.

III.             Preuve dans le cadre de la requête

[15]           La preuve présentée par la Couronne au soutien de la requête n’est pas particulièrement litigieuse. Depuis 2010, le demandeur a institué devant notre Cour et devant la Cour suprême et la Cour d’appel de la Colombie-Britannique 10 actions, demandes et appels contre la Couronne, le procureur général du Canada ou le gouvernement du Canada. Dans la majorité des cas, il y a eu rejet de la procédure avec dépens ou désistement du demandeur. Les tribunaux ont fixé ou taxé à l’encontre du demandeur des dépens, d’un montant total de 13 228,97 $, qui demeurent toujours impayés. Le demandeur a également été condamné à payer à la Couronne d’autres dépens, non encore taxés, mais dont le montant est évalué à 9 633,52 $.

[16]           Le demandeur a déposé en réponse un affidavit rempli d’opinions et d’arguments personnels. La Cour a fait abstraction des éléments contrevenant aux Règles qui étaient inadmissibles en preuve.

[17]           Le demandeur concède qu’il n’a pas encore payé tous les dépens auxquels il a été condamné. Il invoque toutefois son indigence et le fait qu’il a épuisé toutes ses ressources financières [traduction] « il y a de nombreuses années déjà ». Il affirme ainsi qu’il n’a pas d’argent pour fournir le cautionnement pour les dépens demandé par la Couronne et qu’il ne dispose d’aucun moyen pour réunir les fonds ou fournir le cautionnement. Le demandeur ajoute qu’il serait privé, si la Cour accueillait la requête de la Couronne, de son droit de recours devant les tribunaux, ce qui ne ferait qu’exacerber l’injustice dont il fait l’objet.

[18]           Le demandeur déclare qu’il a obtenu une aide financière restreinte de sa femme depuis qu’il l’a épousée en 2007 mais que cette dernière n’a pu travailler depuis le printemps 2012 en raison de problèmes de santé. Il a produit un billet de médecin, daté du 18 avril 2014, où il est déclaré que son épouse [traduction] « est en ce moment temporairement inapte à exercer ses activités courantes ».

[19]           Le demandeur fait également état dans son affidavit des changements apportés au taux de rémunération des détenus qui, selon ses dires, l’ont rendu incapable de se constituer une épargne. Pour démontrer son état d’indigence, le demandeur a fourni copie de ses soldes de comptes financiers datant du début de 2014 à l’Établissement de Mission et à l’Établissement de Ferndale – les soldes y sont respectivement de 0 $ et de 84,06 $.

[20]           Au paragraphe 62 de son affidavit, le demandeur déclare qu’il a dû emprunter 300 $ aux membres de sa famille pour acquitter les frais de dépôt de sa demande de conférence préparatoire.

IV.             Règles pertinentes

[21]           La présente requête a été présentée en vertu de l’article 416 des Règles. Le paragraphe 416(1) prévoit que la Cour peut ordonner à un demandeur de fournir un cautionnement pour les dépens qui pourraient être adjugés au défendeur, notamment dans le cas suivant :

f) le défendeur a obtenu une ordonnance contre le demandeur pour les dépens afférents à la même instance ou à une autre instance et ces dépens demeurent impayés en totalité ou en partie

f) the defendant has an order against the plaintiff for costs in the same or another proceeding that remain unpaid in whole or in part,

[22]           Le paragraphe 416(3) dispose que, sauf ordonnance contraire de la Cour, le demandeur qui ne fournit pas le cautionnement ordonné aux termes du paragraphe (1) ne peut prendre de nouvelles mesures dans l’instance (autres que celle de porter en appel l’ordonnance de cautionnement).

[23]           Enfin, l’article 417 des Règles prévoit que la Cour peut refuser d’ordonner la fourniture d’un cautionnement pour les dépens si le demandeur fait la preuve de son indigence et si elle est convaincue du bien-fondé de la cause.

V.                Questions à trancher

[24]           Un défendeur a droit à première vue à un cautionnement pour les dépens lorsqu’une ordonnance relative aux dépens prononcée contre le demandeur est en souffrance, en totalité ou en partie, (Ayangma c La Reine, 2003 CF 1013, au paragraphe 14; Coombs c Canada, 2008 CF 894, au paragraphe 7; Lavigne c Société canadienne des postes, 2009 CF 756, au paragraphe 64; Sauvé c Sa Majesté la Reine, 2011 CF 1081, au paragraphe 14; conf. par 2012 CAF 287, au paragraphe 6).

[25]           Le demandeur concède qu’il doit des dépens au gouvernement du Canada en lien avec d’autres litiges, mais il affirme que la Couronne a exagéré de beaucoup l’importance de ces obligations. De plus, selon lui, tout montant dû sera vraisemblablement compensé par les dépens qu’on lui adjugera une fois les autres litiges en cours conclus.

[26]           Comme la Couronne a produit une preuve claire et non contredite de l’existence d’ordonnances relatives aux dépens rendues contre le demandeur et en souffrance, je suis convaincu que la Couronne a droit à première vue à une ordonnance de cautionnement pour les dépens.

[27]           Comme le demandeur n’a pas répondu à la demande de la Couronne visant l’obtention d’une prorogation de délai pour signifier et déposer le mémoire relatif à conférence préparatoire, la seule question à trancher dans la présente requête est de savoir si le demandeur satisfait au critère prévu à l’article 417 des Règles pour être dispensé de la fourniture d’un cautionnement pour les dépens.

VI.             Analyse

A.                La prétendue indigence du demandeur

[28]           Il incombe au demandeur de démontrer son état d’indigence. Dans Heli Tech Services (Canada) Ltd c Compagnie Weyerhaeuser, 2006 CF 1169 [Heli Tech], le juge Douglas Campbell a décrit comme suit le type de divulgation nécessaire :

[8]        En ce qui a trait à la preuve requise pour établir l’indigence, la norme exigée est rigoureuse; une divulgation franche et complète est requise. Le fardeau doit être repoussé [traduction] « de façon particulièrement robuste », afin [traduction] qu’« aucune question importante ne soit laissée sans réponse » (Morton c. Canada (Procureur général) (2005), 75 O.R. (3d) 63 (C.S.J.), au paragraphe 32).

[29]           Plus récemment, le juge Robert Mainville a décrit comme suit, dans Sauvé c Canada, 2012 CAF 287, le type de preuve requis pour entraîner l’application de l’article 417 :

[10]      Des éléments de preuve importants doivent être présentés au soutien d’une allégation d’indigence, y compris des renseignements financiers clairs et complets sous une forme compréhensible. Des déclarations de revenus, des relevés bancaires, des listes d’éléments d’actif et des états financiers (si possible) devraient être fournis. Une preuve de l’impossibilité de contracter un emprunt d’une tierce partie pour respecter l’ordonnance de cautionnement devrait également être présentée. L’accès aux ressources familiales et communautaires devrait aussi être envisagé. Aucune question importante ne devrait être laissée sans réponse.

[30]           Bien que le demandeur ait fourni certains relevés financiers des établissements, la preuve fournie est bien loin de constituer la « divulgation franche et complète » décrite ci‑haut par la jurisprudence. La norme est rigoureuse pour faire la preuve de l’indigence et requiert une divulgation complète et détaillée. Il faut ainsi une information financière complète, claire et à jour, étayée de documents tels que des déclarations d’impôt, des relevés bancaires et des listes de biens.

[31]           Le demandeur déclare qu’il [traduction] « n’a pas les ressources nécessaires pour fournir le cautionnement pour les dépens demandé » et qu’il [traduction] « ne dispose d’aucun moyen pour obtenir de tels fonds ou un tel cautionnement »; la preuve dont je dispose tend toutefois à démontrer le contraire. Le demandeur semble n’avoir eu aucun mal à trouver la somme de près de 1 000 $ dont il a eu besoin au cours des trois dernières années pour acquitter les droits de dépôt afférents à ses divers recours contre la Couronne. Aucun renseignement n’est fourni sur la source de cette somme, hormis quant aux plus récents droits de dépôt acquittés pour la demande de conférence préparatoire dans la présente instance.

[32]           Par ailleurs, outre la simple affirmation du demandeur, rien n’indique que les amis et membres de la famille mentionnés par celui‑ci, comme son père et son frère, ne voudraient pas lui apporter une aide financière. La propre preuve du demandeur tend au contraire à indiquer que ce dernier a pu emprunter à des membres de sa famille l’argent nécessaire pour intenter des poursuites.

[33]           Quant à l’épouse du demandeur, la mention de sa maladie ne nous apprend rien sur ses moyens financiers, ses ressources ou sa capacité d’aider le demandeur sur le plan financier.

[34]           Le demandeur a toujours acquitté les droits de dépôt requis pour intenter ses divers recours au cours des trois dernières années. Or, lorsqu’il est condamné à payer des dépens, il invoque de manière commode son dénuement. Les éléments de preuve présentés par le demandeur pour faire valoir ses prétentions à ce sujet sont contradictoires et insuffisants.

[35]           Je conclus donc que le demandeur n’a pas démontré qu’il était indigent.

[36]           Bien que cette conclusion permette en soi de trancher la requête, je me pencherai maintenant, par souci d’exhaustivité, sur le bien-fondé de l’action du demandeur.

B.                 Le bien-fondé de la cause

[37]           Quant à la question du bien-fondé de sa cause, le demandeur déclare simplement croire non seulement que sa cause est bien fondée, mais aussi que ses arguments sont sérieux et convaincants. À l’appui, il invoque son mémoire relatif à la conférence préparatoire déjà signifié et déposé. Le demandeur ajoute que la Couronne ne dispose pas d’une défense sérieuse, ce qui explique pourquoi elle n’a pas rédigé de mémoire relatif à la conférence préparatoire et a tenté, en présentant la présente requête en cautionnement et en tirant profit de son incapacité d’ester en justice en tant que détenu, de prendre l’avantage sur lui et d’ainsi mettre fin au litige et éviter l’examen judiciaire.

[38]           La Couronne soutient pour sa part que la cause du demandeur est non fondée, étant donné que ce dernier se contente de faire de simples déclarations de fait, qui ne fournissent pas un fondement qui permettrait à la Cour de conclure qu’il a satisfait aux exigences de l’article 417 des Règles. La Couronne invoque également une décision de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique où le demandeur avait formulé des allégations similaires de représailles de la part du directeur en lien, cette fois‑là, avec un transfèrement non sollicité vers un autre établissement. Dans cette affaire, la cour a rejeté la demande du demandeur après avoir conclu que rien ne permettait de conclure que le directeur ou l’établissement avait agi de mauvaise foi. L’appel interjeté par le demandeur a également été rejeté (voir Mapara c Warden of Ferndale Institution, BCSC No 26236 (greffe de Vancouver), le 14 février 2013, le juge Silverman, et Mapara c Ferndale Institution [Warden], 2014 BCCA 49).

[39]           La Couronne ajoute que le demandeur a fait des allégations semblables dans d’autres instances et qu’on n’a alors prêté aucunement foi à ses affirmations. Le demandeur n’a présenté aucune preuve démontrant que le directeur avait usé de représailles contre lui parce qu’il avait exercé des droits; il s’est contenté de formuler ses soupçons. Les allégations du demandeur sont graves, et il lui incombait de démontrer, en réponse à la requête de la Couronne, qu’il existait certains éléments de preuve, autres que des hypothèses et des soupçons, susceptibles de les étayer.

[40]           Je ne suis pas convaincu que le demandeur a valablement démontré que sa cause était fondée. Puisqu’il incombe au demandeur, en vertu de l’article 417 des Règles, de convaincre la Cour que sa cause est suffisamment bien fondée, je conclus qu’il n’est satisfait en l’espèce ni à l’un ni à l’autre volet du critère cumulatif de l’article 417.

VII.          Conclusion

[41]           Pour les motifs qui précèdent, je conclus que le demandeur n’a démontré ni son indigence, ni le bien-fondé de sa cause. Je suis bien conscient en tirant ces conclusions des deux valeurs fondamentales de notre système judiciaire, à savoir que [traduction] « chacun doit avoir la possibilité de se faire entendre » et que [traduction] « les défendeurs doivent disposer d’une protection raisonnable contre les demandes sans fondement » (Wall c Horn Abbot Ltd, 176 NSR (2d) 96, 29 CPC (4th) 204 (CA), à la page 208).

[42]           Je reconnais que la situation du demandeur – détenu dans un établissement fédéral – soulève la question de l’accès adéquat à la justice. Dans la décision Heli Tech, précitée, le juge Campbell a examiné la question de l’accès à la justice en lien avec l’article 417 des Règles :

[4]        La jurisprudence appuie la règle en maintenant l’accès à la justice même si une partie à un litige pourrait être contrainte de fournir un cautionnement pour les dépens mais n’en a pas les moyens :

[traduction] Les juges de la Cour ont affirmé que le pouvoir d’ordonner un cautionnement pour dépens doit être exercé de manière réfléchie afin d’éviter qu’un appelant soit privé de son droit d’appel (Phoenix Transportation Consultants Ltd. c. Pacific Freightways Ltd., [1989] B.C.J. no 2189).

[traduction] […] « la règle générale veut que la pauvreté ne soit pas un obstacle pour une partie ». Le pouvoir d’exiger un cautionnement pour les dépens ne devrait pas être exercé de manière à évincer l’homme le plus pauvre des tribunaux […] (Kropp c. Swaneset Bay Golf Course Ltd., [1997] B.C.J. no 593, citant l’arrêt‑clé britannique Pearson c. Naydler, [1977] 3 All E.R. 531, au paragraphe 16).

[traduction] Il ne peut faire de doute que, s’il était fait obstacle à l’instruction d’une cause bien fondée en raison de la pauvreté d’un demandeur, il en résulterait une injustice. Si l’ordonnance pour dépens avait pour conséquence l’anéantissement de la cause, elle ne devrait pas être prononcée. L’injustice serait encore plus flagrante si l’appauvrissement du demandeur avait pour cause les actes reprochés dans l’action (John Wink Ltd. c. Sico Inc., [1987] O.J. No. 5).

[43]           Plus récemment, le juge Richard Mosley a lui aussi traité de la question de l’accès à la justice en lien avec l’article 417 dans Nicholas c Environmental Systems (International) Limited, 2009 FC 1160 :

[traduction]

[20]      Les Cours tiennent beaucoup à faire en sorte les plaideurs qui doivent payer un cautionnement pour les dépens, mais n’ont pas les moyens de le payer puissent avoir accès à la justice. Voici comment cette préoccupation a été formulée par le juge Reid dans John Wink Ltd. c. Sico Inc., (1987), 57 O.R. (3d) 705, 15 C.P.C. (2d) 187, [1987] O.J. No. 5, au paragraphe 8 :

Il ne peut faire de doute que, s’il était fait obstacle à l’instruction d’une cause en raison de la pauvreté d’un demandeur, il en résulterait une injustice. Si l’ordonnance avait pour conséquence l’anéantissement de la cause, elle ne devrait pas être prononcée.

[44]           Bien que je sois sensible aux défis auxquels le demandeur est confronté en tant que détenu sous responsabilité fédérale qui n’est pas représenté par un avocat devant les tribunaux, le fait qu’il n’ait pas payé, ni pris aucun arrangement pour payer, les dépens en souffrance auxquels il a été condamné militent en sa défaveur. Je ne peux faire abstraction du fait non plus que le demandeur n’est pas un plaideur ordinaire. Il a choisi d’intenter de nombreux recours contre la Couronne. Il ne devait donc pas s’étonner du fait qu’il y aurait des dépens à payer advenant qu’il n’ait pas gain de cause.

[45]           Compte tenu de tout ce qui précède, j’estime qu’il convient d’accueillir en l’espèce la requête en cautionnement pour dépens de la Couronne.

[46]           Quant au montant des dépens à fournir par le demandeur, je vois qu’on réclame dans le projet de mémoire de dépens de la Couronne des honoraires liés à la préparation des requêtes contestées. Le montant qui se rapporte à la requête du demandeur fondée sur la règle de l’engagement tacite est refusé, car la requête en cause a été rejetée sans frais. Pour ce qui est de la présente requête, le montant de dépens accordé correspond à 5 unités.

[47]           Quant aux dépens réclamés à titre d’honoraires prévus relatifs au plaidoyer écrit après instruction (5 unités) et à la taxation des dépens (3 unités), je ne suis pas convaincu que de tels honoraires devront être acquittés si l’affaire devait aller à procès. Par ailleurs, le montant de 2 000 $ réclamé à titre de débours prévus semble quelque peu élevé.

[48]           Dans les circonstances, le montant du cautionnement à verser par le demandeur est fixé par la présente à 12 000 $.

[49]           La Couronne demande que le cautionnement soit versé intégralement avant que le demandeur puisse prendre de nouvelles mesures dans l’instance. Comme on en est à une étape avancée de l’instance, je juge approprié de requérir le paiement intégral du cautionnement.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                  Le demandeur devra verser un cautionnement pour dépens de 12 000 $ dans les quatre-vingt-dix (90) jours suivant la date de la présente ordonnance.

2.                  Le demandeur ne pourra prendre de nouvelles mesures dans le cadre de la présente demande, notamment introduire des requêtes, avant d’avoir versé le cautionnement ordonné, autres que celle de porter en appel la présente ordonnance.

3.                  Une prorogation de délai est accordée à la défenderesse, qui devra signifier et déposer un mémoire relatif à la conférence préparatoire dans les 30 jours suivant le paiement du cautionnement pour les dépens en conformité avec le paragraphe 1 de la présente ordonnance.

4.                  Le demandeur devra acquitter les dépens afférents à la présente requête, dont le montant est fixé à 500 $, taxes et débours compris, quelle que soit l’issue de la cause.

« Roger R. Lafrenière »

 Juge chargé de la gestion de l’instance  

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL. B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2262-12

 

INTITULÉ :

SAMEER MAPARA c SA MAJESTÉ LA REINE

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE) CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS ET DE L’ORDONNANCE :

LE 4 JUIN 2014

 

COMPARUTIONS :

Sameer Mapara

 

POUR LE DEMANDEUR

(AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE)

Liliane Bantourakis

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sameer Mapara

a/s de Établissement de Mission

Mission (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

(AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE)

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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