Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20140707


Dossier : IMM-1763-12

Référence : 2014 CF 654

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 juillet 2014

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

DEQUAN AMATUS CARLTON EVANS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Dans un jugement daté du 19 février 2013, la demande de contrôle judiciaire de Dequan Evans relativement à la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a été rejetée : 2013 CF 172. La décision du 18 novembre 2011 faisant alors l’objet d’un contrôle portait sur la déclaration de la SPR selon laquelle la demande d’asile de Dequan Evans avait été abandonnée. Au moment de ces procédures, M. Evans était mineur. Il a eu 18 ans seulement 22 mois après, soit le 13 septembre 2013.

[2]               Dans une décision que j’ai rendue antérieurement, j’ai appelé le demandeur par son prénom, Dequan, parce qu’il était mineur. Même si sur le plan juridique il n’est plus mineur, je préfère continuer à l’appeler par son prénom dans la présente affaire, puisque la majorité des faits ont eu lieu alors qu’il était mineur.

[3]               Dans mon premier jugement, j’ai rejeté la demande de contrôle judiciaire et noté que « la Cour accorde une attention spéciale à la protection des droits des mineurs; elle a cependant besoin de preuve pour ce faire, et on ne lui en a fourni aucune ». Maintenant adulte, Dequan se présente devant la Cour et fait valoir que « des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après » que mon jugement a été rendu et il demande, en vertu de l’alinéa 399(2)a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, que j’annule mon jugement précédent.

[4]               Compte tenu de la situation exceptionnelle ayant trait au traitement et à l’issue de la demande d’asile de Dequan présentée ci‑dessous, et puisqu’il était un mineur dont les intérêts n’ont pas été adéquatement protégés soit par son représentant désigné ou par l’avocat le représentant, les exigences de l’alinéa des Règles ont été respectées et la décision précédente doit être annulée et modifiée.

Faits liés à la demande d’asile

[5]               Dequan a quitté Sainte‑Lucie et est arrivé au Canada le 2 septembre 2010 à la demande de sa mère, Mme Eva Joseph, qui était alors au Canada.

[6]               D’après le dossier de la Cour relativement à la présente requête et compte tenu du dossier public, Mme Joseph est arrivée au Canada le 4 août 2001, et elle a obtenu l’entrée à titre de résidente temporaire. Sa demande d’asile, déposée le 28 mai 2007, a été refusée par la SPR le 13 août 2009. La Cour a rejeté sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision le 17 décembre 2009 (IMM‑4416‑09). Un agent a rendu une décision défavorable au regard d’un examen des risques avant renvoi le 8 novembre 2010. La Cour a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision le 14 février 2011 (IMM-6871-10). Dans le cadre des deux demandes, Mme Joseph était représentée par M. Richard Odeleye.

[7]               Mme Joseph ne s’est pas présentée en vue de son renvoi le 16 décembre 2010. Par conséquent, elle a été arrêtée le 29 janvier 2011, et il semble qu’elle ait été détenue jusqu’au 9 mars 2011. Son renvoi avait été fixé au 4 février 2011, mais il a été reporté par l’Agence des services frontaliers du Canada jusqu’à l’issue d’une décision à l’égard de la demande d’asile de Dequan. Pendant toute cette période, il semble que Dequan n’habitait pas avec sa mère, mais qu’il demeurait avec une tante à Toronto. En fait, il semble qu’il n’ait habité avec sa mère que pendant une courte période depuis son arrivée au Canada. Depuis le 18 juillet 2012, il habite avec Claudia Nicholas, qui se décrit comme étant sa « gardienne ». Elle semble agir comme parent de substitution. Si elle ne s’était pas portée volontaire pour prendre soin de Dequan lorsque sa mère était en détention, il aurait probablement été placé en garde préventive en tant que mineur.

[8]               Puisqu’il est arrivé au Canada à 14 ans, il n’est pas étonnant que Dequan se soit fié à sa mère pour prendre les mesures nécessaires pour régulariser son statut au Canada. C’est elle qui l’a amené devant les autorités d’immigration, et c’est elle qui a déposé sa demande d’asile.

[9]               Dès le départ, la demande d’asile de Dequan comportait des irrégularités. Mme Joseph a omis de déposer son formulaire de renseignements personnels [FRP] dans le délai prescrit. Le FRP qui a été déposé est signé par Mme Joseph au nom de Dequan en date du 11 novembre 2010, et il indique que M. Odeleye est son avocat. C’est ce dernier qui l’a déposé. Initialement, l’exposé circonstancié accompagnant le FRP était de trois lignes. Un exposé circonstancié plus détaillé signé par Mme Joseph, le 11 août 2011, a été déposé subséquemment avant l’audience de justification.  Dequan fait valoir qu’il n’a pas exprimé son point de vue sur le risque auquel il ferait face s’il était retourné à Sainte‑Lucie.

[10]           Dequan affirme qu’au moment du dépôt du FRP, il n’avait pas rencontré M. Odeleye. En fait, il affirme qu’il n’a pas rencontré M. Odeleye avant la fin de février 2012, après que la décision sur la demande de contrôle judiciaire eut été rendue. Par contre, M. Odeleye a déclaré, lors de l’audience de justification de la SPR, que la dernière fois qu’il avait vu M. Evans était avant l’audience du 9 septembre 2011 afin de le préparer pour l’audition relative à sa demande d’asile. Pour les motifs exposés ci‑dessous, et en dépit du fait qu’en tant qu’avocat, M. Odeleye a une obligation de franchise et de bonne foi lors de ses représentations devant la SPR, je préfère la preuve présentée par Dequan.

[11]           Lors de l’audition de la présente requête, l’avocat actuel de Dequan a informé la Cour que M. Odeleye n’avait pas répondu à ses demandes de renseignements supplémentaires sur la manière dont il a traité le dossier. Il a également avisé la Cour qu’il n’y avait pas, selon lui, suffisamment d’éléments pour justifier une demande contre M. Odeleye pour représentation inadéquate, et qu’il pensait qu’il était plus important de déposer la présente requête et d’entamer le processus, plutôt que de mener une enquête exhaustive relativement à l’historique du traitement du dossier par M. Odeleye.

[12]           D’après le dossier présenté au tribunal, la SPR a nommé Mme Joseph comme représentant désigné de Dequan peu après le dépôt de sa demande d’asile, et elle et Dequan en ont été informés par lettre datée du 28 octobre 2010. Dequan n’aurait pas reçu directement sa copie de la lettre puisqu’il n’habitait pas alors avec sa mère ni à l’adresse à laquelle la lettre avait été envoyée. La lettre décrit les obligations de Mme Joseph de la manière suivante :

•           de retenir les services d’un avocat;

•           de donner des directives à son avocat ou d’aider un mineur à donner des directives à son avocat;

•           de prendre d’autres décisions relativement aux procédures ou d’aider le mineur à prendre de telles décisions;

•           d’informer l’enfant des différences étapes et procédures de la demande;

•           de contribuer à l’obtention d’éléments de preuve à l’appui de la demande;

•           de fournir des éléments de preuve et d’être témoin dans le cadre de la demande;

•           d’agir dans le meilleur intérêt de l’enfant.

[13]           Les services de M. Odeleye n’avaient pas encore été retenus lorsque cette désignation a été faite et il n’a pas reçu copie de la lettre. Néanmoins, lorsqu’il a déposé le FRP de Dequan le 11 novembre 2010, il a informé la SPR que la raison du dépôt tardif était que [traduction] « sa mère, qui agissait à titre de représentante désignée, a déclaré avoir mal calculé les dates de dépôt du FRP » [Non souligné dans l’original]. Mis à part cette déclaration, de l’avis de la Cour, il n’y a aucun doute raisonnable que M. Odeleye, un avocat spécialisé en droit de l’immigration d’expérience, devait savoir que la SPR, lorsqu’elle traite de demandes concernant des mineurs, nomme automatiquement un représentant désigné. La mère de Dequan, qui est la seule membre de sa famille immédiate au Canada, était le choix évident.

[14]           Le FRP, qui semble avoir été préparé par le bureau de M. Odeleye mais qui a été signé par Mme Joseph, est scandaleusement inexact sur plusieurs aspects, comme l’indique le mémoire déposé par Dequan :

[traduction]

Le formulaire lui‑même contient un certain nombre d’erreurs et d’omissions, à savoir les suivantes : omission de ne pas divulguer tous les membres de la famille; déclaration erronée du lien entre le demandeur et M. Ashton Blake qui, à cette période, était toujours marié à sa partenaire précédente; déclaration erronée quant à l’adresse du demandeur au 1572 Greenmount Street, à Pickering, au moment où M. Evans résidait à Toronto; le Nigeria nommé comme le pays à l’encontre duquel M. Evans demande l’asile; et un exposé circonstancié de trois lignes que M. Evans n’a pas rédigé et qui n’a pas été transcrit en son nom. [sic]

M. Evans n’a pas su quand les services de M. Odeleye avaient été retenus et sur quel fondement. Au moment du dépôt du FRP, M. Evans n’avait jamais rencontré M. Odeleye.

[Les notes de bas de page ont été supprimées.]

[15]           Un avis de comparution en vue de son audience relative à la demande d’asile du 9 mai 2011 a été envoyé à l’adresse indiquée dans la déclaration et dans le FRP : 1572 Greenmount Street, Pickering. Dequan n’a pas reçu l’avis puisqu’il n’habitait pas alors à cette adresse et n’y a jamais résidé; il s’agit de l’adresse où visait alors sa mère. Même si Mme Joseph a rempli un formulaire sur l’état de préparation, Dequan déclare qu’elle ne l’a jamais informé de la date de l’audience relative à la demande d’asile, et il ne savait pas qu’une audience allait avoir lieu et qu’il devait y être présent.

[16]           Ni Dequan ni Mme Joseph n’étaient présents à la date d’audience prévue; par conséquent, la SPR a fixé une audience de justification pour le 9 septembre 2011. Dequan déclare qu’il n’a jamais été mis au courant de l’audience prévue. Il est mentionné que l’avis d’audience a été à nouveau envoyé à Mme Joseph et à Dequan à l’adresse de Pickering, en Ontario; cependant, en ce qui concerne l’avis de préparation, Mme Joseph a informé la SPR de son changement d’adresse à Whitby, en Ontario. Néanmoins, tandis que Dequan n’était pas au courant de la tenue de l’audience de justification, il semble que Mme Joseph elle‑même le savait qu’elle s’est organisée pour que Dequan obtienne un billet médical le 8 septembre 2011 (pour ce qui semble être une raison médicale valide – une migraine), que M. Odeleye a fourni à la SPR le 9 septembre 2011, joint d’une lettre d’accompagnement dans laquelle il demandait qu’une nouvelle date soit fixée pour l’instruction de l’affaire.

[17]           La SPR a fixé l’audience de justification au 18 novembre 2011, mais à nouveau a envoyé par erreur l’avis à Mme Joseph et à Dequan à l’adresse de Pickering, en Ontario. Afin de corriger en apparence son erreur de signification, la SPR a envoyé à nouveau l’avis à l’adresse de Whitby, en Ontario, le 15 novembre 2011. Dequan affirme que ni sa mère ni M. Odeleye ne l’ont informé que la date d’audience avait été changée.

[18]           Les extraits suivants tirés de la transcription de l’audience de ce jour-là démontrent que, pour la troisième fois en six mois, M. Odeleye a encore une fois informé la SPR que Dequan était malade, qu’un ajournement était nécessaire afin que M. Odeleye puisse nommer la mère de Dequan comme représentante désignée et que, même s’il a parlé à Dequan avant le 9 septembre 2011, il ne lui a pas parlé depuis :

[traduction]

AVOCAT : Monsieur le commissaire, la dernière fois que cette affaire a été soulevée vous avez dit que l’avocat ne s’était pas présenté et que le demandeur non plus ne s’était pas présenté...

COMMISSAIRE : L’avocat, c’est vous n’est‑ce pas?!

AVOCAT : C’était moi...

COMMISSAIRE : OK

AVOCAT : C’était le 9 septembre, mais une lettre a été écrite par l’avocat la même date, laquelle a été envoyée par télécopieur à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et évidemment reçue par la Commission selon laquelle le demandeur était malade et un billet médical est joint à celle‑ci. Et aujourd’hui cette affaire doit faire l’objet d’une audience de justification.  Malheureusement, le demandeur mineur n’est pas ici. Nous n’avons pas encore reçu de billet du médecin, mais je… comme je l’ai mentionné avant le début de l’enregistrement, j’ai bel et bien obtenu des renseignements dignes d’intérêt, selon lesquels le demandeur n’est toujours pas en grande forme. Puisque le demandeur est un mineur et qu’il ne semble pas d’après le dossier que quiconque n’ait été nommé spécifiquement comme représentant désigné du demandeur; et je ne suis au courant d’aucune instance devant la Commission nommant quiconque comme mineur.

Je vous demanderais une fois de plus de reporter cette affaire à une autre date pour me donner la possibilité de nommer la mère ou l’un des membres de sa famille comme représentant désigné. Ce ne serait pas équitable pour le demandeur que l’affaire soit déclarée désistée compte tenu de son âge et du fait qu’il n’avait personne pour représenter ses intérêts dans cette affaire… alors… je vous demande une autre chance pour nous permettre de trouver une personne en vue qu’elle soit officiellement désignée ou que son nom soit inscrit au dossier à titre de RD.

Merci monsieur.

COMMISSAIRE : Je vous remercie Maître, j’ai seulement quelques questions. Pour autant que vous vous en souvenez, quand avez‑vous vu pour la dernière fois ce client à votre bureau?…et si vous ne vous en souvenez pas ce n’est pas grave.

AVOCAT : C’est probablement juste avant que l’affaire ne soit ajournée la dernière fois, je me suis rendue à mon bureau pour me préparer en vue de l’audience du 9 septembre qui a été remise à plus tard et je ne l’ai pas vu après le 9 septembre.

COMMISSAIRE : Et… d’après ce que je comprends le demandeur, une demande a été déposée le 28 septembre 2010; est-ce exact?

AVOCAT : Oui, c’est exact.

COMMISSAIRE : Et, comme l’indique mon… en consultant l’historique du dossier; vous avez comparu devant le commissaire Wong, le 9 mai 2011 et vous avez indiqué que le demandeur n’était pas présent parce qu’il était malade et qu’il devait voir un médecin, sans présenter de billet médical.

Est‑ce exact?

AVOCAT : Oui, c’est exact.

COMMISSAIRE : Maintenant, comme il a été dit le 9 septembre 2011 sur quoi porte l’audience de justification, vous n’avez pas comparu mais vous avez envoyé un… vous avez joint à… votre lettre, la lettre de votre cabinet, une… ce que j’appelle un billet provenant d’une clinique médicale dans lequel on déclare ceci… « À qui de droit… le patient susmentionné; Dequan Evans, le patient susmentionné a été vu dans notre bureau pour des raisons médicales. Lui ou elle sera absent (e) de l’école/du travail du 8 septembre 2011 au 9 septembre 2011. Si vous avez des préoccupations au sujet du présent dossier, n’hésitez pas à communiquer avec nous. » Est‑ce bien la note que vous avez jointe, monsieur? Maître?

AVOCAT : C’est… c’est bien la note, oui.  

COMMISSAIRE : J’ai écouté les observations de l’avocat, et oui, il s’agit d’un mineur. Cependant… un moment s’il vous plaît…  Cependant, les services d’un avocat ont été retenus dans cette affaire, l’avocat au dossier. D’après l’avocat, le demandeur ne s’est pas présenté à son bureau depuis la dernière fois que cette audience a été fixée, soit le 9 septembre 2011.

En outre, il n’a pas assisté à l’audience précédente du 9 mai, et aucune note sur les raisons médicales de l’absence n’a été fournie à ce moment. Il est âgé de 16 ans, je sais que sa mère et son beau‑père sont Canada.

À tout le moins, il aurait plus communiquer avec l’avocat et lui dire pourquoi il ne pouvait pas assister à l’audience. Je vais abandonner cette affaire pour ces motifs. En ne se présentant pas, il a démontré qu’il ne prenait pas au sérieux cette audience ou en ne… au moins en n’informant pas l’avocat.

Cette affaire doit donc être abandonnée.

AVOCAT : OK.       

[sic et non souligné dans l’original.]

Analyse

[19]           Les parties ont convenu qu’afin d’annuler ou de modifier un jugement précédent en vertu de l’alinéa 399(2)a) des Règles, les trois conditions suivantes doivent être remplies : i) les éléments découverts depuis peu doivent constituer des « faits nouveaux » au sens de l’alinéa 399(2)a) des Règles; ii) les « faits nouveaux » ne doivent pas être des faits nouveaux que l’intéressé aurait pu découvrir avant que l’ordonnance ne soit rendue en faisant preuve de diligence raisonnable; et les « faits nouveaux » doivent être de nature à exercer une influence déterminante sur la décision en question : Ayangma c. Canada, 2003 CAF 382, au par. 3.

[20]           La Cour a conclu que « [l]’expression “ nouveaux faits ” a un sens large et peut englober autre chose que des éléments de preuve nouveaux » Compagnie pharmaceutique Proctor & Gamble Canada Inc c. Canada (Ministre de la Santé), 2003 CF 911, [2003] ACF no 1172, au par. 16.

[21]           Dequan fait valoir que l’inaptitude de sa mère en tant que représentante désignée constitue un fait nouveau. Cette inaptitude est décrite par l’avocat comme étant ses graves problèmes de santé mentale. Le ministre soutient qu’il ne s’agit ni d’un fait nouveau ni d’un fait qui n’aurait pas pu être découvert précédemment. Comme on l’a souligné lors de l’audience, l’état de santé de Mme Joseph était connu de M. Odeleye puisqu’il a fait valoir (sans aucun élément probant) que la [traduction] « mère est aux prises avec un problème personnel traumatisant qui pourrait l’empêcher de prendre une décision dans l’intérêt du demandeur mineur, de sorte que ce dernier pourrait ne même pas avoir eu connaissance de la date de l’instance tenue le 18 novembre 2011 [sic] ». On a fait valoir que, puisqu’on savait que Mme Joseph éprouvait des problèmes de santé mentale mais qu’aucune preuve n’a été présentée pour démontrer ce fait, la requête ne constitue qu’une tentative de rouvrir une audience de contrôle judiciaire sur le fondement d’une preuve qui était soit déjà connue, soit susceptible d’être découverte.

[22]           À mon avis, le fait que Mme Joseph ne se soit pas présentée en raison de ses problèmes de santé mentale n’était pas pertinent, puisqu’il ne s’agissait pas d’un fait nouveau. Le fait nouveau était l’omission complète de la mère de Dequan et de son avocat d’agir dans son meilleur intérêt en tout temps. Leurs omissions étaient telles que Dequan n’avait aucune idée des dates d’audience fixées par la SDP, du fondement de la demande d’asile faite en son nom, du contenu de son FRP, ou de l’exposé circonstancié déposé en son nom.

[23]           Ces faits auraient‑ils pu avoir été découverts par Dequan avant que le jugement antérieur n’ait été rendu? Je ne le crois pas. Il faut se rappeler qu’à cette époque, Dequan était mineur. Même s’il avait une idée qu’une certaine demande avait été faite en son nom, il ne savait pas que les services d’un avocat avaient été retenus en son nom. De plus, il n’a pas vécu avec sa mère pendant la plus grande partie de cette période et, en tant que mineur, on pouvait présumer qu’il faisait confiance à son parent pour [traduction] « prendre les bonnes décisions ». Malheureusement, sa mère et son avocat l’ont laissé tomber. En outre, il l’a découvert seulement après le rejet de la demande de contrôle judiciaire, quand il a rencontré son avocat pour la première fois.

[24]           Il ne fait aucun doute que si les manquements répétés de Mme Joseph et de son avocat pour ce qui est d’agir dans le meilleur intérêt de Dequan avaient été révélés lors de l’audience initiale le résultat aurait été différent. La décision relative au désistement aurait été annulée. La question sur le désistement de la demande par Dequan aurait pu être renvoyée à la SPR. De plus, compte tenu des faits maintenant connus, j’aurais ordonné à la SPR de conclure que Dequan ne s’était pas désisté de sa demande d’asile. C’est Dequan qui a été abandonné par sa représentante désignée et par son avocat. La décision que j’aurais rendue, si cette preuve avait été déposée devant la Cour alors, aurait été d’accorder la réparation appropriée compte tenu de la divulgation de ce fait nouveau.

[25]           Puisque la demande d’asile de Dequan sera entendue par la SPR sur le fonds, je ne me prononcerai pas davantage sur la demande; cependant, compte tenu de la preuve dont il n’était pas au courant présentée en ce qui concerne le fondement de la demande, le contenu du FRP, ou l’exposé circonstancié, il est autorisé à déposer de nouveaux renseignements à l’appui de sa demande, et la SPR ne doit pas tirer des conclusions défavorables ou négatives relativement à la crédibilité s’il s’avérait que de nouveaux renseignements soient grandement différents de ceux déjà présentés.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE :

1.                  La requête soit accueillie;

2.                  Le jugement de la Cour dans la présente demande datée du 19 février 2013 soit annulé et le jugement inscrit comme suit :

La demande est accueillie; la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du 18 novembre 2011, déclarant le désistement de la demande d’asile de Dequan Amatus Carlton Evans, est annulée et est renvoyée à une formation différemment constituée qui doit conclure qu’il ne s’est pas désisté de sa demande d’asile. Aucune question n’est certifiée;

3.                  Il est permis à Dequan Amatus Carlton Evans de retirer, modifier ou substituer tout renseignement présenté antérieurement à la SPR en son nom concernant sa demande d’asile, et la SPR ne doit pas, au moment d’examiner sa demande d’asile, tirer des conclusions défavorables ou négatives relativement à la crédibilité s’il s’avérait que de nouveaux documents soient grandement différents de ceux déjà déposés.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme,

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

IMM-1763-12

INTITULÉ :

DEQUAN AMATUS CARLTON EVANS c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 JUIN 2014

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

DATE DES MOTIFS 

7 JUILLET 2014

 

 

COMPARUTIONS :

Prasanna Balasundaram

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Downtown Legal Services

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.