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Date : 20140626


Dossier: T-152-13

Référence : 2014 CF 620

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 juin 2014

En présence de monsieur le juge Rennie

ENTRE :

ALLIANZ GLOBAL INVESTORS OF AMERICA LP

demanderesse

et

MIDDLEFIELD CAPITAL CORPORATION

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Allianz Global Investors of America LP (Allianz) interjette appel par voie de demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission des oppositions des marques de commerce de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (la Commission) rendue le 29 octobre 2012. Dans cette décision, la Commission a rejeté l’opposition d’Allianz à l’enregistrement de la marque de commerce INDEX PLUS INCOME FUND (la marque) par Middlefield Capital Corporation (Middlefield). Cet appel a été entendu en même temps que l’appel dans le dossier portant le numéro T-151-13. Une copie de la présente décision sera versée dans ce dossier et les motifs de la présente décision valent pour la décision rendue dans ledit dossier. 

[2]               Premièrement, la Commission a conclu qu’Allianz ne s’était pas acquittée de sa charge de présentation relativement à son opposition fondée sur sa contestation de la date à laquelle la marque fut employée pour la première fois. Plus particulièrement, la Commission a conclu que la preuve soumise par Middlefield n’allait pas manifestement à l’encontre de sa prétention suivant laquelle elle fournissait les services en liaison avec la marque depuis le 15 août 2003 (la première date d’emploi). 

[3]               Deuxièmement, la Commission a conclu qu’Allianz ne s’était pas acquittée de sa charge de présentation relativement à son opposition fondée sur l’absence de caractère distinctif de la marque. Plus particulièrement, la Commission a conclu qu’étant donné que Middlefield avait renoncé à l’emploi du mot INDEX dans sa demande, l’emploi du mot par des tiers, tel que le révèle le registre, ne remet pas en question le caractère distinctif de la marque Middlefield.

[4]               Troisièmement, la Commission a conclu qu’Allianz ne s’était pas acquittée de sa charge de présentation relativement à son opposition fondée sur le fait que la marque donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises ou services. Plus particulièrement, la Commission a écarté cet argument au motif qu’il s’agissait tout au plus d’une vague affirmation faite par Allianz.

[5]               Bien qu’Allianz doive avoir gain de cause quant à chacun de ses trois motifs d’appel afin que la Cour annule la décision, je suis d’avis que chacun des trois motifs sur lesquels la décision de la Commission repose résiste à l’examen effectué selon la norme de la raisonnabilité.  

I.                   La Commission a conclu de façon raisonnable qu’Allianz ne s’était pas acquittée de sa charge de présentation relativement à l’emploi antérieur de la marque

[6]               Le premier motif d’opposition a trait à l’emploi antérieur de la marque par Middlefield.

[7]               L’alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce (LRC, 1985, c T-13) (la Loi) prévoit que quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce qui a été employée au Canada doit communiquer la date à compter de laquelle la marque a été employée pour la première fois. Dans sa demande, Middlefield a déclaré que la date du premier emploi de sa marque était le 15 août 2003. Allianz a contesté ladite date de premier emploi. 

[8]               Afin de contester une date de premier emploi, un opposant doit tout d’abord s’acquitter de sa charge initiale de présentation. J’ai mentionné ce qui suit dans Corporativo de Marcas GJB, DA de CV c Bacardi & Company Ltd, 2014 CF 323, au paragraphe 28:

Lorsqu’il est question d’une inobservation fondée sur l’article 30 de la Loi, l’opposant doit s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante permettant d’étayer ses allégations selon lesquelles le requérant n’a pas respecté cette disposition. Si Bacardi présente une preuve suffisante du non-emploi de la marque, elle s’acquitte du fardeau initial qui lui incombe. Marcas doit ensuite, en réponse, prouver l’emploi de la marque qu’elle allègue durant la période pertinente.   

[9]               En l’espèce, l’opposante, Allianz, ne s’est pas acquittée de son fardeau initial de présentation.

[10]           Allianz tente de s’acquitter de son fardeau initial relativement à l’emploi sous deux aspects. Premièrement, Allianz prétend que Middlefield ne peut établir l’emploi aux termes de l’article 30 de la Loi étant donné que la marque n’a pas été employée pour la première fois par Middlefield à compter de la date qu’elle avance. À titre subsidiaire, Allianz prétend dans un deuxième temps que si tant est que la marque était employée par Middlefield, cette dernière ne peut établir l’emploi aux termes de l’article 30 de la Loi en raison de l’emploi non autorisé de la marque par des tiers. La Commission a écarté ces deux arguments de façon raisonnable. 

[11]           Le premier argument d’Allianz – selon lequel Middlefield n’emploie pas la marque depuis la première date d’emploi qu’elle avance – doit être écarté. Plus particulièrement, la preuve documentaire soumise à la Commission établit clairement l’emploi de la marque par Middlefield. Je ne passerai pas en revue l’intégralité de la preuve, mais je remarque, par exemple, que le prospectus émis par Middlefield et de nombreux documents d’information et de marketing ainsi que des rapports trimestriels datant du mois d’août 2003, et des années qui ont suivi, étayent l’emploi de la marque par Middlefield et la conclusion à laquelle j’en arrive ci‑dessous.  

[12]           Les documents de commercialisation démontrent invariablement que Middlefield fournit les services. Le facteur déterminant de l’analyse de l’emploi de la marque est la façon dont l’emploi est perçu par le public. Le « public » en l’espèce est composé d’investisseurs institutionnels avisés. Les marques de Middlefield se retrouvent dans tous les documents de commercialisation qui mentionnent le nom de Middlefield à titre de fournisseur des services. Dans la mesure où il est fait mention des filiales, comme c’est le cas pour Middlefield Securities Group, elle se fait sous l’enseigne de Middlefield Group, une autre marque déposée :

[13]           Le deuxième argument d’Allianz – selon lequel Middlefield n’a pas « employé » la marque étant donné qu’elle ne la contrôlait pas – doit aussi être écarté.

[14]           Afin d’utiliser la marque aux termes de l’article 30 de la Loi, le requérant doit démontrer non seulement qu’il a employé la marque, mais qu’il a exercé un contrôle sur la qualité et les caractéristiques de la marque. Le contrôle sur une marque n’empêche pas l’emploi de la marque par des tiers. En effet, un requérant peut octroyer une licence d’emploi de sa marque de commerce à une entité (voir : l’art 50 de la Loi). Toutefois, Allianz prétend que Middlefield n’avait pas le contrôle de sa marque étant donné qu’aucune licence n’a été octroyée par écrit par Middlefield, la propriétaire de la marque, à Middlefield Indexplus Management Ltd (MIML), le gestionnaire de la fiducie, qui emploie aussi la marque. En outre, Allianz fait valoir que Middlefield n’avait pas le contrôle de sa marque en raison de la nature collaborative de sa pratique. À cet égard, Allianz s’en remet au prospectus qui mentionne que MIML et Guardian Capital Inc agissent toutes deux à titre de conseiller en ce qui a trait aux conseils en matière de placements et qu’ils détiennent un veto sur les conseils de Middlefield. Autrement dit, il doit y avoir consensus en ce qui a trait aux décisions relatives aux placements du fonds. 

[15]           Allianz a raison de souligner que l’absence de contrat de licence écrit émousse la prétention de Middlefield selon laquelle elle contrôle sa marque. Toutefois, l’existence d’un contrat de licence n’est pas indispensable au maintien du contrôle sur une marque. Il est plutôt possible d’inférer l’existence d’un contrat de licence : Wakefield Realty Corp c Cushman & Wakefield, Inc, (2004) 37 CPR (4e) 212 (CAF), au paragraphe 56. Allianz prétend que Middlefield s’occupait de la promotion du fonds, en liaison avec cette marque, par l’intermédiaire de ses conseillers en placements. 

[16]           La Commission a abordé cette question lorsqu’elle a examiné l’emploi de la marque par les courtiers en valeurs mobilières inscrits qui ont fait la promotion et ont vendu des parts du fonds :  

[traduction]

Certains noms figurent dans les éléments matériels déposés par la demanderesse. La pièce E mentionne le nom de Middlefield INDEXPLUS Management Limited (un prédécesseur de Middlefield Fund Management Limited) à titre de gestionnaire et de fiduciaire de la Fiducie (la Fiducie étant un fonds de placement à capital fixe désigné sous le nom de INDEXPLUS INCOME FUND). Les conseillers au portefeuille de la Fiducie sont désignés sous les noms de Middlefield Securities Limited (l’ancien nom de la requérante) et de Guardian Capital Inc. (subséquemment désignée sous Guardian Capital LP). Un logo de Marchés mondiaux CIBC figure au bas de la première page, mais à la page 69 Marchés mondiaux CIBC Inc. est identifiée à titre d’agent, par ailleurs nombreux, qui se porte garant de la véracité du contenu du prospectus. Lors du contre-interrogatoire, M. Jesley a expliqué que Marchés mondiaux CIBC était l’un des agents principaux chargés de la promotion de ce fonds auprès des investisseurs et qu’il arrive que les courtiers en valeurs mobilières apposent leur propre logo au bas d’un prospectus à l’usage de leurs propres conseillers en placements.  

[17]           Le paragraphe 4(2) de la Loi stipule qu’une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services. De même, les tribunaux ont reconnu que la preuve de l’emploi d’une marque dans la chaine de distribution de son propriétaire fait preuve de son usage : Société Nationale des Chemins de Fer Français Sncf c Venic Simplon-Orient-Express Inc., (2000) 9 CPR (4e) 443 (C.F. 1re inst).

[18]           En somme, l’emploi de la marque Middlefield en liaison avec la distribution d’un prospectus et les demandes d’expression d’intérêt pour l’achat de parts auprès des courtiers en valeurs mobilières ou des agents de change constitue un emploi et non une perte de contrôle sur les caractéristiques du service en question. On peut facilement faire une analogie avec d’autres circonstances dans lesquelles l’emploi de la marque fut établi par un emploi en liaison avec des services auxiliaires qui étaient eux-mêmes l’objet de la vente en question : TSA Stores, Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) (2011), 91 CPR (4e) 324 (CF).

II.                La Commission a conclu de façon raisonnable qu’Allianz ne s’est pas acquittée de sa charge de présentation relativement au caractère distinctif de la marque  

[19]           Le deuxième motif d’opposition porte sur le caractère distinctif de la marque. Allianz prétend plus particulièrement que la marque ne possède pas de caractère distinctif pour deux raisons : premièrement, parce qu’elle était employée par les conseillers (Guardian et Middlefield Securities Limited) et le gestionnaire de fonds (Middlefield INDEXPLUS Management Limited), et deuxièmement, au motif que les marques INDEX, INDEX PLUS, INDICIEL & PLUS et INDICES & PLUS sont déposées en liaison avec des services similaires.

[20]           Le premier argument d’Allianz – selon lequel l’emploi de la marque par ses conseillers sape le caractère distinctif de la marque – doit être écarté pour les mêmes motifs pour lesquels le premier motif d’opposition d’Allianz relatif à l’emploi antérieur a été écarté. L’emploi autorisé d’une marque, qu’il soit exprès ou inféré, ne sape pas le caractère distinctif d’une marque.  

[21]           Le deuxième argument d’Allianz – selon lequel l’enregistrement de marques similaires sape le caractère distinctif de la marque Middlefield – doit aussi être écarté. Tel que la Commission l’a fait observer, la simple existence de ces enregistrements ne libère pas Allianz de sa charge de présentation initiale. Plus particulièrement, la Commission a mis en doute, de façon appropriée selon moi, la pertinence de la consultation du registre étant donné qu’elle a été effectuée quatre ans avant la date pertinente. De plus, Middlefield a renoncé à la marque INDEX, ce qui prive l’enregistrement d’autres marques de toute pertinence relativement au caractère distinctif de la marque Middlefield.  Tel que la Commission l’a fait observer : [traduction] « cela démontre tout au plus que le mot INDEX se retrouve souvent dans une marque de commerce. Le requérant a renoncé au droit d’employer le mot INDEX exclusivement et séparément de la marque. Par conséquent, l’existence d’autres marques distinctives qui comprennent le mot INDEX n’apporte rien à la cause de l’opposant. » La Commission a par conséquent rejeté de façon raisonnable les deux arguments d’Allianz relativement à l’absence de caractère distinctif de la marque.    

III.             La Commission a conclu de façon raisonnable qu’Allianz ne s’était pas acquittée de sa charge de présentation relativement au caractère descriptif de la marque    

[22]           Le troisième et dernier motif d’opposition porte sur le caractère descriptif de la marque. 

[23]           L’alinéa 12(1)b) de la Loi énonce « […] [qu’] une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants : […] elle donne une description claire […] de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée ».  

[24]           La Commission a rejeté ce motif de façon sommaire en faisant observer que sauf de vagues représentations à l’effet que la marque était descriptive, « aucune autre précision » n’a été apportée au soutien de ce motif.  

[25]           Devant moi, Allianz soutient que la marque INDEXPLUS est clairement descriptive d’un fonds de revenu ou de placements à revenu fixe, lequel, lorsqu’on le compare aux indices de rendement du marché (« index »), les surclasse (« plus »). Au soutien de cet argument, Allianz a fait remarquer l’admission du représentant de Middlefield, lors du contre-interrogatoire, selon laquelle la marque était « quelque peu élogieuse » (se référant vraisemblablement au mot « plus »).

[26]           Je ne peux accepter cet argument pour deux raisons. Premièrement, bien que je conçoive que l’argument relatif au caractère descriptif ait une certaine pertinence, il s’émousse au vu du fait que Middlefield avait renoncé à l’emploi du mot INDEX.  De plus, aucune argumentation valable selon laquelle la marque en tant qu’ensemble donnait une description claire plutôt que simplement suggestive, ce qu’un opposant doit démontrer pour avoir gain de cause, n’a été soumise à la Cour. Il est difficile de prétendre, dans ce contexte, que le rejet de ce motif d’opposition est déraisonnable.  


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties peuvent présenter de brèves observations sur les dépens dans les quinze jours suivant la présente décision.

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-152-13

INTITULÉ :

ALLIANZ GLOBAL INVESTORS OF AMERICA L.P. c MIDDLEFIELD CAPITAL CORPORATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 MAI 2014

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RENNIE

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 26 JUIN 2014

COMPARUTIONS :

Andrew R.O. Jones

POUR LA DEMANDERESSE

D. Paul Tackaberry

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sim Lowman Ashton & McKay LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Ridout and Maybee LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

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