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Date : 9 juillet 2014


Dossier : IMM-1898-13

Référence : 2014 CF 670

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 juillet 2014

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

JOZSEF JENO HORVATH

TIMEO BLAZSOVICS

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle un commissaire de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a jugé que les demandeurs n’avaient pas qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Je rejette la demande pour les motifs exposés ci-après.

I.                   GENÈSE DE L’INSTANCE

[2]               Les demandeurs, M. Jozsef Jeno Horvath (le demandeur d’asile principal) et Mme Timea Blazsovics (la demandeure d’asile) sont conjoints de fait et citoyens de la Hongrie. Ils affirment craindre la persécution en raison de leur origine rom.

[3]               Les demandeurs allèguent qu'ils subissaient de la discrimination quotidiennement. Quand les demandeurs étaient en public, les gens leur crachaient dessus et les harcelaient. Quand on les laissait entrer dans un magasin, les gardiens de sécurité les suivaient et leur demandaient de vider leurs poches. Dans les restaurants et les bars, on leur disait que le restaurant était complet ou on les faisait attendre très longtemps. Parfois, on leur disait que le restaurant ou le bar ne servait pas les Roms. Leurs voisins les menaçaient et ils ont été témoins de plusieurs marches de membres de la Garde hongroise. Les demandeurs n'ont signalé aucun de ces incidents à la police parce qu'ils estimaient que la police n'agirait pas.

[4]               Les demandeurs allèguent également avoir subi de la discrimination en matière d'accès à l'emploi, aux soins de santé, à l'éducation et aux logements. En particulier, les demandeurs allèguent qu'ils ont tous deux éprouvé de la difficulté à trouver un emploi permanent et que M. Horvath s'est vu refuser l'admission dans une école de formation professionnelle en raison de son origine ethnique.

[5]               Les demandeurs allèguent qu'au mois d’août 2010, ou vers cette date, trois hommes dans la rue les ont traités de [traduction] « sales gitans » au moment où ils quittaient leur résidence et les ont menacés de les tuer s'ils restaient en Hongrie. Les demandeurs ont demandé aux hommes pourquoi ils les injuriaient du fait qu'ils étaient des Roms et les hommes les ont agressés. Monsieur Horvath, qui a perdu connaissance pendant l'agression, a été hospitalisé. Il s'est rendu au poste de police afin de porter plainte. On l’a fait attendre quelques heures, puis on a fini par lui dire que les policiers étaient occupés et qu'il devrait revenir le lendemain. Il s'est présenté de nouveau le lendemain afin de porter plainte, mais a déclaré à l'audience qu'il n'a reçu aucun avis dans les semaines suivant le dépôt de la plainte. Il a également déclaré qu'il n'a fait aucun suivi concernant la plainte en expliquant qu'il avait entendu dire que la police ne faisait aucune enquête se rapportant aux plaintes déposées par des Roms.

[6]               Au mois de septembre 2010, ou vers cette date, un groupe armé a attaqué la résidence des demandeurs en criant [traduction] « trop de gitans comme vous habitent ce quartier et si vous ne partez pas, nous allons vous tuer tous, à commencer par vous ». Les demandeurs ont fui par la porte de la cour arrière. Monsieur Horvath et son père ont tenté de porter plainte à la police, mais les policiers ne les ont pas crus.

[7]               En février 2010, ou vers cette date, trois policiers auraient arrêté M. Horvath pendant qu'il conduisait la voiture de son beau-père. Les policiers lui ont dit que [traduction] « beaucoup de Roms sont accusés de vol » avant de fouiller la voiture et de vérifier l’identité des passagers.

II.                DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[8]               La Commission a indiqué que les demandeurs n’avaient « pas fourni les éléments de preuve clairs et convaincants nécessaires pour démontrer, selon prépondérance des probabilités, que la protection de l'État est insuffisante en Hongrie ». Monsieur Horvath a porté plainte à la police après l'agression physique, mais la Commission a souligné que M. Horvath n'a fait aucun suivi concernant sa plainte. De plus, la Commission a indiqué que dans le contexte du dossier, les demandeurs n'ont pas établi qu'ils n'avaient pas à faire des efforts raisonnables afin d'obtenir la protection de l'État après avoir déposé une plainte auprès de la police.

[9]               Après avoir effectué un examen approfondi de la preuve documentaire, la Commission a indiqué qu'elle préférait la preuve documentaire selon laquelle une protection de l'État efficace, quoique imparfaite, existait pour les citoyens roms de la Hongrie. La Commission a indiqué que la Hongrie est un pays démocratique et a reconnu que bien qu'il existe des éléments de preuve démontrant que les policiers commettent encore des abus contre certaines personnes, y compris les Roms, la preuve démontre également qu’il est raisonnable de s'attendre à ce que les autorités agissent dans de tels cas, et que les policiers et les représentants du gouvernement veulent protéger les Roms et sont en mesure de le faire. De plus, des organisations ont été mises sur pied afin de veiller à ce que les policiers répondent de leurs actes. Par conséquent, la Commission a conclu que la présomption selon laquelle une protection de l'État suffisante est offerte en Hongrie n'avait pas été réfutée.

[10]           La Commission a également examiné la preuve documentaire se rapportant à la réponse de l'État à la discrimination contre les Roms eu égard à l'allégation de M. Horvath concernant la discrimination éventuelle de la part des employeurs. La Commission a conclu que bien que la preuve documentaire révèle que les Roms sont victimes de « discrimination répandue » et d'« exclusion » en Hongrie, des recours sont possibles auprès de certains autres organismes, dont le commissaire parlementaire aux droits des minorités nationales et ethniques (ombudsman des minorités) et l'Autorité pour l'égalité de traitement, laquelle « offre aux personnes un mécanisme par l’entremise duquel celles-ci peuvent directement demander réparation à l’égard des violations de l'interdiction de discrimination en matière de discrimination commises dans divers contextes relevant du droit privé et public ».

[11]           En s'appuyant sur ses conclusions à l'égard de la protection de l'État, la Commission a donc conclu que les demandeurs n'avaient pas qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger. Je tiens à faire remarquer que la Commission n'a tiré aucune conclusion défavorable quant à la crédibilité des demandeurs.

III.             QUESTIONS EN LITIGE

[12]           Le demandeur a soulevé un certain nombre de questions concernant l'analyse de la Commission sur la protection de l'État, la persécution et l'article 97 de la LIPR.   

[13]           Ces questions peuvent à mon avis être formulées comme suit :

A.     L'analyse de la Commission sur la protection de l'État est-elle raisonnable?

B.     L'analyse de la Commission sur la persécution est-elle raisonnable?

C.     La Commission a-t-elle commis une erreur en ne se livrant pas à une analyse distincte fondée sur l'article 97 de la LIPR?

IV.             NORME DE CONTRÔLE

[14]           Le demandeur n'a fait aucune observation concernant la norme de contrôle. Je conviens avec le défendeur que la norme de contrôle applicable aux conclusions concernant la protection de l’État et l'absence de persécution est celle du caractère raisonnable : Horvath c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 313, aux paragraphes 15 et 16; Ndegwa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 847, au paragraphe 7.

V.                ANALYSE

A.                PREMIÈRE QUESTION : L'analyse de la Commission sur la protection de l'État est-elle raisonnable?

[15]           Les demandeurs avaient le fardeau d'établir l’existence d’une crainte de persécution. Comme la Hongrie est une démocratie qui fonctionne, les demandeurs étaient tenus d'établir, en présentant une preuve claire et convaincante, que l'État n’était pas disposé ni apte à les protéger de manière significative : Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689 [Ward]; Guzman Sanchez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 66; Hinzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CAF 171 [Hinzman]. 

[16]           Le conseil des demandeurs a cité cinq jugements où la Cour a fait droit à la demande de contrôle judiciaire présentée par des Roms de Hongrie : Orgona c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 1438, Buri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 1538, Pinter c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 1119, Hercegi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 250, et Rezmuves c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 334. Le conseil des demandeurs s'appuie sur ces jugements pour affirmer que la Cour devrait être cohérente dans son examen des demandes de contrôle judiciaire concernant le caractère suffisant de la protection de l'État. Plus particulièrement, le conseil des demandeurs soutient qu'étant donné que la Cour a conclu dans ces affaires que les Roms de Hongrie ne bénéficiaient pas d'une protection de l'État suffisante, il était déraisonnable pour la Commission de conclure que la protection de l'État était suffisante en l’espèce.

[17]            Toutefois, comme l'indique le juge Harrington dans le jugement Varga c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2014 CF 510 [Varga], au paragraphe 20 :

Chaque décision dépend de la situation personnelle de la partie demanderesse, de la preuve, du caractère adéquat de l’analyse effectué par le Tribunal et, en fait, de l’appréciation de la preuve par les différents juges de la Cour (Banya c Canada (Citoyenneté et de l'Immigration), 2011 CF 313, [2011] ACF no 393 (QL), au paragraphe 4.

[18]           Dans le cas présent, la Commission a examiné attentivement la preuve qui lui a été présentée et a conclu que les demandeurs n'avaient pas réfuté la présomption de la protection de l'État au moyen d’éléments de preuve clairs et convaincants. La Commission a accepté le témoignage des demandeurs selon lequel ils avaient porté plainte à la police après l'agression physique et avaient tenté de porter plainte après l'attaque menée contre leur résidence. Toutefois, la Commission a fait remarquer qu'ils n’avaient fait aucun suivi auprès de la police pour les deux incidents et a rejeté leur explication selon laquelle on leur avait dit que la police ne faisait aucun suivi quand il s'agissait d'une plainte déposée par un Rom. La Commission a également accepté le témoignage des demandeurs selon lequel ceux-ci, en tant que membres de la minorité ethnique des Roms, font l'objet d’« exclusion » et de « discrimination répandue » en ce qui concerne l'éducation, l'emploi, le logement et l’accès aux services sociaux en Hongrie. Toutefois, la Commission a indiqué qu'elle préférait la preuve documentaire selon laquelle une protection de l'État suffisante, quoique imparfaite, était offerte. En particulier, elle a conclu, après avoir examiné les documents relatifs à ce pays, que le gouvernement central est motivé et disposé à mettre en œuvre des mesures visant à protéger les Roms et que ces mesures, quoique imparfaites, sont appliquées sur le terrain. De plus, la Commission a indiqué que selon les documents, les Roms et aux autres personnes insatisfaites des réponses des policiers à la suite de leur plainte disposent de recours. En s'appuyant sur ces conclusions, la Commission a estimé que l'État offrait une protection suffisante.

[19]            Je suis d'accord avec le défendeur pour affirmer que les conclusions de la Commission concernant la protection de l'État sont des conclusions factuelles qui ne peuvent être réfutées que si le demandeur démontre que ces conclusions sont abusives, arbitraires ou tirées sans tenir compte des éléments de preuve.

[20]           La juge Gleason a récemment examiné le sens de conclusions « abusives », « arbitraires » et « tirées sans tenir compte des éléments de preuve » dans l’affaire Rahal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 319, aux paragraphes 36 à 38 :

[36]           Dans l’arrêt de principe Rohm & Haas, portant sur l’interprétation de l’alinéa 18(1)d) de la LCF, le juge en chef Jacket a attribué le sens suivant au mot « abusif » : « avoir statué sciemment à l’opposé de la preuve » (au paragraphe 6). Au vu de cette définition, relativement peu de conclusions pourront être jugées abusives.

[37]           La définition du mot « arbitraire » est un peu moins contraignante. Dans l’arrêt Khakh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 116 FTR 310, [1996] ACF no 980, au paragraphe 6, le juge Campbell indique, en renvoyant à la définition figurant dans le dictionnaire, que le mot « arbitraire » signifie qui dépend du caprice, qui est soumis au libre arbitre ou à la fantaisie et entraîne des changements d’intérêt et d’attitude, et qui n’est pas guidé par un jugement, une intention ou un objectif continu. Dans l’arrêt Matando c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 416, au paragraphe 1, [2005] ACF no 509, le juge Harrington va plus ou moins dans le même sens en indiquant que le terme « arbitraire » désigne quelque chose « qui est irrégulier au point de sembler ne pas être conforme au droit ». Le principe qui se dégage de nombreuses décisions est que les conclusions qui sont fondées sur des hypothèses sont arbitraires. Dans l’arrêt Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Satiacum (1989), 99 NR 171, [1989] ACF no 505 (CAF), au paragraphe 33, le juge MacGuigan, s’exprimant au nom de la Cour, a formulé les observations suivantes sur les hypothèses :

La différence entre une déduction justifiée et une simple hypothèse est reconnue depuis longtemps en common law. Lord Macmillan fait la distinction suivante dans Jones c. Great Western Railway Co. [renvoi omis] :

[TRADUCTION] Il est souvent très difficile de faire la distinction entre une hypothèse et une déduction. Une hypothèse peut être plausible mais elle n’a aucune valeur en droit puisqu’il s’agit d’une simple supposition. Par contre, une déduction au sens juridique est une déduction tirée de la preuve et si elle est justifiée, elle pourra avoir une valeur probante. […]

[38]           Pour finir, en ce qui concerne la troisième condition établie par l’alinéa 18.1(4)d), la jurisprudence reconnaît qu’une conclusion qui n’est soutenue par aucun élément de preuve sera annulée parce que cette conclusion a été tirée par le tribunal sans tenir compte des éléments dont il disposait (voir, par exemple, l’arrêt Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes c Healy, 2003 CAF 380, au paragraphe 25, [2003] ACF no 1517). Au-delà de cela, il est difficile d’établir une ligne de démarcation nette. L’arrêt Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35, [1998] ACF no 1425) [Cepeda-Gutierrez], fréquemment cité, contient une analyse utile du genre de conclusions erronées qui pourraient répondre à la norme d’une décision rendue « sans tenir compte des éléments » dont le tribunal disposait, ce qui est fort différent d’une conclusion non étayée par la preuve. Dans cette décision, le juge Evans (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale), a écrit, aux paragraphes 14 à 17 :

[…] pour justifier l'intervention de la Cour en vertu de l'alinéa 18.1(4)d), le demandeur doit convaincre celle-ci, non seulement que la Commission a tiré une conclusion de fait manifestement erronée, mais aussi qu’elle en est venue à cette conclusion « sans tenir compte des éléments dont [elle disposait] » […]

        La Cour peut inférer que l’organisme administratif en cause a tiré la conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » du fait qu’il n’a pas mentionné dans ses motifs certains éléments de preuve dont il était saisi et qui étaient pertinents pour la conclusion, et en arriver à une conclusion différente de celle de l’organisme. Tout comme un tribunal doit faire preuve de retenue à l’égard de l’interprétation qu’un organisme donne de sa loi constitutive, s’il donne des motifs justifiant les conclusions auxquelles il arrive, de même un tribunal hésitera à confirmer les conclusions de fait d’un organisme en l’absence de conclusions expresses et d’une analyse de la preuve qui indique comment l’organisme est parvenu à ce résultat.

[16]         Par ailleurs, les motifs donnés par les organismes administratifs ne doivent pas être examinés à la loupe par le tribunal [renvoi omis] [...] et il ne faut pas non plus les obliger à faire référence à chaque élément de preuve dont ils sont saisis et qui sont contraires à leurs conclusions de fait, et à expliquer comment ils ont traité ces éléments de preuve [...] Imposer une telle obligation aux décideurs administratifs, qui sont peut-être déjà aux prises avec une charge de travail imposante et des ressources inadéquates, constituerait un fardeau beaucoup trop lourd. Une simple déclaration par l’organisme dans ses motifs que, pour en venir à ses conclusions, il a examiné l’ensemble de la preuve dont il était saisi suffit souvent pour assurer aux parties, et au tribunal chargé du contrôle, que l’organisme a analysé l’ensemble de la preuve avant de tirer ses conclusions de fait.

[17]         Toutefois, plus la preuve qui n’a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l’organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l’organisme a tiré une conclusion de fait erronée « sans tenir compte des éléments dont il [disposait] ». […] Autrement dit, l’obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve en question au regard des faits contestés. Ainsi, une déclaration générale affirmant que l’organisme a examiné l’ensemble de la preuve ne suffit pas lorsque les éléments de preuve dont elle n’a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion. Qui plus est, quand l’organisme fait référence de façon assez détaillée à des éléments de preuve appuyant sa conclusion, mais qu’elle passe sous silence des éléments de preuve qui tendent à prouver le contraire, il peut être plus facile d’inférer que l’organisme n’a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait.

[Non souligné dans l’original, renvois omis.]

[21]           À mon avis, il était loisible à la Commission de tirer ses conclusions sur la protection de l'État compte tenu de la preuve dont elle disposait. 

[22]           Pour ce motif, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que les demandeurs veulent que la Cour apprécie de nouveau la preuve. Ce n'est pas le rôle de la Cour dans le cadre d'un contrôle judiciaire : Jiang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 635, au paragraphe 15; Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CAF 125, au paragraphe 9; Velinova c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 268, au paragraphe 21.

B.                 DEUXIÈME QUESTION : L'analyse de la Commission de la persécution est-elle raisonnable?

[23]           Comme la conclusion quant au caractère suffisant de la protection de l'État est déterminante, il n'est pas nécessaire que j'examine si la Commission a commis une erreur en ne concluant pas que la discrimination alléguée n'équivaut pas à de la persécution.

C.                 TROISIÈME QUESTION : La Commission a-t-elle commis une erreur en ne se livrant pas à une analyse distincte fondée sur l'article 97 de la LIPR?

[24]           Le demandeur s'appuie sur le jugement Dunkova c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2010 CF 1322 [Dunkova], pour affirmer que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en ne se livrant pas à une analyse distincte fondée sur l'article 97 de la LIPR en dépit des conclusions défavorables qu’elle a tirées quant à la crédibilité.    

[25]           Je souscris à l'opinion du défendeur selon laquelle la Commission n'était pas tenue d'effectuer une analyse distincte fondée sur l'article 97 de la LIPR. Comme l'indique le défendeur, une distinction peut être établie entre la présente affaire et le jugement Dunkova se distingue du fait que la question déterminante dans cette affaire portait sur la crédibilité et non la protection de l'État. La Commission n'est pas tenue d'effectuer une analyse distincte fondée sur l'article 97 de la LIPR si la question déterminante porte sur la protection de l'État, étant donné que les conclusions tirées quant à la protection de l'État sont également valides suivant les articles 96 et 97 de la LIPR : Racz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 436, au paragraphe 7 :      

 [7]               Quelle que soit la norme de contrôle applicable, la décision de la Commission ne saurait être modifiée puisque, au vu des précédents susmentionnés, il n’était pas nécessaire que la Commission, dans la présente affaire, effectue une analyse distincte au regard de l’article 97. La présente affaire est assimilable aux décisions Balakumar, Brovina et Kaleja parce que les conclusions sur l’existence d’une protection de l’État étaient valides à la fois aux termes de l’article 96 et aux termes de l’article 97 de la LIPR. Il n’était donc pas nécessaire que la Commission analyse séparément la question de savoir si, n’eût été l’existence d’une protection de l’État, les demandeurs auraient autrement été considérés comme des personnes à protéger au sens de l’article 97 de la LIPR.

[26]           Les parties n’ayant proposé aucune question grave de portée générale, aucune ne sera donc certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-1898-13

INTITULÉ :

JOZSEF JENO HORVATH, TIMEA BLAZSOVICS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

7 mai 2014

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :

LE 9 JUILLET 2014

COMPARUTIONS :

Joseph Farkas

Pour les demandeurs

Nicholas Dodokin

Pour LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Joseph Farkas

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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