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Date : 20140709


Dossier : IMM-13202-12

Référence : 2014 CF 669

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 juillet 2014

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

AMBER SIDDIQUI, SANA SIDDIQUI (REPRÉSENTÉE PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE AMBER SIDDIQUI), ZAINA SIDDIQUI (REPRÉSENTÉE PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE AMBER SIDDIQUI), ET SOHA SIDDIQUI (REPRÉSENTÉE PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE AMBER SIDDIQUI)

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

Le contexte

[1]               La demanderesse principale et ses trois filles sont citoyennes du Pakistan. Elles ont demandé l’asile au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). La demanderesse principale allègue avoir été victime de violence familiale de la part de son époux, qui appartient à un groupe terroriste religieux extrémiste ayant été banni, le Lashkar‑e‑Jhangvi Pakistan (le LJP). L’époux de la demanderesse principale voulait des fils, et non des filles, et il battait la demanderesse et leurs filles. Parce que sa famille avait beaucoup d’influence et que le groupe religieux auquel il appartenait était influent, la police refusait de prendre des mesures contre lui. L’époux de la demanderesse principale l’a accusée d’entretenir une relation avec son cousin et il a en outre limité ses déplacements. Il a déjà enfermée cette dernière dans leur maison, et les parents de la demanderesse principale ont dû aller à sa rescousse.

[2]               La demanderesse principale affirme qu’en mars 2011, elle était à bord d’un pousse‑pousse lorsqu’elle a aperçu son époux et un autre homme sur une motocyclette. Ce dernier a tiré sur la demanderesse, mais il a atteint le tireur du pousse‑pousse. Le lendemain, la demanderesse principale s’est enfuie à Hyderabad, chez une amie. Elle a rencontré un avocat qui lui a conseillé d’éviter les confrontations compte tenu des liens de son époux avec le LJP. Un ami de son époux a aperçu la demanderesse principale, et celle‑ci a par la suite craint de ne plus être en sécurité à Hyderabad. Elle a pris des dispositions afin de partir en voyage et, le mois suivant, elle s’est enfuie au Canada.

La décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

[3]               Dans sa décision datée du 3 octobre 2012, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que les demanderesses n’ont pas qualité de réfugié au sens de la Convention au titre de l’article 96, puisqu’elles ne craignent pas avec raison d’être persécutées au Pakistan pour l’un des cinq motifs prévus dans la Convention. Cette conclusion n’est pas contestée.

[4]               La SPR a également conclu que les demanderesses n’ont pas qualité de personne à protéger au titre de l’article 97, car, selon la prépondérance des probabilités, leur renvoi au Pakistan ne les exposerait pas personnellement au risque d’être soumises à la torture, à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. La SPR a affirmé qu’elle s’était penchée sur la crédibilité des demanderesses et que la question déterminante en l’espèce était la protection de l’État. Elle a aussi affirmé avoir tenu compte des directives données par le président en application du paragraphe 65(3) de la Loi sur l’immigration intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe (les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe).

[5]               La SPR a affirmé avoir traité de façon simultanée les questions de crédibilité et de protection de l’État parce qu’elles sont inextricablement liées. Elle a notamment souligné que le voyage des demanderesses au Canada n’était aucunement documenté. La demanderesse principale a été incapable de confirmer quand elle a quitté le Pakistan ni quand elle est arrivée au Canada. La SPR a fait remarquer que, par conséquent, il était impossible d’analyser de manière fiable des questions éventuelles comme le retard à demander l’asile et le défaut de demander l’asile ou la présentation antérieure d’une demande d’asile dans un autre pays. Elle a aussi souligné que la demanderesse principale avait affirmé dans son témoignage avoir quitté le Pakistan le 7 mai, alors que, selon son Formulaire de renseignements personnels (le FRP), elle aurait quitté le pays le 8 mai 2011. Étant donné qu’il s’agissait seulement d’une incohérence de peu d’importance, la SPR a dit ne tirer aucune conclusion défavorable relativement à la crédibilité, mais elle a estimé que c’était d’une autre indication que la preuve présentée par la demanderesse principale n’était pas fiable.

[6]               En outre, la demanderesse principale a affirmé dans son témoignage que son vol était parti d’Hyderabad, mais, selon son FRP, elle aurait en fait pris l’avion à Karachi. Elle a attribué cette incohérence au stress, mais la SPR a rejeté cette explication et a tiré une conclusion défavorable relativement à la crédibilité; elle a fait remarquer que cette question avait un lien avec son voyage à destination du Canada et ses allées et venues avant le voyage. La SPR a aussi souligné l’absence de document corroborant la séparation de la demanderesse principale d’avec son époux; l’influence de la famille de son époux; et l’appartenance de son époux à un groupe religieux ou terroriste. En outre, la demanderesse principale a déclaré qu’elle avait reçu des soins médicaux après la première agression grave qui se serait produite en octobre 2010, mais aucun document n’attestait cette déclaration et elle n’a pas mentionné dans son FRP les soins médicaux qu’elle avait reçus. La demanderesse principale a attribué cette omission au stress et au fait qu’elle devait s’occuper de ses enfants lorsqu’elle a rempli son FRP, mais la SPR n’a pas accepté cette explication parce que, encore une fois, la demanderesse principale n’avait aucun document corroborant qu’elle avait reçu des soins. La SPR a donc tiré une conclusion défavorable relativement à la crédibilité.

[7]               La SPR a souligné que la demanderesse principale n’a pas signalé les incidents allégués à la police. La demanderesse principale a affirmé qu’elle craignait que son époux devienne encore plus agressif si elle portait plainte contre lui, que la police n’était ni utile ni fiable et qu’il aurait fallu qu’elle sacrifie son respect de soi si elle faisait un tel signalement.

[8]               La SPR a mentionné qu’elle aurait pu accepter que la demanderesse principale n’ait pas demandé à l’État de la protéger contre la violence familiale parce que, selon la preuve documentaire dont elle disposait, la protection de l’État dans les cas de violence familiale n’existe peut‑être pas toujours au Pakistan. Cependant, l’État a récemment fait des efforts pour améliorer la situation, et la preuve concernant le caractère adéquat de la protection de l’État offerte aux femmes battues au Pakistan est partagée. Puisque la demanderesse principale n’a pas tenté d’obtenir une telle protection, il est impossible de savoir si la protection de l’État aurait été adéquate.

[9]               La SPR a affirmé qu’elle ne pouvait pas accepter que la demanderesse principale n’ait pas signalé la prétendue fusillade à la police. Elle a conclu que la police aurait mené une enquête sur une fusillade au cours de laquelle un tireur de pousse‑pousse aurait été atteint par balle et qu’il est très probable que la police aurait poursuivi l’époux de la demanderesse principale puisqu’il s’agit d’un crime grave, et ce, même si ce crime était lié à de la violence familiale. La SPR a conclu que la demanderesse principale n’avait pas tenté d’obtenir la protection de l’État alors que cette protection aurait été adéquate vu les crimes que son époux aurait commis, et qu’elle a plutôt choisi de s’enfuir au Canada. Il s’agit là de la question déterminante. En outre, la demanderesse principale n’a soumis aucun document issu des médias ni aucun autre type d’élément de preuve documentaire témoignant de l’incident et elle ne se souvenait plus du nom de la rue où l’incident avait eu lieu.

[10]           La SPR a accordé peu de poids à une lettre d’un avocat que la demanderesse principale aurait consulté et à la déclaration sous serment d’une amie, parce qu’elle ne pouvait pas expliquer pourquoi, comme en témoigne le bordereau de livraison, ces deux documents auraient été envoyés par quelqu’un d’autre que son amie, alors que la demanderesse principale avait affirmé que c’était son amie qui les lui avait fait parvenir. En outre, la demanderesse principale n’a soumis aucun élément de preuve documentaire établissant qu’elle avait payé l’avocat pour la consultation. La SPR a remis en question l’authenticité des documents, mais elle n’a pas conclu qu’ils n’étaient pas authentiques.

Analyse

[11]           La norme de contrôle applicable en matière d’appréciation de la crédibilité est celle de la décision raisonnable (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1993] ACF no 732, paragraphe 4 (CA) (Aguebor); Vargas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 484, au paragraphe 9). L’appréciation, l’interprétation et l’examen de la preuve concernant la protection de l’État sont aussi des questions susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Hinzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, au paragraphe 38; Burai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 565, au paragraphe 22).

[12]           La demanderesse principale allègue que les conclusions relatives à la crédibilité tirées par la SPR révèlent que cette dernière a mal compris et mal appliqué les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe. Or, la demanderesse principale n’offre aucune autre explication à cet égard et elle ne nous dit pas non plus l’effet que cela aurait pu avoir sur l’issue de la décision. Soulignons aussi que, pendant l’audience, lorsqu’elle a interrogé la demanderesse principale concernant la fréquence des incidents de violence familiale, la SPR lui a dit qu’elle n’était pas obligée de répondre à la question si c’était trop difficile d’y penser. À mon avis, cela donne à penser que la SPR a non seulement pris acte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, mais qu’elle les a aussi appliquées (Mabuya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 372, aux paragraphes 7 et 9).

[13]           En outre, la plupart des conclusions relatives à la crédibilité ne portaient pas sur des questions nécessitant l’application des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe; elles portaient plutôt sur des incohérences ainsi que sur le manque d’éléments de preuve étayant les dires de la demanderesse principale; il était d’ailleurs raisonnable de s’attendre à ce que celle‑ci fournisse ces éléments de preuve. Pensons au fait que la demanderesse principale s’est trompée lorsqu’elle a dit dans quelle ville elle avait pris son avion et qu’elle n’a pas réussi à expliquer de façon adéquate les éléments de preuve contradictoires à cet égard. Notons aussi qu’elle n’a soumis aucun document ayant trait à sa séparation d’avec son époux; à la prétendue rencontre avec l’avocat; à l’influence de la famille de son époux et du groupe auquel ce dernier appartient; aux soins médicaux reçus à la suite de l’agression qui avait eu lieu en octobre 2012, ni aucun document des médias concernant la fusillade au cours de laquelle un tireur de pousse‑pousse aurait été atteint par balle. Comme la Cour l’a déjà mentionné, les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, en soi, ne sauraient constituer une panacée visant à pallier toutes les lacunes que comporte la demande d’asile ou la preuve, et il incombe à la demanderesse d’établir le bien‑fondé de sa demande (Karanja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 574, aux paragraphes 4 à 8).

[14]           Pendant l’audience, on a demandé à la demanderesse principale si elle avait quelque document que ce soit – carte d’embarquement, billet, bulletin de bagage, document d’aéroport, relevé de carte de crédit, permis de conduire renouvelé, etc. – qui démontrerait qu’elle était au Pakistan à un moment ou à un autre en 2011. Elle a produit un permis de conduire délivré en 2008 ainsi que sa carte d’identité nationale que son amie lui avait fait parvenir et qui lui avait été délivrée en 2005. La demanderesse n’a aucunement expliqué pourquoi elle était incapable de confirmer quand elle avait vécu au Pakistan et quand elle était arrivée au Canada. Bien qu’il eut été préférable que la SPR le formule plus clairement, le manque de document témoignant du voyage de la demanderesse au Canada a, de façon raisonnable, soulevé des doutes quant au bien‑fondé de sa demande (Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1030, au paragraphe 8).

[15]           En outre, l’allégation de la demanderesse principale selon laquelle il ressort du dossier qu’elle est partie de Hyderabad, mais qu’elle a pris l’avion à Karachi, et qu’il ne s’agit donc pas d’une contradiction, ne résiste pas à un examen du dossier. Lorsque la SPR lui a posé la question, la demanderesse a déclaré avoir pris l’avion à destination de Toronto à Hyderabad; elle l’a répété lorsque son avocat lui a posé une question et elle a confirmé en être certaine. Ce n’est que lorsque son avocat lui a fait remarquer que, selon son FRP, elle aurait pris l’avion à Karachi qu’elle a affirmé qu’elle n’avait peut‑être pas donné exactement les mêmes réponses parce que le voyage avec ses jeunes enfants l’avait stressé. Comme le défendeur le souligne, l’explication de la demanderesse principale pour justifier la contradiction quant à la ville où elle a pris l’avion aurait pu expliquer la fausse déclaration dans son FRP, mais elle n’explique nullement la contradiction dans le témoignage de vive voix que la demanderesse principale a donné par la suite. Le dossier n’étaye pas lui non plus la prétention de la demanderesse principale selon laquelle elle a seulement confondu la ville d’où elle était partie et la ville où elle a pris son avion. La SPR a clairement mentionné qu’elle n’acceptait pas l’explication de la demanderesse principale et, sur le fondement de cette contradiction, elle a tiré une conclusion défavorable relativement à la crédibilité. La SPR n’était pas tenue d’accepter l’explication qui lui a été donnée pour justifier cette contradiction (Gjuraj c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 483, au paragraphe 14; Gulabzada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 547, au paragraphe 9).

[16]           En ce qui concerne la journée où elle a quitté le Pakistan, il ressort aussi clairement de la décision que la SPR n’a pas tiré de conclusion défavorable du fait que la demanderesse principale a dit dans son témoignage qu’elle avait quitté le pays le 7 mai, alors que, selon son FRP, elle aurait plutôt quitté le Pakistan le 8 mai. La SPR a toutefois mentionné qu’il s’agissait d’un autre élément dont il fallait tenir compte dans le cadre de l’appréciation générale de la fiabilité de la preuve de la demanderesse principale.

[17]           Il s’agirait certes d’une erreur que de tirer des conclusions défavorables relativement à la crédibilité simplement parce que la preuve documentaire est lacunaire, mais pareille conclusion n’a pas été tirée en l’espèce (Amarapala c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] ACF n62, au paragraphe 10 (1re inst.); Dayebga c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 842, aux paragraphes 27 et 28). La SPR a clairement mentionné que la question de la crédibilité était en jeu et que c’est sur ce fondement qu’elle avait tiré cette conclusion (Hilo c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 15 Imm LR (2d) 199 (CAF); Younes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1122, au paragraphe 2). La SPR a affirmé être préoccupée par le manque d’élément de preuve documentaire concernant le voyage de la demanderesse principale au Canada et par les contradictions dans son témoignage. Dans ces circonstances, la SPR était en droit de s’attendre à être saisie de documents corroborants que la demanderesse principale aurait dû, de façon raisonnable, pouvoir obtenir. Pensons au document lié aux soins médicaux que la demanderesse a reçu après l’agression d’octobre 2010, surtout étant donné qu’elle a été capable de produire une lettre de l’avocat qu’elle avait consulté et l’affidavit d’une amie, qui lui avaient été envoyés après son arrivée au Canada.

[18]           La demanderesse principale a tort d’affirmer que la SPR n’a pas fait mention de l’affidavit de son amie dans la décision. La demanderesse principale n’a pas été en mesure d’expliquer de façon adéquate qui avait envoyé l’affidavit et la lettre de l’avocat lorsque cette incohérence a été soulevée par la SPR. Il était donc loisible à la SPR d’accorder peu de poids à la lettre et à l’affidavit. Bien que la SPR ait souligné que les documents frauduleux étaient chose courante au Pakistan, elle n’a pas conclu que les documents n’étaient pas authentiques.

[19]           En ce qui concerne la conclusion de la SPR selon laquelle la police aurait mené une enquête sur la fusillade si elle avait été signalée, il est vrai que la SPR, sans élément de preuve documentaire à l’appui, ne pouvait pas l’affirmer avec certitude. Cependant, la SPR peut tirer des conclusions fondées sur l’invraisemblance, le bon sens et la raison (Aguebor, précité, paragraphe 4). L’incident était peut‑être lié à de la violence familiale, mais la fusillade qui en a résulté a eu lieu en plein jour sur la rue principale de Karachi et un homme innocent a été blessé par balle. Il était raisonnable de conclure qu’une enquête aurait été menée, mais la conclusion subséquente que la SPR a tirée, à savoir qu’il « aurait été adéquat dans le cas des prétendus crimes commis par son époux » que la demanderesse principale demande la protection de l’État à la suite de la fusillade, reposait sur des conjectures.

[20]           La demanderesse principale soutient que la SPR ne s’est pas demandé, même si elle avait conclu que la fusillade n’avait pas eu lieu, si le reste de son récit était véridique. Or, la SPR avait déjà soulevé les doutes quant à la crédibilité dont il a été question ci‑dessus. À mon avis, après examen de la décision et du dossier, et en particulier de la transcription de l’audience, et vu les doutes exprimés par la SPR en raison des contradictions, vu l’omission dans la preuve de la demanderesse principale et vu le manque d’élément de preuve documentaire à l’appui de la demande, les conclusions relatives à la crédibilité tirées par la SPR étaient raisonnables.

[21]           En ce qui concerne la question de la protection de l’État, compte tenu des doutes de la SPR quant à la crédibilité, celle‑ci n’était pas tenue d’effectuer une analyse relativement à la protection de l’État (Podhraczky c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1079). Dans la décision Gomez Gonzalez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1132, le juge de Montigny a mentionné ce qui suit :

[25]      En d’autres termes, la Cour n’a aucune raison d’intervenir car la possibilité d’obtenir la protection de l’État est fondée sur une conclusion favorable concernant la crédibilité. Selon la jurisprudence de la Cour, lorsqu’il est évident qu’un résultat différent ne peut être obtenu dans le cadre d’une nouvelle audience, la procédure appropriée consiste à refuser une ordonnance portant tenue d’une nouvelle audience (Zambo c. Canada (M.C.I.), 2002 CFPI 414, [2002] A.C.F. no 539; Popov c. Canada (M.C.I.), 75 F.T.R. 90 (C.F.), [1994] A.C.F. no 489).

[22]           Ce principe a été repris dans la décision Flores c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 503 :

[30]      Cependant, l’analyse concernant la disponibilité de la protection de l’État ne devrait s’effectuer que dans la mesure où la crainte subjective de persécution du demandeur d’asile a été préalablement établie par le tribunal chargé de l’enquête. C’est seulement à compter d’une crainte subjective établie de persécution que le reste de l’analyse, dont l’analyse de la disponibilité de la protection de l’État, peut s’effectuer adéquatement.

[31]      En d’autres mots, sauf dans des cas exceptionnels, on ne devrait pas procéder à l’analyse de la disponibilité de la protection de l’État sans avoir au préalable établi l’existence d’une crainte subjective de persécution. Le tribunal responsable des questions de fait devrait donc analyser la question de la crainte subjective de persécution, ou autrement dit, se prononcer sur la crédibilité du demandeur d’asile et sur la vraisemblance de son récit, avant d’aborder le volet de la crainte objective, ce dernier volet comprenant une analyse de la disponibilité de la protection de l’État.

[23]           Par conséquent, même si l’analyse de la SPR était sommaire, compte tenu des conclusions relatives à la crédibilité qu’elle a tirées et que j’ai d’ailleurs estimées raisonnables, la demande des demanderesses ne pouvait pas être accueillie.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.                   La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                   Aucune question n’est certifiée.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-13202-12

 

INTITULÉ :

AMBER SIDDIQUI, SANA SIDDIQUI (REPRÉSENTÉE PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE AMBER SIDDIQUI), ZAINA SIDDIQUI (REPRÉSENTÉE PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE AMBER SIDDIQUI), ET SOHA SIDDIQUI (REPRÉSENTÉE PAR SA TUTRICE À L’INSTANCE AMBER SIDDIQUI) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

ToRONTO (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 MARS 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 9 JUILLET 2014

 

COMPARUTION :

Sarah L. Boyd

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Christopher Ezrin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sarah L. Boyd

Avocate

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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