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Date : 20140708


Dossier : IMM-7021-13

Référence : 2014 CF 665

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2014

En présence de madame la juge Gagné

ENTRE :

LORENA MACATAGAY

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

Introduction

[1]               La demanderesse, citoyenne philippine, est arrivée au Canada en 2007 et elle a maintenant épuisé les moyens offerts par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [Loi] afin d’obtenir sa résidence permanente au Canada. Sa seconde demande de résidence permanente pour des considérations humanitaires a été rejetée le 15 mai 2014 et, en date du 30 juin 2014, aucune demande de contrôle judiciaire de cette décision n’avait été déposée devant cette Cour. À un certain point, elle a été parrainée par un ex-époux, mais celui-ci demande maintenant, devant la Cour supérieure du Québec, la nullité de son mariage avec la demanderesse, après seulement 7 mois de vie commune. Il invoque notamment que la demanderesse l’aurait épousé dans le seul but d’obtenir un statut en vertu de la Loi. Dans sa défense et demande reconventionnelle, la demanderesse nie ce fait et demande plutôt que le divorce soit prononcé et qu’une pension alimentaire mensuelle de 500$ lui soit octroyée. L’audition de cette cause est fixée pour les 2 et 3 septembre prochains au palais de justice de Montréal.

[2]               Pour lui permettre d’être présente lors de l’audition de la demande en nullité de son mariage et témoigner dans sa propre cause, la demanderesse a demandé le sursis administratif de son renvoi prévu pour le 14 novembre 2013, ce qui lui a été refusé. Cette décision fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[3]               Le 12 novembre 2013, le juge Shore a accordé la demande de sursis judiciaire du renvoi de la demanderesse et le lendemain, le gouvernement canadien a prononcé un moratoire sur les renvois vers les Philippines suite au passage du typhon Haiyan qui a dévasté ce pays. Lors de l’audition de la cause, la procureure du défendeur a informé la Cour que ce moratoire aurait été levé le 26 juin 2014.

[4]               Pour les raisons énoncées ci-dessous, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

Décision contestée

[5]               La décision de l’agent de renvoi a été rendue au cours de l’entrevue tenue le 16 octobre 2013 avec la demanderesse et son procureur. Les motifs de cette décision se trouvent dans les notes d’entrevue et on peut lire que l’agent de renvoi rejette la prétention du procureur de la demanderesse à l’effet que l’audition fixée devant la Cour supérieure accorderait à la demanderesse un sursis automatique de son renvoi. L’agent ajoute que cette audition n’est pas imminente puisqu’elle n’aura pas lieu avant 11 mois et qu’en tout état de cause, la demanderesse pourra s’y faire représenter par procureur.

Question en litige et norme de contrôle

[6]               La seule question soulevée par cette demande de contrôle judiciaire concerne la légalité de la décision de l’agent de renvoi.

[7]               La norme de la décision raisonnable s’applique aux décisions prises quant aux sursis réglementaires ou administratifs rendus par un agent d’exécution de la Loi (Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81 au para 25). Il est bien connu que la discrétion accordée à ce dernier de reporter le renvoi d’un ressortissant étranger est très limitée (Adviento c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1430).

Analyse

[8]               La demanderesse ne soumet aucun argument quant au caractère déraisonnable de la décision contestée. Elle plaide simplement que l’alinéa 50a) trouve application, en ce que la procédure judiciaire en cours a pour effet d’empêcher l’exécution de son renvoi. De plus, elle plaide que son renvoi déconsidère l’administration de la justice et mine la confiance du public à l’égard du système de justice canadien. Elle ne constitue pas un danger pour le Canada, dit-elle, et n’a commis aucune infraction depuis son arrivée. Finalement, le sursis demandé est temporaire.

[9]               Quant au défendeur, il prétend que l’agent a exercé sa discrétion dans le cadre des limites que lui impose la Loi. L’agent a soigneusement évalué l’ensemble des circonstances du dossier et a conclu que le sursis ne pouvait être accordé considérant le délai, le fait que la demanderesse est sans statut légal au Canada depuis une longue période, et le fait qu’elle pourrait continuer à être représentée par procureur devant la Cour supérieure.

[10]           D’abord, cette Cour a, à maintes reprises, confirmé que l’alinéa 50a) de la Loi ne s’applique pas à une poursuite pendante devant une Cour supérieure d’une province et qu'une telle procédure n’a pas pour effet de suspendre une procédure de renvoi exécutoire (Idahosa c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 418 ; Phillips c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 1499 ; et Lentino Garcia v Canada (Minister of Public Safety and Emergency Preparedness), IMM-3027-13 (27 avril 2013)).

[11]           Dans son mémoire, la demanderesse plaide qu’elle subirait un préjudice irréparable si elle devait être renvoyée aux Philippines avant qu’elle n’ait eu l’occasion de témoigner dans le cadre du litige qui l’oppose à son ex-conjoint. Lors de l’audition, le procureur de la demanderesse a toutefois confirmé que pour elle, il s’agissait davantage d’une question de principe puisque la relation est bel et bien terminée et qu’elle est consciente qu’elle devra retourner dans son pays. Outre la pension alimentaire qui pourrait être accordée, que le mariage soit annulé ou qu’il y soit mis fin par un divorce n’a pas beaucoup d’impact pratique.

[12]           De son côté, la procureure du défendeur confirme qu’à ce stade-ci, le défendeur conteste la demande de contrôle judiciaire par principe puisque compte tenu de la période des vacances estivales, il est peu probable que le renvoi de la demanderesse soit fixé avant le 4 septembre prochain et que s’il l’était, la demanderesse pourrait à nouveau demander le sursis administratif de son renvoi, lequel serait probablement accordé compte tenu de la très courte période visée.

[13]           Dans le cadre de ses représentations, le procureur de la demanderesse m’a invitée à considérer qu’il reste moins de deux mois avant l’audition de la demande de nullité du mariage de la demanderesse et qu’il serait déraisonnable de la renvoyer aux Philippines à ce stade-ci.

[14]           Toutefois, je dois considérer la décision de l’agent de renvoi dans son contexte et il était raisonnable de conclure, dans l’ensemble des circonstances de cette affaire, que le délai avant l’audition devant la Cour supérieure était trop important.

[15]           Par ailleurs, je ne suis pas saisie d’une demande de sursis et je ne peux usurper la discrétion de l’agent d’exécution de la Loi qui pourrait être appelé à organiser le départ de la demanderesse et, dans la faible éventualité où ce départ serait fixé avant le 4 septembre prochain, à se prononcer sur une nouvelle demande de sursis administratif du renvoi de la demanderesse.

Conclusion

[16]           Bien que la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse avait un caractère fort théorique au moment où elle a été présentée, elle est rejetée et aucune question d’importance générale n’est certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée ; et

2.         Aucune question d’importance générale n’est certifiée.

« Jocelyne Gagné »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7021-13

 

INTITULÉ :

LORENA MACATAGAY c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 juin 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE GAGNÉ

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 juillet 2014

 

COMPARUTIONS :

Me Sangaré Salif

 

Pour la demanderesse

 

Me Suzon Létourneau

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Sangaré Salif

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

 

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