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Date : 20140625


Dossier : IMM-5937-13

Référence : 2014 CF 61 4

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 juin 2 014

En présence de monsieur le juge Ro y

ENTRE :

SENTHAN SRIRATHAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  VU la demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, visant la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR];

[2]  APRÈS AVOIR attentivement examiné le dossier de demande présenté pour le compte du demandeur, ainsi que la réponse produite par le défendeur;

[3]  ET APRÈS AVOIR entendu les parties par la voie de leurs avocats, pour les motifs exposés ci‑dessous, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[4]  Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka qui est venu au Canada à bord du MS Sun Sea. Il prétend qu’un agent l’a aidé à sortir du Sri Lanka, ce qui lui a permis d’arriver en Thaïlande, le 6 février 2010. Ensuite, il est monté à bord du navire Sun Sea, le 16 juin 2010, et finalement, il est arrivé à Victoria, en Colombie‑Britannique, le 13 août 2010. Il a demandé l’asile le jour même.

[5]  Le demandeur a allégué qu’il craignait d’être persécuté s’il devait retourner au Sri Lanka, parce qu’il est un jeune tamoul originaire du nord du Sri Lanka. En réalité, le fait d’être un demandeur d’asile débouté ajoute à cette crainte fondée.

[6]  Le demandeur présente deux arguments à la Cour. Premièrement, il allègue qu’on ne lui a pas accordé l’assistance d’un avocat lorsqu’il a fait un certain nombre de déclarations pendant l’entrevue qui s’est tenue le 12 septembre 2010. Ces déclarations ont été utilisées contre lui en ce sens qu’elles ont servi à établir un certain nombre de contradictions et d’invraisemblances, de telle sorte que la version des événements qu’il a donnée n’était pas fiable parce qu’elle manquait de crédibilité. Le demandeur aimerait que la version donnée le 12 septembre soit retirée du dossier.

[7]  Deuxièmement, le demandeur allègue que la SPR n’a pas examiné ses demandes de façon cumulative.

[8]  En ce qui a trait au premier argument, les circonstances entourant l’entrevue du 12 septembre n’ont toujours pas été établies. Ce qui est évident c’est que le demandeur a été informé dans les plus brefs délais des motifs de sa détention qui avait commencé un mois plus tôt, et que, en fait, il a obtenu les services d’un avocat sans délai. Il semblerait que le demandeur prétend qu’il existe une obligation de s’abstenir d’interroger une personne détenue lorsque cette personne a déjà retenu les services d’un avocat. En l’espèce, l’interrogatoire a eu lieu un mois après la détention initiale et sans la présence de l’avocat.

[9]  À l’appui de l’argument, le demandeur invoque la décision Chevez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 709, rendue par la juge Tremblay‑Lamer de la Cour. Lorsque je lis cette décision, elle établit simplement qu’en matière d’immigration, lorsque la liberté d’une personne est entravée de façon importante, cette dernière a le droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informée de ce droit. La décision continue par la conclusion selon laquelle une possibilité raisonnable d’obtenir un avocat doit être accordée au demandeur.

[10]  Avec égard, l’espèce n’étaye pas l’argument du demandeur. En l’espèce, le droit d’obtenir un avocat a été pleinement accordé au demandeur. L’espèce n’appuie pas la prétention que les autorités chargées de l’immigration doivent s’abstenir d’interroger le demandeur sans la présence de l’avocat. En fait, il semblerait qu’un tel droit n’existe même pas en droit criminel (voir R c Logan (1988), 46 CCC (3d) 354 (ONCA); R c Sinclair, 2010 CSC 35, [2010] 2 RCS 310).

[11]  La SPR était réceptive au fait que l’entrevue du 12 septembre s’était déroulée sans la présence de l’avocat. Toutefois, selon ce dossier, le mieux que l’on puisse dire est que le demandeur a exprimé une certaine forme de découragement en raison du fait que l’avocat n’est pas venu à l’interrogatoire (DCT, aux pages 494 et 495). Son conseil à la SPR a probablement avancé la proposition à son mieux lorsqu’il a laissé entendre que les notes de l’entrevue [traduction] « doivent être prises avec une certaine ‑ quel est le terme ‑ une certaine prudence […] » (DCT, à la page 511). Ainsi, cet argument échoue.

[12]  L’autre argument avancé dans la présente demande de contrôle judiciaire est la proposition que la SPR n’a pas pris en compte de façon cumulative le fait que le demandeur est d’origine ethnique tamoule, qu’il vient de la partie nord du pays, qu’il a voyagé à bord du MS Sun Sea et qu’il est un demandeur d’asile débouté. Un tel argument est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable et, selon moi, la question a été entièrement traitée par la SPR dans sa décision.

[13]  La décision de la juge Snider dans Ganeshan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 841, me semble résumer les questions de façon entière et appropriée. J’adopterais ce raisonnement en l’espèce. On peut lire ceci :

[33]  Si je comprends bien, le demandeur allègue qu’il risquerait d’être persécuté à la fois en raison de son origine ethnique tamoule, et en raison de ses opinions politiques présumées en tant que passager du Ocean Lady. Son argument serait que, en tant que passager tamoul du Ocean Lady, il serait perçu comme une personne ayant des liens avec les TLET, ce qui ferait de lui un membre d’un « groupe social », et aussi, une personne ayant des « opinions politiques » au sens de la Convention.

[34]   Selon le demandeur, la grande médiatisation du Ocean Lady et du Sun Sea a augmenté les risques qu’il soit persécuté à son retour. La Commission s’est penchée sur cet argument, et elle a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que malgré l’intérêt médiatique, le nom de ce demandeur précis n’aurait pas été porté à l’attention des autorités du Sri Lanka. Lorsqu’elle est arrivée à cette conclusion, la Commission a attentivement pris en compte et soupesé tous les éléments de preuve dont elle disposait. En dépit de cette conclusion, la Commission a analysé ce qui se passerait si le demandeur était identifié comme étant un passager du Ocean Lady. En réponse à cette question, la Commission a conclu que, en tant que personne non perçue comme ayant des liens avec les TLET, le demandeur ne serait pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution.

[35]   Un autre problème relatif à l’argument du demandeur est que le risque allégué des « motifs mixtes » est conjectural. La Commission ne disposait d’aucune preuve établissant qu’il y a eu quelque cas que ce soit où un demandeur d’asile tamoul débouté qui était arrivé dans un autre pays par bateau, avait été persécuté à son retour au Sri Lanka. Par ailleurs, la Commission avait des preuves de rapatriés tamouls – même s’ils n’étaient pas à bord du Ocean Lady – qui ont été interrogés, mais pas détenus. Comme la Commission l’a reconnu, la situation est différente pour les personnes qui sont, ou sont perçues comme étant, des TLET ou des partisans des TLET. La Commission a traité cet aspect de la demande du demandeur. Lorsqu’elle a conclu, avec raison selon moi, que le demandeur n’était ni un membre des TLET ni un partisan des TLET, la Commission s’est penchée sur la possibilité que, juste en raison de son voyage à bord du Ocean Lady, le demandeur soit perçu comme un TLET. La dernière question consiste à savoir si la preuve établit, selon la prépondérance des probabilités, qu’un Tamoul voyageant à bord du Ocean Lady risquerait d’être persécuté parce qu’il pourrait avoir des renseignements sur les membres des TLET, qui étaient indubitablement les organisateurs du voyage du Ocean Lady. Rien dans la preuve soumise à la Commission n’étaye la position selon laquelle l’interrogatoire d’un Tamoul à son retour au Sri Lanka peut être assimilé à de la persécution.

[14]  Selon moi, sur la foi du dossier, la décision de la SPR appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

[15]  Par conséquent, le second argument échoue aussi. Il s’ensuit que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Les parties n’ont pas proposé de question de portée générale qui justifierait la certification. Je partage leur point de vue.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

« Yvan Roy »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5937-13

 

INTITULÉ :

SENTHAN SRIRATHAM

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 22 mai 2014

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

Le 25 juin 2014

 

COMPARUTIONS :

Viken G. Artinian

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Charles Junior Jean

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Allen & Associates

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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