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Date : 20140626


Dossier : T-151-13

Référence : 2014 CF 619

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 juin 2014

En présence de monsieur le juge Rennie

ENTRE :

ALLIANZ ASSET MANAGEMENT OF AMERICA L.P.

demanderesse

et

MIDDLEFIELD CAPITAL CORPORATION

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]            Allianz Asset Management of America L.P. (Allianz) interjette appel de la décision rendue, le 26 octobre 2012, par la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission). Dans cette décision, la Commission a rejeté la demande d’Allianz visant l’enregistrement de la marque index plus (la Marque). L’emploi projeté de la Marque était en lien avec des services financiers, notamment la gestion d’investissements et les conseils. L’appel a été entendu avec l’appel dans le dossier T-152-13. Une copie de la présente décision sera mise dans ce dossier, et les présents motifs de décision devraient être lus parallèlement aux motifs de décision dans ledit dossier.

[2]            La Commission a refusé l’enregistrement de la Marque parce que, selon elle, il y avait une probabilité raisonnable de confusion entre la Marque proposée par Allianz et les marques de Middlefield Capital Corporation (Middlefield) qui s’opposait à l’enregistrement. En outre, la Commission a refusé l’enregistrement de la Marque parce qu’elle a conclu qu’il n’y avait rien dans la Marque d’Allianz qui la distinguait de celle de Middlefield.

[3]            Tant Allianz que Middlefield évoluent dans le secteur industriel des services d’investissements financiers, et, en particulier, dans la création et la gestion des modes d’investissement pour les sociétés financières, les fonds de pension et les personnes physiques. Au 29 août 2005, date à laquelle Allianz a déposé la demande d’enregistrement de la Marque, seule Middlefield avait utilisé ou fait la promotion de sa marque.

[4]            Bien qu’une abondante nouvelle preuve ait été déposée par les deux parties, son manque de contenu a été convenu dès le début de l’audience. À mon avis, il s’agissait d’une concession adéquate, pour laquelle je félicite les avocats. Ainsi, la norme de contrôle de cette décision est la décision raisonnable (voir par exemple, Accessoires d’autos Nordiques Inc c Société Canadian Tire Limitée, 2007 CAF 367, au paragraphe 29).

[5]            Allianz soutient que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que Middlefield s’est acquittée du fardeau initial de la preuve qui lui incombait aux termes de l’alinéa 16(3)a) de la Loi sur les marques de commerce (LRC 1985, c T-13) (la Loi), qui porte sur la question de savoir s’il y a une possibilité raisonnable de confusion entre la Marque d’Allianz est celle de Middlefield. En outre, Allianz soutient que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que index plus n’était pas distinctive de ses services.

I.                   Le fardeau initial de la preuve

[6]            Middlefield a présenté des éléments de preuve à la Commission dont il ressortait qu’elle a employé sa marque au Canada avant le 29 août 2005, et qu’elle n’avait pas abandonné la marque au 2 mai 2007. Elle l’a fait au moyen de la preuve présentée par M. Jestley (PDG), et de la production de documents.

[7]            Je ne reviendrai pas sur les faits tels qu’ils ont été établis par la Commission. Ils sont formulés de façon précise aux paragraphes 12 à 18 de la décision.

[8]            À cet égard, la contestation principale d’Allianz porte sur le fait que la preuve d’emploi de Middlefield n’était pas cohérente, en particulier en raison de l’emploi de la Marque par d’autres. Par exemple, selon l’affidavit de M. Jestley, Guardian Capital LP (Guardian), Middlefield Fund Management Limited et MFL Management Limited employaient la marque en tant que licenciés autorisés.

[9]            Toutefois, la Commission a raisonnablement conclu que Middlefield a maintenu le contrôle sur sa marque. De l’aveu général, aucun contrat formel de licences n’existait. Cependant, cela n’exclut pas l’existence d’une licence verbale. Bien entendu, le fait que plusieurs sociétés du même groupe que Middlefield ont employé la marque sans contrat formel de licence ne signifie pas que leur emploi ne peut pas profiter au titulaire de la marque selon les termes de l’article 50 de la Loi.

[10]        L’absence de documents régissant les modalités d’emploi telles que la qualité et les normes ne sont qu’un facteur. La Commission a examiné cette question, mais elle est néanmoins arrivée à la conclusion que Middlefield a maintenu le contrôle de sa marque. Je ne vois rien qui donnerait à penser que cette conclusion était déraisonnable, même s’il y avait des facteurs qui pesaient en sens contraire.

II.                Pas de perte de contrôle

[11]        Selon l’argument principal d’Allianz, l’emploi des marques de Middlefield par certaines sociétés du même groupe et par Guardian lui interdit à la fois d’invoquer l’alinéa 16(3)a) et le caractère distinctif. En particulier, Allianz se fonde sur le prospectus régissant la vente de parts de INDEX PLUS Income Fund, selon lequel, l’objectif de la fiducie est de surpasser l’indice de fonds de revenu plafonné S&P®/TSXTM. Selon le prospectus, la fiducie est :

[…] un portefeuille diversifié de fiducies de revenu géré activement qui pourrait comprendre des fiducies de revenu qui font partie de l’indice et d’autres fiducies de revenu que les co‑gestionnaires jugent appropriés (le portefeuille actif et, avec le portefeuille indiciel, le portefeuille). Le gérant ajustera le portefeuille indiciel au fil des modifications qui seront apportées à l’indice. Le portefeuille sera géré par Middlefield INDEXPLUS Management Limited (en telle qualité, le gérant). Guardian Capital Inc. (CGI), à titre de co‑gestionnaire, et Middlefield Securities Limited (MSL et, avec GCI, les co‑gestionnaires) fourniront les conseils de placement pour le portefeuille actif.

[12]        Plus important, selon le prospectus :

Toutes les décisions relatives au portefeuille actif seront d’abord examinées par un comité composé d’un nombre égal de personnes désignées par GCI et MSL et seront unanimes.

[13]        L’argument principal d’Allianz repose sur le fait qu’en raison de l’exigence de l’unanimité, Middlefield ne peut pas prétendre qu’elle contrôle le caractère et la qualité de ses services, et a perdu le contrôle de la marque. Je ne suis pas de cet avis. Ces ententes, qu’elles soient entre Middlefield et les sociétés du même groupe, ou entre Middlefield et Guardian, sont essentiellement des services de soutien ou des services internes aux opérations de Middlefield. Au contraire, Middlefield et sa marque sont l’image publique de Middlefield et, en ce sens, elle contrôle sa marque. À cette fin, la preuve soumise à la Commission était truffée de documents publicitaires et de commercialisation présentés par Middlefield et portant sa marque. Il y avait aussi des éléments de preuve selon lesquels Middlefield avait dépensé d’importantes sommes pour la commercialisation et avait engendré d’importants revenus depuis le dépôt, tout en employant la marque.

[14]        Au vu de ce qui précède, la Commission disposait de suffisamment d’éléments de preuve à partir desquels elle pouvait raisonnablement conclure que Middlefield a maintenu le contrôle sur la qualité et les caractéristiques des services associés à cette marque. Il ne s’agissait pas d’une affaire où le libellé de l’article 50 avait simplement été cité. Au contraire, il y avait des éléments de preuve selon lesquels seule Middlefield avait employé sa marque. Le fait qu’une partie sollicite les conseils ou autrement conclue un accord avec une tierce partie qui peut avoir un effet sur la façon dont elle décide de mener ses affaires ne signifie pas que cette partie a perdu le contrôle des caractéristiques et de la qualité de ses services. Il n’en demeure pas moins que si Middlefield n’était pas satisfaite des conseils qu’elle recevait de Guardian ou de MFL Management Limited, elle était libre de ne pas les appliquer. Au contraire, si Middlefield n’était pas d’accord avec Guardian, cette dernière ne pouvait pas mener ses affaires en employant la marque de Middlefield. Ces faits, plutôt que les opérations internes de Middlefield et des sociétés du même groupe, sont déterminants du maintien du contrôle Middlefield sur sa marque.

III.             La confusion interdit l’enregistrement

[15]        Allianz prétend que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a décidé que la Marque d’Allianz créait de la confusion avec celle de Middlefield.

[16]        La Commission a correctement formulé le critère de la confusion – à savoir, celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue de la Marque d’Allianz, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de la marque de Middlefield, qui croit que les services qui y sont associés sont offerts par la même personne : Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, [2011] 2 RCS 387, au paragraphe 12. L’emploi de la marque dans le même domaine d’affaires mènerait une personne à confondre l’origine du produit en question.

[17]        La Commission a pris en compte et appliqué les critères énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

(c) the nature of the wares, services or business;

d) la nature du commerce;

(d) the nature of the trade; and

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

[18]        Aucune erreur n’a été établie dans l’application de ces critères aux faits. L’essentiel de l’argumentation d’Allianz est que le terme « Index » est communément utilisé dans le marché des services financiers, il possède un caractère distinctif inhérent faible et donc le seuil pour la confusion est très bas. En conséquence, lorsqu’elle évalue la vraisemblance de la confusion, la Commission doit prendre en compte le fait que le consommateur cherchera les petites différences dans les marques afin de différencier les produits. Comme le juge Pelletier l’a déclaré au paragraphe 5 de l’arrêt Boston Pizza International Inc. c Boston Chicken Inc., 2003 CAF 120 :

Pour prouver que la marque BOSTON CHICKEN « distingue véritablement », on doit démontrer qu’elle est devenue distinctive par son usage. Cependant, l’emploi de cette marque n’est guère appuyé par la preuve, laquelle consiste en des déclarations très générales sur l’effet de la publicité indirecte et sur l’emploi de la marque lors d’un événement local, dans la région de Windsor, à la suite du dépôt de la demande de radiation. De l’avis du juge de première instance, « il n’y a guère de preuve » attestant l’emploi de la marque de commerce BOSTON CHICKEN au Canada. La preuve relative à la publicité indirecte se résume, à peu de choses près, à la prétention que l’intimée a fait de la publicité sur les chaînes de télévision américaines distribuées au Canada. Il n’existe aucune preuve quant à la nature ou à l’étendue de cette publicité, ni quant à son effet. Le juge de première instance a conclu que la marque de commerce BOSTON CHICKEN méritait peu de protection. L’intimée a admis devant notre Cour qu’aux fins du présent appel, l’emploi de la marque de commerce BOSTON CHICKEN n’était nullement attesté. J’estime que la marque BOSTON CHICKEN n’est pas devenue distinctive du fait de son emploi au Canada.

[19]        Ainsi, le fait que la marque a un caractère inhérent faible ne signifie pas qu’elle manque nécessairement de signe distinctif ou que la confusion est vraisemblable. À cet égard, l’analyse de la confusion faite par la Commission était semblable à son analyse de l’alinéa 16(3)a). Je souligne en particulier l’observation suivante :

Si, comme le fait valoir la Requérante, la marque de l’Opposante s’était affaiblie depuis le 29 août 2005 après avoir été associée, entre autres, à des entreprises connexes, cela ne signifie pas que la Requérante a le droit d’enregistrer la Marque étant donné la demande précédente de l’Opposante. La Marque pourrait créer de la confusion avec le dessin de marque INDEX PLUS INCOME FUND Design, parce qu’il existe un degré de ressemblance très élevée entre les marques sur les plans de l’apparence, de la sonorité et des idées qu’elles suggèrent, puisque la Marque comprend le premier segment, le plus distinctif, de la Marque de l’Opposante [voir Masterpiece]. Les mots INCOME FUND contenus dans la marque de l’Opposante sont clairement descriptifs (comme le soutient le désistement de l’Opposante) et, par conséquent, ne permettent pas de distinguer les marques, particulièrement en raison du fait que les services de la Requérante sont décrits en partie comme des placements, lesquels peuvent comprendre des fonds de revenu.

[20]        Aucune erreur n’a été établie dans cette analyse. La logique est convaincante, sinon évidente eut égard à la preuve.

IV.             Troisième motif – le caractère distinctif

[21]        La Commission a correctement estimé que la date importante pour l’analyse de la confusion selon ce motif était la date du dépôt de l’opposition :

L’Opposante s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait si elle a démontré qu’en date du 2 octobre 2007, sa marque de commerce est devenue suffisamment connue pour annuler le caractère distinctif de la marque visée dans la demande []. Je conclus que la preuve fournie par l’Opposante fait en sorte qu’elle s’est acquittée du fardeau initial qui lui incombait.

[22]        La Commission a raisonnablement conclu que l’analyse portant sur la confusion ne serait pas différente le 2 octobre 2007 de ce qu’elle aurait été le 29 août 2005.

[23]        Il y avait des éléments de preuve contextuels à l’appui de la conclusion que Allianz n’était pas capable de distinguer ses services de ceux de Middlefield, étant donné les revenus générés par Middlefield (5 millions de dollars) et les frais promotionnels employant sa marque (1 million de dollars) pendant quatre années.

[24]        Allianz a tenté de minimiser le caractère distinctif de la marque de Middlefield en soulignant l’emploi par une tierce partie. Toutefois, l’emploi prétendu par une tierce partie n’était pas une preuve adéquate de l’absence de caractère distinctif de la marque de Middlefield. Une recherche du terme « IndexPlus » a produit sept entités. Quatre avaient été révoquées, une avait expiré, une était en français (Desjardins-Laurentienne Inc), et la dernière était liée à une entreprise de l’Alberta. Par conséquent, il n’y avait pas de preuve selon laquelle l’emploi de ces termes minait le caractère distinctif de la marque de Middlefield : Thorkelson c Pharmawest Pharmacy Ltd., 2008 CAF 100, au paragraphe 13c) :

Cette preuve tend à démontrer que des tierces parties ont fait largement usage au Canada des marques de commerce en question dans la présente affaire. Comme le juge l’a fait remarquer, cette preuve pose un problème en ce qu’elle n’établit pas que les consommateurs canadiens avaient consulté les sites Web. Pour ce motif, il n’a donné aucun poids à cette preuve. Rien ne me permet de mettre en doute sa conclusion quant à cette question. Il s’ensuit que cet affidavit ne permet pas de faire progresser la demande en radiation de Pharmawest.

[25]        Autrement dit, l’accent est mis sur l’emploi de la Marque et le degré selon lequel elle pourrait être imprégnée dans l’esprit du consommateur ordinaire. La simple existence du même terme dans les titres d’une société ou en réalité en tant que marque enregistrée dans d’autres territoires n’établit pas un emploi suffisant au Canada par les tierces parties au point de nier le caractère distinctif.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. De brèves observations sur les frais doivent être déposées dans les 15 jours suivant la date de la présente décision.

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-151-13

INTITULÉ :

ALLIANZ ASSET MANAGEMENT OF AMERICA L.P.

c

MIDDLEFIELD CAPITAL CORPORATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 MAI 2014

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RENNIE

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :

 

LE 26 JUIN 2014

COMPARUTIONS :

Andrew R.O. Jones

POUR LA DEMANDERESSE

D. Paul Tackaberry

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sim Lowman Ashton & McKay LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Ridout and Maybee LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 


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