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Date : 20140613


Dossier : T-158-12

T-159-12

Référence : 2014 CF 568

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 juin 2014

En présence de monsieur le juge Manson

 

ENTRE :

CHRISTOPHER MYRON WARD

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La présente instance constitue deux appels interjetés par voie d’actions simplifiées, conformément au paragraphe 135(1) de la Loi sur les douanes, LRC, 1985, ch 1 (2e suppl.) [la Loi], et aux articles 292 à 299 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles].

[2]               Dans le premier, le dossier de la Cour T-158-12, on conteste une décision datée du 20 octobre 2011, rendue par Jonathan Ledoux-Cloutier, un conseiller principal en matière de programmes de la Division des appels de l’Agence des services frontaliers du Canada [le ministre].

[3]               Dans le second, le dossier de la Cour T-159-12, on conteste également une décision du ministre datée du 19 octobre 2011.

I.                   Les faits

A.                T-158-12

[4]               Les parties reconnaissent que le 23 avril 2010 le demandeur est revenu au Canada par Sydney, en Colombie-Britannique, en franchissant la gare maritime de l’État de Washington.

[5]               Selon l’affidavit de l’agent des services frontaliers, RogerVan Kempen Seket, le demandeur a déclaré 4 000 $US en pièces de bicyclette usagées à titre de cadeaux de la part de sa tante, qui réside dans l’État de Washington. M. Van Kempen Seket a mené un examen secondaire, dans le cadre duquel le demandeur a encore une fois confirmé que les marchandises représentaient une valeur de 4 000 $US et qu’elles étaient des cadeaux de la part de sa tante. M. Van Kempen Seket a communiqué avec la tante du demandeur par téléphone. Celle-ci a affirmé que le demandeur avait acheté les marchandises avec son propre argent sur eBay. Elle a précisé que les marchandises n’étaient pas des cadeaux offerts au demandeur, mais qu’elle lui avait permis de les faire livrer à son adresse.

[6]               Lorsque M. Van Kempen Seket l’a interrogé au sujet de ces renseignements, le demandeur a admis que sa déclaration de marchandises initiale était fausse. Il a accepté d’ouvrir une session dans son compte eBay pour que l’on compare l’historique de ses achats avec les marchandises en sa possession. Cette liste a révélé un certain nombre de marchandises non déclarées, y compris d’autres pièces de bicyclette et une montre Rolex qu’il avait dissimulée sur lui. La valeur totale des marchandises non déclarées s’élevait à 19 804,74 $. Les marchandises non déclarées ont été saisies à titre de confiscation et moyennant le paiement de 8 655,44 $ ont été restituées au demandeur.

[7]               L’affidavit du demandeur décrit une série de faits essentiellement similaires à l’affidavit de M. Van Kempen Seket. Cependant, le demandeur conteste certains aspects et les caractérise différemment : [TRADUCTION]

4.         Je n’ai jamais dit à ma tante que j’utilisais PayPal pour payer mes achats faits sur eBay…

6.         J’ai reçu un diagnostic de déficience cognitive post chimiothérapie, laquelle est une déficience permanente. En raison de cette déficience acquise, j’ai de la difficulté à exercer des activités liées aux fonctions exécutives, de planification, d’organisation et de la mémoire. Mon retour au Canada avec de nombreuses marchandises est quelque chose que je n’ai pas planifié; je n’étais ni organisé ni préparé pour cela. Je ne savais pas exactement ce que j’avais mis dans les boîtes et je n’avais aucune idée de la valeur totale des marchandises. J’ai beaucoup de difficultés à me rappeler où je range les choses, alors quand j’ai ouvert la boîte qui contenait la montre Rolex, je l’ai mise à mon poignet pour me rappeler où elle était. 

8.         Je crois lui (M. Van Kempen Seket) avoir demandé les formulaires dont j’avais besoin, et il m’a répondu d’une manière qui m’a paru avilissante qu’il ne savait pas de quels formulaires je parlais, ou quelque chose comme ça. Je me rappelle avoir été frustré et irrité par son attitude arrogante et irrespectueuse à mes yeux. Sans réfléchir, j’ai impulsivement dit que les marchandises étaient des cadeaux sans penser aux conséquences de mes paroles. C’est là le résultat de ma frustration et de mon manque de préparation.

9.         M. Van Kempen Seket m’a demandé à combien j’évaluais la valeur des marchandises; je crois que j’ai répondu autour de quatre mille probablement; je n’avais en réalité aucune idée de la valeur totale et je n’ai pas déclaré que ce montant était la valeur des marchandises car à ce moment-là je ne la connais pas.

12.       J’ai affirmé que j’avais acheté toutes les marchandises sur eBay. M. Van Kempen Seket a ouvert l’ordinateur et puis après environ une minute il m’a dit d’entrer mon mot de passe pour eBay dans l’ordinateur. Il a passé plusieurs minutes à regarder dans mon compte eBay et ensuite il m’a remis une feuille de papier; j’ai cru qu’elle provenait du recyclage car elle avait déjà été utilisée d’un côté. Il m’a demandé de dresser une liste des marchandises et de leur prix au dollar près. Je ne pouvais pas voir l’écran de l’ordinateur et M. Van Kempen Seket n’a pas placé le moniteur de façon à ce que je puisse voir l’information figurant dans mon compte eBay.

21.       …l’affirmation qu’il (M. Van Kempen Seket) a faite au sujet de ma montre que j’ai remontée sous ma manche était également fausse.

22.       M. Van Kempen Seket a fait valoir que je continuais à faire de fausses déclarations et cela est également faux.

[8]               Le 6 avril 2010, le demandeur a présenté par écrit une demande en vue de faire rendre au ministre une décision en application du par. 129(1) de la Loi. Dans une lettre datée du 19 mai 2010, la Direction des recours de l’ASFC a informé le demandeur que sa demande était acceptée et que sa plainte était en cours d’examen.

[9]               Par lettre datée du 20 octobre 2011, le ministre a conclu que les actions du demandeur constituaient un cas d’infraction à la Loi au titre de l’article 131 et que 7 051,12 $ du montant payé par le demandeur pour la remise de ses marchandises tenait lieu de confiscation en vertu de l’article 133. Le ministre a conclu que le montant de 4 000 $ initialement déclaré par le demandeur n’avait pas été pris en compte dans l’évaluation du montant de la confiscation de 8 655,44 $ établi à l’encontre du demandeur. Par conséquent, le ministre a ordonné la restitution de 1 604,32 $ au demandeur conformément à l’article 132 de la Loi. Le ministre a également fait remarquer dans sa décision :

[TRADUCTION]

Il convient de souligner que la nature corrective de la Loi sur les douanes ne permet pas l’annulation ou l’atténuation d’une mesure d’exécution émise en raison de l’effort déployé pour corriger la situation, d’une mauvaise communication, de l’absence d’intention ou d’assurances que l’incident ne se reproduira pas.

[10]           Le demandeur a intenté la présente action le 16 janvier 2012. Dans ses plaidoiries, il prétend que la période de temps qui s’est écoulée entre la date où il a demandé au ministre de rendre une décision en vertu du paragraphe 129(1) et celle où il a reçu la décision du ministre constitue un délai excessif, lui a causé préjudice, est un manquement à l’obligation d’équité procédurale, et il prétend aussi que la décision du ministre est déraisonnable dans sa conclusion portant qu’il a contrevenu à la Loi.

[11]           Le 2 mai 2013, le défendeur a déposé sa requête en vue de faire radier la déclaration du demandeur en entier. Lors de la conférence préparatoire tenue le 13 mai 2013, la requête a été ajournée au premier jour du procès. 

B.                 T-159-12

[12]           Les parties conviennent que le 6 mai 2010, le demandeur et ses parents sont revenus au Canada depuis les États-Unis en passant par le port d’entrée Pacific Highway à Surrey, en Colombie-Britannique.

[13]           Selon l’affidavit de l’agente des services frontaliers, Michelle Stanworth, lors de son retour, le demandeur a déclaré qu’il rapportait au Canada des marchandises d’une valeur de 300 $. Cependant, selon l’affidavit de l’agent des services frontaliers Anuraj Sangha, lors d’un examen secondaire, il a été déterminé qu’il rapportait en réalité des marchandises d’une valeur de 7 819,62 $. Une montre Brietling et diverses pièces de bicyclette ont été saisies à titre de confiscation parce qu’ils n’avaient pas été déclarés. Le demandeur a par la suite payé 5 128,48 $ pour la restitution des marchandises confisquées.

[14]           Dans son affidavit, le demandeur a décrit son retour du 6 mai 2010, comme suit :

[TRADUCTION]

2.   Je suis entré accompagné de mes parents et je me suis présenté au comptoir avec mes documents. J’ai parlé à l’ASF Sangha qui m’a demandé si je rapportais avec moi des marchandises. Au fur et à mesure que je déclarais chaque marchandise, l’ASF Sangha n’a pas cessé de me demander si j’avais d’autres marchandises à déclarer jusqu’à ce que j’aie tout déclaré, y compris la montre Brietling. L’ASF Sangha a dit qu’il voulait s’assurer que je déclare tout pour me faire économiser de l’argent;

3.   Après avoir déclaré toutes les marchandises, j’ai fait l’objet d’une fouille par l’ASF Sangha. La fouille, dont mes parents ont été témoins, n’a révélé aucune marchandise non déclarée;

4.   Avant la fouille ou la saisie, j’avais déclaré toutes les marchandises que j’importais;

5.   Après la fouille, l’ASF Sangha a dit que les marchandises seraient saisies parce que j’avais omis de déclarer un pendentif en rubis qui figurait sur un reçu parmi mes documents. Il a procédé à la saisie pour cette raison et non parce qu’il a trouvé des marchandises non déclarées sur moi ou dans la voiture.

[15]           Le demandeur affirme également qu’il n’était pas en possession de toutes ses facultés à son retour au Canada, en raison des effets d’une prescription de morphine.

[16]           Le 18 mai 2010, le demandeur a présenté par écrit une demande en vue de faire rendre au ministre une décision en application du par. 129(1) de la Loi. Dans une lettre datée du 8 juin 2010, la Direction des recours de l’ASFC a informé le demandeur que sa demande était acceptée et que sa plainte était en cours d’examen.

[17]           Par lettre datée du 19 octobre 2011, le ministre a conclu que les actions du demandeur constituaient un cas d’infraction à la Loi au titre de l’article 131 et que le montant de 5 128,48 $ allait tenir lieu de confiscation en vertu de l’article 133. Le même raisonnement que dans T-158-12 a été appliqué dans le cadre de la présente décision.

[18]           Le demandeur a intenté la présente action le 16 janvier 2012. Dans ses plaidoiries, il prétend que la période de temps qui s’est écoulée entre la date où il a demandé au ministre de rendre une décision en vertu du paragraphe 129(1) et celle où il a reçu la décision du ministre constitue un délai excessif et un manquement à l’obligation d’équité procédurale, et il prétend aussi que la décision du ministre est déraisonnable dans sa conclusion portant qu’il a contrevenu à la Loi.

[19]           Le 2 mai 2013, le défendeur a déposé sa requête en vue de faire radier les paragraphes 1(b), 1(c), 9, 10, 17 et 19 à 22 de la déclaration du demandeur. Lors de la conférence préparatoire le 13 mai 2013, la requête a été ajournée au premier jour du procès. 

II.                Questions en litige

[20]           Il y a deux catégories de questions dans la présente instance, (i) celles soulevées dans les requêtes du défendeur pour faire radier les déclarations du demandeur, (ii) celles soulevées dans la procédure simplifiée.

[21]           Les questions soulevées dans les requêtes en radiation du défendeur sont les suivantes :

A.                T-158-12

[22]           La déclaration du demandeur devrait-elle être radiée et son action rejetée en conséquence?

[23]           Le défendeur allègue que la déclaration du demandeur devrait être radiée en application de l’alinéa 221(1)a) des Règles puisqu’elle ne révèle aucune cause d’action et fait valoir une cause d’action qui outrepasse la compétence de la Cour.

[24]           Le défendeur souligne que l’article 135 de la Loi prévoit la possibilité d’interjeter appel d’une décision rendue en vertu de l’article 131. Il ne prévoit pas de mécanisme d’appel pour les décisions rendues en vertu de l’article 133, qui portent sur les montants de confiscation. Les recours applicables à telles décisions doivent être présentés par voie de contrôle judiciaire (ACL Canada Inc c Canada (Ministre du Revenu national), [1993] ACF no 1048, par. 53 [ACL Canada]; Time Data Recorder International Ltd c Canada (Ministre du Revenu national), [1993] ACF no 768 au para 22 [Time Data Recorder]). Je suis d’accord.

[25]           À ce titre, le défendeur allègue que des parties de la déclaration relatives à la confiscation devraient être radiées.

[26]           Le défendeur cherche également à faire radier le reste de la déclaration concernant l’article 131 de la Loi, sur le fondement que les faits allégués, même s’ils étaient prouvés, ne révéleraient aucune cause d’action.

[27]           Le défendeur souligne que le demandeur reconnaît qu’il a dit à M. Van Kempen Seket que les marchandises qu’il rapportait au Canada étaient des cadeaux. Le demandeur a reconnu, de son propre aveu, que cette déclaration n’était pas vraie. Ce n’est qu’après que le demandeur a été interrogé qu’il a subséquemment été honnête à propos de sa déclaration. Une responsabilité stricte se rattache aux obligations prévues aux articles 12 et 13 de la Loi de faire dès le départ une déclaration de douane véridique (He c Canada, [2000] ACF no 93, par. 8-10; House of Giftwares Ltd c Canada (Ministre du Revenu national), [1998] ACF no 1236, par. 9).  À ce titre, l’allégation du demandeur selon laquelle la décision est incorrecte est dénuée de fondement.

[28]           Même lors d’un examen secondaire pour vérifier la déclaration de M. Ward, ce dernier a fait de fausses déclarations à propos de la valeur des marchandises en cause et des marchandises considérées comme des cadeaux offerts par sa tante à d’autres personnes. Sa tante a confirmé que ces allégations étaient fausses.

[29]           De la même façon, aucun fait substantiel n’est avancé à l’appui de l’allégation selon laquelle le retard du ministre à rendre une décision aurait causé un préjudice au demandeur ou constitué un manquement à la justice naturelle. L’omission du demandeur de présenter de tels faits ne révèle aucune cause d’action valable et son action doit être rejetée (Meigs c Sa Majesté la Reine, 2013 CF 389, par. 7 [Meigs]; Prue c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2012 CAF 108).

[30]           Enfin, le demandeur fait valoir que si sa demande est jugée insuffisante, il devrait être autorisé à la modifier conformément aux paragraphes 75(1) et (2). Il ne précise pas comment sa demande serait modifiée. En outre, même si elle l’était, cela ne changerait pas le fait que M. Ward n’a aucune cause d’action à la lumière de la preuve dont je suis saisi.

[31]           La déclaration du demandeur est radiée sans autorisation de la modifier.

B.                 T-159-12

[32]           Les paragraphes 1(b), 1(c), 9, 10, 17 et 19 à 22 devraient-ils être radiés sur le fondement qu’ils ne révèlent aucune cause d’action valable?

[33]           Le défendeur allègue que les paragraphes 1(b), 1(c), 9, 10, 17 et 19 à 22 de la déclaration du demandeur devraient être radiés en application de l’alinéa 221(1)a) des Règles puisqu’ils ne révèlent aucune cause d’action et font valoir une cause d’action qui outrepasse la compétence de la Cour.

[34]           Comme il a déjà été mentionné concernant le dossier T-158-12, le défendeur soutient que l’article 135 de la Loi prévoit la possibilité d’interjeter appel d’une décision rendue en vertu de l’article 131 (ACL Canada; Time Data Recorder, précités), et non en vertu de l’article 133, qui est adéquatement contestée par voie de contrôle judiciaire.

[35]           À ce titre, le défendeur cherche à faire radier les paragraphes 1(b), (c), 9 et 10 de la déclaration du demandeur, qui portent sur la décision du ministre en vertu de l’article 133 relativement au montant de 5 128,48 $ à titre de confiscation.

[36]           Le défendeur cherche également à faire radier les paragraphes 17 et 19 à 22 concernant le délai allégué de la décision du ministre, du fait qu’ils ne révèlent aucune cause d’action valable. Aux termes des articles 174 et 181 des Règles, le demandeur est tenu d’alléguer des faits substantiels à l’appui de sa demande (Meigs au par. 7). Cependant, aucun fondement factuel dans les actes de procédure ne démontre que le délai allégué était préjudiciable ou constituait un manquement aux règles d’équité procédurale.

[37]           L’argument du demandeur à l’égard de la présente requête est identique à celui du dossier T-158-12, ci-dessus.

[38]           Ainsi, j’ordonne la radiation des paragraphes 1(b), 1(c), 9, 10, 17 et 19 à 22, sans autorisation de les modifier.

III.             Questions en litige

[39]           Les questions à trancher à l’instruction, comme l’a mentionné le protonotaire Lafrenière dans le compte rendu de la conférence préalable à l’instruction tenue le 13 mai 2013, et le 5 novembre 2013, sont les suivantes :

1.   Le défendeur a-t-il eu raison de conclure que le demandeur avait contrevenu au paragraphe 12(1) de la Loi sur les douanes?

2.   Le temps qu’il a fallu pour terminer l’examen ministériel et rendre la décision constitue-t-il un délai excessif et, par conséquent, un manquement à l’obligation d’équité procédurale?

3.   La présente Cour a-t-elle compétence en l’espèce pour accorder toutes les réparations demandées?

IV.             Analyse

A.                La preuve dans le cadre des actions simplifiées

(1)               T-158-12

(a)                Affidavit de Byrl Ward

[40]           Cet affidavit a été déposé relativement au dossier T-159-12, mais semble se rapporter aux faits du dossier T-158-12.

[41]           Byrl Ward est la mère du demandeur. Elle affirme qu’au début de 2010 le demandeur lui a demandé de communiquer avec sa sœur, Marilynn Leckenby, pour lui demander si son fils pouvait utiliser son adresse aux États-Unis pour recevoir des articles qu’il achetait sur eBay, étant entendu qu’elle irait chercher les marchandises pour lui en mai 2010. Mme Leckenby a plus tard demandé au demandeur de venir chercher les articles avant mai 2010.

[42]           Mme Ward affirme qu’elle n’a pas d’autre information à donner au sujet des incidents du 23 avril 2010. 

(b)               Affidavit de Christopher Ward

[43]           Le demandeur est un résident de Victoria, en Colombie-Britannique.

[44]           Le demandeur affirme qu’il a acheté en février et mars 2010 des pièces de bicyclette, une montre Rolex, des souliers et des lunettes de soleil sur eBay. En raison des restrictions relatives à l’expédition, il a fait expédier ces articles chez sa tante, Marilynn Leckenby, à Mont Vernon, dans l’État de Washington, aux États-Unis. Il indique qu’elle n’était pas au courant qu’il utilisait son adresse.

[45]           Le 22 avril 2010, le demandeur s’est rendu chez sa tante. Cette dernière lui a demandé de sortir les articles de sa maison. Comme il souffre d’une déficience cognitive post-chimiothérapie  qui affecte les fonctions exécutives, de planification, d’organisation et de la mémoire, il a mis la montre Rolex à son poignet pour se rappeler où elle était.

[46]           Le 23 avril 2010, le demandeur est arrivé à Sydney, en Colombie-Britannique, avec ses marchandises. M. Van Kempen Seket lui a demandé ses « papiers » sur un ton que le demandeur  a perçu comme condescendant. Le demandeur s’est offusqué et est devenu frustré et irrité par l’attitude de M. Van Kempen Seket, et il a impulsivement affirmé que ses marchandises étaient des cadeaux.

[47]           M. Van Kempen Seket a demandé au demandeur la valeur des marchandises mais celui-ci ne le savait pas, répondant autour de quatre mille dollars. M. Van Kempen Seket a indiqué qu’il avait besoin de connaître la valeur et a demandé si quelqu’un pouvait lui fournir cette information. Le demandeur a donné à M. Van Kempen Seket le numéro de téléphone de Mme Leckenby. Cette dernière a confirmé par téléphone que les marchandises n’étaient pas des cadeaux.

[48]           Le demandeur a ensuite admis à M. Van Kempen Seket qu’il avait acheté les articles sur eBay. Le demandeur allègue que M. Van Kempen Seket a dit qu’il avait [TRADUCTION] « la chance de mettre les choses au clair » et lui a demandé d’ouvrir une session dans son compte eBay et de dresser une liste des articles et de leur valeur. Le demandeur a obtempéré.

[49]           M. Van Kempen Seket a comparé la liste avec les articles que le demandeur avait en sa possession. Il y avait deux articles en surplus. Les biens du demandeur ont été subséquemment saisis.

[50]           Le demandeur allègue que M. Van Kempen Seket fait de fausses déclarations dans son rapport narratif.

(c)                Affidavit de Roger Van Kempen Seket

[51]           M. Van Kempen Seket est un agent des services frontaliers à Sydney, en Colombie-Britannique. Il occupe ce poste d’agent depuis 2002. C’est lui qui s’est entretenu avec le demandeur le 23 avril 2010. Il affirme qu’il a saisi les marchandises en cause parce que le demandeur a fait de fausses déclarations et a omis de fidèlement les déclarer.

[52]           Le 23 avril 2010, le demandeur s’est conformé à un premier interrogatoire mené par M. Van Kempen Seket. Ce dernier a constaté que le demandeur avait beaucoup de boîtes et de caisses sur un chariot. M. Van Kempen Seket affirme que le demandeur a initialement déclaré que les marchandises n’avaient aucune valeur, puisqu’elles constituaient des cadeaux que sa tante avait achetés pour d’autres membres de la famille au Canada. Il a indiqué qu’elles contenaient des pièces de bicyclette usagées uniquement. Après avoir été interrogé davantage, il a indiqué que les marchandises avaient une valeur de 4 000 $. M. Van Kempen Seket n’a pas demandé au demandeur de remplir par écrit des formulaires de déclaration, car au point d’entrée de Sydney, les agents s’appuient sur des déclarations verbales.

[53]           M. Van Kempen Seket a ensuite décidé de soumettre le demandeur à un examen secondaire. Il a mené cet examen, car aucun autre agent n’était disponible. Au cours de cet examen secondaire, le demandeur a déclaré que ses marchandises comprenaient des pièces de bicyclette, des souliers et une montre. Il a répété que les marchandises étaient des cadeaux pour d’autres personnes et qu’il n’avait rien acheté pour lui-même. M. Van Kempen Seket a indiqué qu’il devait confirmer la valeur des marchandises. Le demandeur a donné à M. Van Kempen Seket le numéro de téléphone de Mme Leckenby.

[54]           M. Van Kempen Seket a parlé à Mme Leckenby. Elle a dit que le demandeur était son neveu et qu’elle l’autorisait à faire livrer chez elle les marchandises qu’il achetait sur Bay, et qu’elle n’avait pas remis les articles au demandeur à titre de cadeaux pour lui ou quelqu’un d’autre.

[55]           M. Van Kempen Seket a informé le demandeur que Mme Leckenby avait fourni des renseignements qui étaient contraires à sa déclaration concernant les marchandises. Le demandeur a admis qu’il avait fait de fausses déclarations au sujet des marchandises, qu’il avait tenté d’éviter le paiement de douanes et de taxes, que toutes les marchandises étaient destinées à son propre usage et qu’il les avait achetées sur eBay.

[56]           Le demandeur a dressé une liste des marchandises et indiqué leur valeur correspondante, et M. Van Kempen Seket a comparé la liste avec les marchandises appartenant au demandeur. M. Van Kempen Seket a ajouté trois articles. La valeur totale de cette liste s’élevait à plus de 19 000 $. Il a saisi les marchandises parce qu’elles n’ont pas été correctement déclarées et que le demandeur a fait de fausses de déclarations à leur sujet. Les conditions de la mainlevée ont été fixées à un montant de 8 655,44 $. Le demandeur a payé ce montant et les marchandises lui ont été restituées.

(2)               T-159-12

(a)                Affidavit de Byrl Ward

[57]           Cet affidavit a été déposé relativement au dossier T-158-12, mais semble se rapporter aux faits du dossier T-159-12.

[58]           Byrl Ward est la mère du demandeur et l’accompagnait lors son retour au Canada au port d’entrée Pacific Highway à Surrey, en Colombie-Britannique, le 6 mai 2010. 

[59]           Elle affirme qu’elle ne se souvient pas en détail de cette journée, sauf qu’il y avait un long temps d’attente et que ce délai était stressant.

(b)               Affidavit de Christopher Ward

[60]           Le demandeur affirme que le 6 mai 2010, il est revenu au Canada par l’État de Washington comme passager dans la voiture de ses parents. À ce moment-là, il souffrait d’une infection virale et on lui avait prescrit de la morphine pour lutter contre la douleur. Lui et ses parents ont été soumis à un examen secondaire et l’agent des services frontaliers, Raj Sangha, lui a demandé s’il avait des marchandises à déclarer. Le demandeur affirme que, tandis qu’il déclarait chacun des articles, M. Sangha lui demandait continuellement s’il avait d’autres choses à déclarer, ce qui s’est poursuivi jusqu’à ce qu’il ait tout déclaré, y compris la montre Brietling.

[61]           Le demandeur affirme qu’il a déclaré toutes les marchandises qu’il importait avant la fouille, et qu’après la fouille, M. Sangha a indiqué que les marchandises seraient saisies parce qu’il n’avait pas déclaré un pendentif en rubis qui figurait sur un reçu qu’il détenait.

(c)                Affidavit de Michelle Stanworth

[62]           Mme Stanworth est une agente des services frontaliers à Surrey, en Colombie-Britannique. Elle occupe ce poste depuis 2007. Elle est l’un des agents qui se sont entretenus avec le demandeur le 6 mai 2010.

[63]           Mme Stanworth a mené un premier interrogatoire auprès de la famille Ward le 6 mai 2010. Elle indique que Mme Ward l’a informée que la valeur totale des marchandises rapportées au Canada était d’environ 300 $.

[64]           Mme Stanworth a entré les renseignements d’identification fournis par Mme Ward et a découvert que le demandeur avait déjà fait l’objet d’une saisie ou mesure d’exécution douanière. Elle a demandé individuellement à chaque membre de la famille s’ils avaient autre chose à déclarer. Tous les membres de la famille, y compris le demandeur, ont répondu par la négative. Elle a renvoyé la famille Ward à un examen secondaire.

(d)               Affidavit de Anuraj Sangha

[65]           M. Sangha est un agent des services frontaliers à Surrey, en Colombie-Britannique. Il occupe ce poste d’agent depuis 2007. Il est l’un des agents qui se sont entretenus avec le demandeur le 6 mai 2010. Il affirme qu’il a saisi les marchandises en cause parce que le demandeur a omis de les déclarer.

[66]           Le 6 mai 2010, le demandeur et ses parents se sont soumis à un examen secondaire mené par M. Sangha.

[67]           Le demandeur a produit un reçu pour une station météo sans fil Davis Vantage Vue au prix de 300 $US.

[68]           M. Sangha a parlé à Byrl Ward, qui l’a informé que le demandeur avait installé des jantes sur le cadre d’une bicyclette dans l’État de Washington. Le demandeur a été informé de cela, et a admis qu’il rapportait également au Canada des jantes de bicyclette qu’il n’avait pas déclarées. À ce stade, M. Sangha a procédé à une fouille. Il a trouvé le manuel d’utilisation pour une montre Breitling. Le demandeur a admis qu’il portait sur lui la montre qu’il avait achetée sur eBay et fait livrer chez sa tante. Il a admis qu’il avait également omis de déclarer cette montre.

[69]           M. Sangha a demandé au demandeur s’il avait en sa possession d’autres marchandises non déclarées. Le demandeur a admis qu’il transportait un logiciel lié à la station météo et une boîte contenant d’autres pièces de bicyclette.

[70]           M. Sangha a demandé à M. Ward d’ouvrir une session dans son compte eBay pour vérifier les montants de la montre Breitling et des pièces de bicyclette. Leur valeur totale s’élevait à 7 617 $. M. Sangha a saisi ces marchandises puisqu’elles n’ont pas été déclarées. M. Sangha n’a pas saisi la station météo et le logiciel correspondant, étant donné que leur valeur équivalait au montant en vigueur à l’époque, accordé à titre d’exemption personnelle.

[71]           Les conditions de la mainlevée ont été fixées à 5 128,46 $, et la taxe de vente applicable était de 547,37 $. Mme Ward a payé ces montants et les marchandises ont été restituées au demandeur.

[72]           Aucun contre-interrogatoire n’a été mené devant moi au cours des audiences.  M. Ward a commencé à contre-interroger M. Van Kempen Seket, mais a indiqué qu’il n’arrivait pas à se concentrer et a choisi de ne pas poursuivre son contre-interrogatoire et a fait savoir qu’il ne contre-interrogerait pas les autres témoins du défendeur. Il a précisé qu’il comptait sur sa preuve par affidavit pour étayer sa demande.

[73]           Étant donné que je fais radier la déclaration du demandeur dans le dossier T-158-12 en entier, il n’est pas nécessaire que j’examine la preuve dans le cadre de l’action simplifiée en l’espèce. Cependant, même si je l’examinais, je conclurais que l’action de M. Ward doit être rejetée. Il a contrevenu aux articles 12 et 13 de la Loi, et la saisie et la confiscation prévues aux articles 110 et 122 et la décision subséquente du ministre rendue en vertu de l’article 133 étaient justifiées.

[74]           Étant donné que la Loi a été violée du fait que le demandeur a fait une fausse déclaration devant l’agent durant le premier interrogatoire, celui-ci n’était pas tenu de tenir compte de la preuve présentée à l’égard de la déclaration durant l’examen secondaire (Trites c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 1365, par. 11). Cependant, en l’espèce, M. Ward est allé plus loin et a fait de fausses déclarations durant l’examen secondaire.

[75]           En outre, les explications pour omission de déclarer des marchandises ou absence d’intention de tromper ne sont pas pertinentes au moment de déterminer si la saisie est valide (Kennedy c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CF 1196, par. 61).

[76]           De la même façon, compte tenu des conclusions que j’ai tirées précédemment et du fait que je fais radier les paragraphes 1(b), 1(c), 9, 10, 17 et 19 à 22 de l’action T-159-12, je conclus que l’action T-159-12 n’est pas fondée et que le demandeur est débouté d’après la preuve qui m’a été présentée. M. Ward a contrevenu aux articles 12 et 13 de la Loi, en faisant une fausse déclaration sur la valeur des marchandises qu’il a rapportées au Canada, tant durant le premier interrogatoire que l’examen secondaire menés par Mme Stanworth et M. Sangha.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.         La radiation de la déclaration du demandeur dans l’action T-158-12, sans autorisation de la modifier;

2.         La radiation des paragraphes 1(b), 1(c), 9, 10, 17 et 19 à 22 de la déclaration du demandeur dans l’action T-159-12 , sans autorisation de les modifier. L’action du demandeur dans le dossier T-159-12 est par ailleurs rejetée;

3.         Les dépens sont adjugés au défendeur.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-158-12

 

INTITULÉ :

CHRISTOPHER MYRON WARD c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 JUIN 2014

 

mOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 JUIN 2013

 

COMPARUTIONS :

Christopher Myron Ward

 

POUR LE DEMANDEUR,

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Erica Louie

Michelle Shea

 

POUR LE DÉFENDEUR,

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Christopher Myron Ward

Victoria (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR,

POUR SON PROPRE COMPTE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR,

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA  PROTECTION CIVILE

 

 

 

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