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Date : 20140627


Dossier : IMM‑12718‑12

Référence : 2014 CF 630

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 juin 2014

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

IBRAHIM AINAB

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

Introduction

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, déposée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], de la décision datée du 20 novembre 2012 [la décision] par laquelle un agent [l’agent] de Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] a refusé la demande de résidence permanente basée sur des considérations d’ordre humanitaire [la demande CH] qu’a présentée le demandeur en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi.

CONTEXTE

[2]               Le demandeur est un réfugié au sens de la Convention. Il est arrivé au Canada en 1990 en provenance de la Somalie, dont il fuyait la guerre civile. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié lui accordé le statut de réfugié le 11 juin 1991, mais il n’a pas présenté de demande de résidence permanente dans le délai de 180 jours prévu par le règlement alors en vigueur. Depuis son arrivée, il lutte contre l’alcoolisme et a des problèmes de santé mentale. Sa conduite lui a valu un casier judiciaire qui le rend interdit de territoire au Canada pour grande criminalité aux termes du paragraphe 36(1) de la Loi. Par conséquent, même s’il demeure un réfugié et ne peut être expulsé que dans des circonstances très précises, le paragraphe 21(2) de la Loi le rend inadmissible au statut de résident permanent.

[3]               Le demandeur a cessé de boire et a obtenu de l’aide médicale pour un trouble de schizophrénie non diagnostiqué auparavant, puis a présenté, en décembre 2011, une demande de résidence permanente fondée sur des motifs CH, et ce, malgré ses déclarations de culpabilité et l’expiration du délai normal pour présenter une demande après l’obtention du statut de réfugié. Cette demande a été refusée dans la décision visée par le présent contrôle.

[4]               Comme il l’indique dans sa demande CH, le demandeur estime que ses déclarations de culpabilité sont mineures et toutes liées à ses problèmes d’alcoolisme et de santé mentale, lesquels sont maîtrisés depuis qu’il prend des médicaments et est sobre. Il écrit qu’il n’a [traduction] « jamais blessé personne », et que [traduction] « [s]es démêlés avec la police avaient toujours à voir avec le fait [qu’il] étai[t] soûl et [qu’il] dérangeai[t] [s]a famille ». Cette famille comprend son épouse, qui elle aussi a fui la Somalie et qui est à présent citoyenne canadienne, et leurs sept enfants, dont six sont nés au Canada. Il a également cinq frères et sœurs qui vivent ici, ses parents et sa fratrie ayant comme lui fui la guerre civile en Somalie.

[5]               Les antécédents criminels du demandeur incluent une déclaration de culpabilité de conduite avec facultés affaiblies en août 1995 et trois autres infractions criminelles ultérieures. Il a été reconnu coupable d’agression armée en mai 1997, d’usage de carte de crédit volée en février 2006 et de présence illégale dans une maison d’habitation en 2009. Il a été condamné à trois mois de prison et à une probation de trois ans en 1997, a écopé d’une peine suspendue et d’une probation de six mois en 2006, a purgé un mois en prison et complété deux ans de probation à la suite de l’infraction de 2009. C’est durant son séjour en prison en août 2009 que le demandeur a décidé d’arrêter de boire, et il affirme qu’il n’a pas recommencé depuis. Il prétend que sa déclaration de culpabilité de 1997 pour agression armée était injustifiée, car il n’avait pas commis le crime en question, mais qu’il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment, et que sa déclaration de culpabilité en 2006 découlait du fait qu’il avait utilisé la carte de crédit de son épouse pour acheter de l’alcool à son insu. En 2009, il s’est présenté au domicile familial en état d’ébriété et a cassé une fenêtre lorsqu’on a refusé de le laisser entrer. Son fils aîné, alors âgé de 18 ans, avait appelé la police.

[6]               L’alcoolisme du demandeur a mis sa famille à rude épreuve et, pendant de nombreuses années, il louait une chambre ailleurs, car sa femme ne voulait pas de lui à la maison lorsqu’il était soûl. Cela dit, il a continué à passer les fins de semaine et les vacances avec sa famille, et son épouse et lui ont tous deux affirmé que les rapports familiaux s’étaient améliorés depuis qu’il avait cessé de boire. Il espère un jour réintégrer entièrement le domicile familial.

[7]               La demande CH était accompagnée de lettres de soutien de la sœur du demandeur et de son médecin de famille, d’un rapport de consultation rédigé par un psychiatre, de déclarations faites sous serment par le demandeur et son épouse, ainsi que de documents décrivant la stigmatisation liée à la maladie mentale en Somalie et dans les communautés somaliennes à l’étranger. Après avoir examiné ces éléments de preuve, l’agent a conclu qu’il n’y avait pas lieu de lever, pour des motifs CH, l’interdiction de territoire visant le demandeur en vertu de l’alinéa 36(1)a).

DÉCISION SOUS CONTRÔLE

[8]               L’agent a estimé que la déclaration de culpabilité de 1995 pour conduite avec facultés affaiblies ne faisait pas obstacle à l’octroi de la résidence permanente, mais que celles de 1997, 2006 et 2009 concernaient toutes des infractions criminelles emportant interdiction de territoire pour grande criminalité aux termes de l’alinéa 36(1)a). L’agent a pondéré cette interdiction de territoire avec les facteurs CH invoqués par le demandeur, notamment son établissement au Canada, ses liens familiaux ici et leur inexistence en Somalie, l’impact de sa maladie mentale et l’intérêt supérieur de ses enfants.

[9]               Au chapitre de l’établissement et des liens familiaux, l’agent a décrit la [traduction] « longue et difficile histoire » du demandeur, de son épouse et de leur famille. Il a constaté que le demandeur avait travaillé comme ouvrier non qualifié de 2002 à 2004 et qu’il était au chômage depuis, et que la [traduction] « majeure partie de [son] séjour au Canada » avait été [traduction] « ponctuée de nombreux démêlés avec les autorités judiciaires », incluant de nombreuses accusations mineures en plus des infractions criminelles susmentionnées. Même si le demandeur vivait au Canada depuis plus de vingt ans, l’agent a conclu que durant cette période, son comportement avait [traduction] « perturbé la collectivité et son foyer ». Il a accordé un certain poids à l’établissement du demandeur, mais a estimé qu’il ne l’emportait pas sur ses antécédents criminels.

[10]           En ce qui concerne la maladie mentale du demandeur, l’agent a pris acte de la lettre dans laquelle son médecin de famille signalait [traduction« un changement presque complet de l’état de santé de M. Ainab » depuis qu’il avait commencé à prendre des antipsychotiques en 2009. Le médecin faisait remarquer qu’il n’était pas rare que les patients psychiatriques aient recours à des substances comme l’alcool pour traiter eux‑mêmes leur maladie mentale, que les symptômes de M. Ainab avaient régressé, et qu’il avait retrouvé un bon niveau de fonctionnement. Il participait activement à la vie de sa famille. L’agent a reconnu que [traduction] « M. Ainab a été très malade pendant de nombreuses années […] et que ses démêlés judiciaires ont possiblement pour origine sa maladie mentale », et a déclaré que les renseignements fournis par son médecin [traduction] « indiquent qu’il a accompli de grands progrès et qu’il est en voie de guérison physique et mentale ». Tout en accordant un [traduction] « poids important » aux changements positifs chez le demandeur, l’agent n’était pas convaincu [traduction] « que ce diagnostic récent exonère M. Ainab de son passé » ou qu’il ne rechuterait pas, dans la mesure où il affronte ces problèmes depuis de nombreuses années. L’agent a souligné que le demandeur avait arrêté de boire lorsqu’il était en prison et après avoir reçu une solide mise en garde de la part des autorités de l’immigration, et a conclu que la lettre d’avertissement et la menace de renvoi avaient peut‑être déclenché l’évolution positive. Tout en reconnaissant que le demandeur était très probablement malade lorsqu’il est entré par effraction dans le domicile de son épouse en 2009, l’agent a estimé qu’il avait déjà de longs antécédents judiciaires et a conclu ceci : [traduction] « Le fait que l’incident se soit produit il y a juste trois ans ne me garantit pas que M. Ainab n’est pas sujet à récidive. »

[11]           L’agent a reconnu qu’il serait dans l’intérêt supérieur des enfants du demandeur que celui‑ci reste au Canada, mais a estimé qu’une décision défavorable concernant la demande CH ne l’en empêcherait pas. Il cite le manuel de CIC Exécution de la loi 2 / Traitement des demandes à l’étranger 18 (ENF 2/OP 18 Évaluation de l’interdiction de territoire), qui prévoit à la section 13 :

Les obligations du Canada en ce qui a trait aux réfugiés se trouvent aux dispositions de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés et au Protocole de 1967. On y trouve l’obligation aux termes de laquelle les réfugiés qui se trouvent légalement au Canada ont le droit d’y demeurer.

Par voie de conséquence, la personne protégée ou à qui le statut de réfugié a été reconnu ne peut être renvoyée du Canada sauf dans les cas suivants :

•           il a été déterminé qu’elle est interdite de territoire pour grande criminalité et elle constitue, de l’avis du [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration], un danger pour le public au Canada;

•           il a été déterminé qu’elle est interdite de territoire pour des motifs de sécurité, de violation des droits humains ou internationaux ou pour criminalité et, de l’avis du [Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration], elle ne doit pas être autorisée à demeurer au Canada en raison de la nature et de la gravité des actes commis ou parce qu’elle constitue un danger pour la sécurité du Canada.

[12]           L’agent a conclu que les fonctionnaires de l’immigration ne chercheraient pas à renvoyer le demandeur du Canada, à moins qu’il ne soit de nouveau déclaré coupable d’un crime grave, et qu’il continuerait de bénéficier du soutien de sa famille et de professionnels de la santé.

[13]           Après avoir attentivement examiné la preuve fournie, l’agent a conclu que les facteurs CH étaient individuellement et cumulativement insuffisants pour lever l’interdiction de territoire dont le demandeur était frappé. À ce titre, il devait demander un pardon et présenter une nouvelle demande de résidence permanente. Même s’il ne sera pas admissible à un pardon pendant plusieurs années, le demandeur bénéficiera encore entre‑temps de la protection du Canada et [traduction] « pourra donc continuer à raffermir sa relation avec sa famille et obtenir les soins de santé mentale nécessaires et le soutien requis pour lutter contre son alcoolisme ».

QUESTIONS EN LITIGE

[14]           La Cour doit examiner en l’espèce les questions suivantes :

A)                L’agent a‑t‑il appliqué le mauvais critère en cherchant à déterminer si une dispense des conséquences habituelles de l’interdiction de territoire pour grande criminalité était justifiée aux termes du paragraphe 25(1)?

B)                La décision était‑elle raisonnable?

NORME DE CONTRÔLE

[15]           Icitte Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a indiqué qu’il n’était pas nécessaire de procéder dans chaque cas à une analyse de la norme de contrôle. Lorsque celle qui s’applique à une question particulière que la Cour doit trancher est établie de manière satisfaisante par la jurisprudence, le tribunal de révision peut l’adopter. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou si la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire que la cour de révision doit entreprendre l’analyse des quatre facteurs qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle : Agraira c Canada (Sécurité publique et protection civile.), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.

[16]           S’agissant de la manière dont l’agent a évalué et soupesé la preuve présentée à l’appui d’une demande CH, et de sa conclusion quant à la question de savoir si celle‑ci justifie une dispense, il est bien établi qu’une certaine retenue est de mise et que la norme de la raisonnabilité doit s’appliquer : voir Alcin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1242, au paragraphe 36; Lopez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1172, au paragraphe 29; Daniel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 797, au paragraphe 12; Jung c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 678, au paragraphe 19.

[17]           La jurisprudence a déjà été divisée au sujet de la norme de contrôle appropriée lorsqu’il s’agit de savoir si le tribunal a appliqué le bon critère pour parvenir à la décision CH, mais la Cour d’appel a récemment conclu qu’il convenait d’appliquer la norme de la raisonnabilité : voir Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 113, au paragraphe 30, et Lemus c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 114, au paragraphe 18.

[18]           Cependant, comme je l’ai récemment indiqué dans une autre affaire portant sur l’article 25 de la Loi (voir Blas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 629, aux paragraphes 17 à 23), l’éventail des issues raisonnables auxquelles l’agent peut parvenir est limité par les principes établis par la jurisprudence relative au paragraphe 25(1) : voir McLean c Colombie‑Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, aux paragraphes 37 à 41; Mills c Ontario (Workplace Safety and Insurance Appeals Tribunal), 2008 ONCA 436, au paragraphe 22; Canada (Procureur général) c Abraham, 2012 CAF 266, aux paragraphes 37 à 50; Canada (Procureur général) c Commission canadienne des droits de la personne (sub nom. Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations c Canada (Procureur général)), 2013 CAF 75, aux paragraphes 13 à 19; Canada (Procureur général) c Première nation de Pictou Landing, 2014 CAF 21, au paragraphe 26; Canada (Transports, Infrastructures et Collectivités) c Farwaha, 2014 CAF 56, au paragraphe 95. En d’autres mots, il sera normalement jugé déraisonnable de s’écarter des critères bien établis et des principes juridiques énoncés dans la jurisprudence relative au paragraphe 25(1), quoique la Cour doive encore se demander, à la lumière de celle‑ci, si l’approche du décideur était raisonnable dans les circonstances de l’affaire.

[19]           Lorsque la Cour effectue le contrôle de la décision selon la norme de la raisonnabilité, son analyse se rapporte « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, ainsi que Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne doit intervenir que si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

dispositionS LÉGISLATIVES

[20]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent dans la présente instance :

Résident permanent

Permanent resident

21. (1) Devient résident permanent l’étranger dont l’agent constate qu’il a demandé ce statut, s’est déchargé des obligations prévues à l’alinéa 20(1)a) et au paragraphe 20(2) et n’est pas interdit de territoire.

21. (1) A foreign national becomes a permanent resident if an officer is satisfied that the foreign national has applied for that status, has met the obligations set out in paragraph 20(1)(a) and subsection 20(2) and is not inadmissible.

Personne protégée

Protected person

(2) Sous réserve d’un accord fédéro‑provincial visé au paragraphe 9(1), devient résident permanent la personne à laquelle la qualité de réfugié ou celle de personne à protéger a été reconnue en dernier ressort par la Commission ou celle dont la demande de protection a été acceptée par le ministre — sauf dans le cas d’une personne visée au paragraphe 112(3) ou qui fait partie d’une catégorie réglementaire — dont l’agent constate qu’elle a présenté sa demande en conformité avec les règlements et qu’elle n’est pas interdite de territoire pour l’un des motifs visés aux articles 34 ou 35, au paragraphe 36(1) ou aux articles 37 ou 38.

(2) Except in the case of a person described in subsection 112(3) or a person who is a member of a prescribed class of persons, a person whose application for protection has been finally determined by the Board to be a Convention refugee or to be a person in need of protection, or a person whose application for protection has been allowed by the Minister, becomes, subject to any federal‑provincial agreement referred to in subsection 9(1), a permanent resident if the officer is satisfied that they have made their application in accordance with the regulations and that they are not inadmissible on any ground referred to in section 34 or 35, subsection 36(1) or section 37 or 38.

[…]

[…]

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

Humanitarian and compassionate considerations — request of foreign national

25. (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché

25. (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible or does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

[…]

[…]

Grande criminalité

36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

Serious criminality

36. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

[…]

[…]

Criminalité

Criminality

(2) Emportent, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour criminalité les faits suivants :

(2) A foreign national is inadmissible on grounds of criminality for

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de deux infractions à toute loi fédérale qui ne découlent pas des mêmes faits;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by way of indictment, or of two offences under any Act of Parliament not arising out of a single occurrence;

[…]

[…]

Application

Application

(3) Les dispositions suivantes régissent l’application des paragraphes (1) et (2) :

(3) The following provisions govern subsections (1) and (2) :

a) l’infraction punissable par mise en accusation ou par procédure sommaire est assimilée à l’infraction punissable par mise en accusation, indépendamment du mode de poursuite effectivement retenu;

(a) an offence that may be prosecuted either summarily or by way of indictment is deemed to be an indictable offence, even if it has been prosecuted summarily;

b) la déclaration de culpabilité n’emporte pas interdiction de territoire en cas de verdict d’acquittement rendu en dernier ressort ou en cas de suspension du casier — sauf cas de révocation ou de nullité — au titre de la Loi sur le casier judiciaire;

(b) inadmissibility under subsections (1) and (2) may not be based on a conviction in respect of which a record suspension has been ordered and has not been revoked or ceased to have effect under the Criminal Records Act, or in respect of which there has been a final determination of an acquittal;

c) les faits visés aux alinéas (1)b) ou c) et (2)b) ou c) n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui, à l’expiration du délai réglementaire, convainc le ministre de sa réadaptation ou qui appartient à une catégorie réglementaire de personnes présumées réadaptées;

(c) the matters referred to in paragraphs (1)(b) and (c) and (2)(b) and (c) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or foreign national who, after the prescribed period, satisfies the Minister that they have been rehabilitated or who is a member of a prescribed class that is deemed to have been rehabilitated;

[…]

[…]

 

Principe

Protection

115. (1) Ne peut être renvoyée dans un pays où elle risque la persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités, la personne protégée ou la personne dont il est statué que la qualité de réfugié lui a été reconnue par un autre pays vers lequel elle peut être renvoyée.

115. (1) A protected person or a person who is recognized as a Convention refugee by another country to which the person may be returned shall not be removed from Canada to a country where they would be at risk of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion or at risk of torture or cruel and unusual treatment or punishment.

Exclusion

Exceptions

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à l’interdit de territoire :

(2) Subsection (1) does not apply in the case of a person

a) pour grande criminalité qui, selon le ministre, constitue un danger pour le public au Canada;

(a) who is inadmissible on grounds of serious criminality and who constitutes, in the opinion of the Minister, a danger to the public in Canada; or

[…]

[…]

ArgumentS

Le demandeur

[21]           Le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur fondamentale en n’appliquant pas le critère approprié applicable aux demandes CH. D’après lui, il est établi depuis longtemps que le critère applicable – et le seul endossé par la Cour – consiste à déterminer si le demandeur se heurtera à des « difficultés indues », définies comme des « difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives ». Comme l’a fait remarquer la Cour dans Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 11, au paragraphe 38 [Singh], même s’il provient des directives établies par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), « le critère des “difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives” ou “unusual, undeserved or disproportionate hardship” a maintenant été adopté par la jurisprudence de cette Cour concernant l’application du paragraphe 25(1), de sorte que ces termes sont plus que de simples directives » (voir également Serda c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 356; Doumbouya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1186; Aguilar Espino c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CAF 77 [Espino (CAF)], ce qu’a reconnu CIC au paragraphe 5.10 de son Guide sur le traitement des demandes au Canada, chapitre IP 5 : Demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire [le guide IP5], citant la décision Singh, précitée.

[22]           Malgré cela, soutient le demandeur, l’agent n’a pas mentionné une seule fois dans sa décision le critère des difficultés indues, ni la norme des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives. Il a indiqué à la place qu’il avait pondéré les facteurs CH au regard de l’interdiction de territoire du demandeur pour criminalité, et estimé que son établissement ne [traduction] « l’emportait pas sur ses antécédents criminels », et que son diagnostic récent de schizophrénie ne [traduction] « l’exonérait pas » de son passé; il a également évoqué un risque de rechute et/ou de récidivisme. En bref, fait valoir le demandeur, l’agent a cru devoir déterminer s’il était réadapté et si les facteurs CH [traduction] « l’emportaient » sur son interdiction de territoire pour criminalité au point où il était possible de la [traduction] « lever ». Le demandeur avance que cette évaluation n’a rien à voir avec celle qui se rapporte aux difficultés indues que dicte la loi.

[23]           Le demandeur reconnaît qu’il était loisible à l’agent d’examiner les circonstances liées à son passé criminel dans le cadre de l’analyse touchant les difficultés indues (voir Aguilar Espino c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 74, au paragraphe 20 [Espino (CF)]). Cependant, il prétend que l’agent ne pouvait pas appliquer un critère totalement différent pour évaluer ces difficultés.

[24]           En raison de son erreur, l’agent a accordé une importance particulière à la criminalité du demandeur et s’en est servi pour écarter complètement tous les facteurs CH positifs, pris individuellement et cumulativement. Le demandeur affirme que cette approche a été rejetée plusieurs fois par la Cour (Curry c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1350; Lodge c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 870, au paragraphe 19), et qu’une nouvelle évaluation effectuée en fonction de la norme appropriée s’impose.

[25]           Le demandeur soutient également que l’agent a outrepassé sa compétence et usurpé le rôle du Directeur de l’examen des cas [le directeur] de l’Administration centrale [AC] de CIC, à qui il revient de trancher les demandes CH dans les cas d’interdiction de territoire pour grande criminalité au titre du paragraphe 36(1). Il affirme qu’il existe une procédure bien définie en pareils cas, décrite aux sections 10 et 5.25 du guide IP5, et que l’agent de premier niveau n’a pour unique rôle dans ce processus que de déterminer, selon la norme habituelle des difficultés indues, si les facteurs CH justifient une dispense. En cas de réponse négative, l’agent peut refuser la demande, mais si elle est positive, il doit renvoyer le cas au directeur de l’AC, auquel le demandeur doit pouvoir soumettre des observations. Le demandeur prétend que le directeur doit alors rendre deux décisions :

a)      une réévaluation des facteurs CH basée sur la norme des difficultés indues; et (si celle‑ci est favorable)

b)      décider si les motifs CH sont suffisants pour lever l’interdiction de territoire, en pondérant les difficultés indues et l’interdiction de territoire.

Autrement dit, affirme le demandeur, le directeur évalue à nouveau la décision rendue au stade 1 (en déterminant si les facteurs CH soulèvent des difficultés indues), et passe ensuite à l’exercice de pondération de la seconde étape. Selon le demandeur, la structure du processus décisionnel est claire. Les agents de premier niveau ne peuvent qu’évaluer les difficultés indues, puisque c’est là leur expertise. Ils n’ont pas la compétence requise pour contourner cette première étape et passer directement à la question de savoir si les facteurs CH l’emportent sur l’interdiction de territoire. Le directeur lui‑même ne peut d’ailleurs pas sauter cette première étape, et doit décider s’il existe des difficultés indues avant de déterminer si les facteurs CH l’emportent sur l’interdiction de territoire.

[26]           Le demandeur affirme que, dans la décision Espino (CF), précitée, confirmée par l’arrêt Espino (CAF), précité, la Cour a rejeté l’approche adoptée par l’agent, qui consistait à simplement soupeser l’interdiction de territoire au regard des facteurs CH. Dans cette affaire, les demandeurs ont contesté l’approche habituelle et fait valoir que les demandeurs cherchent à faire lever différents types d’interdiction de territoire, et que l’évaluation des facteurs CH devait être un exercice en une seule étape consistant à pondérer « l’étendue de l’obstacle juridique à l’admission et le degré de circonstances convaincantes en faveur de l’admission » (Espino (CF), au paragraphe 26). La Cour a conclu, en s’appuyant sur l’analyse suivante, que le processus en deux étapes était raisonnable et qu’il n’y avait pas lieu de le modifier (Espino (CF), aux paragraphes 34 et 35) :

[34]      Demander plutôt, comme le prétendent les demandeurs, de mettre en balance l’étendue de l’obstacle à l’admissibilité et les circonstances qui sont en faveur de cette admissibilité créerait, selon moi, une nouvelle catégorie d’admissions qui court‑circuiterait l’obligation légale de présenter depuis l’étranger les demandes de résidence permanente.

[35]      Je ne souscris pas à l’affirmation selon laquelle l’actuel processus est arbitraire, ou contraire à l’intention du législateur parce qu’il traite de la même manière toutes les formes d’interdiction de territoire. Pour reprendre l’exemple que les demandeurs ont cité, je n’admets pas l’idée selon laquelle à la première étape de l’évaluation [traduction] « les pires criminels sont mis sur le même pied que les personnes qui contreviennent à la [Loi] pour des raisons simplement techniques ». Certes, aucune décision en matière d’interdiction de territoire n’est prise à la première étape, car, comme le mentionne clairement la section 11.3 du guide IP 5 (reproduite plus haut), les faits relatifs à l’interdiction de territoire doivent être pertinents à la décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[27]           Le demandeur affirme que l’agent a mal compris en l’espèce son rôle et qu’il a outrepassé sa compétence en [traduction] « contournant » les procédures définies dans le guide IP5 et le critère bien établi relatif aux demandes CH,.

Le défendeur

[28]           Le défendeur soutient que le demandeur envisage la décision sous un angle excessivement technique et qu’il ignore les circonstances uniques de l’affaire. Le demandeur ne sera pas renvoyé du Canada parce que sa demande CH a été refusée. Par ailleurs, ce refus est conforme au principe fondamental selon lequel l’article 25 de la Loi prévoit une exception et un processus décisionnel hautement discrétionnaire. Cette disposition concerne les difficultés qui ne sont ni prévues ni évoquées dans la Loi et qui découlent de circonstances incontrôlables. Comme l’explique le guide IP5 (cité au paragraphe 17 de la décision Espino (CF), précitée) :

L’objet du pouvoir discrétionnaire CH est de conserver la possibilité d’approuver les cas dignes d’intérêt non prévus à la Loi. L’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne doit pas être perçu comme allant à l’encontre d’autres parties de la Loi ou du Règlement, mais plutôt comme une disposition complémentaire qui sert les objectifs de la Loi. Il ne s’agit pas d’un mécanisme d’appel.

[29]           Le défendeur fait valoir que l’agent n’a pas omis d’examiner les difficultés auxquelles le demandeur pourrait se heurter si sa demande CH était refusée, et qu’il a tenu compte de tous les facteurs pertinents à ce chapitre, mais qu’il était en droit de tenir compte du contexte de la criminalité dans le cadre de cette évaluation. Le défendeur cite le paragraphe 11.6 du guide IP5 (dont le contenu figurait auparavant au paragraphe 11.3) :

11.6. Interdiction de territoire pour criminalité

L’agent doit évaluer si l’interdiction de territoire connue, par exemple, une déclaration de culpabilité, l’emporte sur les considérations d’ordre humanitaire. Il peut tenir compte de facteurs tels que les actes du demandeur, y compris ceux ayant conduit à la déclaration de culpabilité et l’ayant suivie. L’agent doit examiner :

•           le type de déclaration de culpabilité;

•           la peine infligée;

•           le temps écoulé depuis la déclaration de culpabilité;

•           si l’infraction est un incident isolé ou dénote un profil de comportement récidiviste;

•           tout autre renseignement pertinent sur les circonstances du crime.

[…]

[30]           Selon le défendeur, il est évident que l’agent n’a pas tenu compte des antécédents criminels du demandeur à l’exclusion de tous les autres facteurs, mais a plutôt essentiellement conclu que ce dernier n’avait pas démontré qu’il passait le seuil très élevé des « difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives », les facteurs CH favorables étant insuffisants dans les circonstances présentes.

[31]           Le défendeur note par ailleurs que les exigences imposées aux personnes protégées diffèrent de celles qui concernent les autres demandeurs CH; le paragraphe 14.3 du guide IP5 énumère en effet des procédures et critères s’appliquant expressément aux personnes protégées qui ne risquent pas d’être renvoyées du Canada si leur demande CH était refusée.

[32]           Le défendeur soutient que l’affirmation portant que l’agent a usurpé le rôle du directeur est infondée. L’agent a conclu qu’une exception était injustifiée parce que les motifs CH étaient insuffisants. Il n’était donc pas tenu de transmettre la demande du demandeur à l’AC pour qu’elle rende une décision. D’après l’Instrument de désignation et de délégation signé le 8 janvier 2013 par le ministre défendeur, les agents de citoyenneté locaux ont le pouvoir de refuser d’accorder la résidence permanente ou de lever l’interdiction de territoire pour des motifs CH s’ils estiment que ceux‑ci sont inexistants ou insuffisants. Par contre, seuls certains fonctionnaires de l’AC ont le pouvoir d’accorder le statut de résident permanent ou de lever l’interdiction lorsque le ressortissant étranger est interdit de territoire pour grande criminalité.

[33]           Le défendeur fait essentiellement valoir que le demandeur prétend que l’agent ne peut pas tenir compte des antécédents criminels pour évaluer une demande CH, ce qui est faux et n’a pas de sens dans le contexte de sa propre demande. Comme l’indique le paragraphe 11.6 du guide IP5 reproduit plus haut, les agents d’immigration doivent déterminer si les circonstances d’une interdiction de territoire connue – par exemple, une déclaration de culpabilité – l’emportent sur les motifs CH. En l’espèce, l’agent a reconnu les changements positifs que le demandeur avait apportés à sa vie, mais n’était pas convaincu qu’il ne rechuterait pas. Il est aux prises avec des problèmes de santé mentale et d’alcoolisme depuis de nombreuses années, il a cessé d’assister aux séances des Alcooliques anonymes après deux mois seulement et il a de longs antécédents de démêlés avec la justice, dont le dernier remonte à août 2009.

[34]           Le défendeur soutient que la décision Espino (CF) ne sert pas la cause du demandeur. Dans cette affaire, la Cour a reconnu que l’ancien paragraphe 11.3 (désormais 11.6) du guide IP5 indiquait que les agents d’immigration pouvaient tenir compte dès la première étape de l’analyse des faits liés à l’interdiction de territoire pour criminalité.

[35]           Le défendeur avance qu’en l’espèce, l’agent devait prendre en compte les antécédents criminels du demandeur, et était en droit d’évaluer si l’interdiction de territoire dont il avait été frappé relevait du paragraphe 36(1) ou 36(2) de la Loi, conformément aux procédures et critères expressément énoncés au paragraphe 14.3 du guide IP5 relativement aux personnes protégées. Le demandeur a évoqué ses antécédents criminels dans sa demande CH, et son avocat a fait valoir que l’interdiction de territoire dont il a été frappé relevait du paragraphe 36(2) de la Loi, si bien qu’en raison de son statut de personne protégée, l’interdiction de territoire pour criminalité pouvait être levée.

Observations soumises en réponse par le demandeur

[36]           Le demandeur affirme que l’enjeu central est que l’agent a appliqué le mauvais critère, en se demandant seulement si les circonstances relatives à son dossier l’emportaient sur son interdiction de territoire pour criminalité et s’il était réadapté, au lieu d’envisager les difficultés indues. Il ne s’agit pas d’une affaire où l’agent aurait appliqué le bon critère malgré des erreurs dans les termes, comme le sous‑entend l’argument voulant que l’approche du demandeur soit [traduction] « excessivement technique ». En l’occurrence, l’agent a énoncé le mauvais critère explicitement et à plusieurs reprises. Son approche était très claire, mais ce n’était pas celle que commande la loi.

[37]           Le demandeur reconnaît que l’agent était en droit de tenir compte de la criminalité dans le cadre de l’évaluation des facteurs CH. Cependant, le défendeur a établi une procédure claire en vertu de laquelle les agents initiaux évaluent les facteurs CH, et le directeur examine tout le dossier et détermine si ces facteurs l’emportent sur l’interdiction de territoire pour criminalité. Ayant instauré ces procédures, le défendeur, qui soutient à présent que le défaut de l’agent de s’y conformer n’est qu’un détail technique, se contredit selon le demandeur.

[38]           Tout en reconnaissant que le nouveau libellé du paragraphe 11.6 du guide IP5 invite les agents à déterminer si une déclaration de culpabilité l’emporte sur les motifs CH, le demandeur soutient que cela est incompatible avec le reste du guide et la jurisprudence de la Cour ayant trait au critère des difficultés indues applicable aux demandes CH. L’agent est encore lié par l’obligation générale de déterminer si les circonstances soulèvent des difficultés indues. En l’espèce, l’agent ne s’est employé qu’à pondérer les difficultés et le facteur de la criminalité qui leur fait contrepoids. Il est faux de dire que l’agent n’a pas accordé une importance particulière à la criminalité simplement parce qu’il a évoqué les difficultés, celle‑ci ayant servi, d’après le demandeur, à écarter complètement tous les autres facteurs. L’agent n’a pas expliqué pourquoi la criminalité l’emportait toujours sur les autres facteurs, et a notamment négligé le fait que la criminalité elle‑même découlait d’une maladie mentale.

AnalysE

[39]           Le demandeur reconnaît que l’agent était en droit de considérer ses antécédents dans le cadre de l’évaluation des facteurs CH, mais ajoute qu’il a omis de tenir compte des facteurs liés aux difficultés, qui sont un fondement bien établi de l’analyse des motifs CH, et qu’il a donc appliqué le mauvais critère.

[40]           Cependant, en tant que personne protégée, le demandeur ne peut pas être renvoyé du Canada. Même s’il n’a pas le statut de résident permanent, il continuera de bénéficier ici de droits importants. Cela signifie que les difficultés personnelles entrant normalement dans l’analyse fondée sur le paragraphe 25(1) ne sont pas soulevées par les faits en présence. Si la demande CH était refusée, le demandeur resterait au Canada et poursuivrait ses efforts en vue de réintégrer sa famille.

[41]           La demande CH du demandeur ne faisait mention des difficultés qu’en rapport avec son retour en Somalie. Le demandeur n’a pas précisé quelles sont les [traduction] « difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives » auxquelles il se heurterait en cas de refus de sa demande qui justifieraient la levée de l’interdiction de territoire pour criminalité et des exigences en matière de visa. S’il les avait décrites, il aurait été possible d’affirmer que l’agent n’en a pas tenu compte. Compte tenu des faits en présence, cependant, il est évident que l’agent a évalué les éléments pertinents qui lui ont été soumis et a conclu que les facteurs CH étaient insuffisants pour l’emporter sur la criminalité et lever les exigences de la Loi. Je ne suis pas convaincu par l’argument du demandeur selon lequel l’agent ne connaissait pas son rôle ni le critère approprié. Les insuffisances sont celles de sa demande fondée sur paragraphe 25(1), laquelle ne mentionne aucune difficulté inhabituelle et injustifiée ou excessive pertinente eu égard à son statut actuel de personne protégée au Canada.

[42]           Il ne restait plus à l’agent qu’à évaluer la demande conformément à la section 116 du guide IP5, notamment en pondérant le motif connu d’interdiction de territoire du demandeur (en l’occurrence, la criminalité) et les autres motifs CH évoqués dans sa demande, à savoir son établissement, ses liens familiaux, sa maladie mentale et l’intérêt supérieur de ses enfants.

[43]           Une lecture de la décision révèle que tous ces facteurs ont été pris en compte, soupesés et mis en balance avec la criminalité du demandeur. L’agent ne s’est pas préoccupé que de la réadaptation, comme le soutient le demandeur. La section 11.6 du guide IP5 enjoint expressément à l’agent d’envisager la récidive ainsi que tous les autres facteurs liés à la criminalité du demandeur. C’est ce qu’il a fait.

[44]           Comme le souligne l’agent, même Mme Aden, l’épouse du demandeur, n’est manifestement pas certaine si son époux réussira à rester en bonne santé et à éviter ses vieux problèmes.

[45]           La décision ne contient aucune erreur justifiant l’infirmation de la Cour.

[46]           Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est du même avis.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  la demande est rejetée;

2.                  il n’y a aucune question à certifier.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑12718‑12

 

INTITULÉ :

IBRAHIM AINAB c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 12 MARS 2014

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :

LE 5 MARS 2014

COMPARUTIONS :

Leigh Salsberg

 

POUR LE demandeur

 

A. Leena Jaakkimainen

pour LE défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Leigh Salsberg

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE demandeur

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

pour LE défendeur

 

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