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Date : 20140624


Dossier : IMM-5491-13

Référence : 2014 CF 609

Ottawa (Ontario), le 24 juin 2014

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

WILFREDO GONZALES HORTA

GLADYS VERDECIA PENA

Demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               CONSIDÉRANT la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés [SPR] le 24 juillet dernier, décision par laquelle était refusée la demande faite d’être reconnus comme réfugiés ou comme personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 et de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC (2001), ch 27 [la Loi]; la demande de contrôle judiciaire est faite en vertu de l’article 72 de la Loi;

[2]               CONSIDÉRANT les mémoires que les parties ont déposés au soutien de leurs prétentions;

[3]               ET CONSIDÉRANT l’examen que la Cour en a mené et les représentations faites à l’audience du 8 mai 2014. La Cour, pour les raisons qui suivent, rejette la demande de contrôle judicaire.

[4]               Les faits de cette affaire sont simples. Les demandeurs, qui sont conjoints et tous deux citoyens de Cuba, demandent d’être protégés par les articles 96 et 97 de la Loi. Ils prétendent que leurs opinions politiques ont fait en sorte qu’ils ont été harcelés au point que cela constitue de la persécution à leur égard.

[5]               Les difficultés qu’ils prétendent avoir rencontrées à Cuba auraient commencé avec les tentatives faites par leur fille, qui est médecin, de quitter Cuba à destination du Canada. Sa demande de visa de sortie prenant beaucoup de temps à être accueillie, le demandeur principal aurait cherché à accélérer les choses auprès de son gouvernement national. Le visa aurait été accordé en novembre 2008, permettant à celle-ci de venir s’établir au Canada.

[6]               Moins de deux ans plus tard, le demandeur principal a pu venir en visite au Canada grâce au visa et à l’autorisation de sortie qu’il a obtenus. Au terme de son séjour, il est retourné dans son pays. À son retour à Cuba, il a obtenu un nouveau visa de sortie, celui-là vers les États-Unis, et il a quitté Cuba le 27 décembre 2010. Le même jour, la demanderesse quittait Cuba, mais à destination du Canada, grâce à un visa obtenu. Le demandeur principal a traversé la frontière entre le Canada et les États-Unis le 9 janvier 2011 et tant le mari que son épouse ont demandé la protection du Canada en janvier 2011.

[7]               Pour justifier leur demande d’asile et de protection, les demandeurs prétendent avoir subi du harcèlement à la suite du départ de leur fille pour le Canada. Ainsi, ils auraient été expulsés du parti communiste cubain. Cependant, la preuve établit qu’outre des vérifications à leur endroit, que d’aucun qualifierait de harcèlement, ils n’ont subi aucun des contretemps de leur expulsion du parti communiste. Ainsi, ils ont pu continuer d’exploiter l’atelier d’artisanat, ils ont bénéficié de soins médicaux et leur logement n’en a pas été affecté.

[8]               C’est à bon droit, à mon avis, que la SPR a conclu que ce traitement ne constitue pas de la persécution, ceci ayant été défini par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, comme étant une « violation soutenue ou systémique des droits fondamentaux de la personne démontrant l’absence de protection de l’État. » De fait, après leur expulsion du parti communiste, on a permis au demandeur principal de quitter Cuba à deux reprises au cours de la même année et, durant le même lapse de temps, la demanderesse a aussi pu recevoir un visa lui permettant de se rendre au Canada. Il ne me semble faire aucun doute que le niveau requis n’a pas été atteint pour que nous puissions parler, en l’espèce, de persécution. Cela dispose ainsi de la question de savoir si les demandeurs pouvaient se réclamer de ces articles du fait de leur vie passée à Cuba.

[9]               Mais la SPR est allée plus loin. Elle a examiné la situation des demandeurs s’ils devaient être retournés à Cuba du fait qu’ils ont dépassé la durée de l’autorisation qui leur avait été donnée d’être à l’extérieur de Cuba et la possibilité que soit connu des autorités le fait qu’ils ont demandé le statut de réfugié.

[10]           Les demandeurs ne m’ont aucunement satisfait que l’analyse faite par la SPR était déficiente de quelque manière, encore moins que celle-ci fusse irraisonnable. La seule allégation qui est faite par les demandeurs est que, s’ils retournent à Cuba, ils seront punis. C’est une chose que d’être puni, et c’en est une autre que d’être persécuté. En effet, la preuve tend à démontrer que l’amende possible pourrait se situer à moins de 100 $ CA. Une peine de prison apparaît comme étant tout à fait improbable. Une pénalité de cet ordre ne saurait de quelque manière être assimilée à de la persécution.

[11]           J’ajoute qu’il me semble que la jurisprudence proposée par le défendeur, selon laquelle on ne saurait valablement invoquer ses propres transgressions aux lois d’application générale de son pays de nationalité pour tenter de se créer un motif aux termes des articles 96 et 97 de la Loi, trouve parfaitement application en l’espèce (Valentin c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] 3 CF 390 (CFA); Zandi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 411, 35 Imm LR (3d) 273; Del Carmen Marrero Nodarse c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 289; Perez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 833). Cette règle peut souffrir des exceptions lorsque la preuve le permettrait, pour constater des punitions clairement excessives ou extrajudiciaires en cas de sortie illégale (Donboli c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 883). Aucune telle preuve n’existe en l’espèce.

[12]           En fait, ce qui semble transparaître des faits de cette affaire est que les demandeurs cherchent à rejoindre leur fille qui s’est établie au Canada. Le demandeur principal l’a visitée en 2010 et, à peine trois mois plus tard, des visas avaient été obtenus, quant à lui, pour les États-Unis, et quant à son épouse, pour le Canada, leur permettant de quitter Cuba la même journée, le 27 décembre 2010. Les demandes d’obtention de statut de réfugié suivaient dès l’arrivée au Canada. Ce n’est pas que l’on puisse faire reproche aux demandeurs de vouloir rejoindre leur fille, c’est plutôt que les articles 96 et 97 sont réservés aux cas qui méritent un tel traitement. Les propos du Juge Hugessen, alors qu’il faisait partie de la Cour d’appel fédérale, me semblent tout à fait appropriés :

L’appelant semble totalement ignorer ce qu’est le processus de reconnaissance du statut de réfugié au Canada; ce processus vise à fournir un refuge sûr à ceux qui en ont vraiment besoin, et non pas à fournir un moyen rapide et pratique d’obtenir le droit d’établissement aux immigrants qui ne peuvent pas, ou ne veulent pas, l’obtenir de la manière habituelle (Urbanek c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 17 Imm LR (2d) 153).

[13]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.


ORDONNANCE

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5491-13

 

INTITULÉ :

WILFREDO GONZALES HORTA, GLADYS VERDECIA PENA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 mai 2014

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 24 juin 2014

 

COMPARUTIONS :

Me Serban Mihai Tismanariu

 

Pour les demandeurs

 

Me Isabelle Brochu

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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