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Date : 20140627


Dossier : T-1849-13

Référence : 2014 CF 624

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario) le 27 juin 2014

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

HARMANPAL SIDHU

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l’art. 18.1 le la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, porte sur une décision par laquelle un président indépendant (PI) du tribunal disciplinaire de l’Établissement de Collins Bay a conclu que le demandeur est coupable d’une infraction (possession d’objet interdit) en vertu de l’al. 40i) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions, L.C. 1992, ch. 20 (la Loi). Il a été conclu que le demandeur avait été en possession d’une arme artisanale.

II.                Contexte

[2]               À l’époque visée, le demandeur était détenu dans une cellule simple à l’Établissement de Collins Bay. Le 22 août 2013, l’agent McKenna (agent) du Service correctionnel du Canada (SCC) a procédé à la fouille de la cellule. Il s’agissait d’une fouille exceptionnelle ou d’« urgence », autorisée par le directeur de l’Établissement, en vertu de l’art. 53 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions, DORS/92-620, par opposition aux fouilles ordinaires des cellules, menées mensuellement. L’agent a trouvé une arme artisanale cachée entre les rails supérieurs de l’appui de la fenêtre de la cellule du demandeur. Il s’agissait d’un morceau de cinq pouces qui semblait être en fibre de verre et qui était taillé en pointe (« couteau »). L’agent a vu le bout du couteau alors qu’il utilisait un miroir pour inspecter l’appui de la fenêtre, et il a utilisé des pinces à bec effilé pour le sortir.

[3]               Le demandeur a été accusé, et une audience a eu lieu le 9 octobre 2013. À l’audience, le demandeur a déclaré qu’il n’avait pas connaissance de l’existence du couteau et qu’il ignorait la raison pour laquelle on l’avait caché dans l’appui de la fenêtre. Son avocat a fait valoir que le couteau pouvait avoir été placé à cet endroit par l’ancien occupant de la cellule ou par un autre détenu durant les périodes de la journée où les cellules étaient ouvertes et lors desquelles le demandeur se trouvait habituellement à l’extérieur, dans la cour.

[4]               Le demandeur a témoigné qu’il était seul dans sa cellule qu’il a occupée pendant trois ou quatre mois. Il a dit que des fouilles ordinaires étaient effectuées mensuellement, et qu’il y avait peut-être déjà eu une fouille d’urgence au cours de cette période, mais qu’il n’en était pas certain. Il a déclaré que les agents ne faisaient qu’« entrer et sortir » lors des fouilles ordinaires, que celles-ci ne duraient que deux ou trois minutes, et qu’il n’avait vu personne fouiller l’appui de la fenêtre auparavant.   

[5]               Le demandeur a déclaré dans son témoignage que les cellules étaient ouvertes durant certaines périodes de la journée, et qu’il allait dans la cour durant ce temps. Il a affirmé que d’autres personnes allaient souvent dans sa cellule et que [traduction] « même si je n’y suis pas, des gens y viennent pour prendre des choses au besoin ». Lors du contre-interrogatoire, il a déclaré que si ses amis lui demandaient, il leur permettait de le faire, cependant [traduction« n’importe qui est capable d’entrer dans ma cellule à n’importe moment », a-t-il ajouté.

[6]               L’agent a témoigné que le personnel de l’Établissement avait l’habitude de vérifier les fenêtres durant les fouilles, que les fouilles ordinaires et les fouilles d’urgence étaient toutes deux rigoureuses et qu’elles avaient pour but de [traduction] « trouver le plus d’objets interdits possible ». Il a indiqué que le couteau était « caché », mais pas « bien caché », et qu’il en avait à peine aperçu le bout en se servant du miroir pour inspecter la fenêtre. Il ignorait à quel moment les fouilles antérieures avaient été effectuées, et qu’elles étaient les allées et venues du demandeur en détail, car il n’était pas assigné à une zone de l’Établissement en particulier. Il a déclaré que la cellule du demandeur aurait été ouverte et accessible aux autres détenus pendant environ quatre heures par jour. Il a également déclaré que le couteau caché n’aurait pas empêché le demandeur d’utiliser la fenêtre de la façon habituelle.

[7]               M. Doering, un conseiller de l’Établissement, était également présent à l’audience. Il a interrogé le demandeur et l’agent, et a présenté des observations au nom de l’Établissement. Il est également intervenu pour fournir des renseignements en plusieurs occasions. Il a déclaré que les fouilles ordinaires étaient probablement [traduction] « encore plus minutieuses » que les fouilles d’urgence, que toutes les fouilles devaient être [traduction] « systématiques et minutieuses », et que le personnel avait reçu l’ordre d’inspecter régulièrement les rails des fenêtres puisqu’il s’agissait d’un endroit habituel où cacher des armes. M. Doering a déclaré que des fouilles d’urgence avaient été effectuées en juin et en juillet 2013. 

[8]               En rendant sa décision, le PI a résumé la preuve et établi une distinction entre celle-ci et les faits relatifs à la décision Taylor c Canada (P.G.), 2004 CF 1536 (Taylor). Plus particulièrement, il a souligné que l’arme était cachée dans la cellule du demandeur, de sorte qu’elle n’aurait pas pu avoir été lancée par un autre détenu qui passait par là. Le PI a alors déclaré ce qui suit :

[traduction]

Maintenant, M. Sidhu indique que sa cellule est ouverte à l’occasion durant la journée et, je crois que l’agent est d’accord à ce sujet, il est bien connu que les cellules ne sont pas verrouillées 24 heures par jour. Elles devraient l’être – et l’autre point est que M. Sidhu dit qu’il permet à des personnes d’entrer dans sa cellule même lorsqu’il ne s’y trouve pas. Je crois qu’il s’attire peut-être des ennuis en permettant à des personnes d’entrer dans sa cellule, car celles-ci qui pourraient très bien lui causer du tort, entrer dans sa cellule et peut-être y cacher quelque chose, même si je crois qu’une personne se ferait remarquer si elle était en train de cacher un couteau dans l’appui de la fenêtre. Cela prend du temps, un certain temps, contrairement aux faits dans l’affaire relative à M. Taylor, où on a réussi à jeter un couteau sous le lit. Dans le cas qui nous occupe, la situation est considérablement différente en ce qui a trait au couteau. Il ne peut être repéré facilement. En fait, l’agent a dû utiliser un miroir pour le trouver. Alors, si M. Sidhu a l’intention de permettre à des personnes d’entrer dans sa cellule, je crois qu’il doit accepter une certaine part de responsabilité si quelque chose se produit par la suite. Autrement, il s’expose à un risque.  

Selon l’ensemble de la preuve mise à la disposition de la Cour, je suis convaincu que le couteau a été trouvé à l’endroit indiqué par l’agent, que ce couteau appartenait à M. Sidhu, et que c’est lui qui l’a placé à cet endroit, à cette date en particulier et à l’heure où il a été trouvé par l’agent McKenna et, en conséquence, un verdict de culpabilité sera rendu.   

[9]               Le demandeur fait valoir que le PI a fondé erronément sa conclusion de culpabilité sur le fait qu’il a permis à des personnes d’entrer dans sa cellule lorsque celle-ci n’était pas verrouillée et qu’il était absent.  

[10]           Le demandeur soutient également que le PI, au vu de la preuve, ne pouvait conclure hors de tout doute raisonnable (comme l’exige le paragr. 43(3) de la Loi) que le demandeur savait que l’arme en question se trouvait dans sa cellule.  

[11]           De plus, le demandeur allègue qu’il n’existait pas de preuve permettant d’appuyer les conclusions du PI selon lesquelles i) l’arme avait en fait été placée dans sa cellule par une personne qui avait la permission de s’y trouver; ou ii) une personne se ferait remarquer si elle était en train de cacher un couteau dans l’appui d’une fenêtre.

[12]           Le demandeur demande à la Cour d’annuler la décision du PI, qui l’a déclaré coupable d’avoir perpétré l’infraction, et d’inscrire un verdict de non-culpabilité à sa place. 

[13]           Le défendeur fait valoir que le PI a fait référence à l’habitude du demandeur de permettre à d’autres personnes d’entrer dans sa cellule lorsqu’il n’y est pas, ce qu’il a critiqué, mais que ce fait ne constituait pas le fondement du verdict de culpabilité du PI qui l’a rendu. Le défendeur affirme qu’en concluant à la culpabilité du demandeur, le PI a rejeté les scénarios possibles proposés par le demandeur lors de l’audience, selon lesquels l’arme avait été laissée dans la cellule par une personne qui avait occupé celle-ci antérieurement ou par un autre détenu qui y est entré alors qu’elle était déverrouillée et que le demandeur était absent.

III.             Questions en litige

[14]           Les questions en litige en l’espèce, bien que décrites différemment par les parties, peuvent être résumées ainsi :  

  1. Quelle est la norme ou les normes de contrôle à appliquer?
  2. Le PI a-t-il appliqué le critère approprié en ce qui a trait à la possession d’objet interdit prévue à l’al. 40i) de la Loi?
  3. Le PI a-t-il tiré des conclusions déraisonnables en se fondant sur la preuve?

IV.             Norme de contrôle

[15]           Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable au critère juridique en vue d’étayer une déclaration de culpabilité relative à la possession est celle de la décision correcte. Cependant, les parties s’entendent également sur le fait que la possession exige que le demandeur ait réellement connaissance de la présence de l’arme; il ne suffit pas de démontrer que le demandeur aurait dû savoir, ou qu’il a délibérément fermé les yeux concernant la présence d’une arme (connaissance présumée). La connaissance peut être inférée parce qu’elle ne pourra habituellement pas être prouvée directement. Cependant, l’inférence doit établir la connaissance réelle, et non seulement la connaissance présumée : Taylor, aux paragr. 10 et 11. Comme il n’y a pas de désaccord quant au critère juridique relatif à la possession, la norme de contrôle applicable à cet égard n’est pas pertinente.

[16]           Le véritable litige entre les parties consiste à déterminer si le PI a fondé sa conclusion de culpabilité sur la connaissance présumée. L’application du critère juridique à la preuve par le PI et la conclusion à laquelle il est parvenu sur la question de savoir si la preuve établit la culpabilité sont des questions mixtes de fait et de droit et peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire en vertu de la norme de la décision raisonnable (Bowden c Canada (Procureur général), 2008 CF 580, paragr. 9; Smith c Canada (Procureur général), 2005 CF 1436, paragr. 29). Les parties sont essentiellement d’accord quant à cette norme de contrôle également.

V.                Analyse

[17]           En ce qui a trait aux faits, la découverte de l’arme en question cachée dans l’appui de la fenêtre de la cellule simple du demandeur n’est pas contestée. On ne conteste pas non plus que la cellule du demandeur est laissée déverrouillée plusieurs fois par jour, et que le demandeur est souvent absent durant ces occasions. 

[18]           Il semble que plusieurs fouilles ont été effectuées dans la cellule du demandeur, notamment des fouilles ordinaires et des fouilles d’urgence, durant la période où celui-ci a occupé la cellule. Il semble également que les agents sont formés pour chercher des armes cachées dans les appuis des fenêtres. Cependant, je tiens compte de la déclaration du PI selon laquelle il n’existait pas de preuve que les fouilles de la cellule du demandeur effectuées avant la découverte de l’arme ont porté sur l’appui de la fenêtre : page 26 de la transcription de l’audience disciplinaire.

[19]           Le PI ne fait référence à aucune inférence pouvant servir de fondement à la conclusion selon laquelle l’appui de la fenêtre de la cellule du demandeur a fait l’objet d’une fouille à l’époque où celui-ci occupait la cellule. Lors de l’audience concernant les fouilles de la cellule du demandeur, M. Doering a présenté des observations au PI, mais celui-ci a indiqué clairement qu’il n’a pas considéré de telles observations comme des éléments de preuve ou comme étant particulièrement pertinentes : page 24 de la transcription. Le PI disposait d’un pouvoir discrétionnaire considérable à l’égard de la prise en compte de telles observations dans le contexte de l’audience disciplinaire, mais il semble clair qu’il a conclu que les observations de M. Doering à cet égard n’étaient pas utiles.

[20]           En se fondant sur sa conclusion selon laquelle il n’existait pas de preuve qu’une fouille antérieure de l’appui de la fenêtre avait été effectuée, et sur le fait que l’arme était cachée, le demandeur fait valoir que le PI aurait dû reconnaître qu’il était raisonnablement possible que l’arme ait été laissée dans l’appui de la fenêtre par un détenu qui avait occupé la cellule avant lui. Le PI n’a pas fourni d’explication et n’a pas abordé la question de savoir pourquoi ce scénario n’était pas raisonnable. Le défendeur n’a pas pu expliquer pourquoi le PI ne s’est pas exprimé sur ce sujet. À mon avis, le PI n’avait rien sur quoi se fonder pour rejeter cette possibilité.

[21]           J’examine maintenant l’observation du demandeur selon laquelle le PI a fondé erronément son verdict de culpabilité sur la conclusion portant que le demandeur est responsable d’avoir permis à d’autres détenus d’entrer dans sa cellule alors qu’il était absent. Le défendeur fait valoir que même si le PI a formulé plusieurs commentaires dans ses motifs au sujet des risques auxquels s’est exposé le demandeur en laissant entrer d’autres détenus dans sa cellule, il n’est pas allé jusqu’à conclure que ces risques étaient suffisants pour établir l’élément de connaissance du critère relatif à la possession. Il est vrai que le PI n’a pas qualifié expressément le critère relatif à la possession en ces termes. Cependant, il semble évident que le fait que l’habitude du demandeur de permettre à d’autres détenus d’entrer dans sa cellule a eu une incidence sur le verdict de culpabilité. L’examen du PI portant sur cette question a été le point principal qui l’a mené à tirer cette conclusion. L’emploi de l’expression [traduction] « au vu de l’ensemble de la preuve dont dispose la Cour » n’y change rien.  

[22]           Immédiatement avant de conclure que l’arme appartenait au demandeur, le PI a déclaré ce qui suit : [traduction] « Alors, si M. Sidhu entend laisser entrer des personnes dans sa cellule, je crois qu’il doit accepter d’avoir une certaine responsabilité si quelque chose se produit du fait qu’il leur a donné cette permission. Autrement il s’expose à des risques. » Il est difficile d’imaginer la raison pour laquelle le PI aurait fait cette déclaration autrement que pour préciser que le demandeur était « responsable » du « risque » qu’une autre personne cache une arme dans sa cellule. Le défendeur n’a proposé aucun autre scénario à cet égard. En outre, la déclaration citée semble également reconnaître la possibilité (le risque) que l’arme a dans les faits été placée dans sa cellule par un autre détenu. Par conséquent, il s’agit d’un autre scénario probable qui laisse entendre que le demandeur pourrait ne pas s’être rendu compte de la présence de l’arme dans sa cellule, ce qui aurait dû mener à un verdict de non-culpabilité.   

[23]           Au paragraphe 16 du mémoire des faits et du droit, le défendeur fait valoir que le PI :  

[traduction]

a rejeté la conclusion selon laquelle un autre détenu aurait laissé le couteau dans la cellule, car le demandeur a modifié son témoignage quant à qui et selon quelles conditions  il donne accès à sa cellule, et en raison du temps qu’il faudrait pour placer le couteau dans l’appui de la fenêtre.

[24]           Je ne suis pas d’avis que le demandeur a changé son témoignage à cet égard. Lors du contre-interrogatoire, il a à peine précisé que les détenus qui avaient la permission d’entrer dans sa cellule pour prendre des choses se limitaient à des amis proches qui en faisaient la demande. En outre, rien ne montre non plus que le PI a perçu un changement dans le témoignage du demandeur. Je souligne que l’avocat du défendeur n’a pas insisté sur ce point à l’audition relative à ce contrôle judiciaire. 

[25]           En ce qui a trait à la question du temps qu’il aurait fallu pour placer le couteau dans l’appui de la fenêtre, le PI y a effectivement fait référence en rendant sa décision. Aux pages 28 et 29, il déclare : [traduction] « […] J’aurais pensé que quelqu’un se ferait remarquer s’il était en train de cacher un couteau dans l’appui de la fenêtre. C’est une chose qui est laborieuse ou qui prend du temps, un certain temps. » Le PI ne disposait cependant d’aucune preuve qui aurait pu lui permettre de conclure qu’il faut un certain temps pour planquer une arme. Il a peut-être cru que c’était le cas du fait que l’arme était cachée. Cependant, selon la preuve explicite de l’agent, retirer l’arme de l’appui de la fenêtre n’a pas pris de temps :

PI M. Romain : Et combien de temps cela vous a-t-il pris pour le sortir une fois que vous avez eu les pinces? Est-il sorti immédiatement?

AGENT MCKENNA : Oui. À partir du moment où je l’ai trouvé et le temps d’aller chercher les pinces, cela m’a pris deux minutes pour le sortir : je l’ai trouvé, je suis allé chercher les pinces et je l’ai sorti.

PI M. Romain : Ok.

AGENT MCKENNA : Et en comptant le temps d’aller au poste et de revenir.  

[26]           Rien ne permet de conclure qu’il faut plus de temps pour cacher une arme que pour la récupérer. Par conséquent, la conclusion selon laquelle [traduction] « quelqu’un se ferait remarquer s’il était en train de cacher un couteau dans l’appui de la fenêtre » n’est pas justifiée. En outre, même si quelqu’un s’était fait remarquer en faisant une telle chose, il est entièrement possible que l’incident n’aurait pas été rapporté, ni au demandeur ni à un responsable de l’administration pénitentiaire.

[27]           Ce qui pose un autre problème au sujet des commentaires du PI concernant la responsabilité du demandeur pour quelque chose qui est placé dans sa cellule par un autre détenu est qu’il présume que l’arme a été placée dans la cellule du demandeur par quelqu’un qui a eu la permission d’y entrer. Il est également raisonnable de penser que l’arme a été placée dans la cellule du demandeur par quelqu’un à qui il n’avait pas donné la permission d’y être alors que la cellule était déverrouillée et qu’il était absent.

[28]           Les parties ont fait référence aux décisions Séguin c Canada (P.G.), 2008 CF 551 (Séguin), Ewonde c Canada (P.G.), 2005 CF 1688 (Ewonde), et Williams c Canada (P.G.), 2006 CF 153 (Williams), au soutien de leurs arguments respectifs. Dans chacune de ces affaires, les déclarations de culpabilité pour possession d’un objet interdit ont été confirmées. À mon avis, il convient d’établir une distinction à l’égard des faits entre ces affaires et celle qui nous occupe.

[29]           Dans Séguin, des drogues de contrebande ont été trouvées dans un contenant de Tylenol et une bouteille de vitamines, qui étaient dans la cellule simple du demandeur. Le demandeur a admis que la bouteille de vitamine lui appartenait, mais non des drogues de contrebande trouvées à l’intérieur de celle-ci. Il a nié avoir eu un contenant de Tylenol. Le PI n’a pas cru le demandeur, et le juge de la Cour fédérale n’a pas modifié cette décision. 

[30]           Dans Ewonde, une drogue de contrebande a été trouvée dans la cellule d’isolement du demandeur, à l’intérieur d’une enveloppe qui contenait également des photos personnelles de celui-ci. Le PI a conclu que la drogue appartenait au demandeur, et la Cour a maintenu cette décision.

[31]           Dans Williams, le demandeur était dans une cellule en double occupation avec un autre détenu lorsqu’on a trouvé un téléphone cellulaire interdit enfoui dans une chaussette placée sous son oreiller. Le PI n’a pas cru que le téléphone cellulaire aurait pu appartenir à l’autre détenu, et a conclu que l’allégation du demandeur selon laquelle il ne savait pas que téléphone cellulaire se trouvait dans sa couchette étaient « inacceptables ». La Cour fédérale a rejeté le contrôle judiciaire.

[32]           Dans chacune de ces affaires, la contrebande en question était liée au demandeur par un objet personnel : un contenant de comprimé, des photos personnelles, et un oreiller. Il n’existe en l’espèce aucun lien personnel semblable entre l’arme et le demandeur.   

VI.             Conclusion

[33]           Compte tenu de ce qui précède, j’ai conclu que la présente demande de contrôle judiciaire doit être accueillie et que le verdict de culpabilité devrait être annulé.

[34]           En outre, un verdict de non-culpabilité devrait être consigné parce que les faits acceptés par le PI sont suffisants pour soulever un doute raisonnable sur la question de savoir si le demandeur avait la possession légale de l’arme en question. Ici, je renvoie particulièrement i) à la conclusion qu’il n’y avait aucune preuve que l’appui de la fenêtre où l’arme était cachée avait fait l’objet d’une fouille depuis que le demandeur avait changé de cellule; et, ii) la conclusion selon laquelle il y avait des risques que quelqu’un place l’arme dans la cellule à l’insu du demandeur. Par conséquent, en se fondant sur la preuve acceptée par le PI, il est raisonnablement possible que l’arme ait été laissée dans la cellule sans que le demandeur s’en rende compte, soit par un occupant antérieur ou par quelqu’un qui est entré dans la cellule, avec ou sans permission, lorsque celle-ci était déverrouillée et que le demandeur était absent.  

[35]           À l’audience, le demandeur a proposé un montant de 2 000 $ à titre de dépens. Le défendeur n’a présenté aucune observation sur les dépens. J’estime que la demande du demandeur est raisonnable.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. Le verdict de culpabilité prononcé par le PI est annulé et un verdict de non-culpabilité sera consigné. Des dépens de 2 000 $ sont adjugés au demandeur.

« George R. Locke »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1849-13

 

INTITULÉ :

HARMANPAL SIDHU c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 JUIN 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 JUIN 2014

 

COMPARUTIONS :

PHILIP CASEY

 

POUR LE DEMANDEUR

 

AILEEN JONES

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Philip Casey

Avocats

Kingston, Ontario

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Ontario

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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