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Date : 20140625


Dossier : IMM-1406-13

Référence : 2014 CF 613

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 juin 2014

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

OLGA ANANYEVA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   La procédure

[1]               Mme Olga Ananyeva [la demanderesse] a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission], datée du 1er février 2013, par laquelle sa demande d’asile a été rejetée au motif qu’elle n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger. Cette demande est présentée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi].

II.                Le contexte

[2]               L’époux de la demanderesse [l’époux] a obtenu un diplôme et une médaille d’or de l’école de l’aviation militaire. Par la suite, sa famille et lui ont été exposés à de nombreuses années de persécution (de 1992 à 2011) de la part du Service de sécurité fédéral [le FSS], parce qu’il a refusé de devenir membre du FSS. Sa carrière militaire a été bloquée et des menaces de mort ont été proférées par téléphone contre son fils et lui. Une balle a été tirée dans la porte de leur appartement. Lorsque l’époux a tenté de créer son entreprise, son prêt a été bloqué par le FSS. En outre, l’époux a été à tort déclaré coupable de meurtre et emprisonné pendant plusieurs années, sur la foi du témoignage inventé d’un agent du FSS.

[3]               La demanderesse et son époux ont présenté un recours à la Cour européenne des droits de l’homme. Cela a entraîné la colère du FSS. Celui-ci a menacé de mort tant la demanderesse que de son époux, à moins qu’ils ne se désistent de leur recours.

[4]               Pendant cette période, la demanderesse a plusieurs fois fait des allers et retours à l’extérieur de la Russie. Elle a expliqué qu’en dépit des menaces visant son époux, leur enfant et elle-même, elle est retournée en Russie parce qu’elle se sentait responsable de prendre soin d’eux et de ses parents, étant donné qu’elle est leur enfant unique [l’explication].

[5]               En 2011, la demanderesse et son époux ont décidé d’envoyer leur enfant à l’école au Canada, et la demanderesse prévoyait accompagner son fils pendant deux semaines pour qu’il s’installe ici. Ensuite, elle prévoyait retourner en Russie. Toutefois, l’incident décrit ci-dessous a modifié ses prévisions et l’a amené à présenter une demande d’asile.

[6]               L’incident [l’incident] a commencé le 24 octobre 2011, la veille du départ de la demanderesse pour le Canada. Son téléphone cellulaire personnel a sonné et son époux a répondu. Les policiers ont demandé à parler à la demanderesse et son époux a répondu qu’elle était sortie. Le 26 octobre 2011, le lendemain de son départ, les policiers ont téléphoné à nouveau, ont demandé où elle était et ont dit qu’ils voulaient la rencontrer. C’était la première fois que la police démontrait un intérêt direct à son égard. Pour cette raison, son époux l’a avisée de demander l’asile au Canada.

III.             La décision

[7]               La décision est longue de huit paragraphes seulement. Elle est censée exposer les faits, mais elle ne mentionne pas les menaces faites à l’époux, à la demanderesse et à leur fils. La Commission a accepté que les événements et les menaces alléguées ont eu lieu.

[8]               La Commission a conclu que :

                     Le fait que la demanderesse s’est réclamée à nouveau de la protection de la Russie révélait un manque de crainte subjective. Il n’y a pas eu de débat quant à l’explication.

                     L’époux était la seule victime de la persécution. Il n’a été tenu compte ni des menaces de mort visant la demanderesse ni de celles proférées contre le fils.

                     La demanderesse n’était pas une personne présentant de l’intérêt pour le FSS, même si l’incident comprend notamment l’utilisation de son téléphone cellulaire et une demande des policiers de la rencontrer.

                     La demanderesse n’est pas exposée au risque selon les termes de l’article 97 de la Loi. Aucun motif n’a été fourni.

IV.             Questions en litige et analyse

[9]               La demanderesse a soulevé plusieurs questions en litige, mais à mon avis, le défaut de mener une analyse des risques au titre de l’article 97 de la Loi est la question déterminante.

[10]           Le défendeur a laissé entendre que l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Sellan c Canada (MCI), 2008 CAF 381 s’appliquait, et qu’une analyse au titre de l’article 97 n’était pas nécessaire. Toutefois, selon moi, l’arrêt Sellan reposait sur le fait qu’il y avait une conclusion générale selon laquelle le demandeur manquait de crédibilité. Étant donné qu’une telle conclusion n’a pas été tirée en l’espèce, je décide que l’arrêt Sellan ne s’applique pas et que la Commission était obligée de faire connaître les menaces qui mettaient en cause la demanderesse et les membres de sa famille, et d’apprécier le risque dans ce contexte.

V.                Certification

[11]           Aucune question n’a été proposée à des fins de certification.

VI.             Addenda

[12]           Le paragraphe 6 de la décision contient des extraits qui ont été présentés comme preuve tirée de la transcription. Toutefois, il ne s’agit pas de citations. Il appert que la Commission a paraphrasé et résumé le témoignage ressortant des pages 265 à 275 de la transcription. À mon avis, ce n’est pas une bonne façon de procéder.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est accueillie et la demande d’asile de la demanderesse est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour nouvel examen.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-1406-13

INTITULÉ :

OLGA ANANYEVA

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 juin 2014

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

Le 25 juin 2014

COMPARUTIONS :

Anthony Navaneelan

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Nicholas Dodokin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann, Sandaluk & Kingwell LLP

Avocats spécialisés en droit de l’immigration

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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