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Date : 20140610


Dossier : 14-T-27

Référence : 2014 CF 553

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), 10 juin 2014

En présence de madame la juge Gleason

ENTRE :

ARTHUR MATSUI

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, Arthur Matsui, a déposé une requête écrite en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), et vise à obtenir deux ordonnances. Il demande tout d’abord une prorogation de délai pour déposer une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par le ministre du Revenu national (le ministre), en date du 24 janvier 2014, dans laquelle on lui a refusé une déduction pour dépenses d’entreprise pour l’année d’imposition 2001. Dans un deuxième temps, M. Matsui sollicite une ordonnance d’injonction, afin de surseoir à l’exécution d’une Demande formelle de paiement que l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a signifiée à ARC Metallurgical Inc. (Metallurgical) le 24 mars 2014, et ce, jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue sur sa demande de contrôle judiciaire.

[2]  Pour les motifs énoncés ci-dessous, les deux demandes sont refusées, et la requête est rejetée.

[3]  Le contexte factuel de la présente requête est alambiqué et est résumé dans les documents déposés. Il n’est pas nécessaire de l’examiner en détail pour les besoins de la requête. J’ai plutôt dégagé ci-après les faits pertinents à l’égard de la requête.

[4]  Sur ce point, M. Matsui a un arriéré d’impôt qui s’élève à environ 28 000 $. En avril 2009, M. Matsui a demandé la déduction de pertes d’entreprise pour l’année d’imposition 2005. L’ARC a sollicité la production des pièces justificatives relatives à cette déduction, mais M. Matsui ne les a pas fournies. En 2007 et 2008, il a envoyé à l’ARC des documents qui, selon ses prétentions, éteignaient son arriéré d’impôt, ce qui, cela va sans dire, n’était pas le cas. En 2009, il fit appel aux services de la société Demara Consulting Inc. (Demara) afin qu’elle le représente auprès de l’ARC; les dirigeants de Demara se virent accusés par la suite de fraude fiscale en rapport avec la déduction de dépenses frauduleuses.

[5]  En mai 2012, Demara déposa des déclarations de revenus modifiées au nom de M. Matsui pour les années d’imposition 2001 et 2005. Dans ces mêmes déclarations, Demara déduisait des pertes d’entreprise supplémentaires. Une fois de plus, l’ARC écrivit à M. Matsui et à ses représentants pour leur demander de produire les pièces justificatives au soutien de ces déductions. Une fois de plus, M. Matsui n’a fourni aucun document.

[6]  Le 14 janvier 2014, l’ARC écrivit à M. Matsui pour lui dire qu’en raison de son omission de produire les documents demandés, elle avait établi les déductions auxquelles il avait droit en se fondant sur l’information dont elle disposait et qu’à la lumière de cette information, elle avait refusé les déductions pour pertes. Le 20 mars 2014, l’ARC signifia une Demande formelle de paiement à Metallurgical, une société pour laquelle M. Matsui indique qu’il travaille à titre d’entrepreneur.

[7]  M. Matsui n’a déposé la présente requête que le 8 avril 2014, et la preuve dont je dispose indique qu’il n’a pris aucune mesure pour solliciter le contrôle judiciaire de la décision que l’ARC a rendue le 24 janvier 2014 avant que Metallurgical ne reçoive la Demande formelle de paiement.

I.  L’absence de motifs pour proroger le délai de présentation d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’ARC du 24 janvier 2014

[8]  Je traiterai d’abord de la demande de prorogation du délai pour déposer la demande de contrôle judiciaire. Aux termes du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 (la LCF), les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente (30) jours qui suivent la première communication à la partie concernée. Selon la jurisprudence, la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour proroger ce délai dans les seuls cas où un demandeur est en mesure d’établir les quatre éléments suivants : premièrement, qu’il a initialement conçu l’intention de contester la décision dans le délai de trente (30) jours et qu’il en a été ainsi jusqu’au dépôt de la requête en prorogation du délai; deuxièmement, le demandeur a une explication raisonnable pour ne pas avoir respecté le délai; troisièmement, la demande de contrôle judiciaire que le demandeur souhaite présenter doit avoir un certain fondement; finalement, le retard ne cause pas de préjudice au défendeur (voir, par exemple, Canada (Procureur général) c Hennelly (1999), 167 FTR 158; Grewal c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 CF 263).

[9]  En l’espèce, il n’y a aucun des critères susmentionnés, si ce n’est l’absence de préjudice pour la défenderesse (ce qui est admis).

[10]  Il n’existe aucune preuve indiquant que M. Matsui a eu une intention continue de demander le contrôle judiciaire de la décision du 24 janvier 2014; son intention semble plutôt avoir pris naissance par suite de la signification de la Demande formelle de paiement à Metallurgical.

[11]  Deuxièmement, sa demande est dénuée de fondement. Tel que la défenderesse le fait observer, la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl) (la LIR), limite le genre de dépenses qui peuvent être déduites à celles liées à une entreprise ou à un bien du contribuable dont il tire un revenu. Bien que la LIR n’exige pas qu’un contribuable produise des reçus ou d’autres documents pour justifier des dépenses d’entreprises dans tous les cas, la jurisprudence reconnaît que le défaut de produire de tels documents, lorsque la demande qui en est faite est raisonnable, entraînera le refus de la déduction demandée relativement à cette dépense. (voir, par exemple, Gagné c Procureur général du Canada), 2006 CF 1523, aux paragraphes 23 et 24, conf. par 2007 CAF 399, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, [2008] CSCR no 66; House c Canada, 2011 CAF 234, au paragraphe 80; Morrissette c Canada, 2005 CCI 187, au paragraphe 47).

[12]  En l’espèce, il était raisonnable que le ministre exige la production des documents au soutien de la demande de déduction de M. Matsui en raison des montants pour lesquels la déduction était demandée et du temps écoulé. La décision du ministre, dans laquelle il refuse d’établir une nouvelle cotisation par suite du défaut du demandeur de produire les documents au soutien de sa demande de déduction, est donc tout à fait raisonnable. Par conséquent, M. Matsui n’a pu établir que la demande de contrôle judiciaire qu’il souhaitait présenter avait le moindre fondement. De plus, son argument portant sur l’importance des documents qu’il a envoyés à l’ARC en 2007 et 2008 est dénué de tout fondement et, d’ailleurs, le fait qu’il ait présenté de tels arguments rend d’autant plus raisonnable la demande de production de documents que le ministre a faite.

[13]  Troisièmement, M. Matsui n’a fait valoir aucune explication raisonnable pour son retard à entreprendre cette procédure. Bien que les dirigeants de Demara aient pu se voir interdire de communiquer avec M. Matsui en raison des accusations criminelles qui pesaient contre eux, rien n’empêchait M. Matsui d’agir pour lui-même, comme il le fait maintenant, ou de retenir les services d’une autre personne en temps utile pour lui venir en aide.

[14]  M. Matsui ne remplit donc pas les conditions nécessaires à l’octroi d’une prorogation de délai. Sa demande de prorogation du délai de trente (30) jours pour présenter sa demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision du 24 janvier 2014 du ministre est par conséquent rejetée.

II.  L’absence de fondement à la mesure injonctive

[15]  Cette décision doit forcément conduire au rejet de la demande d’injonction de M. Matsui, qui vise à suspendre l’exécution de la Demande formelle de paiement qui a été signifiée à Metallurgical. La Cour ne possède, en vertu de l’article 50 de la LCF, le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures que dans les affaires en instance devant elle. Étant donné que j’ai refusé la permission à M. Matsui d’entamer une telle procédure, rien ne justifie d’accorder la mesure injonctive qu’il sollicite.

[16]  En outre, il n’a pas pu, de toute façon, satisfaire à l’un des critères nécessaires à l’octroi d’une telle mesure, à savoir, que sa demande soulève une question sérieuse. Pour les motifs énoncés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire de M. Matsui ne soulève aucune question de cette nature.

[17]  Cette deuxième demande doit par conséquent être également rejetée.

[18]  Étant donné que la défenderesse n’a pas demandé de dépens, je ne lui en adjuge aucuns.

 


ORDONNANCE

LA COUR STATUE que :

la présente requête est rejetée sans frais.

« Mary J.L. Gleason »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

14-T-27

 

INTITULÉ :

ARTHUR MATSUI c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

REQUÊTE ÉCRITE SUR LAQUELLE IL A ÉTÉ STATUÉ À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE GLEASON

 

DATE DE L’ORDONNANCE

ET DES MOTIFS :

 

 

LE 10 JUIN 2014

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

Arthur Matsui

 

DEMANDEUR QUI SE REPRÉSENTE LUI-MÊME

 

Isabelle Cadotte

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

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