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Date : 20140617


Dossier : T-1893-13

Référence : 2014 CF 574

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 juin 2014

En présence de monsieur le juge LeBlanc

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

ILDA ROSA MONIZ PEREIRA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29 (la Loi), et de l’article 21 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, à l’encontre d’une décision rendue le 25 septembre 2013, par laquelle un juge de la citoyenneté a approuvé la demande de citoyenneté de la défenderesse en application du paragraphe 5(1) de la Loi.

[2]               Pour les motifs exposés ci-après, l’appel est accueilli.

I.                   Le contexte

[3]               La défenderesse est née au Portugal en 1984. Elle a immigré au Canada avec ses parents lorsqu’elle avait six ans. Elle a le statut de résidente permanente depuis cette époque. Le 9 septembre 2009, elle a présenté une demande de citoyenneté canadienne. Elle a déclaré avoir été physiquement présente au Canada pendant l’ensemble des quatre années précédant le dépôt de la demande (la période de référence), à l’exception de 28 jours, où elle aurait été, selon ce qu’elle a déclaré, à l’extérieur du Canada pour deux voyages d’affaires et deux voyages de vacances.

[4]               Dans le cadre du traitement de sa demande de citoyenneté par les autorités de la citoyenneté, la défenderesse a dû remplir un questionnaire sur la résidence, ce qu’elle a fait en mai 2012. La défenderesse y a fait mention des quatre voyages à l’étranger qu’elle avait déclarés sans toutefois être capable, à ce moment‑là, d’en fournir les dates. Elle a aussi inscrit dans le formulaire où elle avait travaillé et étudié depuis 2005 ainsi que les divers endroits où elle avait vécu au Canada depuis 1991.

[5]               Dans le cadre de ce même processus, on a demandé à la défenderesse de fournir un rapport du Système intégré d’exécution des douanes (le SIED), qui est délivré par l’Agence des services frontaliers du Canada et qui fait état des départs du Canada de la défenderesse et de ses entrées au pays, ainsi que de l’historique des réclamations qu’elle a faites au Régime d’assurance‑santé de l’Ontario (le RAMO). Selon cet historique, la défenderesse avait fait 13 réclamations au cours de la période de référence.

[6]               Cependant, le rapport du SIED de la défenderesse contient six timbres, ce qui ne correspondaient pas à ce qu’elle avait déclaré dans sa demande de citoyenneté et dans son questionnaire sur la résidence. On a aussi demandé à la défenderesse de produire le passeport visant la période de référence, mais elle n’en pas été capable. Dans une lettre datée du 5 juin 2012 adressée aux autorités de la citoyenneté, la défenderesse a expliqué que, lorsqu’elle a renouvelé son passeport expiré en 2009, le personnel du consulat du Portugal à Toronto, où elle avait présenté sa demande, a conservé et détruit son passeport.

[7]               Le 25 septembre 2013, la défenderesse s’est présentée à une audience devant le juge de la citoyenneté et, le jour même, sa demande de citoyenneté a été approuvée par le juge.

[8]               Dans une décision relativement courte, le juge de la citoyenneté a tout d’abord mentionné que la défenderesse avait déclaré avoir été présente au Canada pendant 1 432 jours durant la période de référence, mais qu’elle n’avait produit aucun passeport à l’appui de sa déclaration, puisque les autorités consulaires portugaises avaient repris son ancien passeport lorsqu’elle en avait demandé un nouveau.

[9]               Le juge de la citoyenneté a aussi souligné que le nombre de timbres d’entrée figurant dans le rapport du SIED était plus élevé que celui que la défenderesse avait déclaré aux autorités de la citoyenneté, et que la défenderesse avait expliqué que ces [traduction] « erreurs » étaient attribuables au fait [traduction] « qu’elle n’avait pas accès à son passeport et que sa mémoire lui a, bien entendu, fait défaut ». Sur ce point précis, le juge de la citoyenneté a souligné que la défenderesse avait dit qu’il était [traduction« tout à fait possible qu’elle ait fait quelques autres voyages, des voyages d’affaires uniquement, très courts à l’étranger ».

[10]           Enfin, le juge a écrit que la défenderesse avait un emploi à temps plein, qu’elle était mariée et que toutes ses activités sociales avaient lieu au Canada.

[11]           Le juge de la citoyenneté a par la suite approuvé la demande de citoyenneté de la défenderesse de la façon suivante :

[traduction]

Compte tenu de ce qui précède, de mon examen attentif du témoignage de la demanderesse et de mon appréciation des renseignements et de la preuve dont je suis saisi, je suis convaincu que la demanderesse vit effectivement au Canada et qu’elle a été physiquement présente au pays le nombre de jours requis par la Loi sur la citoyenneté.

Pour les motifs exposés ci-dessus, j’approuve la demande de citoyenneté de Mme PEREIRA.

II.                Les exigences en matière de résidence prévues par la Loi

[12]           Voici le libellé de l’alinéa 5(1)c) de la Loi, qui établit les exigences en matière de résidence que les demandeurs de citoyenneté doivent respecter pour obtenir la citoyenneté :

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

a) en fait la demande;

b) est âgée d’au moins dix huit ans;

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(i) un demi jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

[…]

(1) The Minister shall grant citizenship to any person who

(a) makes application for citizenship;

(b) is eighteen years of age or over;

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

[13]           Voilà déjà quelque temps que la Cour se livre à un débat sur ce que l’alinéa 5(1)c) de la Loi veut vraiment dire. Trois écoles jurisprudentielles sont ressorties de ce débat, et les juges de la citoyenneté disposent donc, dans une affaire donnée, de trois critères pour évaluer si les exigence en matière de résidence ont été respectées (Sinanan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1347, paragraphes 6 à 8, [2011] ACF no 1646 (QL); Huang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 576, paragraphes 17 et 18, [2013] ACF no 629 (QL)).

[14]           Le premier critère prévoit le comptage strict des jours de présence physique au Canada, qui doivent totaliser 1 095 jours dans les quatre ans précédant la demande. Il est souvent appelé critère quantitatif ou critère de la décision Re Pourghasemi (Re Pourghasemi (CFPI), [1993] 62 FTR 122). Selon le deuxième critère, qui est moins rigoureux, une personne peut être résidente du Canada même si elle en est temporairement absente, pour autant qu’elle conserve de solides attaches avec le Canada. Ce critère est d’ordinaire appelé critère de la décision Re Papadogiorgakis (Re Papadogiorgakis, [1978] 2 CF 208 (QL), 88 DLR (3d) 243 (1re inst.)). Enfin, le troisième critère, qui prend assise sur le second critère, définit la résidence comme étant l’endroit où l’on a centralisé son mode d’existence. Dans la jurisprudence, ce critère est appelé critère de la décision Koo, (Re Koo (1992), [1993] 1 CF 286 (QL), [1992] ACF no 1107 (1re inst.); voir aussi Paez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 204, paragraphe 13, [2008] ACF no 292 (QL); Sinanan, précitée, paragraphe 6 à 8; Huang, précitée, paragraphes 37 à 40). Les deux derniers critères sont souvent décrits comme étant des critères qualitatifs (Huang, précitée, paragraphe 17).

[15]           Il ressort de la jurisprudence de la Cour que les juges de la citoyenneté peuvent choisir parmi ces trois critères celui qu’il souhaite appliquer et qu’on ne peut lui reprocher d’avoir choisi l’un plutôt que l’autre (Pourzand c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 395, paragraphe 16, [2008] ACF no 485 (QL); Xu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 700, paragraphes 15 et 16, [2005] ACF no 868 (QL); Rizvi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1641, paragraphe 12, [2005] ACF no 2029 (QL)).

[16]           On peut toutefois reprocher au juge de la citoyenneté de ne pas avoir révélé quel critère a été appliqué dans l’affaire dont il était saisi (Dina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 712, paragraphe 8, [2013] ACF no 758 (QL)).

III.             Question en litige et norme de contrôle

[17]           Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le demandeur) allègue pour trois motifs que la décision du juge de la citoyenneté d’approuver la demande de citoyenneté de la défenderesse était déraisonnable. Premièrement, le demandeur affirme que le juge de la citoyenneté a omis de mentionner le critère juridique qu’il a utilisé pour établir si la défenderesse respectait les exigences en matière de résidence prévues par la Loi. Deuxièmement, il soutient que les motifs et l’analyse du juge sont tout à fait inadéquats, car ils n’expliquent pas de manière détaillée les raisons pour lesquelles la demande de citoyenneté de la défenderesse a été approuvée. Enfin, il allègue qu’il était déraisonnable de la part du juge de la citoyenneté d’approuver la demande de citoyenneté de la défenderesse compte tenu de la faiblesse de la preuve concernant les exigences en matière de résidence et des incohérences qu’elle comportait.

[18]           Le demandeur et la défenderesse conviennent que la norme de contrôle applicable à ces questions est celle de la raisonnabilité. La Cour est du même avis. Il est de jurisprudence constante à la Cour fédérale que l’appréciation faite par le juge de la citoyenneté du respect de l’exigence en matière de résidence énoncé à l’alinéa 5(1)c) de la Loi, peu importe le critère auquel le juge a eu recours, soulève des questions mixtes de fait et de droit et qu’elle est donc susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Saad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 570, paragraphe 18, [2013] ACF no 590 (QL); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Rahman, 2013 CF 1274, paragraphe 13, [2013] ACF no 1394 (QL); Balta c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1509, paragraphe 5, [2011] ACF no 1830 (QL); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Baron, 2011 CF 480, paragraphe 9, [2011] ACF no 735 (QL); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Diallo, 2012 CF 1537, paragraphe 13, [2012] ACF no 1615 (QL); Huang, précitée, paragraphes 24 à 26).

[19]           Ainsi, et c’est bien connu, la Cour, dans le cadre de son analyse, s’en tiendra alors à la justification de la décision, à sa transparence et à son intelligibilité ainsi qu’à son appartenance aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190).

IV.             Analyse

[20]           La présente affaire peut être définitivement tranchée en fonction du troisième motif d’appel. En effet, même si l’on tient pour acquis que le juge de la citoyenneté a clairement fait savoir quel critère il a appliqué aux faits de l’espèce, ce que je crois qu’il a fait, et indépendamment de la qualité des motifs de la décision, la défenderesse, à mon avis, n’a pas établi au moyen d’éléments de preuve clairs et suffisants qu’elle respecte les exigences en matière de résidence prévues par la Loi. La conclusion contraire du juge de la citoyenneté, dans les circonstances, était déraisonnable.

[21]           Comme la Cour l’a confirmé à maintes reprises, la citoyenneté canadienne est un privilège qu’il ne faut pas accorder à la légère, et il incombe au demandeur de citoyenneté, s’il souhaite se voir accorder ce privilège, d’établir selon la norme de la prépondérance de la preuve, au moyen d’éléments de preuve suffisants, cohérents et crédibles, qu’il respecte les diverses exigences prévues par la Loi (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Elzubair, 2010 CF 298, paragraphes 19 et 21; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c El Bousserghini, 2012 CF 88, paragraphe 19; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Dhaliwal, 2008 CF 797, paragraphe 26; Abbas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 145, paragraphe 8; F.H. c McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 RCS 41).

[22]           La Cour est consciente qu’il ne faut pas imposer un fardeau excessif et que, bien que la citoyenneté soit un privilège, la Loi n’exige pas que tous les éléments de preuve soient corroborés (El Bousserghini, précitée, paragraphe 19). La Cour est également consciente que, à cet égard, il revient au juge de la citoyenneté, en tenant compte du contexte, de déterminer l’étendue et la nature de la preuve requise dans l’affaire dont il est saisi (El Bousserghini, précitée, paragraphe 19).

[23]           Par contre, il y a un point au‑delà duquel l’exercice, ou le non‑exercice, de ce pouvoir discrétionnaire par le juge de la citoyenneté ne peut plus être considéré comme étant raisonnable. Ce point a été atteint en l’espèce quand le juge de la citoyenneté, qui n’a pas pu examiner le passeport expiré pour confirmer le nombre et la durée des absences de la défenderesse du Canada pendant la période pertinente, a accepté les explications plutôt chancelantes et invraisemblables de la défenderesse concernant ses absences non déclarées, et ce, sans même essayer d’obtenir des précisions sur ces absences.

[24]           Je suis d’accord avec le demandeur : le juge de la citoyenneté a à ce moment abdiqué ses responsabilités.

[25]           C’est une chose pour le demandeur de citoyenneté de ne disposer d’aucun élément de preuve, un passeport expiré en l’occurrence, corroborant le nombre et la durée de ses absences du Canada pendant la période pertinente servant à établir la résidence. Cela ne porte pas un coup fatal à la demande si le demandeur fournit une explication raisonnable quant à l’impossibilité d’obtenir le passeport (El Bousserghini, précité, paragraphe 19). Par contre, c’est tout autre chose, comme en l’espèce, de ne pas disposer de pareils éléments de preuve et, en outre, de faire des déclarations carrément fausses aux autorités de la citoyenneté quant au nombre d’absences du Canada et de n’être aucunement capable de fournir une explication raisonnable à cet égard.

[26]           Dans la présente affaire, la défenderesse a expliqué que son rapport du SIED comportait plus de timbres d’entrée que ceux qu’elle avait déclarés aux autorités de la citoyenneté en affirmant que sa mémoire lui avait fait défaut. Le juge de la citoyenneté a accepté ces explications.

[27]           Voici le problème : 6 des 10 séjours à l’étranger pendant la période pertinente n’avaient pas été déclarés, soit plus de la moitié des absences de la défenderesse du Canada pendant cette période. Ce n’est pas anodin. Et, plus important encore, on peut difficilement concevoir que la mémoire d’une personne lui fasse à ce point défaut. Ce qui est d’autant plus inconcevable, c’est que, bien que la défenderesse n’ait pas été capable de se souvenir du grand nombre de voyages qu’elle avait fait à l’étranger, elle semblait toutefois se souvenir qu’il s’agissait tous de courts séjours.

[28]           Le récit, dans son ensemble, était, à première vue, fort peu crédible. Quoi qu’il en soit, la défenderesse a ainsi fait preuve d’une grande insouciance, contrevenant ainsi à l’esprit de la Loi et à la nature même et l’objet du régime de naturalisation. En acceptant ce récit comme explication de l’importante incohérence qui ressortait du dossier de citoyenneté de la défenderesse et en se fiant sur le témoignage de cette dernière pour établir sa résidence, sans autre élément de preuve corroborant, alors que le dossier comportait manifestement d’importantes omissions, le juge de la citoyenneté a envoyé le mauvais message. Il a abdiqué ses responsabilités et il a jeté le discrédit sur l’ensemble du régime. Il a, pour ainsi dire, donné carte blanche à la défenderesse et, ce faisant, il a grandement diminué le fardeau qui incombe au demandeur de citoyenneté d’établir qu’il est admissible à la citoyenneté canadienne.

[29]           Dans ces circonstances, selon la Cour, le juge de la citoyenneté n’avait pas d’autre choix que de rejeter la demande de la défenderesse au motif qu’elle n’était pas étayée par des éléments de preuve suffisants, cohérents et crédibles (Abbas, précitée, paragraphe 8) ou bien il devait demander des précisions sur les incohérences avant de prendre sa décision. Le juge de la citoyenneté n’a fait ni l’un ni l’autre. Il s’agit d’une conclusion déraisonnable compte tenu du dossier et de la loi, qui exige l’adoption d’une approche des plus rigoureuses lors de l’examen des demandes de citoyenneté (Elzubair, précitée, paragraphe 21; Dhaliwal, précitée, paragraphe 26).

[30]           Comme argument principal,  la défenderesse invoque la présomption selon laquelle son témoignage était véridique. À l’instar de la plupart des présomptions, celle‑ci trouvera application jusqu’à un certain point. Vu les omissions et les contradictions quant au nombre de voyages à l’étranger; vu la faiblesse des explications concernant ces omissions et contradictions; et vu l’absence d’élément de preuve à l’appui, cette présomption ne peut nullement trouver application en l’espèce (Canada (Ministère de l’Emploi et de l’Immigration) c Dan-Ash, (CAF) [1988] ACF no 571 (QL); Bakare c Canada (Ministère de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 31 (QL); Adu c Canada (Ministère de l’Emploi et de l’Immigration), (CAF) [1995] ACF no 114 (QL); Diadama c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1206, [2006] ACF no 1518 (QL); Kahiga c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1240, paragraphe 10, [2005] ACF no 1538 (QL); Oppong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] ACF no 1187, paragraphe 5 (QL)).

[31]           Comme le juge Harrington l’a souligné dans la décision El Bousserghini, précitée, paragraphe 19, il serait extrêmement inhabituel, et probablement téméraire, de se fier, sans aucun document à l’appui, au témoignage d’un individu pour établir sa résidence. Dans les présentes circonstances, puisque, comme je l’ai déjà mentionné, la défenderesse a été incapable de produire son vieux passeport et que, contrairement à l’affaire El Bousserghini, elle a en outre omis de déclarer des absences du Canada, il était téméraire de se fier seulement au témoignage de la défenderesse pour établir sa résidence.

[32]           Dans la présente affaire, rien au dossier ne permettait au juge de la citoyenneté d’établir si le nombre de jours d’absences non déclarés aurait eu une incidence sur le nombre de jours durant lesquels la défenderesse devait être physiquement présente au Canada pendant la période de référence. Puisqu’il semble clair que le juge de la citoyenneté a appliqué le critère de la présence physique pour établir la résidence, il s’agissait d’une question de première importance, mais la façon dont le juge de la citoyenneté a examiné cette question ne satisfait pas à la norme de la raisonnabilité.

[33]           L’appel du demandeur est donc accueilli, et la décision du juge de la citoyenneté est annulée. Puisque le demandeur n’a pas sollicité de dépens, aucuns dépens ne seront adjugés.

[34]           À l’heure actuelle, la loi permet à la défenderesse de présenter une nouvelle demande de citoyenneté quand bon lui semblera. Il est à espérer que, si la défenderesse le fait, elle tâchera de respecter l’esprit de la Loi ainsi que la nature et l’importance du régime de naturalisation.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que l’appel est accueilli, sans dépens.

 

« René LeBlanc »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

T-1893-13

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMGRATION

c ILDA ROSA MONIZ PEREIRA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 3 juin 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge LEBLANC

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

le 17 juin 2014

 

COMPARUTIONS :

Ndija Anderson

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Dov Maierovitz

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Dov Maierovitz

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

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