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Date : 20140618


Dossier : IMM-1265-13

Référence : 2014 CF 579

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 juin 2014

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

MARIO QUINTANAR PARDO

INGRID MARIA VARGAS GHINES

REGINA QUINTANAR VARGAS

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie de la demande de contrôle judiciaire de la décision, rendue par une agente d’immigration, rejetant la demande de résidence permanente des demandeurs fondée sur des considérations d’ordre humanitaire [CH] et présentée au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

25. (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

25. (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected

 

[…]

[…]

(1.3) Le ministre, dans l’étude de la demande faite au titre du paragraphe (1) d’un étranger se trouvant au Canada, ne tient compte d’aucun des facteurs servant à établir la qualité de réfugié — au sens de la Convention — aux termes de l’article 96 ou de personne à protéger au titre du paragraphe 97(1); il tient compte, toutefois, des difficultés auxquelles l’étranger fait face.

(1.3) Le ministre, dans l’étude de la demande faite au titre du paragraphe (1) d’un étranger se trouvant au Canada, ne tient compte d’aucun des facteurs servant à établir la qualité de réfugié — au sens de la Convention — aux termes de l’article 96 ou de personne à protéger au titre du paragraphe 97(1); il tient compte, toutefois, des difficultés auxquelles l’étranger fait face.

II.                Le contexte

[2]               Le demandeur a été enlevé en vue d’obtenir une rançon au Mexique, il a été détenu pendant 10 jours et ensuite remis en liberté. Lorsque les auteurs de l’enlèvement ont continué à le harceler, sa famille et lui se sont enfuis au Canada, en 2009. Leur demande d’asile a été rejetée, mais par la suite, leur enfant est né au Canada. Ils ont alors présenté une demande de résidence permanente en invoquant des CH.

[3]               La demande a été rejetée par la décision portant sur les CH. On a fait remarquer que la demande de prise en compte des CH a été reçue le 23 novembre 2011, après l’édiction de la Loi sur des mesures de réforme équitables du 29 juin 2010. Le nouveau paragraphe 25(1.3) essentiel est cité ci-dessus.

[4]               L’agente d’immigration a conclu qu’il y avait des facteurs d’un établissement favorable, mais rien d’exceptionnel.

[5]               L’agente d’immigration a mené une analyse approfondie de la situation dans le pays, elle a relevé en particulier que la criminalité et la violence liée aux drogues étaient des fléaux au Mexique, de même que la corruption. Toutefois, malgré ces problèmes généraux, certaines régions étaient moins touchées, telles que la ville de Mexico – la ville d’origine des demandeurs. L’agente d’immigration a aussi effectivement conclu que les demandeurs avaient des possibilités de refuge interne comme solutions de rechange, parce que d’autres villes ou régions étaient aussi sûres. L’agente d’immigration a pris en compte des facteurs tels que la réinstallation et l’emploi, la violence faite aux femmes et la discrimination.

[6]               En ce qui a trait au facteur très important de l’intérêt supérieur des enfants [ISE], il s’agit d’un facteur essentiel dans une analyse des CH, mais pas d’un facteur dominant. Il doit être pris en compte au même titre que d’autres facteurs. Selon l’agente d’immigration, la crainte des demandeurs était conjecturale, ils avaient de la famille dans la ville de Mexico, et les enfants étaient suffisamment jeunes pour pouvoir s’adapter. Certes, demeurer au Canada est la solution préférée, mais le retour au Mexique n’est pas contraire au concept de l’ISE.

[7]               En ce qui a trait à la situation dans le pays ou à la sécurité personnelle, bien qu’il puisse y avoir des préoccupations, la situation généralisée au Mexique n’était pas telle qu’elle atteignait le seuil des difficultés injustifiées, inhabituelles ou excessives, en partie parce que tous les résidents sont exposés à ces conditions.

[8]               Après avoir examiné l’affaire selon des facteurs distincts, l’agente d’immigration a conclu que dans l’ensemble les demandeurs ne faisaient pas face à des difficultés inhabituelles injustifiées ou excessives en cas de retour au Mexique. La demande de prise en compte des CH a été rejetée.

III.             Analyse

[9]               Les questions à trancher dans le présent contrôle judiciaire sont :

                     L’agente a-t-elle appliqué le critère approprié concernant les difficultés et la conclusion de l’agente d’immigration relativement à la situation généralisée dans le pays était-elle raisonnable?

                     La décision était-elle raisonnable en ce qui a trait à la preuve de la criminalité et à l’intérêt supérieur des enfants?

[10]           La question portant sur le critère approprié concernant les difficultés est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Ambassa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 158, 211 ACWS (3d) 434).

La question de savoir si le pouvoir discrétionnaire a été exercé de façon appropriée est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Lemus c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1274, 221 ACWS (3d) 966).

A.                Le critère approprié

[11]           Après avoir examiné une abondante preuve, l’agente d’immigration a décidé que les préoccupations relatives à la sécurité personnelle ne constituaient pas une difficulté qui était inhabituelle, injustifiée ou excessive.

L’agente d’immigration n’a pas écarté la preuve de difficultés simplement parce qu’il s’agissait du même degré de difficultés auquel était exposée la population générale au Mexique.

[12]           Dans son analyse, l’agente d’immigration a examiné la situation dans le pays et a relevé que, bien que la criminalité et la violence liée aux drogues étaient des fléaux, le niveau d’une telle violence est différent selon le lieu où l’on se trouve au Mexique. L’État de la ville d’origine des demandeurs, la ville de Mexico, était exposée à beaucoup moins de violence et disposait de beaucoup plus de ressources pour lutter contre la criminalité que tout autre État.

[13]           Il est loisible à l’agente d’immigration de prendre en compte les conditions qui prévalent dans différentes parties du pays et de l’effet que de telles conditions (en l’espèce, la criminalité et la violence liée aux drogues) auraient sur un demandeur.

En l’espèce, l’agente d’immigration a conclu que les demandeurs ne seraient pas exposés à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives étant donné les niveaux de la criminalité et de la violence liée aux drogues dans leur région d’origine.

[14]           L’agente d’immigration a appliqué le critère juridique approprié aux faits et ne s’est pas contentée de paraphraser le libellé du critère, sans égard aux faits.

B.                 Le caractère raisonnable de la décision

[15]           Les demandeurs contestent la décision et allèguent que l’agente d’immigration a méconnu la criminalité, sauf le meurtre, et qu’elle est arrivée à un résultat déraisonnable après avoir effectué l’analyse des « intérêts supérieurs des enfants ».

[16]           En fait, les demandeurs veulent que la Cour soupèse à nouveau la preuve, et qu’elle substitue son jugement à celui de l’agente d’immigration. Il est simplement inexact de donner à penser que l’agente d’immigration a centré l’analyse du risque uniquement sur les meurtres, lorsqu’en réalité l’agente d’immigration a fait référence à la criminalité en général, à la criminalité liée aux drogues, à la corruption et à la violation des droits de la personne.

[17]           De façon semblable, la contestation de la conclusion relative aux « intérêts supérieurs des enfants » n’en est pas une pour laquelle la Cour peut ou devrait substituer son analyse. L’agente d’immigration s’est montrée [traduction] « réceptive, attentive et sensible » aux enfants. Elle a relevé les risques auxquels les enfants étaient exposés au Mexique notamment la violence, la pauvreté, l’exploitation sexuelle et le manque de possibilités en matière d’éducation. L’agente d’immigration a même conclu que les enfants seraient mieux au Canada, mais cette conclusion n’équivaut pas à dire qu’un pays moins désirable constitue le fondement pour une conclusion d’existence de difficultés.

[18]           La conclusion relative à « l’intérêt supérieur des enfants » était fondée sur des motifs juridiques appropriés et était raisonnable d’après les faits de l’espèce.

IV.             Conclusion

[19]           La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1265-13

 

INTITULÉ :

MARIO QUINTANAR PARDO, INGRID MARIA VARGAS GHINES, REGINA QUINTANAR VARGAS

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 décembre 2013

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

Le 18 juin 2014

 

COMPARUTIONS :

Rekha McNutt

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Anna Kuranicheva

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Caron & Partners LLP

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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