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Date : 20140612


Dossier : IMM-12480-12

Référence : 2014 CF 563

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 juin 2014

En présence de monsieur le juge de Montigny

ENTRE :

JOZSEF GALAMB ET ANIKO BORAI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision datée du 6 novembre 2012 (motifs rendus à l’audience) et du 7 novembre 2012 (motifs écrits) de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR ou la Commission), selon laquelle les demandeurs n’ont pas qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[2]               Après avoir examiné les éléments de preuve au dossier et les observations des parties, je conclus que le commissaire a manqué à son obligation de justice naturelle et d’équité procédurale en omettant de reporter l’audience comme le demandaient les demandeurs. Pour ce motif, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

I.                   Faits

[3]               Les demandeurs, Jozsef Galamb, né le 25 février 1992, et Aniko Borai, née le 19 mars 1993, sont des citoyens de la Hongrie. Ils sont conjoints de fait depuis décembre 2010, quand ils étaient toujours en Hongrie.

[4]               Jozsef Galamb est arrivé au Canada le 20 août 2011 et a demandé l’asile le 25 août 2011. Aniko Borai est arrivée au Canada le 2 décembre 2011 et a demandé l’asile le 5 décembre 2011. Leurs demandes d’asile étaient fondées sur le racisme, la discrimination et des agressions violentes en Hongrie. Jozsef allègue qu’il a été agressé deux fois : en février 2008, à l’âge de 15 ans, et en janvier 2010, à l’âge de 17 ans. Chaque fois, la police s’est présentée sur les lieux de l’agression et a établi un rapport, mais aucune enquête n’a été menée et aucune suite n’a été donnée car les auteurs des agressions n’ont pas été identifiés.

[5]               Les deux demandeurs prétendent qu’ils ont reçu de l’aide du cabinet d’avocats de Joseph Farkas jusqu’en août 2012, moment où ils n’ont plus eu les moyens d’acquitter les frais juridiques et ils ont dû obtenir un autre certificat d’aide juridique. De plus, ils soutiennent que les services juridiques fournis par le cabinet Farkas comprenaient de l’aide pour remplir le Formulaire de renseignements personnels (le FRP) et l’exposé circonstancié du FRP. Toutefois, ils prétendent qu’aucun de ces documents n’a été traduit en hongrois à leur intention avant qu’ils soient produits, en dépit du fait qu’ils avaient signé une déclaration selon laquelle le FRP en entier et tous les documents s’y rattachant avaient été traduits.

[6]               Les demandeurs soutiennent que, après que M. Farkas eut cessé de les représenter, ils ne se sont pas dépêchés de trouver un autre avocat parce qu’ils ne savaient pas qu’ils en auraient besoin d’un durant la période d’attente. Ils ont aussi essayé d’obtenir un autre certificat d’aide juridique dans l’espoir de retourner au cabinet de M. Farkas pour que celui‑ci continue de les représenter.

[7]               Après la réception de l’avis de convocation de la Commission, le 11 octobre 2012, ils prétendent qu’ils sont retournés au cabinet de M. Farkas, mais qu’on leur a dit qu’on ne pouvait pas les aider étant donné qu’ils n’avaient toujours pas le certificat d’aide juridique nécessaire. Les demandeurs soutiennent qu’ils ont tenté de contacter les services d’aide juridique de l’Ontario par leurs propres moyens, sans succès. Ils se sont adressés, le 22 octobre 2012, aux Parkdale Community Legal Services (PCLS) pour obtenir de l’aide.

[8]               Les demandeurs affirment que, en fait, M. Farkas était toujours l’avocat inscrit au dossier lorsqu’ils ont présenté des éléments de preuve documentaire à la Commission, le 31 octobre 2012. Ils soutiennent qu’ils n’en étaient pas conscients au moment de l’audience.

[9]               Les demandeurs n’ont pas pu obtenir de certificat d’aide juridique et, le 1er novembre 2012, les PCLS leur ont remis une lettre demandant le report de l’audience du 6 novembre 2012 parce qu’ils n’avaient toujours pas d’avocat. Les PCLS pouvaient les représenter, mais ils n’avaient pas assez de temps pour se préparer et ont demandé que l’audience soit reportée à la dernière semaine de janvier ou la première semaine de février 2013, périodes où ils seraient en mesure de représenter les demandeurs. Comme il ne restait que deux jours avant l’audience, les PCLS ont recommandé que les demandeurs se présentent à l’audience pour demander un report. Les demandeurs se sont présentés à l’audience avec la lettre, mais le commissaire a refusé d’accorder un report et a fait savoir que, s’ils n’étaient pas prêts à poursuivre la procédure, il déclarerait qu’ils s’étaient désistés de leur demande d’asile. Les demandeurs, se sentant bousculés et confus, ont décidé de poursuivre l’audience, en dépit du fait qu’ils n’avaient pas été préparés en conséquence et qu’ils n’avaient pas d’avocat.

[10]           La demande d’asile a été rejetée. Le commissaire a conclu que la crédibilité des demandeurs était diminuée en raison de contradictions entre leur FRP et leurs témoignages de vive voix, et qu’ils n’avaient pas réfuté la présomption de la protection de l’État.

II.                Décision visée par le contrôle

[11]           Le commissaire a d’abord expliqué qu’il ne pouvait pas accéder à la demande de report de l’audience des demandeurs au titre de l’article 48 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002‑228 (qui ont depuis été abrogées et remplacées par les Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑228). À cet égard, le commissaire a écrit :

Vous avez seulement présenté cette demande aujourd’hui, bien que la lettre de Parkdale Legal Services soit datée du 1er novembre. J’estime que vous auriez pu, en faisant des efforts raisonnables, transmettre la demande à la SPR plus tôt. Vous aviez eu le temps, depuis la présentation de votre formulaire de renseignements personnels (FRP), en septembre 2011, de vous préparer afin d’être prêt à comparaître aujourd’hui. D’après votre témoignage, vous n’avez fait aucun effort sérieux au cours des 14 derniers mois afin de vous préparer à comparaître aujourd’hui. Votre témoignage concernant vos rapports avec votre ancien conseil, un avocat, était par moments vague et contradictoire. Vous m’avez d’abord dit que vous n’arriviez pas à vous rappeler le moment où les rapports ont pris fin. Puis, lorsque je vous ai posé d’autres questions, vous avez ajouté avoir commencé à parler avec Parkdale après avoir reçu l’avis de convocation à l’audience d’aujourd’hui, qui vous a été envoyé en octobre. Par la suite, vous avez affirmé que la relation avec votre ancien conseil avait pris fin déjà, en août 2012. En tout état de cause, conformément à l’avis de convocation, si vous choisissez de changer de conseil, ce dernier doit être prêt à vous représenter à la date fixée, soit aujourd’hui. Il n’y a pas eu d’autres remises en l’espèce, et la séance n’a pas un caractère péremptoire. Cependant, je suis tenu de poursuivre l’audience aussi rapidement que le permet la justice naturelle. J’ai estimé que le fait d’accueillir la demande de remise ralentirait l’affaire de manière déraisonnable et que le contraire ne causerait pas d’injustice. La demande d’asile n’est pas particulièrement complexe. Après avoir examiné tous les facteurs, j’ai rejeté votre demande de remise de l’audience et j’ai commencé à tenir votre audience.

Dossier de la demande, pages 7 et 8

[12]           En ce qui concerne la crédibilité, le commissaire a souligné que Jozsef avait affirmé qu’il s’était inscrit à une école de métiers en juin 2008 et qu’il avait cessé de suivre sa formation en juin 2009, car il avait échoué un certain nombre de cours. Le commissaire a souligné que cette formation n’était pas mentionnée dans son FRP, et Jozsef a expliqué qu’il l’avait omise parce qu’il ne l’avait pas terminée. Il a rejeté cette explication au motif qu’il est clairement mentionné dans le FRP que toutes les formations doivent être inscrites. Jozsef a également écrit dans son exposé circonstancié que, après l’agression subie en février 2008, il avait peur et il n’était pas retourné à l’école. Pourtant, il a aussi affirmé qu’il avait terminé ses études primaires en juin 2008 et qu’il s’était ensuite inscrit à l’école de métiers la même année. Le commissaire a conclu que Jozsef tentait d’embellir les allégations de discrimination, et il a fait des commentaires quant au fait qu’Aniko n’avait été personnellement victime d’aucun incident grave.

[13]           Le commissaire a également conclu que les deux demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption d’une protection de l’État adéquate. Il a pris acte des éléments de preuve documentaire selon lesquels les Roms sont marginalisés et victimes de discrimination en Hongrie, mais a conclu que cette discrimination n’équivaut pas à de la persécution. Il a examiné la question de la protection de l’État en Hongrie et a conclu que la protection était adéquate. Il a souligné que les États sont réputés être en mesure de protéger leurs citoyens et qu’il incombe aux demandeurs de réfuter la présomption de la protection de l’État au moyen d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi pouvant convaincre la Commission selon la prépondérance des probabilités. Le commissaire a conclu que les demandeurs n’avaient pas fourni d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi selon lesquels la protection de l’État en Hongrie n’est pas adéquate.

[14]           De plus, le commissaire a conclu que les demandeurs n’avaient pris aucune mesure pour se réclamer de la protection de l’État en Hongrie. Les éléments de preuve qu’ils ont fournis concernant leurs interactions avec la police ont été jugés contradictoires. Le commissaire a souligné que Jozsef avait affirmé que la police s’était présentée à l’hôpital après son agression en février 2008, mais n’avait pas fait mention de la présence de la police dans son FRP. Jozsef a de plus affirmé que la police lui avait envoyé un rapport trois mois après l’incident, fermant l’enquête; toutefois, il n’a pas fourni copie du rapport à titre d’élément de preuve. Le demandeur a prétendu que sa grand‑mère en Hongrie n’avait pas pu obtenir copie du rapport; pourtant, se fondant sur des éléments de preuve documentaire, le commissaire a conclu que les parents peuvent obtenir les rapports de police. Le commissaire a aussi souligné que Jozsef avait un avocat au Canada jusqu’à l’été 2012 et aurait pu obtenir le rapport en question en faisant des efforts raisonnables. De plus, le rapport médical de janvier 2010 indique que des policiers se sont rendus sur les lieux de l’attaque, mais Jozsef a omis de mentionner ce fait dans son témoignage de vive voix ou écrit. Le commissaire a conclu que ces éléments minaient encore plus sa crédibilité.

[15]           Enfin, le commissaire a reconnu que la police n’offre pas aux Roms en Hongrie une protection uniforme, loin s’en faut. Toutefois, sur la foi des éléments de preuve dont il disposait et à la lumière des interactions des demandeurs avec la police, il a conclu que la police leur était venue en aide sur les lieux de l’agression et dans les enquêtes subséquentes. Pour ce motif, le commissaire a conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption d’une protection de l’État adéquate en Hongrie, et, par conséquent, leurs demandes d’asile au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR ont été rejetées.

III.             Questions en litige

[16]           Les demandeurs ont soulevé deux questions dans leur demande de contrôle judiciaire. Premièrement, ils soutiennent que le commissaire a manqué à l’obligation de justice naturelle et d’équité procédurale en omettant de reporter l’audience de sorte qu’ils puissent être représentés par un avocat. Deuxièmement, ils soutiennent que l’appréciation du commissaire de la protection de l’État en Hongrie était déraisonnable. Comme j’ai statué en faveur des demandeurs quant à la première question en litige, il n’est pas nécessaire que j’examine la seconde.

IV.             Analyse

[17]           Les demandeurs soutiennent que, malgré le fait que la décision de reporter l’audience est discrétionnaire, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une question d’équité procédurale qui commande l’application de la norme de la décision correcte. Je ne suis pas d’accord. Comme je l’ai écrit dans Stephens c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 609, la décision de la SPR de reporter ou d’ajourner l’audition d’une demande d’asile d’un demandeur est discrétionnaire, même si ce pouvoir discrétionnaire est circonscrit par les facteurs énumérés au paragraphe 48(4) des Règles de la Section de la protection des réfugiés. Pour que la Cour intervienne, le demandeur doit démontrer que la SPR a appliqué de façon déraisonnable les facteurs énumérés au paragraphe 48(4).

[18]           Le rejet d’une demande d’ajournement n’entraîne pas nécessairement un manquement à la justice naturelle ou à l’équité procédurale. Il est reconnu, par exemple, que le droit à un avocat n’est pas absolu dans le contexte des procédures d’immigration. Pour cette raison, l’absence d’un avocat à la suite du refus d’accorder un ajournement n’invalidera une décision que lorsqu’une telle absence entraîne un déni du droit à une audience équitable : voir, par exemple, Wagg c Canada, 2003 CAF 303, au paragraphe 19; Mervilus c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1206, aux paragraphes 20 et 21; Julien c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 351, au paragraphe 33; Guzun c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1324, au paragraphe 13; Vazquez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 385, au paragraphe 10 [Vazquez]; Tecuapetla c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 225, au paragraphe 25.

[19]           L’avocat du défendeur soutient que la Commission a raisonnablement conclu que les demandeurs n’avaient pas présenté leur demande de report dans les délais. Selon l’avocat, les demandeurs avaient obtenu une lettre des PCLS datée du 1er novembre 2012, demandant que la Commission reporte l’audience, et ils n’auraient pas dû attendre jusqu’à la date de l’audience (le 6 novembre 2012), pour faire leur demande.

[20]           Je conclus que les demandeurs ont respecté le paragraphe 48(3) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, selon lequel la partie qui veut faire sa demande deux jours ouvrables ou moins avant la procédure doit se présenter à la procédure et faire sa demande oralement. C’est exactement ce que les demandeurs ont fait en l’espèce. Le 1er novembre 2012 était un jeudi, et il n’y avait donc que deux jours ouvrables avant l’audience. Les demandeurs n’auraient pas pu se présenter devant la Commission plus tôt parce qu’ils n’ont appris que le 1er novembre 2012 que les PCLS acceptaient de les aider et qu’ils ne savaient pas avant cette date que les PCLS ne pourraient les représenter que si l’audience était remise. De plus, il était raisonnable que les demandeurs suivent les conseils des PCLS, qui avaient recommandé qu’ils se présentent à l’audience en personne pour demander l’ajournement.

[21]           Le défendeur soutient aussi que les demandeurs n’ont pas fait montre de diligence dans leur recherche d’un nouvel avocat entre août 2012, date où ils ont appris que leur ancien avocat ne les représenterait pas, et la date de l’audience. Jozsef a également affirmé qu’il ne pensait pas qu’il leur fallait trouver un nouvel avocat pendant la période d’attente, parce qu’ils avaient cru comprendre que tous leurs documents avaient été produits. Qui plus est, il semble que dans la vingtaine de jours ouvrables entre la réception de l’avis de comparution (après le 11 octobre 2012) et la tenue de leur audience, le 6 novembre 2012, les demandeurs ont fait des efforts pour clarifier leur situation au regard de l’aide juridique, demandé aux PCLS de les représenter et obtenu leur dossier de leur avocat précédent de sorte que les PCLS puissent se préparer en vue de l’audience.

[22]           Le principal problème concernant la décision du commissaire est, par conséquent, le défaut de celui-ci de prendre en considération plusieurs facteurs pertinents qui militent en faveur d’un ajournement. Les facteurs qu’il faut prendre en compte lorsqu’on détermine s’il convient ou non de remettre une audience sont clairement énoncés au paragraphe 48(4) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, qui prévoient :

(4) Pour statuer sur la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent. Elle examine notamment :

(4) In deciding the application, the Division must consider any relevant factors, including

a) dans le cas où elle a fixé la date et l’heure de la procédure après avoir consulté ou tenté de consulter la partie, toute circonstance exceptionnelle qui justifie le changement;

(a) in the case of a date and time that was fixed after the Division consulted or tried to consult the party, any exceptional circumstances for allowing the application;

b) le moment auquel la demande a été faite;

(b) when the party made the application;

c) le temps dont la partie a disposé pour se préparer;

(c) the time the party has had to prepare for the proceeding;

d) les efforts qu’elle a faits pour être prête à commencer ou à poursuivre la procédure;

(d) the efforts made by the party to be ready to start or continue the proceeding;

e) dans le cas où la partie a besoin d’un délai supplémentaire pour obtenir des renseignements appuyant ses arguments, la possibilité d’aller de l’avant en l’absence de ces renseignements sans causer une injustice;

(e) in the case of a party who wants more time to obtain information in support of the party’s arguments, the ability of the Division to proceed in the absence of that information without causing an injustice;

f) si la partie est représentée;

(f) whether the party has counsel;

g) dans le cas où la partie est représentée, les connaissances et l’expérience de son conseil;

(g) the knowledge and experience of any counsel who represents the party;

h) tout report antérieur et sa justification;

(h) any previous delays and the reasons for them;

i) si la date et l’heure qui avaient été fixées étaient péremptoires;

(i) whether the date and time fixed were peremptory;

j) si le fait d’accueillir la demande ralentirait l’affaire de manière déraisonnable ou causerait vraisemblablement une injustice;

(j) whether allowing the application would unreasonably delay the proceedings or likely cause an injustice; and

k) la nature et la complexité de l’affaire.

(k) the nature and complexity of the matter to be heard.

[23]           Le commissaire a reconnu qu’il n’y avait pas eu de report antérieur et qu’il ne s’agissait pas d’une séance péremptoire. Il existait, toutefois, de nombreux autres facteurs militant en faveur d’un report :

                     La durée du report demandé (moins de trois mois), et l’absence d’éléments de preuve selon lesquels un report aussi court aurait un effet défavorable sur le système d’immigration ou retarderait indûment la procédure;

                     Les PCLS avaient accepté de représenter les demandeurs et avaient fourni des dates auxquelles ils étaient disponibles si l’audience était reportée;

                     Les demandeurs ne pouvaient pas se faire représenter par un avocat sans un certificat d’aide juridique;

                     Les demandeurs ont expliqué qu’ils n’avaient pas cherché un nouvel avocat dès le mois d’août 2012 jusqu’au moment de la réception de l’avis de convocation parce qu’ils savaient que tous les documents avaient été produits et que la Commission ne les avait pas contactés pour fixer la date de leur audience;

                     Dès qu’ils ont reçu l’avis de convocation, ils ont pris des mesures pour trouver un avocat pour leur audience;

                     La confusion concernant le certificat d’aide juridique et la charge de travail des PCLS étaient indépendantes de leurs volontés;

                     Les demandeurs étaient manifestement réticents à poursuivre l’affaire sans l’aide d’un avocat;

                     Les demandeurs ont signalé au commissaire les problèmes concernant la préparation de leur FRP et le fait que leurs FRP et exposés circonstanciés n’avaient pas été traduits à leur intention avant qu’ils les signent.

[24]           Les faits en l’espèce sont très semblables à ceux examinés dans Vazquez, précitée, lorsque le juge Bédard a aussi conclu que le commissaire avait commis une erreur en omettant de prendre en compte un certain nombre de facteurs favorables pour refuser une remise. En dépit du fait que les demandeurs ont accepté, non sans réticence, de poursuivre la procédure, ils y ont été pratiquement incités de crainte que leur demande d’asile ne soit considérée comme abandonnée, élément aussi présent dans Vazquez. Par conséquent, on ne peut pas dire que leur décision de poursuivre la procédure était libre et éclairée.

[25]           Peut‑on dire, toutefois, que les demandeurs ont eu droit à une audience équitable malgré le fait qu’ils n’étaient pas représentés par un avocat? Comme je l’ai déjà mentionné, le commissaire a estimé que les questions en l’espèce n’étaient pas complexes. L’avocat du défendeur a ajouté que les demandeurs n’avaient pas relevé d’arguments particuliers qu’ils n’avaient pas pu faire valoir ou d’éléments de preuve qu’ils n’avaient pas pu fournir parce qu’ils n’avaient pas d’avocat et qui auraient pu influer sur la décision finale.

[26]           Il ne fait aucun doute que, pour que soit respecté le principe de l’équité procédural, le demandeur doit être en mesure de participer d’une façon significative à l’audience. Cette capacité doit être appréciée à la lumière des circonstances propres à chacun. En l’espèce, les demandeurs n’ont que 20 et 21 ans et n’ont qu’une huitième année d’études. Ils n’ont clairement pas compris ce qu’ils devaient faire à plusieurs égards, dont des observations sur la façon dont le commissaire devrait prendre en compte ou apprécier les éléments de preuve figurant dans leurs dossiers.

[27]           De plus, je ne souscris pas aux vues de l’avocat du défendeur voulant que les questions soulevées en l’espèce ne sont pas complexes. Le degré requis de protection de l’État a donné lieu à une jurisprudence élaborée et nuancée, et la présence d’un avocat aurait certainement été d’un grand secours à cet égard. Des observations auraient pu être faites, en particulier, sur les éléments de preuve objectifs concernant les personnes se trouvant dans une situation semblable; le commissaire a limité le témoignage des demandeurs en les obligeant à ne parler que de leur propre expérience de préjudices, et on ne pouvait pas s’attendre à ce que les demandeurs présentent des observations juridiques à cet égard.

[28]           Un avocat aurait aussi connu le dossier des demandeurs en détail et aurait pu, en les interrogeant, leur faire clarifier les incohérences perçues et fournir des explications sur les renseignements ne figurant pas dans leur FRP. Cela pourrait inclure le fait que le FRP n’avait pas été traduit à leur intention avant qu’ils présentent leurs observations à la Commission.

[29]           Comme il a été mentionné, la Commission a conclu que les éléments de preuve de Jozsef concernant ses interactions avec la police en Hongrie et ses études n’étaient pas crédibles. Toutefois, les circonstances en l’espèce font qu’il est impossible d’apprécier l’ampleur véritable des préjudices subis par les demandeurs et de la décision de la Commission de ne pas reporter l’audience pour leur permettre d’être représentés par un avocat. Il ressort clairement de la transcription que la capacité des demandeurs à faire valoir leurs arguments était considérablement restreinte par l’absence d’un avocat. De plus, la Commission n’a pas prêté attention au fait que les exposés circonstanciés des FRP ont été produits séparément des FRP et n’ont apparemment pas été traduits à l’intention des demandeurs.

[30]           Si les demandeurs avaient été représentés par un avocat, les incohérences perçues concernant la formation qu’a poursuivie Jozsef après l’agression de février 2008 et la présence de la police sur les lieux de l’agression de janvier 2010 auraient pu mieux être expliquées et mises en perspective. Il n’est pas invraisemblable, par exemple, que la police se rende sur les lieux de l’agression, puis accompagne le demandeur à l’hôpital pour obtenir sa déposition et commencer son enquête. Après tout, la Commission n’a pas mis en doute le fond de la demande d’asile de Jozsef (c’est‑à‑dire qu’il a été attaqué plusieurs fois et que ces attaques étaient motivées par sa race). Un avocat pourrait avoir essayé de démontrer que, même si les explications fournies à l’égard des déclarations incohérentes n’ont pas été acceptées, les divergences n’étaient pas importantes ni cruciales par rapport à la demande d’asile des demandeurs. Enfin, je conviens avec les demandeurs qu’il peut y avoir des cas où, une fois que l’identité d’un demandeur a été acceptée, les éléments de preuve documentaire objectifs sont tels que sa situation particulière fait de lui une personne à protéger, argument juridique que les demandeurs, en l’espèce, n’étaient manifestement pas en mesure de faire valoir.

[31]           Pour tous ces motifs, je conclus que les conclusions quant à la crédibilité ne peuvent être séparées des lacunes relatives à l’équité procédurale. La capacité des demandeurs de participer de façon significative à l’audience et de faire valoir leurs arguments d’une manière pleine et équitable était limitée par l’absence d’un avocat, et il est difficile d’apprécier la portée totale du préjudice, s’il y a lieu, causé aux demandeurs. Dans les circonstances, la prudence dicte que l’affaire soit renvoyée pour que soit rendue une nouvelle décision.

[32]           La présente demande de contrôle judiciaire est par conséquent accueillie. Les parties n’ont pas proposé de questions à certifier, et aucune n’est soulevée en l’espèce.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucune question n’est certifiée.

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Line Niquet

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-12480-12

 

INTITULÉ :

JOZSEF GALAMB ET ANIKO BORAI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 FÉVRIER 2014

 

JUGeMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 12 JUIN 2014

 

COMPARUTIONS :

Maureen Silcoff

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Amy King

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Silcoff, Shacter

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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