Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20140303


Dossier :

T-2252-12

 

Référence : 2014 CF 206

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 mars 2014

En présence de madame la juge Kane

 

ENTRE :

IRINA KOULATCHENKO

 

 

demanderesse

et

Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada

 

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Irina Koulatchenko, la demanderesse, sollicite, en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, le contrôle judiciaire de quatre décisions connexes, prises le 27 février 2012, par lesquelles la directrice du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (le CANAFE) a refusé de lui attribuer une cote de sécurité de niveau très secret, révoqué sa cote de sécurité de niveau secret, révoqué sa cote de fiabilité et révoqué sa nomination à son poste au sein du CANAFE.

 

[2]               La demanderesse soutient avoir été privée de son droit à l’équité procédurale parce que, d’une part, on ne l’a pas avisée des préoccupations ayant conduit au refus de son habilitation de sécurité et, d’autre part, elle n’a pas eu la possibilité de répondre à ces préoccupations avant que la directrice ne prenne les décisions définitives. Elle soutient aussi que ces décisions de la directrice n’étaient pas raisonnables, car elles étaient à ce point dénuées de motifs que la Cour ne pouvait être en mesure de déterminer leur caractère raisonnable. La demanderesse fait valoir que les quatre décisions, en particulier celle de mettre un terme à son emploi, créent une obligation d’équité procédurale.

 

[3]               La demanderesse sollicite une ordonnance annulant les quatre décisions et les renvoyant à la directrice du CANAFE aux fins d’un nouvel examen, après qu’on aura informé la demanderesse de la nature des préoccupations du CANAFE touchant la sécurité et qu’on lui aura donné la possibilité d’y répondre. Elle cherche également à obtenir la rémunération qui lui est due depuis la date de la cessation d’emploi jusqu’à la date du jugement parce que la décision de mettre un terme à son emploi était une décision administrative et que, comme il y a eu manquement à l’équité procédurale, la décision était nulle ab initio.

 

[4]               Le défendeur soutient qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce et que les décisions de la directrice étaient raisonnables. Les lettres de la directrice à la demanderesse ainsi qu’un rapport expurgé du Service canadien du renseignement de sécurité [SCRS] remis à cette dernière dans le cadre de la présente instance sont suffisants pour que la Cour évalue le caractère raisonnable des décisions (et pour fournir à la demanderesse les motifs des décisions de la directrice).

 

[5]               Pour les motifs énoncés ci‑après, je suis d’avis que les décisions de refuser et de révoquer les habilitations de sécurité étaient des décisions administratives. Il y avait obligation d’équité procédurale envers la demanderesse. Certes, l’étendue de cette obligation dans les circonstances était minimale, mais la directrice du CANAFE ne s’en est pas acquittée. Les décisions de refuser la cote de sécurité de niveau très secret et de révoquer la cote de sécurité de niveau secret et la cote de fiabilité doivent être annulées et renvoyées à la directrice pour qu’elle rende de nouvelles décisions.

 

[6]               La décision de révoquer la nomination de la demanderesse comme employée du CANAFE est régie par le droit contractuel. L’obligation d’équité procédurale ne s’applique pas à cette décision.

 

Contexte

[7]               La demanderesse est arrivée au Canada de Russie en passant par Cuba en 2000. Elle s’est vu accorder le statut de réfugié au sens de la Convention sur les réfugiés en décembre 2001.

 

[8]               Le 26 octobre 2010, la demanderesse a été nommée pour une période indéterminée à un poste d’analyste des politiques au CANAFE, qui est le défendeur en l’espèce.

 

[9]               Le CANAFE est un organisme de renseignement financier indépendant qui relève du ministre des Finances. Il a été constitué en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17 (la Loi). Sa mission est de recueillir, analyser, évaluer et communiquer des renseignements utiles pour la détection, la prévention et la dissuasion en matière de recyclage des produits de la criminalité ou de financement des activités terroristes et de mieux faire connaître les questions de recyclage des produits de la criminalité. Le CANAFE fournit des renseignements financiers à divers organismes, notamment à la Gendarmerie royale du Canada [GRC] et au SCRS.

 

[10]           Tous les employés du CANAFE exercent leurs fonctions dans un environnement hautement sécurisé (par exemple, l’accès aux ordinateurs nécessite une connexion par empreinte digitale). Le poste de la demanderesse à l’unité s’intéressant au financement du terrorisme de la Direction de l’analyse financière et de la communication de cas requiert un niveau de sécurité encore plus élevé que celui qui est généralement imposé aux employés du CANAFE.

 

[11]           La lettre d’offre d’emploi adressée à la demanderesse indiquait que le poste offert était conditionnel à l’obtention d’une cote de sécurité de niveau secret avant de commencer à exercer ses fonctions et d’une cote de sécurité de niveau très secret par la suite. La demanderesse a obtenu sa cote de sécurité de niveau secret comme il était exigé et on l’a d’abord affectée à des dossiers qui ne nécessitaient qu’une cote de sécurité de niveau secret. Elle a présenté une demande de cote de sécurité de niveau très secret lorsqu’elle a commencé à travailler pour le CANAFE.

 

[12]           Le 26 février 2010, le CANAFE a demandé au SCRS d’effectuer une évaluation de sécurité de la demanderesse. Cette dernière a été informée que le SCRS procéderait à son évaluation en vue d’une habilitation de sécurité de niveau très secret, et elle a donné son consentement. Elle a par ailleurs fourni quatre références et son curriculum vitae en réponse à une demande en ce sens. Le 13 octobre 2011, elle a passé une entrevue avec un représentant du SCRS.

 

[13]           Le SCRS a procédé à l’évaluation de la demanderesse conformément à sa procédure établie, comme l’exige la Politique sur la sécurité du gouvernement.

 

[14]           Le 27 février 2012, trois lettres ont été envoyées à la demanderesse pour l’informer des décisions de la directrice et des mécanismes de recours dont elle disposait quant au refus et à la révocation de son habilitation de sécurité, notamment la possibilité de présenter une plainte au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité [CSARS] aux termes de l’article 42 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, LRC 1985, c C‑23 (la Loi sur le SCRS).

 

[15]           Le 26 mars 2012, la demanderesse a présenté une plainte au CSARS en vue d’obtenir un nouvel examen des décisions. Le CSARS a rejeté la plainte pour absence de compétence. L’article 42 de la Loi sur le SCRS porte sur les décisions prises par un « administrateur général », mais cet article ne n’applique pas aux organismes fédéraux. L’article 29 de la Loi sur le SCRS définit « administrateur général » aux fins de l’article 42 de la Loi sur le SCRS. Au moment pertinent, la directrice du CANAFE n’avait pas été désignée à cette fin. Par conséquent, la décision de la directrice touchant l’habilitation de sécurité ne relevait pas de la compétence du CSARS.

 

[16]           C’est alors que la demanderesse a demandé le contrôle judiciaire dont la Cour est saisie.

 

[17]           À la suite de l’avis de demande de contrôle judiciaire de la demanderesse, l’évaluation de sécurité du SCRS lui a été transmise sous une forme expurgée. La Cour a ordonné au SCRS de remettre le rapport expurgé à la demanderesse conformément à l’article 317 des Règles des Cours fédérales, DORS 98/106, en précisant que si celle‑ci souhaitait s’opposer au caviardage de certains passages, elle devrait faire une demande en ce sens conformément au paragraphe 37(3) de la Loi sur la preuve au Canada, dans les dix jours suivant la directive de la Cour. La demanderesse n’a pas présenté de demande d’opposition relativement aux passages expurgés.

 

Le rapport du SCRS

[18]           Les portions non expurgées de l’évaluation du SCRS comprennent notamment les renseignements suivants :

        la demanderesse possède la double citoyenneté canadienne et russe;

        la demanderesse a eu plusieurs interactions sociales avec un diplomate russe qui était un ami de son ex‑fiancé;

        la demanderesse a eu des interactions sociales avec un autre diplomate russe, qu’elle a rencontré par hasard à un spectacle du Cirque du Soleil, et elle est aussi allée en sa compagnie à une réception à l’ambassade russe;

        la demanderesse a mentionné des rapports récents avec un autre diplomate russe qu’[traduction] « elle rencontre tout le temps » à l’occasion de divers événements sociaux, mais qu’elle n’a aucun contact avec lui en dehors de ces événements;

        lorsqu’on lui a demandé quelle serait sa réaction si jamais on l’approchait pour lui soutirer des renseignements, la demanderesse a répondu qu’elle [traduction] « dirai[t] probablement non », mais elle a ensuite précisé qu’elle pourrait ne pas répondre immédiatement par la négative et qu’elle en parlerait plutôt à son superviseur au cas où elle pourrait servir d’agent double;

        d’après le représentant du SCRS, la demanderesse semblait sur ses gardes durant l’entrevue et donnait toujours des réponses brèves.

 

[19]           L’évaluation note aussi que la directrice [traduction] « voudrait peut‑être » donner à la demanderesse un breffage sur les mesures de sécurité relatives à son poste et que le Service pourrait aussi, avec l’assentiment de la directrice, proposer à la demanderesse de se soumettre à un test polygraphique afin de mieux évaluer sa loyauté envers le Canada.

 

[20]           La portion non expurgée de l’évaluation ne contient pas de recommandations quant à la décision définitive à prendre sur l’habilitation de sécurité; elle ne fait qu’indiquer que la décision d’accorder, de refuser ou de révoquer une habilitation appartient à l’organisme, c’est‑à‑dire la directrice du CANAFE.

 

La décision faisant l’objet du contrôle

[21]           La directrice du CANAFE, Jeanne Fleming, a communiqué les quatre décisions à la demanderesse par l’envoi de trois lettres le 27 février 2012.

 

[22]           La première lettre informait la demanderesse de la décision de la directrice de refuser sa cote de sécurité de niveau très secret et de révoquer sa cote de sécurité de niveau secret. La lettre indiquait que la décision avait été prise [traduction] « [à] la suite de préoccupations en matière de sécurité portées à mon attention et conformément aux exigences énoncées à la section 2.8 de la Norme sur la sécurité du personnel, intitulée “Évaluation de l’information applicable aux évaluations de sécurité” [...] ».

 

[23]           Cette lettre faisait également état de la Politique sur la sécurité du gouvernement et de l’obligation qu’avait la directrice d’informer la demanderesse de son droit de recours en révision ou en redressement conformément à la section 6 de la Norme sur la sécurité du personnel. Plus précisément, la lettre avisait la demanderesse qu’elle pouvait :

        déposer une plainte auprès du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité;

        déposer une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne si elle était fondée sur un ou des motifs illicites; 

        porter l’affaire devant la Cour fédérale.

 

[24]           La deuxième lettre informait la demanderesse de la décision de révoquer sa cote de fiabilité. Cette lettre faisait état de la section 2.8 de la Norme sur la sécurité du personnel, intitulée « Évaluation de l’information applicable aux évaluations de sécurité », où il est écrit ceci : « Si la cote de sécurité d’une personne est refusée ou révoquée pour des motifs de loyauté ou de fiabilité liés à la loyauté, les ministères doivent aussi réévaluer la cote de fiabilité de cette personne. » [Non souligné dans l’original.] La directrice indiquait qu’elle avait procédé à cette réévaluation et qu’elle était parvenue à une décision. La lettre donnait à la demanderesse la même information concernant son droit de recours en révision ou en redressement.

 

[25]           La décision de la directrice était fondée sur le rapport d’évaluation préparé par le SCRS.

 

[26]           La Politique sur la sécurité du gouvernement était jointe aux lettres. Un hyperlien menait également aux politiques pertinentes du Conseil du Trésor.

 

[27]           La troisième lettre informait la demanderesse de la révocation de sa nomination au CANAFE à compter du 28 février 2012. Il y était rappelé que l’offre d’emploi faite à la demanderesse était conditionnelle à l’obtention de la cote de sécurité de niveau très secret; cette cote lui ayant été refusée, la demanderesse ne répondait plus à cette condition d’emploi.

 

[28]           Les dispositions pertinentes des politiques du Conseil du Trésor et les dispositions législatives applicables sont jointes en annexe aux présentes.

 

Les questions en litige

[29]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève trois questions : Quelle est l’étendue de l’obligation d’équité procédurale de la directrice du CANAFE, et la directrice a‑t‑elle manqué à l’obligation d’équité procédurale ou aux règles de justice naturelle pour parvenir à l’une ou l’autre des décisions? Les décisions étaient‑elles raisonnables? Quelle est la réparation appropriée, s’il est établi qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale.

 

La norme de contrôle

[30]           Il n’y a pas de désaccord sur la norme de contrôle à appliquer. La question de savoir si la demanderesse a été privée de son droit à l’équité procédurale sera contrôlée selon la norme de la décision correcte. Vu le caractère discrétionnaire des décisions relatives à la cote de sécurité et à la cote de fiabilité, elles seront contrôlées selon la norme de la décision raisonnable.

 

[31]           Lorsque la norme de la décision raisonnable s’applique, le rôle de la Cour consiste à déterminer si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47 [Dunsmuir]). « Il peut exister plus d’une issue raisonnable. Néanmoins, si l’issue et le processus en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable » (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59). La cour ne devrait pas modifier ces décisions ainsi rendues, à moins que la norme n’ait pas été respectée.

 

Y a‑t‑il eu manquement à l’obligation d’équité procédurale?

La thèse de la demanderesse

[32]           La demanderesse soutient qu’elle n’a pas été traité avec équité sur le plan procédural. On ne l’a pas informée des préoccupations de la directrice, pas plus qu’on ne lui a donné la possibilité d’y répondre; elle n’a reçu que des lettres lui notifiant les décisions définitives, lesquelles ne fournissaient pas de motifs.

 

[33]           Se fondant sur Myers c Canada (Procureur général), 2007 CF 947, aux paragraphes 38 et 39, [Myers], [2007] ACF no 1246, la demanderesse fait valoir que la décision relative à son habilitation de sécurité exige un degré d’équité plus élevé que le degré minimal. Dans la décision Myers, la Cour s’est penchée sur l’équité procédurale dans le contexte de la décision de révoquer une cote de fiabilité.

 

[34]           La demanderesse allègue que la plupart des ministères qui prennent des décisions concernant des habilitations de sécurité respectent l’obligation d’équité procédurale en suivant le processus du CSARS, qui prévoit une audition. Toutefois, au moment où la demanderesse a déposé sa plainte, le CANAFE ne relevait pas de la compétence du CSARS. La demanderesse estime que dans ces circonstances, il revenait à la directrice du CANAFE de s’acquitter de l’obligation d’équité procédurale, ce qu’elle n’a pas fait. La directrice avait à tout le moins le devoir de l’informer des renseignements sur lesquels elle s’est fondée pour prendre la décision et de lui donner la possibilité de réagir avant que la décision définitive ne soit rendue.

 

[35]           De plus, la demanderesse soutient que la décision de révoquer sa nomination au CANAFE faisait entrer en jeu le devoir d’équité procédurale parce que, contrairement à la situation dans l’affaire Dunsmuir, elle n’était pas assujettie à un contrat d’emploi. Elle allègue que les décisions relatives à son habilitation de sécurité étaient des décisions administratives qui donnaient lieu au devoir d’équité procédurale, que la révocation de sa nomination découlait de ces décisions administratives et que, partant, cette révocation est aussi une décision administrative.

 

[36]           La demanderesse invoque les décisions Nasrallah c Administrateur général (Ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2012 CRTFP 12, aux paragraphes 232 et 234 à 236, [2012] CRTFPC no 13 [Nasrallah] et Gill c Conseil du Trésor (Ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2009 CRTFP 19 [Gill], aux paragraphes 152 et 170, [2009] CRTFPC no 19, à l’appui de sa thèse selon laquelle la révocation de sa nomination constitue l’exercice d’un pouvoir de nature administrative.

 

La thèse du défendeur

[37]           Le défendeur soutient que la directrice n’a manqué à l’obligation d’équité procédurale dans aucune de ses décisions.

 

[38]           Le défendeur fait valoir qu’en vertu de l’article 29 de la Loi sur le SCRS, le CANAFE était expressément exclu de la compétence du CSARS au moment des faits. Selon le défendeur, cette exclusion indiquait clairement l’intention du législateur que certains organismes, dont le CANAFE, ne puissent pas bénéficier des garanties procédurales du CSARS. Le CANAFE n’était donc pas tenu d’offrir un niveau de protection procédurale comparable à celui qui serait offert dans le cadre d’une audition devant le CSARS.

 

[39]           Le défendeur reconnaît l’existence de l’obligation d’équité procédurale, mais il affirme que cette obligation a été respectée. Étant donné l’environnement général du CANAFE, l’obligation d’équité procédurale n’exige pas la divulgation complète de la preuve dans le contexte d’une habilitation de sécurité. Le défendeur soutient qu’aucun intérêt lié à la sécurité nationale n’était en cause dans l’affaire Myers, précitée, qu’invoque la demanderesse.

 

[40]           Le défendeur soutient que lorsque des questions de sécurité nationale sont en jeu, la divulgation de renseignements qui contribuent à la capacité d’une personne de présenter une défense pleine et entière peut être refusée (Harkat (Re), 2009 CF 1266, au paragraphe 26, [2009] ACF no 1611, et Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, au paragraphe 62, [2008] 2 RCS 326). Si des intérêts de sécurité nationale peuvent justifier la non‑divulgation de renseignements lorsque le droit à la liberté de la personne est en jeu, de tels intérêts peuvent également justifier la non‑divulgation de renseignements lorsque les intérêts en jeu sont moindres, notamment lorsqu’ils ont trait à l’emploi de la personne concernée.

 

[41]           Le défendeur fait valoir que l’article 19 de la Loi sur le SCRS interdit au CANAFE de divulguer l’évaluation de la demanderesse sans l’autorisation du SCRS. Il soutient que, par conséquent, la demanderesse ne pouvait légitimement s’attendre à cette divulgation.

 

[42]           Le défendeur cite l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, [1999] ACS no 39 [Baker] de la Cour suprême du Canada, qui établit que l’obligation en matière d’équité procédurale varie selon le contexte et que plusieurs facteurs doivent être pris en compte pour déterminer l’étendue de cette obligation. Le défendeur avance que plusieurs des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker, notamment le régime législatif, la nature de la décision et, en particulier, le respect du choix de procédure exercé par l’organisme lui‑même, militent en faveur d’une obligation restreinte.

 

[43]           Les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker n’étant pas exhaustifs, d’autres facteurs peuvent être pris en considération lorsque les circonstances s’y prêtent. Le défendeur estime qu’il convient de tenir compte dans la présente affaire de la source des renseignements; la demanderesse a fourni des renseignements au SCRS, et toute l’information qui lui a été divulguée dans la version expurgée de l’évaluation du SCRS provient de ces renseignements et n’a pas pour source une tierce partie.

 

[44]           En ce qui a trait à la décision de mettre fin à l’emploi de la demanderesse, le défendeur soutient qu’il n’existait aucune obligation d’équité procédurale parce que la relation d’emploi était de nature contractuelle. L’offre d’emploi était expressément conditionnelle à l’obtention par la demanderesse de la cote de sécurité de niveau très secret et cette condition n’a pas été remplie.

 

[45]           Le défendeur soutient également que la demanderesse fait fausse route en invoquant les décisions Gill et Nesrallah à l’appui de l’argument selon lequel la décision de la licencier était une décision administrative, d’autant plus que ces décisions ne lient pas la Cour.

 

[46]           À l’argument de la demanderesse voulant que la Cour ait conclu, dans l’arrêt Dunsmuir, à l’existence d’une relation contractuelle au vu de dispositions précises de la Loi sur la fonction publique du Nouveau‑Brunswick, le défendeur répond que malgré l’absence de toute disposition législative analogue dans la présente affaire, elle relève tout de même du droit contractuel. Le droit en matière de contrat s’applique à moins que la loi ou l’entente ne le remplacent (Wells c Terre‑Neuve, [1999] 3 RCS 199, aux paragraphes 30 et 33, [1999] ACS no 50). Le défendeur distingue aussi la présente espèce de l’affaire Dunsmuir en ce que la demanderesse était une employée et non la titulaire d’une charge publique.

 

[47]           Le défendeur reconnaît que, dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a fait remarquer qu’une obligation d’équité procédurale pouvait s’appliquer à une décision de licenciement sans égard à l’existence d’une relation contractuelle. Toutefois, la Cour a envisagé deux situations possibles où l’obligation pouvait s’appliquer. Premièrement, la Cour a estimé qu’il peut y avoir obligation d’équité procédurale pour les titulaires d’une charge publique ou pour les ministres d’État qui occupent un poste à titre amovible et qui sont véritablement soumis à la volonté de l’État. Deuxièmement, l’obligation d’équité peut découler, par déduction nécessaire, d’un pouvoir légal régissant la relation d’emploi. Or, aucune de ces deux situations ne correspond aux faits de la présente affaire.

 

[48]           La lettre d’offre d’emploi adressée à la demanderesse, combinée aux annexes qui en définissent les conditions, constitue son contrat, contrat qu’elle a signé et accepté. Le poste de la demanderesse a été créé par la directrice; il ne s’agit pas d’un poste prévu par une loi. La directrice du CANAFE a le pouvoir de licencier les employés de l’organisme, comme le prévoit l’article 49 de la Loi, cité ci‑après, tout comme le gouverneur en conseil, pour des raisons d’habilitation de sécurité, comme le prévoit l’article 13 de la Loi sur la gestion des finances publiques, LRC 1985, ch F‑11, cité ci‑après; aucune obligation d’équité procédurale ne s’applique dans ces cas.

 

La relation employeur‑employé est contractuelle

[49]           Avant d’examiner l’étendue de l’obligation d’équité procédurale et de déterminer s’il y a eu manquement, il est important d’identifier les décisions auxquelles cette obligation s’applique.

 

[50]           Les parties ne contestent pas que les décisions de refuser et de révoquer les cotes de sécurité étaient des décisions administratives visées par l’obligation d’équité procédurale.

 

[51]           En ce qui a trait à la décision de révoquer la nomination de la demanderesse à son poste au CANAFE, je ne saurais souscrire à la thèse de la demanderesse voulant qu’il s’agisse d’une décision administrative. Je suis consciente qu’une telle conclusion est essentielle au recours qu’elle exerce, puisqu’elle se fonde sur des observations, formulées dans l’arrêt Dunsmuir, selon lesquelles la décision de licenciement est nulle ab initio si les principes d’équité procédurale n’ont pas été respectés.

 

[52]           Toutefois, dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour a souligné que la plupart des fonctionnaires ont un lien d’emploi contractuel. Rien dans les faits en l’espèce ne donne à penser que la relation de la demanderesse avec le CANAFE n’est pas contractuelle.

 

[53]           Qui plus est, les passages tirés de l’arrêt Dunsmuir que la demanderesse invoque à l’appui de son recours doivent être mis en contexte. Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour s’est demandé si la réintégration pouvait être ordonnée, et a estimé (au paragraphe 108) qu’une telle mesure ne pouvait être ordonnée par suite d’une rupture de contrat ou d’un manquement à l’équité procédurale. S’interrogeant sur l’existence d’autres recours appropriés, la Cour a déclaré que les décisions prises en violation des principes d’équité procédurale sont nulles ab initio. La Cour a conclu non pas que toutes les décisions de licenciement dans la fonction publique entraînaient une obligation d’équité procédurale, mais que dans les cas où une telle obligation existe, la décision prise en violation des principes d’équité procédurale est nulle ab initio. Comme l’a noté le défendeur, la Cour a identifié deux situations où l’obligation d’équité procédurale pouvait s’appliquer malgré l’existence d’un contrat d’emploi, mais aucune de ces situations ne s’applique en l’espèce.

 

[54]           La demanderesse avait une relation d’emploi contractuelle. Certes, la lettre d’offre d’emploi utilise le mot « nomination », mais cela n’indique pas que la demanderesse était nommée à une charge publique. La demanderesse a été nommée à un poste au CANAFE à titre d’employée. Le pouvoir exclusif dévolu à la directrice à l’article 49 de la Loi comprend le pouvoir de nommer, mettre en disponibilité ou licencier « les employés » et d’élaborer les conditions de « la dotation en personnel ».

 

[55]           Le contrat d’emploi de la demanderesse était sa lettre d’offre ainsi que les annexes qui énonçaient les conditions, conditions qu’elle a paraphées et acceptées.

 

[56]           La demanderesse a invoqué la décision Nasrallah, précitée, aux paragraphes 235 et 236, pour soutenir qu’un congédiement qui découle de la révocation d’une cote de fiabilité ou de sécurité n’est pas simplement une question contractuelle et que la décision doit respecter les principes d’équité procédurale :

235      À mon avis, à moins que l’on puisse soutenir que la conclusion selon laquelle le fonctionnaire ne satisfait plus à l’une des conditions  d’emploi en raison de la perte de sa cote de fiabilité est empreinte d’iniquité procédurale ou de mauvaise foi, la compétence d’un arbitre s’arrête lorsque l’existence du motif a été établie comme il se doit.

 

236            En me fondant sur la jurisprudence citée ci‑dessus, je crois que, puisque la décision de révoquer la cote de fiabilité est de toute évidence un élément qui a permis de déterminer que le fonctionnaire ne satisfaisait plus à l’une des exigences de son poste et qui a mené en dernier ressort à son licenciement, je dois examiner tout le processus qui a entraîné le licenciement. Autrement dit, je dois examiner si le contexte entourant la révocation de la cote de fiabilité respectait l’équité procédurale et était empreint de bonne foi.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[57]           Bien que la demanderesse soutienne que l’arbitre était prêt à examiner la question de savoir si le licenciement avait été effectué selon les principes d’équité procédurale, le libellé indique clairement que la Commission des relations de travail dans la fonction publique faisait référence à la nécessité d’examiner l’équité procédurale de décisions administratives, décisions qui formaient le contexte de la décision de révoquer la cote de sécurité.

 

[58]           Dans la décision Nesrallah, la Commission a conclu que M. Nesrallah aurait dû être au courant des renseignements sur la foi desquels sa cote de sécurité avait été révoquée et qui ont fondé son licenciement. Par conséquent, il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale.

 

[59]           Dans la décision Gill, précitée, la Commission a estimé que l’enquêteur n’avait pas fait preuve d’équité procédurale envers M. Gill en révoquant sa cote de fiabilité approfondie et en le licenciant par la suite. La Commission note, au paragraphe 152 :

Je conclus que la décision de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé était une mesure administrative et qu’elle a été prise pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline. Pour demeurer saisi de l’affaire, il faudrait que je sois convaincu que l’employeur a agi de mauvaise foi ou qu’il n’a pas respecté le droit du fonctionnaire s’estimant lésé à l’équité procédurale.

 

[60]           Dans la décision Gill, la remarque sur la nature administrative de la décision de licenciement a été faite par l’arbitre alors qu’il statuait sur sa propre compétence. Dans la mesure où la décision de la Commission déborde le cadre d’une analyse de la compétence, elle ne lie pas la Cour et je ne saurais souscrire à la conclusion de la Commission selon laquelle le licenciement était une décision administrative.

 

[61]           La décision de refuser ou de révoquer une habilitation de sécurité est une décision administrative qui crée une obligation d’équité procédurale. Peu importe que le licenciement ait pour cause la révocation ou le refus d’une habilitation de sécurité ou le non‑respect par l’employée d’une condition essentielle du contrat d’emploi, la question est de savoir si le licenciement est injustifié. Le recours est régi par le droit contractuel.

 

[62]           Aucune obligation d’équité procédurale n’était due relativement à la décision de révoquer la nomination de la demanderesse à titre d’employée du CANAFE.

 

La directrice ne s’est pas acquittée de l’obligation d’équité procédurale relativement aux décisions d’habilitation de sécurité

 

L’étendue de l’obligation du défendeur

 

[63]           L’obligation d’équité procédurale s’applique aux décisions de la directrice de refuser à la  demanderesse sa cote de sécurité de niveau très secret et de révoquer sa cote de sécurité de niveau secret et sa cote de fiabilité.

 

[64]           Le CANAFE n’était pas assujetti au processus d’examen du CSARS au moment des faits. Toutefois, depuis les modifications récentes apportées au Décret sur la désignation des administrateurs généraux de l’administration publique fédérale (Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité), TR/93‑81, lequel désigne qui est un administrateur général au sens de l’alinéa 29e) de la Loi sur le SCRS, les décisions relatives aux habilitations de sécurité prises par la directrice du CANAFE sont désormais assujetties au processus du CSARS. Si les mêmes décisions étaient prises aujourd’hui, une personne pourrait se prévaloir d’un droit de recours en révision ou en redressement conformément à ce processus.

 

[65]           Il semble que la directrice ait cru que le processus du CSARS s’appliquait effectivement et qu’il pouvait offrir à la demanderesse un mécanisme de révision; en effet, dans la lettre qu’elle a envoyée à la demanderesse, elle l’avise de l’existence de mécanismes de redressement, notamment devant le CSARS. Si la demanderesse avait pu se prévaloir du processus du CSARS, elle aurait eu la possibilité de présenter des observations sur le fondement, peut‑on présumer, de la divulgation du rapport d’évaluation caviardé du SCRS. Toutefois, la décision aurait été prise en dernier ressort par la directrice.

 

[66]           La demanderesse et le défendeur conviennent qu’il n’était pas nécessaire que l’obligation d’équité procédurale à laquelle était tenue la directrice reflète celle que prévoit le CSARS puisque le processus du CSARS n’était pas applicable; les parties ne s’entendent toutefois pas sur l’étendue de l’obligation de la directrice.

 

[67]           La demanderesse a invoqué la décision Myers à l’appui de sa thèse selon laquelle le degré de l’obligation d’équité procédurale est supérieur au degré minimal et que la Politique sur la sécurité du gouvernement exige qu’il y ait équité sur le plan procédural.

 

[68]           Dans la décision Myers, le juge Kelen a conclu que le directeur de l’Agence du revenu du Canada avait manqué à son devoir d’équité procédurale en révoquant une cote de fiabilité. Le juge a écrit :

[35]  Le fait que la décision du directeur soit de nature administrative et touche les « droits, les privilèges ou les biens » du demandeur suffit à donner lieu à une obligation d’équité procédurale : voir Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643 et Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 817. Une obligation d’agir équitablement semble également résumée dans la Politique du gouvernement sur la sécurité elle‑même, dont l’article 10.9 précise que les ministères doivent « [t]raiter [la personne] de façon juste et équitable, et lui donner l’occasion d’expliquer tout point défavorable avant qu’une décision soit prise ».

 

[69]           La demanderesse fait observer que l’article 10.9 que cite le juge Kelen est maintenant l’article 6.1.6. Or, je note que la formulation de l’article 6.1.6 a changé. Cette disposition fait partie de l’article de la politique du Conseil du Trésor sur la sécurité du gouvernement qui porte sur les devoirs de l’administrateur général (en l’occurrence, la directrice). Selon cet article, les administrateurs généraux de tous les ministères sont responsables de ce qui suit :

6.1.6. Veiller à ce que toutes les personnes qui auront accès aux renseignements et aux biens du gouvernement, y compris les personnes qui travaillent dans les cabinets de ministres ou de ministres d’État ou pour ceux‑ci, fassent l’objet d’une enquête de sécurité appropriée avant de commencer leur travail et soient traitées de manière juste et impartiale;

 

[70]           La disposition actuelle ne mentionne pas qu’il faut donner aux personnes visées la possibilité d’expliquer tout point défavorable avant qu’une décision soit prise. Toutefois, cette formulation est présente à l’article 2.7 de la Norme sur la sécurité du personnel, lequel s’applique à la révocation de la cote de fiabilité est rédigé comme suit :

2.7 Les personnes visées doivent avoir l’occasion d’expliquer les renseignements défavorables avant qu’une décision ne soit prise, et on doit leur donner les motifs du refus d’une cote de fiabilité, à moins que ces renseignements ne fassent l’objet d’une exception en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

 

[71]           Il ne semble pas y avoir de formulation similaire dans les dispositions relatives à la cote de sécurité de niveau secret et à la cote de sécurité de niveau très secret. La politique prévoit maintenant, de façon plus générale :

2.10 Si la cote demandée est refusée, la section 42 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité exige que la personne en soit avisée par écrit, dans les 10 jours suivant la décision, et qu’elle soit informée de son droit de porter plainte devant le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS). Voir la section 6 pour de plus amples renseignements à ce sujet.

 

[72]           La politique distingue les décisions relatives à la cote de fiabilité de celles qui portent sur les cotes de sécurité de niveaux très secret et secret; pour ces dernières, elle semble s’en remettre au mécanisme de révision du CSARS. Comme nous l’avons vu, le CANAFE n’était pas assujetti au processus du CSARS au moment des faits.

 

[73]           Quoi qu’il en soit, il s’agit ici de déterminer non pas s’il y existe une obligation d’équité procédurale, mais bien l’étendue de cette obligation en l’espèce.

 

[74]           Dans la décision Myers, le juge Kelen écrit ceci :

[36]    Dans les cas où une telle obligation existe, l’étendue de celle‑ci dépend des circonstances de chaque espèce. Dans l’arrêt Baker, précité, la Cour suprême a énoncé un certain nombre de facteurs à prendre en compte pour déterminer le degré d’équité procédurale dont il faut faire preuve : la nature de la décision et la procédure suivie pour y parvenir; la nature du régime législatif et des dispositions qui le composent; l’importance de la décision pour la personne visée; les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision; et le choix de procédure que l’organisme a fait pour parvenir à la décision.

 

[75]           Le juge Kelen a appliqué les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker et souligné que la Cour ne pouvait être saisie d’aucune autre procédure d’appel qu’un contrôle judiciaire, ce qui faisait apparaître « la nécessité de garanties procédurales allant au‑delà du degré minimal ». La décision de refuser ou de révoquer la cote de fiabilité a eu des répercussions profondes pour la demanderesse, car son emploi en dépendait. De telles répercussions commandaient « un degré d’équité plus élevé que le degré minimal ». Le juge Kelen a ensuite conclu que la demanderesse avait le droit de connaître les renseignements qui motivaient la décision et d’expliquer tout point défavorable avant qu’une décision soit prise.

 

[76]           Bien que la demanderesse se fonde sur la décision Myers comme s’il s’agissait d’une affaire analogue, elle peut être distinguée de la présente espèce parce qu’aucune préoccupation en matière de sécurité nationale n’était en cause dans cette affaire, où la cote de fiabilité avait été révoquée pour des raisons disciplinaires. Toutefois, l’approche retenue par le juge Kelen en se fondant sur les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker pour déterminer d’abord la nature ou le degré de l’obligation d’équité fournit quelques repères utiles pour l’affaire qui nous occupe.

 

L’analyse des facteurs énoncés dans l’arrêt Baker

[77]           Dans l’arrêt Baker, la juge L’Heureux‑Dubé a proposé une liste de facteurs touchant l’équité  procédurale en insistant sur le fait que la nature de l’obligation doit être déterminée dans le contexte particulier de chaque cas; l’obligation d’équité procédurale est souple et variable et repose sur une appréciation du contexte de la loi et des droits visés. La Cour a mentionné que cette liste de facteurs n’était pas exhaustive et a réitéré que l’obligation d’équité procédurale découle du principe selon lequel les personnes visées doivent avoir la possibilité de présenter leur position et ont droit à ce que les décisions touchant leurs droits et intérêts soient prises à la suite d’un processus équitable, impartial et ouvert « adapté au contexte légal, institutionnel et social de la décision » (arrêt Baker, précité, au paragraphe 28).

 

[78]           Les facteurs énoncés dans l’arrêt Baker permettent de préciser l’étendue de l’obligation à laquelle il doit être satisfait en l’espèce.

 

La nature de la décision

[79]           Le niveau d’équité procédurale exigé d’un décideur peut être fonction de la nature de la décision recherchée et du processus suivi pour y parvenir. Plus le processus prévu ressemble à une prise de décision judiciaire, plus il est probable que l’obligation d’agir équitablement exigera des protections procédurales proches du modèle du procès [Baker, au paragraphe 23].

 

[80]           Le processus que le CANAFE a suivi en prenant les décisions n’avait rien à voir avec le processus décisionnel judiciaire; il s’agissait plutôt de décisions confiées exclusivement à la directrice, où, semble‑t‑il, la décision définitive n’a été précédée d’aucun mécanisme de révision interne. Le processus du SCRS était normal et conforme à l’approche habituelle du SCRS en matière d’évaluation de sécurité; la demanderesse a consenti à l’évaluation, a fourni ses renseignements personnels et s’est soumise à une entrevue.

 

La nature du régime législatif

[81]           Des protections procédurales plus importantes sont exigées lorsque la loi ne prévoit aucune procédure d’appel, ou lorsque la décision est déterminante quant à la question en litige et qu’il n’est plus possible de présenter d’autres demandes [Baker, au paragraphe 24].

 

[82]           Dans le cas présent, le régime législatif (la Loi) n’a prévu aucun mécanisme de révision ou d’appel propre au CANAFE. La Politique sur la sécurité du gouvernement comporte une disposition d’ordre général (6.1) : « Les ministères devraient établir un processus de révision interne pour l’examen des renseignements et des recommandations défavorables avant le refus ou la révocation d’une cote de fiabilité ou de sécurité »; le CANAFE n’a toutefois mis en place aucun processus de ce genre. Le seul mécanisme de révision possible pour les décisions d’habilitation de sécurité du CANAFE est le contrôle judiciaire devant notre Cour, lequel ne peut se substituer à l’équité procédurale dans le processus décisionnel et ne fait que corriger les décisions où il y a eu manquement à l’équité procédurale.

 

L’importance de la décision pour la personne visée

[83]           Plus la décision est importante pour la vie des personnes visées et plus ses répercussions sont grandes pour ces personnes, plus les protections procédurales requises seront rigoureuses. L’importance d’une décision pour les personnes visées a donc une incidence significative sur la nature de l’obligation d’équité procédurale [Baker, au paragraphe 25].

 

[84]           Il ne fait aucun doute que la décision de refuser et de révoquer les habilitations de sécurité avait une importance primordiale pour la demanderesse. Non seulement la décision mettait fin à son emploi au CANAFE, mais elle la rendait probablement non employable dans toute la fonction publique fédérale.

 

Les attentes légitimes 

[85]           Les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision peuvent servir à déterminer quelles procédures l’obligation d’équité exige dans des circonstances données; si la personne s’attend légitimement à ce qu’une certaine procédure soit suivie, l’obligation d’équité exigera cette procédure [Baker, au paragraphe 26].

 

[86]           Le dossier est muet quant aux attentes légitimes de la demanderesse à l’égard de la procédure à suivre à la suite du refus et de la révocation de ses cotes de sécurité. La demanderesse savait qu’une cote de sécurité de niveau très secret était requise, que le SCRS procéderait à l’évaluation de sécurité, qu’elle passerait une entrevue et que la directrice prendrait la décision. La loi constitutive du CANAFE prescrit que la directrice a compétence exclusive en matière de gestion des ressources humaines et à l’égard d’autres questions. Les politiques du Conseil du Trésor sur la sécurité du gouvernement et la Norme sur la sécurité du personnel sont facilement accessibles; la demanderesse y aurait trouvé de l’information sur la nature de l’évaluation de sécurité et les conséquences possibles du refus de la cote de sécurité de niveau très secret.

 

[87]           Le défendeur soutient que la demanderesse ne pouvait avoir aucune attente légitime quant à la divulgation des préoccupations liées à la sécurité parce que le CANAFE n’était pas autorisé à fournir ces renseignements. Pourtant, après avoir reçu la lettre de la directrice, la demanderesse s’attendait vraisemblablement à ce que le processus du CSARS soit une option, car la lettre le mentionnait comme mécanisme de recours et la demanderesse a porté plainte auprès du CSARS.

 

[88]           La Cour a conclu dans des décisions antérieures que l’obligation d’équité procédurale peut fluctuer selon que l’on refuse une habilitation de sécurité ou que l’on révoque une habilitation de sécurité existante. Ces affaires ne portaient pas sur des questions de sécurité nationale, mais la distinction peut être pertinente eu égard aux attentes légitimes de la demanderesse. De plus, cette distinction est une considération supplémentaire, compte tenu de la mise en garde donnée dans l’arrêt Baker selon laquelle la liste des facteurs n’est pas exhaustive.

 

[89]           Dans Xavier c Canada (Procureur général), 2010 CF 147, [2010] ACF no 175, l’habilitation de sécurité en matière de transport du demandeur avait été révoquée en raison d’accusations criminelles qui ont par la suite ont été retirées. Bien qu’on ait donné au demandeur l’occasion de présenter des observations à la Commission à la suite de l’enquête, plusieurs éléments d’information, dont un rapport de l’unité du renseignement de l’aéroport, n’ont pas été divulgués; le demandeur n’a donc pu fournir des réponses satisfaisantes. Le juge O’Reilly a rejeté l’argument du défendeur selon lequel le degré d’équité auquel avait droit M. Xavier était relativement bas, soulignant entre autres motifs que les affaires sur lesquelles se fondait le défendeur avaient trait au refus plutôt qu’à la révocation d’une habilitation de sécurité.

[13]    Le ministre soutient que le degré d’équité auquel a droit M. Xavier est relativement bas, conformément aux facteurs énoncés dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. Il fait en outre valoir que la Cour est arrivée à cette conclusion dans Irani c. Canada (Procureur général), 2006 CF 816, et dans Motta c. Canada (Procureur général) (2000), 180 F.T.R. 292. Je relève que ces dernières affaires portaient précisément sur l’octroi, et non sur la révocation, d’une habilitation de sécurité en matière de transport. De plus, il n’y avait pas d’allégation d’inconduite visant les demandeurs et il n’y avait pas de risque qu’ils perdent leur emploi. En l’espèce, M. Xavier a été accusé d’infractions graves et il a été congédié. L’obligation d’équité en l’espèce était supérieure à celle dans les causes citées par le ministre. Cette obligation doit au minimum inclure le devoir de divulguer au demandeur les renseignements soumis à l’organisme consultatif et de lui donner une occasion d’y répondre.

 

[90]           Des distinctions similaires ont été relevées dans Kahin c Canada, 2010 CF 247, [2010] ACF no 288, dans Russo c Canada (Ministre du Transport, de l’Infrastructure et des Collectivités), 2011 CF 764, [2011] ACF no 957 [Russo], et dans Motta c Canada (Procureur général) (2000), 180 FTR 292, [2000] ACF no 27.

 

[91]           Dans Russo, le juge Russell a noté que la décision de refuser une habilitation de sécurité n’exige qu’un degré minimal d’équité procédurale :

[57]  Ainsi que le demandeur le souligne, notre Cour a été appelée à plusieurs reprises à apprécier le contenu de l’obligation d’équité procédurale dans le contexte bien précis des demandes d’habilitation de sécurité. Il ressort de la jurisprudence de notre Cour que le degré d’équité procédurale exigé dans le cas du refus d’une première demande d’habilitation est minimal par rapport à celui qui est exigé dans le cas de la révocation d’une habilitation déjà octroyée.

 

[92]           Dans le cas présent, deux des décisions en litige, soit celles qui révoquent une habilitation existante, pourraient exiger un degré d’équité procédurale accru puisqu’on retire une habilitation ou un privilège existant. Je reconnais que la révocation était la conséquence du refus de l’habilitation de sécurité de niveau très secret et qu’en refusant l’habilitation de sécurité de niveau très secret, la directrice se devait de réexaminer la cote de sécurité de niveau secret et la cote de fiabilité. Il reste que les décisions ont eu pour effet de révoquer une habilitation existante sans possibilité pour la demanderesse d’exercer un recours en révision.

 

Le choix de la procédure

[93]           Le choix de la procédure fait par l’organisme lui‑même devrait être pris en considération et respecté, en particulier quand la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures, ou quand l’organisme a une expertise dans le choix des procédures appropriées dans les circonstances [Baker, au paragraphe 27].

 

[94]           Les procédures que le CANAFE a suivies reflétaient le mandat dévolu par la loi à la directrice, ainsi que l’application de la plupart, mais non la totalité, des politiques pertinentes du Conseil du Trésor. La directrice était investie du pouvoir discrétionnaire de prendre une décision, sans aucun autre processus supplémentaire, en se fondant sur son examen du rapport du SCRS. En sa qualité d’administratrice générale, elle avait l’entière responsabilité de fixer le niveau d’habilitation de sécurité des employés, et s’il est vrai que l’évaluation de sécurité du SCRS fournissait des renseignements essentiels, la décision définitive appartenait à la directrice. Cependant, bien qu’aux termes de la Norme sur la sécurité du personnel (6.1) tous les ministères doivent établir un processus de révision des évaluations de sécurité avant le refus ou la révolution d’une cote de sécurité, aucun processus de la sorte n’existait au CANAFE.

 

[95]           En résumé, au moins deux des cinq facteurs exposés dans l’arrêt Baker militent en faveur de protections procédurales supérieures à celles qui ont été offertes à la demanderesse : l’importance de la décision pour la demanderesse et l’absence de tout mécanisme de révision hormis le contrôle judiciaire devant notre Cour.

 

[96]           Selon les autres facteurs, auxquels il convient d’accorder un poids important, des protections procédurales plus minimales suffiraient. La demanderesse était consciente que la cote de sécurité de niveau très secret était une condition d’emploi; dans ce contexte, elle a été avisée qu’une entrevue avec le SCRS aurait lieu et que celle‑ci servirait de base à la décision relative à sa cote de sécurité. Elle était au courant de la mission du CANAFE et de l’environnement sécurisé nécessaire à l’organisme ainsi que des niveaux de sécurité élevés exigés des employés.

 

[97]           La demanderesse a consenti à l’évaluation de sécurité; elle aurait dû connaître les politiques du Conseil du Trésor qui décrivent la nature et la teneur de l’évaluation. Les conditions de l’habilitation de sécurité de niveau très secret font référence à la loyauté de la personne envers le Canada et à sa fiabilité en ce qu’elle se rapporte à la loyauté. La demanderesse aurait dû savoir ce sur quoi allait porter l’évaluation du SCRS et comment seraient considérés les renseignements qu’elle avait fournis au regard de ces conditions. L’information divulguée dans l’évaluation de sécurité procédait des renseignements fournis par la demanderesse.

 

[98]           Il s’ensuit que le degré d’équité auquel la demanderesse avait droit dans ces circonstances se situait à l’extrémité inférieure du spectre ou était minimal. Mais même l’obligation  d’équité procédurale la plus minimale exige que la personne dont les droits et les intérêts sont touchés sache ce qui lui est reproché et qu’elle soit en mesure de fournir une réponse avant que la décision définitive soit prise.

 

[99]           Comme il est énoncé dans Baker :

[28]  [...] Les valeurs qui sous‑tendent l’obligation d’équité procédurale relèvent du principe selon lequel les personnes visées doivent avoir la possibilité de présenter entièrement et équitablement leur position, et ont droit à ce que les décisions touchant leurs droits, intérêts ou privilèges soient prises à la suite d’un processus équitable, impartial et ouvert, adapté au contexte légal, institutionnel et social de la décision.

 

Il y a eu manquement

[100]       La directrice du CANAFE n’avait pas le pouvoir de révéler à la demanderesse la nature précise de ses préoccupations en matière de sécurité, mais elle a pris la décision définitive sans même révéler qu’elle avait des préoccupations et sans donner à la demanderesse la possibilité de présenter des observations supplémentaires ou de fournir des renseignements additionnels.

 

[101]       Comme l’indique l’arrêt Thomson c Canada (Sous‑ministre de l’Agriculture), [1992] 1 RCS 385, à la page 485, [1992] ACS no 13, au paragraphe 31[Thomson] :

Notre Cour a souvent reconnu le principe général de common law selon lequel « une obligation de respecter l’équité dans la procédure incombe à tout organisme public qui rend des décisions administratives qui ne sont pas de nature législative et qui touchent les droits, privilèges ou biens d’une personne » (voir Cardinal c. Directeur de l’établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, à la p. 653). Le sous‑ministre était donc tenu de se conformer aux principes de l’équité procédurale dans le contexte des décisions en matière d’octroi des habilitations de sécurité. D’une manière générale, l’équité exige qu’une partie ait une possibilité suffisante de connaître la preuve contre laquelle elle doit se défendre, de la réfuter et de présenter sa propre preuve. Si l’on tient compte de toutes les circonstances, il est évident que le sous‑ministre a pleinement satisfait à ces exigences.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[102]       La demanderesse été informée de l’existence du processus d’évaluation du SCRS et de son objet, avait accès aux politiques du Conseil du Trésor en matière de sécurité et a obtenu copie des renseignements sur lesquels le SCRS a fondé son évaluation, mais elle n’était pas au courant des préoccupations de la directrice avant que celle‑ci ne prenne sa décision définitive. La directrice avait le pouvoir d’accorder ou de refuser la cote de sécurité sans tenir compte de l’évaluation de sécurité du SCRS. Elle a rendu sa décision en se fondant sur ses préoccupations en matière de sécurité, sans aviser la demanderesse de la nature de ces préoccupations ni lui offrir la possibilité d’y répondre. La demanderesse n’a par conséquent pas été en mesure de fournir d’autres renseignements qui auraient pu avoir une incidence sur la décision de la directrice.

 

[103]       La loi interdisait à la directrice de révéler à la demanderesse les résultats de l’évaluation de sécurité du SCRS sans l’accord de celui‑ci. Pourtant, elle aurait pu lui fournir certains renseignements quant à ses préoccupations générales, sans avoir à divulguer des renseignements protégés. Par exemple, la directrice aurait pu faire part à la demanderesse de ses préoccupations concernant la loyauté de cette dernière d’une manière générale, comme elle l’a fait dans les lettres où elle révoquait la cote de sécurité de niveau secret et la cote de fiabilité. De plus, elle aurait pu aviser la demanderesse qu’elle avait trouvé préoccupants certains aspects du rapport du SCRS. Elle aurait pu offrir alors à la demanderesse la possibilité de s’expliquer en fonction de qu’elle avait dit au SCRS durant l’entrevue.

 

[104]       De façon générale, la politique du Conseil du Trésor considère le CSARS comme un mécanisme de recours. Pour les décisions portant sur la cote de fiabilité, une disposition expresse prévoit qu’une personne a le droit d’avoir la possibilité de réagir. Il n’existe pas de dispositions similaires pour les décisions sur les habilitations de sécurité de niveau secret ou très secret, puisque le CSARS est considéré comme un mécanisme de révision.

 

[105]       De plus, les organismes gouvernementaux sont généralement tenus d’avoir en place un mécanisme de révision interne quelconque pour ce genre de décisions. Il semble que le CANAFE n’en avait aucun au moment des faits et que l’organisme échappait au processus du CSARS. Par conséquent, les décisions de la directrice étaient à l’abri des contrôles, exception faite du contrôle judiciaire de la Cour.

 

[106]       La mise à disposition du rapport expurgé après la prise de la décision ne remédie pas au manquement à l’équité procédurale dans le processus décisionnel. Elle se borne à fournir à la demanderesse des motifs pour qu’elle prenne une décision quant à la suite des choses (à savoir si elle va demander un contrôle judiciaire) et que la Cour puisse déterminer si les motifs étaient adéquats et la décision, raisonnable.

 

[107]       L’obligation d’équité procédurale à laquelle il devait être satisfait en l’espèce était minimale. Mais même l’obligation minimale en cette matière impose que la personne dont les droits et les intérêts sont touchés sache ce qui lui est reproché et soit en mesure de présenter une réponse avant que la décision définitive soit prise. Certes, la demanderesse aurait dû connaître la nature des préoccupations en matière de sécurité, mais on ne lui offert aucune possibilité de répondre, ne fût‑ce que de façon générale, à la directrice qui, en dernier ressort, prenait la décision.

 

[108]       Je suis d’avis que la directrice à manqué à l’obligation d’équité procédurale à l’égard des trois premières décisions faisant l’objet du présent contrôle.

 

Les décisions de la directrice étaient‑elles raisonnables?

[109]       Si j’avais conclu que la directrice n’avait pas manqué à l’obligation minimale d’équité procédurale à laquelle il devait être satisfait en l’espèce, j’aurais également conclu que les décisions de la directrice étaient raisonnables et que les motifs fournis à l’appui des décisions étaient adéquats.

 

[110]       La demanderesse reconnaît que l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, a bien établi qu’il n’est pas nécessaire que les motifs fassent référence à chacun des points soulevés :

[16]   Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391). En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

 

[111]       Je ne saurais souscrire à l’observation de la demanderesse selon laquelle les motifs sont bien en deçà de cette norme. Les motifs de la directrice permettent effectivement à la Cour de comprendre pourquoi la directrice a pris les décisions et de déterminer si les critères de l’arrêt Dunsmuir ont été respectés.

 

[112]        Les lettres concernant les cotes de sécurité mentionnaient des [traduction] « préoccupations en matière de sécurité portées à mon attention » ainsi que les politiques applicables du Conseil du Trésor sur la sécurité du gouvernement et du personnel. La lettre informant la demanderesse de la révocation de sa cote de fiabilité indiquait notamment que, conformément à la Norme sur la sécurité du personnel, « [s]i la cote de sécurité d’une personne est refusée ou révoquée pour des motifs de loyauté ou de fiabilité liés à la loyauté, les ministères doivent aussi réévaluer la cote de fiabilité de cette personne ». Ainsi, la demanderesse aurait dû savoir que les motifs étaient fondés sur des préoccupations sur le plan de la sécurité touchant sa loyauté.

 

[113]       Le rapport du SCRS fait également partie des motifs, puisque la directrice s’est fondée sur ce rapport. Comme il a été déjà mentionné, le rapport d’évaluation du SCRS indique, entre autres renseignements, que la demanderesse a eu des interactions sociales avec des diplomates russes; qu’elle a répondu curieusement à des questions sur sa réaction si jamais on l’approchait pour lui soutirer des renseignements dans le cadre de son emploi au CANAFE; qu’elle semblait sur ses gardes durant l’entrevue.

 

[114]       Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Thomson, aux paragraphes 33 et 34, il incombe au sous‑ministre (ou à l’administrateur général) d’assurer la sécurité du gouvernement et, partant, de prendre les décisions définitives en matière d’habilitation de sécurité. Le sous‑ministre n’est pas tenu de suivre les recommandations du CSARS et la Cour ne devrait modifier la décision que s’il n’existe pas de preuve pour l’appuyer. Il en va de même en l’absence d’un processus du CSARS. Le juge Cory a ainsi écrit :

33   Le mot « recommandations », employé au par. 52(2), doit recevoir son sens manifeste et ordinaire. Il ne doit pas être assimilé à une décision finale ou obligatoire. Par conséquent, le par. 52(2) ne porte pas atteinte aux pouvoirs du sous‑ministre de prendre la décision finale concernant l’habilitation de sécurité. Cette conclusion découle du libellé même du par. 52(2). Elle s’appuie sur des motifs de politique générale impérieux visant à assurer la sécurité du gouvernement, obligation qui incombe à chaque sous‑ministre.

 

34   De plus, le sous‑ministre disposait manifestement d’éléments de preuve lui permettant de conclure que l’habilitation de sécurité ne devait pas être accordée. Par conséquent, un tribunal ne saurait modifier cette décision.

 

[115]       Certes, la Cour n’a pas accès aux passages expurgés de l’évaluation de sécurité du SCRS, mais les renseignements divulgués sont suffisants pour motiver les préoccupations de la directrice au sujet de la loyauté de la demanderesse et de sa fiabilité en ce qu’elle se rapporte à la loyauté, compte tenu en particulier de la nature de la mission du CANAFE et des fonctions que la demanderesse serait appelée à assumer au sein de cette organisation. La directrice est responsable de la sécurité à l’intérieur de l’organisation, et c’est elle qui est la mieux placée pour déterminer s’il faut accorder, refuser ou révoquer une cote de sécurité sur la foi de l’évaluation réalisée par le SCRS. Si la directrice avait donné à la demanderesse la possibilité de présenter des observations avant de prendre sa décision définitive et que la directrice en était arrivée à la même conclusion, les décisions appartiendraient aux issues possibles acceptables.

 

[116]       Il y aurait lieu de faire preuve de déférence envers la directrice. Elle avait la lourde responsabilité de garantir la sécurité au CANAFE, organisme qui doit assurer les niveaux de sécurité les plus élevés à l’égard de ses activités et appliquer cette exigence à ses employés. En sa qualité de directrice, elle possédait l’expertise et l’expérience dans la prise de décisions difficiles pour veiller à la sécurité et gérer les ressources humaines.

 

La réparation

[117]       Puisque j’ai conclu qu’il y a eu manquement à l’obligation minimale d’équité procédurale à laquelle il devait être satisfait, les décisions portant sur les cotes de sécurité sont annulées et doivent être renvoyées à la directrice actuelle du CANAFE afin qu’elles soient examinées à nouveau, avec la possibilité pour la demanderesse de répondre à l’information qui a été divulguée, que ce soit par écrit ou oralement. Il est possible que la directrice parvienne aux mêmes décisions, mais la demanderesse doit avoir la possibilité de faire connaître son point de vue sur les préoccupations révélées en matière de sécurité.

 

[118]       Comme je l’ai déjà indiqué, la décision de révoquer la nomination de la demanderesse de son titre d’employé du CANAFE n’est pas une décision administrative; elle est régie par le droit contractuel. Contrairement à l’argument de la demanderesse, la décision n’est pas nulle ab initio. Toute mesure réparatrice recherchée par la demanderesse doit être obtenue au moyen d’une action en justice plutôt que d’une demande de contrôle judiciaire.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie à l’égard des trois décisions portant respectivement sur la cote de sécurité de niveau très secret, la cote de sécurité de niveau secret et la cote de fiabilité.

 

2.         Les dépens sont adjugés à la demanderesse.

 

 

 

« Catherine M. Kane »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


Annexe A : Dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LRC 2000, ch 17

 

Proceeds of Crime (Money Laundering) and Terrorist Finance Act, RSC 2000, c 17

 

3. La présente loi a pour objet:

 

a) de mettre en œuvre des mesures visant à détecter et décourager le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et à faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions de recyclage des produits de la criminalité et aux infractions de financement des activités terroristes, notamment :

 

 The object of this Act is

 

(a) to implement specific measures to detect and deter money laundering and the financing of terrorist activities and to facilitate the investigation and prosecution of money laundering offences and terrorist activity financing offences, including

(i) imposer des obligations de tenue de documents et d’identification des clients aux fournisseurs de services financiers et autres personnes ou entités qui se livrent à l’exploitation d’une entreprise ou à l’exercice d’une profession ou d’activités susceptibles d’être utilisées pour le recyclage des produits de la criminalité ou pour le financement des activités terroristes,

 

(i) establishing record keeping and client identification requirements for financial services providers and other persons or entities that engage in businesses, professions or activities that are susceptible to being used for money laundering or the financing of terrorist activities,

(ii) établir un régime de déclaration obligatoire des opérations financières douteuses et des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets,

(ii) requiring the reporting of suspicious financial transactions and of cross‑border movements of currency and monetary instruments, and

 

(iii) constituer un organisme chargé de l’examen de renseignements, notamment ceux portés à son attention en application du sous‑alinéa (ii);

 

(iii) establishing an agency that is responsible for dealing with reported and other information;

b) de combattre le crime organisé en fournissant aux responsables de l’application de la loi les renseignements leur permettant de priver les criminels du produit de leurs activités illicites, tout en assurant la mise en place des garanties nécessaires à la protection de la vie privée des personnes à l’égard des renseignements personnels les concernant;

(b) to respond to the threat posed by organized crime by providing law enforcement officials with the information they need to deprive criminals of the proceeds of their criminal activities, while ensuring that appropriate safeguards are put in place to protect the privacy of persons with respect to personal information about themselves; and

 

c) d’aider le Canada à remplir ses engagements internationaux dans la lutte contre le crime transnational, particulièrement le recyclage des produits de la criminalité, et la lutte contre les activités terroristes.

(c) to assist in fulfilling Canada’s international commitments to participate in the fight against transnational crime, particularly money laundering, and the fight against terrorist activity.

 

[...]

[...]

 

40. La présente partie a pour objet de constituer un organisme qui :

40. The object of this Part is to establish an independent agency that

 

a) est autonome et indépendant de tout organisme chargé de l’application de la loi et des autres entités à qui il est autorisé à communiquer des renseignements;

(a) acts at arm’s length from law enforcement agencies and other entities to which it is authorized to disclose information;

 

 

b) recueille, analyse, évalue et communique des renseignements utiles pour la détection, la prévention et la dissuasion en matière de recyclage des produits de la criminalité ou de financement des activités terroristes;

(b) collects, analyses, assesses and discloses information in order to assist in the detection, prevention and deterrence of money laundering and of the financing of terrorist activities;

 

c) assure la protection nécessaire aux renseignements personnels qui relèvent de lui;

(c) ensures that personal information under its control is protected from unauthorized disclosure;

 

d) sensibilise le public aux questions liées au recyclage des produits de la criminalité;

(d) operates to enhance public awareness and understanding of matters related to money laundering; and

 

e) procède à des contrôles d’application de la partie 1.

(e) ensures compliance with Part 1.

 

 

 (1) Est constitué le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada.

41. (1) There is hereby established the Financial Transactions and Reports Analysis Centre of Canada.

 

(2) Le Centre ne peut exercer ses pouvoirs qu’à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada.

 

(2) The Centre may exercise powers only as an agent of Her Majesty in right of Canada.

[...]

[...]

 

49. (1) Le directeur a le pouvoir exclusif:

49. (1) The Director has exclusive authority to

 

a) de nommer, mettre en disponibilité ou licencier les employés du Centre;

(a) appoint, lay off or terminate the employment of the employees of the Centre; and

 

b) d’élaborer des normes et méthodes régissant la dotation en personnel, notamment la nomination, la mise en disponibilité ou le licenciement – à l’exclusion du licenciement motivé.

(b) establish standards, procedures and processes governing staffing, including the appointment, lay‑off or termination of the employment of employees otherwise than for cause.

 

(2) La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou au pouvoir du directeur de régir les questions visées à l’alinéa (1)b).

(2) Nothing in the Public Service Labour Relations Act shall be construed so as to affect the right or authority of the Director to deal with the matters referred to in paragraph (1)(b).

 

(3) Les paragraphes 11.1(1) et 12(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques ne s’appliquent pas au Centre; la directrice peut :

(3) Subsections 11.1(1) and 12(2) of the Financial Administration Act do not apply to the Centre, and the Director may

 

a) déterminer l’organisation du Centre et la classification des postes au sein de celui‑ci;

(a) determine the organization of and classify the positions in the Centre;

 

b) fixer les conditions d’emploi – notamment en ce qui concerne le licenciement motivé – des employés et leur assigner des tâches;

(b) set the terms and conditions of employment for employees, including termination of employment for cause, and assign to them their duties;

 

c) malgré l’article 112 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, conformément au mandat approuvé par le Conseil du Trésor, fixer la rémunération des employés du Centre;

(c) notwithstanding section 112 of the Public Service Labour Relations Act, in accordance with the mandate approved by the Treasury Board, fix the remuneration of the employees of the Centre; and

 

d) régler toute autre question dans la mesure où il l’estime nécessaire pour la bonne gestion des ressources humaines du Centre.

(d) provide for any other matters that the Director considers necessary for effective human resources management in the Centre.

 

 


 

Annexe B : Politiques gouvernementales pertinentes

 

Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Politique sur la sécurité du gouvernement

 

[...]

 

2.1 La présente politique s’applique:

 

         à tous les ministères mentionnés aux annexes I, I.1, II, IV et V de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP), sauf s’ils en sont exclus en vertu d’une loi, d’un règlement ou d’un décret particulier.

 

[...]

*   

3.6 Les administrateurs généraux sont responsables de la mise en œuvre et de l’administration efficace de la gestion de la sécurité et de l’identité au sein de leur ministère, et ils partagent la responsabilité d’assurer la sécurité du gouvernement dans son ensemble. Ces responsabilités englobent la sécurité du personnel ministériel, y compris des personnes qui travaillent dans les cabinets de ministres ou de ministres d’État, ou pour ceux‑ci, ainsi que des renseignements, des installations et des autres biens des ministères.

 

[...]

 

Exigences

 

6.1 Les administrateurs généraux de tous les ministères sont responsables de ce qui suit :

 

6.1.1 Mettre sur pied un programme de sécurité afin d’assurer la coordination et la gestion des activités ministérielles liées à la sécurité qui :

 

  1. repose sur une structure de gouvernance assortie de responsabilités claires;
  2. comporte des objectifs précis qui cadrent avec les politiques, les priorités et les plans ministériels et pangouvernementaux;
  3. est suivi, évalué et fait l’objet de rapports afin de mesurer les efforts, les ressources et les réussites de la direction à l’égard de l’atteinte des résultats escomptés;

 

[...]

 

6.1.6 Veiller à ce que toutes les personnes qui auront accès aux renseignements et aux biens du gouvernement, y compris les personnes qui travaillent dans les cabinets de ministres ou de ministres d’État ou pour ceux‑ci, fassent l’objet d’une enquête de sécurité appropriée avant de commencer leur travail et soient traitées de manière juste et impartiale;

 

6.1.7 Veiller à ce que leur pouvoir de refuser, de révoquer ou de suspendre les autorisations de sécurité ne soit pas délégué;

 

Conseil du Trésor du Canada : Norme sur la sécurité du personnel

 

[...]

 

2.7 Évaluation des résultats des vérifications de la fiabilité

 

On s’attend à ce que les fonctionnaires qui attribuent la cote de fiabilité fassent une évaluation juste et objective qui respecte les droits de la personne. Les personnes visées doivent avoir l’occasion d’expliquer les renseignements défavorables avant qu’une décision ne soit prise, et on doit leur donner les motifs du refus d’une cote de fiabilité, à moins que ces renseignements ne fassent l’objet d’une exception en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

 

Les gestionnaires responsables doivent déterminer si l’on peut compter sur la personne et sur son intégrité en tenant compte des éléments décrits dans les articles 2.7.1 à 2.7.5 ci‑dessous.

 

[...]

 

2.8 Évaluation de l’information applicable aux évaluations de sécurité

 

La décision d’accorder ou de refuser la cote de sécurité repose d’abord sur la recommandation faite par l’organisme d’enquête concernant la loyauté d’une personne envers le Canada et sur sa fiabilité en ce qu’elle se rapporte à la loyauté.

 

Suivant le niveau de la cote de sécurité demandée et le poste ou le marché pour lequel la personne est proposée, on évaluera certains ou l’ensemble des éléments ci‑dessous :

 

    Les qualités (honnêteté, stabilité, etc.).

    Le casier judiciaire (le cas échéant).

    La situation financière.

    La citoyenneté.

    Les croyances personnelles et les relations.

    Les déclarations faites durant l’entrevue.

    Les résultats des vérifications des indices du SCRS.

 

La décision d’attribuer ou de refuser la cote de sécurité doit être fondée sur des renseignements adéquats. S’il n’y en a pas ou si l’on ne peut pas en trouver, on ne peut attribuer de cote de sécurité. On considère généralement comme adéquats, tant quantitativement que qualitativement, des renseignements qui correspondent :

 

    Aux antécédents des cinq dernières années ou depuis l’âge de 16 ans, selon la première de ces éventualités, pour l’accès aux sites.

    Aux antécédents des 10 dernières années ou depuis l’âge de 16 ans, selon la première de ces éventualités, pour les niveaux I, II et III.

 

On évalue la nature et la gravité de tout renseignement défavorable à une personne, les circonstances, la fréquence, la préméditation, l’âge de la personne au moment de l’incident et son degré de réhabilitation.

 

La cote de sécurité est refusée aux personnes à propos desquelles on a des motifs raisonnables de croire :

 

    En ce qui concerne la loyauté, qu’elles participent ou pourraient participer à des activités qui constituent une menace envers la sécurité du Canada au sens de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.

 

    Le lien entre la fiabilité et la loyauté, en raison de croyances personnelles, de traits de caractère, de relations avec des personnes, des groupes ou autres considérés comme étant une menace pour la sécurité, ou qu’en raison de ses liens familiaux ou étroits avec des personnes vivant dans des pays hostiles ou tyranniques, une personne pourrait agir ou être incitée à agir de façon à constituer « une menace à la sécurité du Canada »; ou qu’une personne pourrait divulguer, être incitée à divulguer ou faire en sorte que soit divulgué sans autorisation tout renseignement classifié.

 

Il est interdit de discuter de renseignements classifiés du SCRS avec une personne sans avoir obtenu au préalable l’autorisation du SCRS.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Le SCRS ne doit être avisé que lorsqu’un ministère :

 

    Accorde une cote de sécurité autre que celle qui a été demandée.

    Accorde une cote de sécurité bien que la recommandation ait été négative.

    Refuse, suspend ou révoque une cote de sécurité.

 

Si, dans le cadre des évaluations des cotes de sécurité, on reçoit des renseignements défavorables, tel qu’ils sont définis au paragraphe 3 de l’annexe B intitulée « Lignes directrices concernant l’utilisation des informations pour les vérifications de fiabilité », ils peuvent être utilisés pour réévaluer une cote de fiabilité accordée antérieurement. Dans de tels cas, les ministères doivent effectuer leur propre enquête interne pour déterminer s’il faut révoquer la cote de fiabilité.

 

Si la cote de sécurité d’une personne est refusée ou révoquée pour des motifs de loyauté ou de fiabilité liés à la loyauté, les ministères doivent aussi réévaluer la cote de fiabilité de cette personne.

 

Dans tous les cas où une cote de sécurité ou une cote de fiabilité est refusée ou révoquée, les ministères doivent suivre les procédures énoncées aux articles 5 et 6 de la Norme sur la sécurité du personnel.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[...]

2.10 Autorisation ou refus d’une cote de sécurité

 

Les ministères doivent assigner aux autorités compétentes la responsabilité d’accorder les cotes de sécurité. Le pouvoir de refuser, de révoquer ou de suspendre ces cotes ne doit pas être délégué à un niveau inférieur à celui d’administrateur général.

 

La décision d’accorder une cote de sécurité est consignée dans la formule Certificat d’enquête de sécurité et profil de sécurité. Le bureau qui présente la demande en est informé pour que l’on puisse donner suite à la nomination ou au marché.

 

Tous les dossiers se rapportant aux cotes de sécurité doivent être conservés dans la banque de renseignements courants PSE‑909, sauf ceux qui doivent l’être dans une autre banque de renseignements courants recensés dans Info Source.

 

Si la cote demandée est refusée, la section 42 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité exige que la personne en soit avisée par écrit, dans les 10 jours suivant la décision, et qu’elle soit informée de son droit de porter plainte devant le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS). Voir la section 6 pour de plus amples renseignements à ce sujet.

 

Le CSARS remet un résumé des informations aux personnes qui déposent une plainte devant le Comité.

 

[...]

 

5. Révocation

 

À la suite d’une mise à jour ou d’une révision découlant de la découverte de nouveaux renseignements défavorables, on pourrait révoquer la cote de fiabilité ou la cote de sécurité de la personne concernée. Le pouvoir de l’administrateur général de révoquer une cote de sécurité ne doit pas être délégué.

 

En cas de révocation, on doit informer la personne de son droit de recours en révision ou en redressement et lui interdire l’accès aux biens ou aux renseignements de nature délicate.

 

Si, à la suite du refus ou de la révocation d’une cote de sécurité ou d’une cote de fiabilité, une personne ne satisfait plus aux conditions d’emploi, les Relations de travail ministérielles doivent être consultées.

 

Dans le cas d’un employé contractuel, le marché doit être résilié. Lorsque la personne travaille pour une entreprise, l’entreprise contractante doit la remplacer, sinon le marché sera résilié.

 

En cas de refus, de révocation ou de suspension des cotes de sécurité, sauf pour les membres des Forces canadiennes, les administrateurs généraux doivent consulter le Bureau du Conseil privé avant de recommander au gouverneur en conseil le congédiement d’une personne dans l’intérêt de la sécurité nationale. S’il s’agit d’un fonctionnaire au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, les administrateurs généraux doivent aussi consulter la Direction de la politique du personnel du Secrétariat du Conseil du Trésor.

 

Lorsqu’un membre des Forces canadiennes est libéré dans l’intérêt de la sécurité nationale, conformément aux dispositions des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (chapitre 15‑Libération), l’administrateur général doit en informer le Bureau du Conseil privé.

 

6. Révision et mesures de redressement

 

6.1 Généralités

 

Les ministères devraient établir un processus de révision interne pour l’examen des renseignements et des recommandations défavorables avant le refus ou la révocation d’une cote de fiabilité ou de sécurité.

 

Les ministères doivent informer par écrit les personnes dont la cote de fiabilité ou de sécurité est refusée ou révoquée de leurs droits à une révision ou à des mesures de redressement. L’agent autorisé qui refuse une cote de fiabilité devrait consulter le bureau de la sécurité au sujet des recours de chacune des personnes visées afin de bien en informer celles‑ci.

 

6.2 Cote de fiabilité

 

Les fonctionnaires qui souhaitent contester une décision négative fondée sur les résultats d’une vérification de la fiabilité peuvent utiliser la procédure actuelle de règlement des griefs conformément aux sections 91 et 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Les ministères autres que l’élément Forces canadiennes du ministère de la Défense nationale doivent s’assurer que les griefs au sujet des vérifications de la fiabilité passent directement au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

 

Les personnes autres que les fonctionnaires fédéraux, comme les postulants et les entrepreneurs, peuvent porter plainte devant la Commission des droits de la personne, à la Direction des enquêtes de la Commission de la fonction publique ou devant la Division de première instance de la Cour fédérale, selon le cas.

 

6.3 Cote de sécurité

 

La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité attribue au comité de révision de renseignements de sécurité (CSRAS) la responsabilité d’examiner les cas de refus d’une cote de sécurité. Conformément à la section 42 de la Loi sur le SCRS, ce droit de révision est offert aux candidats qui ne sont pas fonctionnaires, aux fonctionnaires et aux entrepreneurs travaillant directement pour le gouvernement à qui un administrateur général refuse la cote de sécurité.

 

Les administrateurs généraux qui ne sont pas d’accord avec les recommandations du CSRAS quant aux cotes de sécurité doivent consulter le Bureau du Conseil privé (BCP) pour revoir la question. Les administrateurs généraux doivent aussi informer par écrit le président du CSRAS de leur décision finale. On doit consulter le BCP avant de procéder à la libération, la rétrogradation ou le congédiement de tout employé, même si l’administrateur général a les pleins pouvoirs de refuser une cote de sécurité. Cette exigence a pour but de s’assurer que les raisons initiales pour refuser, retirer ou suspendre une cote de sécurité sont examinées à fond dans tous les cas où le CSARS recommande qu’on accorde ou qu’on redonne une cote.

 

Toute personne qui se voit refuser une cote de sécurité peut déposer une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Cependant, si un ministre avise la Commission que les fondements du refus ont trait à la sécurité du Canada, la Commission peut alors soit rejeter la plainte, soit renvoyer l’affaire au CSRAS pour enquête, avant de poursuivre. Les personnes qui se voient refuser une cote de sécurité peuvent aussi en appeler de la décision devant la Cour fédérale.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


 

DOSSIER :

T‑2252‑12

 

INTITULÉ :

IRINA KOULATCHENKO c

Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            Le 27 janvier 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

                                                            LA JUGE KANE

DATE DES MOTIFS :

                                                            Le 3 MARS 2014

COMPARUTIONS :

Christopher Rootham

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

George G. Vuicic

Cheryl Waram

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nelligan O’Brien Payne, s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Hicks Morley Hamilton Stewart Storie LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.