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Date : 20140606


Dossier : IMM-4109-13

Référence : 2014 CF 545

Ottawa (Ontario), le 6 juin 2014

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

LIJIN LI

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit du contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent d’immigration a rejeté la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire de la demanderesse. La demanderesse a également présenté une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) par laquelle on lui a refusé l’asile dans le dossier n° IMM‑2287‑13 de la Cour fédérale.

[2]               La situation de la demanderesse est triste et le traitement qui lui a été réservé par le Ministère et un tribunal quasi judiciaire indépendant est inacceptable.

II.                Contexte

[3]               La demanderesse est une citoyenne chinoise âgée de 26 ans. Sa mère est décédée en 2005 et la demanderesse est venue au Canada munie d’un visa d’étudiant. Elle souffre de maladie mentale et elle a passé environ deux des huit dernières années dans des refuges; elle a également été itinérante et elle a toujours des problèmes de santé mentale, décrits par un psychiatre comme une maladie contrôlée mais non guérie.

[4]               À son arrivée au Canada, la demanderesse a commencé à pratiquer le christianisme. Il s’agit là de la question centrale dans la décision de la SPR la concernant.

[5]               Aux fins de la présente demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, la demanderesse a été admise en décembre 2008 à l’unité de psychiatrie pour patients hospitalisés de l’Hôpital général de Toronto où elle a reçu un diagnostic d’épisode dépressif majeur avec caractéristiques psychotiques. Ses symptômes comprenaient des hallucinations et des délires. On lui a prescrit des médicaments et elle a obtenu son congé.

[6]               Entre décembre 2008 et septembre 2010, la demanderesse a été admise dans des unités de psychiatrie à cinq occasions, y séjournant de deux semaines à un mois.

[7]               Elle s’est par la suite inscrite à un collège et elle habite avec un cadre supérieur du département de psychiatrie d’un grand hôpital de Toronto.

[8]               Dans sa décision rejetant la demande pour des motifs d’ordre humanitaire, l’agent d’immigration, conformément aux paragraphes 25 (1) et (1.3) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, n’a pas tenu compte des facteurs de risque ayant trait à sa foi chrétienne. Toutefois, l’agent d’immigration a tiré trois conclusions cruciales :

                     la dépression/rechute psychotique de la demanderesse a été le résultat d’une anxiété de séparation découlant du fait de s’être rendue seule dans un nouveau pays et il était raisonnable de penser que la psychose diminuera [traduction] « du fait de se retrouver dans sa culture et sa langue et parmi sa famille et ses amis »;

                     en Chine, la demanderesse aurait normalement accès à suffisamment de ressources médicales pour que soit traitée sa maladie mentale; et

                     en ce qui a trait à l’établissement et aux difficultés, l’incapacité de la demanderesse à pratiquer sa religion ne constituait pas une difficulté que l’agent d’immigration pouvait prendre en considération. En outre, le fait d’être séparée de son réseau social canadien ne l’exposerait pas à des difficultés.

Une erreur commise relativement à l’une ou l’autre de ces conclusions entraîne nécessairement l’annulation de la décision.

III.             Analyse

[9]               Le seul véritable enjeu dans cette affaire est de savoir si les conclusions de l’agent sont raisonnables. Ces conclusions doivent faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Norbert c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 409).

[10]           Étant donné que cette affaire sera renvoyée pour réexamen, la Cour ne formulera pas de commentaires sur des questions dépassant le cadre de ce qui est nécessaire pour trancher la présente demande de contrôle judiciaire.

[11]           L’agent d’immigration a commis une erreur fatale en tirant ses propres conclusions quant à la source des problèmes psychiatriques de la demanderesse. Il s’agissait d’une conclusion en l’absence de preuves pouvant permettre de conclure que la source des problèmes psychiatriques était le [traduction] « choc culturel » entraîné par sa venue au Canada.

[12]           Rien ne justifie les diagnostics amateurs. L’agent d’immigration n’a aucune expertise en la matière et il n’existe aucun élément de preuve médical à l’appui de ce diagnostic. Le choc culturel, selon les éléments de preuve, a exacerbé les problèmes médicaux mais ne s’est pas révélé en être la cause première.

[13]           De plus, la conclusion selon laquelle un retour en Chine équivaudrait à une guérison n’est pas étayée par des preuves et est bizarre.

[14]           En outre, lorsqu’il a examiné les éléments de preuve relatifs au traitement lié à la santé mentale en Chine, l’agent d’immigration s’est concentré exclusivement sur les services offerts à Shanghai et à Beijing. Bien que la preuve des services qui y sont offerts puisse ne pas être tout à fait rassurante, l’analyse s’est éloignée du caractère raisonnable puisqu’aucun lien n’a été établi entre ces quelques installations ciblées et la capacité de la demanderesse d’y avoir accès à partir de sa ville de résidence.

[15]           Sur ce point, l’examen de la preuve par l’agent d’immigration a été superficiel. Cela peut être tributaire des conclusions déraisonnables de l’agent d’immigration quant à la source de la maladie mentale et à la probabilité d’une guérison en rentrant dans son pays.

[16]           Il n’est pas nécessaire de dire quoi que ce soit sur la question de l’établissement et des difficultés autre qu’elle manque de profondeur.

IV.             Conclusion

[17]           Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision sera annulée et la question sera renvoyée à un autre agent pour une nouvelle décision.

[18]           Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision soit annulée et que la question soit renvoyée à un autre agent pour une nouvelle décision.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Isabelle Mathieu, B.A. Trad.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4109-13

 

INTITULÉ :

LIJIN LI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

29 MAI 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PHELAN

 

DATE :

6 JUIN 2014

 

COMPARUTIONS :

Elyse Korman

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Otis & Korman

Barristers and Solicitors

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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