Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20140606

Dossier : T‑1690‑13

Référence : 2014 CF 528

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 juin 2014

En présence de madame la juge St‑Louis

 

ENTRE :

SULEEQO SHEIKH ABUKAR

demanderesse

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie de l’appel interjeté à l’encontre de la décision, en date du 16 août 2013, par laquelle le juge de la citoyenneté Harjit S. Dhaliwal (le juge) a refusé la demande de citoyenneté canadienne de la demanderesse. Le présent appel est formé au titre du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29 (la Loi).

I.                   CONTEXTE

[2]               Suleeqo Skeikh Abukar, la demanderesse, est résidente permanente au Canada.

[3]               Le 14 août 2013, la demanderesse s’est présentée à une entrevue avec le juge qui a conclu que celle‑ci ne satisfaisait pas à l’exigence linguistique énoncée à l’alinéa 5(1)d) de la Loi ni à l’exigence relative à la connaissance du Canada énoncée à l’alinéa 5(1)e) de la Loi et, par conséquent, a rejeté sa demande de citoyenneté.

II.                DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[4]               Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables en l’espèce :

Attribution de la citoyenneté

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

Grant of citizenship

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

a) en fait la demande;

(a) makes application for citizenship;

b) est âgée d’au moins dix‑huit ans;

(b) is eighteen years of age or over;

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) un demi‑jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

d) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

[…]

[…]

Dispenses

(3) Pour des raisons d’ordre humanitaire, le ministre a le pouvoir discrétionnaire d’exempter :

Waiver by Minister on compassionate grounds

(3) The Minister may, in his discretion, waive on compassionate grounds,

a) dans tous les cas, des conditions prévues aux alinéas (1)d) ou e);

(a) in the case of any person, the requirements of paragraph (1)(d) or (e);

b) dans le cas d’un mineur, des conditions relatives soit à l’âge ou à la durée de résidence au Canada respectivement énoncées aux alinéas (1)b) et c), soit à la prestation du serment de citoyenneté;

(b) in the case of a minor, the requirement respecting age set out in paragraph (1)(b), the requirement respecting length of residence in Canada set out in paragraph (1)(c) or the requirement to take the oath of citizenship; and

c) dans le cas d’une personne incapable de saisir la portée du serment de citoyenneté en raison d’une déficience mentale, de l’exigence de prêter ce serment.

(c) in the case of any person who is prevented from understanding the significance of taking the oath of citizenship by reason of a mental disability, the requirement to take the oath.

Cas particuliers

(4) Afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse ou de récompenser des services exceptionnels rendus au Canada, le gouverneur en conseil a le pouvoir discrétionnaire, malgré les autres dispositions de la présente loi, d’ordonner au ministre d’attribuer la citoyenneté à toute personne qu’il désigne; le ministre procède alors sans délai à l’attribution.

Special cases

(4) In order to alleviate cases of special and unusual hardship or to reward services of an exceptional value to Canada, and notwithstanding any other provision of this Act, the Governor in Council may, in his discretion, direct the Minister to grant citizenship to any person and, where such a direction is made, the Minister shall forthwith grant citizenship to the person named in the direction

[Je souligne]

[Emphasis added]

De plus, voici les dispositions du Règlement sur la citoyenneté, DORS/93‑246 [le Règlement] qui sont applicables en l’espèce :

OCONNAISSANCE DES LANGUES OFFICIELLES

14. Une personne possède une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada si elle démontre une capacité élémentaire à communiquer dans cette langue, de manière à pouvoir :

OFFICIAL LANGUAGES CRITERIA

14. A person is considered to have an adequate knowledge of one of the official languages of Canada if they demonstrate that they have competence in basic communication in that language such that they are able to

a) prendre part à de brèves conversations sur des sujets de la vie courante;

(a) take part in short, routine conversations about everyday topics;

b) comprendre des instructions et des directives simples;

(b) understand simple instructions and directions;

c) utiliser, dans la communication orale, les règles de base de la grammaire, notamment pour ce qui est de la syntaxe et de la conjugaison;

(c) use basic grammar, including simple structures and tenses, in oral communication; and

d) utiliser un vocabulaire adéquat pour communiquer oralement au quotidien.

(d) use vocabulary that is adequate for routine oral communication

CONNAISSANCES DU CANADA ET DE LA CITOYENNETÉ

15. (1) Une personne possède une connaissance suffisante du Canada si les réponses qu’elle donne aux questions rédigées par le ministre montrent qu’elle connaît les symboles nationaux du Canada et comprend d’une manière générale les sujets suivants :

KNOWLEDGE OF CANADA AND CITIZENSHIP CRITERIA

15. (1) A person is considered to have an adequate knowledge of Canada if they demonstrate, based on their responses to questions prepared by the Minister, that they know the national symbols of Canada and have a general understanding of the following subjects

a) les principales caractéristiques de l’histoire politique et militaire du Canada;

(a) the chief characteristics of Canadian political and military history;

b) les principales caractéristiques de l’histoire sociale et culturelle du Canada;

(b) the chief characteristics of Canadian social and cultural history;

c) les principales caractéristiques de la géographie physique et politique du Canada;

(c) the chief characteristics of Canadian physical and political geography;

d) les principales caractéristiques du système politique canadien en tant que monarchie constitutionnelle;

(d) the chief characteristics of the Canadian system of government as a constitutional monarchy; and

e) toutes autres caractéristiques du Canada.

(e) characteristics of Canada other than those referred to in paragraphs (a) to (d).

(2) Une personne possède une connaissance suffisante des responsabilités et privilèges attachés à la citoyenneté si les réponses qu’elle donne aux questions rédigées par le ministre montrent qu’elle comprend d’une manière générale les sujets suivants :

(2) A person is considered to have an adequate knowledge of the responsibilities and privileges of citizenship if they demonstrate, based on their responses to questions prepared by the Minister, that they have a general understanding of the following subjects:

a) la participation au processus démocratique canadien;

(a) participation in the Canadian democratic process;

b) la participation à la société canadienne, notamment, l’entraide sociale, le respect de l’environnement et la protection du patrimoine naturel, culturel et architectural du Canada;

(b) participation in Canadian society, including volunteerism, respect for the environment and the protection of Canada’s natural, cultural and architectural heritage;

c) le respect des droits, des libertés et des obligations énoncés dans les lois du Canada;

(c) respect for the rights, freedoms and obligations set out in the laws of Canada; and

d) tous autres responsabilités et privilèges attachés à la citoyenneté.

(d) the responsibilities and privileges of citizenship other than those referred to in paragraphs (a) to (c).

III.             LA DÉCISION CONTESTÉE

[5]               Dans sa décision en date du 16 août 2013, le juge a conclu que la demanderesse n’avait pas satisfait aux exigences énoncées aux alinéas 5(1)d) et 5(1)e) de la Loi, étant donné qu’elle n’avait pas une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada ni du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté.

[6]               Le juge a conclu que la demanderesse n’avait pas une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada parce qu’elle n’avait pas été en mesure de :

                répondre à des questions simples sur des sujets courants au moyen de phrases courtes en utilisant des mots charnières;

                parler de quelque chose qu’elle avait fait dans le passé en utilisant correctement des verbes au passé;

                donner des instructions et des directives simples de tous les jours;

                démontrer qu’elle possède un vocabulaire adéquat pour communiquer simplement

sur des sujets courants;

                raconter une histoire simple sur des activités quotidiennes.

[7]               Le juge a également conclu que la demanderesse n’avait pas satisfait à l’exigence relative à la connaissance du Canada parce qu’elle avait obtenu un résultat de 9 sur 20 à l’examen, alors que la note de passage est de 15 sur 20.

[8]               Enfin, le juge a décidé de ne pas recommander une exemption au titre du paragraphe 5(3) de la Loi ou l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour l’attribution de la citoyenneté au titre du paragraphe 5(4) de la Loi, puisque la demanderesse n’avait pas démontré l’existence de circonstances particulières dans son cas.

IV.             QUESTIONS EN LITIGE

[9]               Les questions à trancher dans le présent contrôle judiciaire sont les suivantes :

1.      Le juge a‑t‑il commis une erreur en concluant que la demanderesse ne satisfaisait pas à l’exigence linguistique ni à l’exigence relative à la connaissance du Canada?

2.      Le juge a‑t‑il commis une erreur en concluant à l’absence de circonstances particulières permettant de recommander une exemption ou l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour l’attribution de la citoyenneté?

V.                NORME DE CONTRÔLE

[10]           Bien qu’un appel en matière de citoyenneté sous le régime de la Loi ne constitue pas un contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, il se déroule par voie de demande, suivant l’alinéa 300c) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106. Ainsi, les appels en matière de citoyenneté ne sont plus de nouveaux procès, mais doivent plutôt être tranchés au vu du dossier soumis au juge de la citoyenneté; il n’est pas non plus possible de présenter de nouveaux éléments de preuve (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Hung (1998), 47 Imm LR (2d) 182, au par. 8; Korolove c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 370, aux par. 50 et 51).

[11]           Notre Cour a toujours jugé qu’il ne convient pas d’infirmer les conclusions du juge de la citoyenneté portant sur des questions mixtes de droit et de fait, à moins qu’elles ne soient déraisonnables (voir, p. ex., Lam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 164 FTR 177, aux par. 9 et 10; Akan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 170 FTR 158, au par. 7; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Fu, 2004 CF 60, au par. 7; Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF. 593, au par. 6 [Khan]).

[12]           En outre, la Cour ne devrait pas infirmer des conclusions de fait à moins qu’elles ne soient erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont disposait le décideur (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales; Khan, au par. 7).

VI.             OBSERVATIONS ET ANALYSE

Question préliminaire

[13]           Le défendeur fait observer qu’il aurait fallu désigner le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration comme défendeur en l’espèce et non le procureur général du Canada. Il demande à la Cour de permettre que l’intitulé soit modifié afin de désigner correctement le défendeur. La Cour consentira à la modification demandée.

Première question :     Le juge a‑t‑il commis une erreur en concluant que la demanderesse ne satisfaisait pas à l’exigence linguistique ni à l’exigence relative à la connaissance du Canada?

a.   Observations de la demanderesse

[14]           La demanderesse ne conteste pas le résultat obtenu à l’examen. Elle fait plutôt valoir que le juge n’a pas précisé la distinction entre la Loi et le Règlement. Elle affirme également que le juge a mal appliqué les règles de droit en n’interprétant pas les alinéas 5(1)a) à e) de la Loi globalement et de manière libérale [traduction] « pour réaliser l’objectif réparateur consistant à attribuer la citoyenneté canadienne à la demanderesse ». Celle‑ci déplore également l’absence présumée d’un libellé clair de la Loi. Elle affirme que le juge aurait dû préciser le texte de la Loi, et conteste la décision au motif que le juge n’a cité aucune jurisprudence.

b.   Observations du défendeur

[15]           Le défendeur affirme que les conclusions du juge selon lesquelles la demanderesse n’avait pas satisfait à l’exigence linguistique ni à l’exigence relative aux connaissances étaient des conclusions de fait qui commandent donc une grande retenue. Le résultat obtenu par la demanderesse à l’examen n’a tout simplement pas satisfait aux exigences prévues dans la Loi. Par conséquent, les conclusions du juge étaient raisonnables.

c.   Analyse

[16]           Je suis d’accord avec le défendeur. Les conclusions du juge sont manifestement raisonnables.

Deuxième question :    Le juge a‑t‑il commis une erreur en concluant à l’absence de circonstances particulières permettant de recommander une exemption ou l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour l’attribution de la citoyenneté?

a.   Observations de la demanderesse

[17]           La demanderesse soutient que le juge n’a pas tenu compte de sa situation personnelle, à savoir du fait qu’elle est originaire de la Somalie, que l’anglais est sa deuxième langue, qu’elle vit au Canada depuis cinq ans et qu’elle n’a pas de casier judiciaire.

b.   Observations du défendeur

[18]           Le défendeur fait observer que la demanderesse n’a produit aucun élément de preuve permettant de justifier une exemption ou l’exercice du pouvoir discrétionnaire, tel qu’il est prévu aux paragraphes 5(3) et 5(4). Le juge a explicitement affirmé qu’il n’y avait aucun élément de preuve de l’existence de circonstances particulières justifiant qu’il recommande une exemption ou l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour l’attribution de la citoyenneté.

c.   Analyse

[19]           Je suis d’accord avec le défendeur. Le juge indique en fait qu’il a soigneusement examiné tous les éléments de preuve dont il disposait et qu’il n’avait trouvé aucun élément attestant l’existence de circonstances particulières. Compte tenu de la preuve, cette conclusion est raisonnable.


JUGEMENT

LA COUR STATUE comme suit :

1.        L’intitulé est modifié afin de désigner le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration comme défendeur;

2.        L’appel est rejeté et il n’y a aucune adjudication de dépens.

« Martine St‑Louis »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

T‑1690‑13

 

INTITULÉ :

SULEEQO SHEIKH ABUKAR c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 MAI 2014

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :

 

LA JUGE Martine ST‑LOUIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 JUIN 2014

 

COMPARUTIONS :

Joseph Osuji

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Negar Hashemi

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Joseph Osuji

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous‑procureur général

du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.