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Date : 20140529


Dossier : T-1403-12

Référence : 2014 CF 519

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 mai 2014

En présence de monsieur le juge O’Keefe

ENTRE :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

BRUCE CLINTON JOSEPH RYDER

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE  

[1]               Le 16 septembre 2013, j’ai conclu que M. Ryder était en situation d’outrage au tribunal pour avoir omis de se conformer à l’ordonnance rendue par le juge Luc Martineau le 13 août 2012, selon laquelle il devait se conformer à l’avis délivré par le ministre du Revenu national. Le défendeur devait fournir les renseignements et les documents suivants :

[traduction]

a)         une preuve documentaire en ce qui concerne la propriété de la cantine mobile qui est exploitée par vous, ou en votre nom, notamment des copies de factures, de chèques annulés ou de contrats de vente;

b)         si la cantine mobile ne vous appartient pas, la copie originale du contrat de location conclu entre vous et le propriétaire. S’il n’y a pas de bail, une déclaration écrite indiquant les modalités selon lesquelles vous pouviez utiliser ce bien et l’identité du propriétaire;

c)         une déclaration écrite indiquant le montant des revenus générés par l’exploitation de la cantine mobile pour la période entre le 1er janvier 2011 et le 24 janvier 2012;

d)         si vous affirmez ne pas avoir tiré un revenu de l’exploitation, de la propriété ou de la location de la cantine mobile, une déclaration écrite indiquant toutes vos autres sources de revenus, y compris les employeurs, les entrepreneurs ou les bienfaiteurs, pour la période entre le 1er janvier 2011 et le 24 janvier 2012.

[2]               Le défendeur n’a pas fourni les renseignements ni les documents, d’où la conclusion d’outrage au tribunal.

[3]               Une audience de détermination de la peine a été tenue le 9 janvier 2014, durant laquelle les parties ont pu soumettre des documents et présenter une plaidoirie quant à la peine qu’il convient d’imposer.

[4]               L’article 472 des Règles sur les Cours fédérales, DORS/98-106, énonce les peines qui peuvent être imposées quand une personne est reconnue coupable d’outrage au tribunal :

472. Lorsqu’une personne est reconnue coupable d’outrage au tribunal, le juge peut ordonner:

472. Where a person is found to be in contempt, a judge may order that

a) qu’elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans ou jusqu’à ce qu’elle se conforme à l’ordonnance;

(a) the person be imprisoned for a period of less than five years or until the person complies with the order;

b) qu’elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans si elle ne se conforme pas à l’ordonnance;

(b) the person be imprisoned for a period of less than five years if the person fails to comply with the order;

c) qu’elle paie une amende;

(c) the person pay a fine;

d) qu’elle accomplisse un acte ou s’abstienne de l’accomplir;

(d) the person do or refrain from doing any act;

e) que les biens de la personne soient mis sous séquestre, dans le cas visé à la règle 429;

(e) in respect of a person referred to in rule 429, the person’s property be sequestered; and

f) qu’elle soit condamnée aux dépens.

(f) the person pay costs.

[5]               Le demandeur a demandé une ordonnance comportant les éléments suivants : 

a)         Une amende de 2 500 $ (l’« amende ») est imposée à M. Ryder, laquelle devra être payée dans les trente (30) jours suivant la date de l’ordonnance;

b)         Monsieur Ryder est condamné à payer des dépens avocat-client de 2 500 $ (les « dépens ») au ministre, par l’entremise de son avocat, ou à l’Agence du revenu Canada (a/s receveur général du Canada), dans les trente (30) jours suivant la date de l’ordonnance;

c)         Vu la preuve et les circonstances qui y sont mentionnées, si le ministre avise la Cour par voie d’affidavit que le paiement de l’amende ou des dépens n’a pas été versé dans les trente (30) jours suivant la date de l’ordonnance, la Cour imposera alors une peine de quinze (15) jours d’emprisonnement pour le défaut de paiement des dépens et une peine consécutive pour le défaut de paiement de l’amende, pour un total de trente (30) jours d’emprisonnement;

d)         Monsieur Ryder doit fournir au ministre, par l’entremise de son avocat, ou à l’Agence du revenu Canada, les renseignements et les documents suivants (les « renseignements et documents ») demandés par le ministre en vertu du paragraphe 289(1) de la LTA dans les trente (30) jours suivant la date de l’ordonnance :  

1)         une preuve documentaire en ce qui concerne la propriété de la cantine mobile qui est exploitée par vous, ou en votre nom, notamment des copies de factures, de chèques annulés ou de contrats de vente;

2)         si la cantine mobile ne vous appartient pas, la copie originale du contrat de location conclu entre vous et le propriétaire. S’il n’y a pas de bail, une déclaration écrite indiquant les modalités selon lesquelles vous pouviez utiliser ce bien et l’identité du propriétaire;

3)         une déclaration écrite indiquant le montant des revenus générés par l’exploitation de la cantine mobile pour la période entre le 1er janvier 2011 et le 24 janvier 2012;

4)         si vous affirmez ne pas avoir tiré un revenu de l’exploitation, de la propriété ou de la location de la cantine mobile, une déclaration écrite indiquant toutes vos autres sources de revenus, y compris les employeurs, les entrepreneurs ou les bienfaiteurs, pour la période entre le 1er janvier 2011 et le 24 janvier 2012.

(collectivement, les « renseignements et documents »);

e)         si le ministre avise la Cour par voie d’affidavit que M. Ryder n’a pas fourni les renseignements et documents au ministre dans les trente (30) jours suivant la date de l’ordonnance, la Cour imposera alors à M. Ryder une peine de quinze (15) jours d’emprisonnement qui devra être purgée consécutivement à toute autre peine qui lui a été infligée pour le défaut de payer l’amende ou les dépens.

[6]               Dans l’arrêt Winnicki c Canada (Commission des droits de la personne), 2007 CAF 52, aux paragraphes 17 et 18, [2007] 359 NR 101, la Cour d’appel a accepté d’examiner la liste de facteurs suivants lorsqu’elle impose une peine à une personne reconnue coupable d’outrage au tribunal :

1. la gravité de l’outrage, appréciée en fonction des faits particuliers de l’espèce relatifs à l’administration de la justice;

2. la question de savoir si l’infraction d’outrage constitue une première infraction;

3. la présence de facteurs atténuants tels la bonne foi ou des excuses;

4. la dissuasion d’un comportement semblable.

[7]               Dans l’affaire Canada (Ministre du Revenu national) c Marshall, 2006 CF 788, 294 FTR 297, le juge Michael Kelen a indiqué ce qui suit au paragraphe 16 :

En résumé, les facteurs pertinents quant à la détermination de la peine dans un cas d’outrage au tribunal sont les suivants :

i. Le but principal des sanctions imposées est d’assurer le respect des ordonnances du tribunal. La dissuasion, particulière et générale, est importante afin de maintenir la confiance du public envers l’administration de la justice [sic];

ii. La proportionnalité de la peine doit refléter un équilibre entre l’application de la loi et ce que la Cour a qualifié de « clémence de la justice »;

iii. Les facteurs aggravants comprennent la gravité objective du comportement constituant un outrage au tribunal, la gravité subjective de ce comportement (à savoir si le comportement constitue un manquement technique ou si le contrevenant a agi de façon flagrante en sachant bien que ces actions étaient illégales), et, le cas échéant, le fait que le contrevenant ait enfreint de façon répétitive des ordonnances de la Cour;

iv. Les facteurs atténuants peuvent comprendre des tentatives de bonne foi de se conformer à l’ordonnance (même après le manquement à l’ordonnance), des excuses ou l’acceptation de la responsabilité, ou le fait que le manquement constitue une première infraction.

[8]               Si j’applique ces principes à l’affaire dont je suis saisi, je remarque tout d’abord que l’infraction constitue une première infraction d’outrage pour le défendeur. Ce dernier a interjeté appel de l’ordonnance de production; il croyait alors qu’il n’était pas nécessaire de s’y conformer. Le défendeur a affirmé que le demandeur n’avait pas le pouvoir de lui ordonner de produire des documents ou des renseignements et que, par conséquent, il n’a pas produit les documents. Il avait tort, mais je ne crois pas que la gravité subjective de l’infraction soit très élevée. Néanmoins, le demandeur a indiqué que la peine devrait être plus sévère parce que le défendeur a inutilement retardé le déroulement de l’affaire en interjetant un appel auquel il n’a pas donné suite. Cependant, je ne considère pas cela comme un facteur négatif puisque le défendeur avait le droit d’interjeter appel.

[9]               Compte tenu de tous ces éléments de preuve, je ne suis pas prêt à imposer une peine d’emprisonnement sans délai. J’imposerais plutôt au défendeur une amende de 1 250 $ et, s’il ne paie pas l’amende dans les quatre-vingt-dix jours suivant la réception de la présente ordonnance, une peine de cinq jours d’emprisonnement.

[10]           Le défendeur doit payer au demandeur des dépens de 1 100 $ sur la base avocat-client. Si le défendeur ne paie pas les dépens dans les quatre-vingt-dix jours suivant la réception de la présente ordonnance, il devra purger une peine de cinq jours d’emprisonnement, laquelle sera consécutive à la peine de cinq jours dont il est question au paragraphe 9 ci-dessus.

[11]           Le défendeur peut présenter une requête en prorogation du délai pour le paiement de l’amende et des dépens à l’un ou l’autre des juges de notre Cour.

[12]           De même, j’ordonnerai encore au défendeur de fournir à l’ARC les renseignements et documents demandés dans l’ordonnance rendue par le juge Martineau le 13 août 2012. S’il n’obtempère pas dans les 60 jours suivant la date de réception de la présente ordonnance, il devra purger une peine de cinq jours d’emprisonnement, laquelle sera consécutive à toute autre peine infligée par la présente ordonnance.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :  

  1. Dans les quatre-vingt-dix (90) jours suivant la date à laquelle il reçoit la présente ordonnance, M. Ryder doit payer une amende de 1 250 $.
  2. Dans les quatre-vingt-dix (90) jours suivant la date à laquelle il reçoit la présente ordonnance, M. Ryder doit payer des dépens de 1 100 $.
  3. Monsieur Ryder peut présenter une requête en prorogation du délai pour le paiement de l’amende et des dépens à l’un ou l’autre des juges de notre Cour.
  4. Dans les soixante (60) jours suivant la date à laquelle il reçoit la présente ordonnance, M. Ryder doit fournir au ministre, par l’entremise de son avocat, ou à l’Agence du revenu Canada, les renseignements et documents suivants exigés par le ministre en vertu du paragraphe 289(1) de la Loi sur la taxe d’accise, LRC 1985, c E-15 :

a)      une preuve documentaire en ce qui concerne la propriété de la cantine mobile qui est exploitée par vous, ou en votre nom, notamment des copies de factures, de chèques annulés ou de contrats de vente;

b)      si la cantine mobile ne vous appartient pas, la copie originale du contrat de location conclu entre vous et le propriétaire. S’il n’y a pas de bail, une déclaration écrite indiquant les modalités selon lesquelles vous pouviez utiliser ce bien et l’identité du propriétaire;

c)      une déclaration écrite indiquant le montant des revenus générés par l’exploitation de la cantine mobile pour la période entre le 1er janvier 2011 et le 24 janvier 2012;

d)     si vous affirmez ne pas avoir tiré un revenu de l’exploitation, de la propriété ou de la location de la cantine mobile, une déclaration écrite indiquant toutes vos autres sources de revenus, y compris les employeurs, les entrepreneurs ou les bienfaiteurs, pour la période entre le 1er janvier 2011 et le 24 janvier 2012.

  1.  

a)      Si le ministre avise la Cour par voie d’affidavit que M. Ryder n’a pas payé l’amende en temps opportun, une peine d’emprisonnement de cinq (5) jours sera alors imposée à M. Ryder, laquelle devra être purgée consécutivement à toute autre peine imposée par la présente ordonnance.

b)      Si le ministre avise la Cour par voie d’affidavit que M. Ryder n’a pas payé les dépens en temps opportun, une peine d’emprisonnement de cinq jours sera alors imposée à M. Ryder, laquelle devra être purgée consécutivement à toute autre peine imposée par la présente ordonnance.

  1. Si le ministre avise la Cour par voie d’affidavit que M. Ryder n’a pas fourni au ministre en temps opportun les renseignements et documents exigés au paragraphe 5, une peine d’emprisonnement de cinq (5) jours sera alors imposée à M. Ryder, laquelle devra être purgée consécutivement à toute autre peine imposée par la présente ordonnance.

« John A. O’Keefe »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

T-1403-12

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c

BRUCE CLINTON JOSEPH RYDER

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 AVRIL 2014

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 29 MAI 2014

 

COMPARUTIONS :

Darren McLeod

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Pour son propre compte

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Bruce Clinton Joseph Ryder

Pour son propre compte

Nanaimo (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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