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Date : 20140527

Dossier : IMM-634-13

Référence : 2014 CF 509

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 27 mai 2014

En présence de madame la juge Mactavish

Dossier : IMM-634-13

ENTRE :

PREMACHANDRAN KANDIAH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Premachandran Kandiah sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent des visas a refusé sa demande de résidence permanente. M. Kandiah soutient qu’il a été privé de son droit à l’équité procédurale dans le traitement de sa demande parce qu’il n’a pas eu pleinement l’occasion de dissiper les doutes de l’agent des visas concernant la question de l’interdiction de territoire et sa volonté constante d’immigrer au Canada. À l’audience, M. Kandiah a aussi soulevé des préoccupations quant au caractère raisonnable de la décision de l’agent des visas.

[2]               Bien que les retards dans le traitement de la demande de M. Kandiah soient regrettables, je ne suis pas convaincue que ce dernier a été traité de façon inéquitable par l’agent des visas ou que la décision était déraisonnable. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Faits

[3]               M. Kandiah est membre de l’Alliance nationale tamoule et du Parlement du Sri Lanka. Sa femme et ses enfants ont été admis au Canada comme réfugiés en 2004. La femme de M. Kandiah a ensuite présenté une demande en vue de le parrainer en tant que membre de la catégorie des réfugiés outre-frontières. La demande a été déposée en janvier 2004.

[4]               La demande de M. Kandiah a fait l’objet de quelques communications internes au sein du gouvernement du Canada au fil du temps, mais peu d’actions concrètes semblent avoir été posées en vue de faire progresser le dossier. En fait, l’affirmation de M. Kandiah selon laquelle sa demande a simplement [traduction] « traîné » pendant un certain nombre d’années semble être exacte.

[5]               M. Kandiah a tenté un certain nombre de fois de savoir ce qu’il advenait de sa demande. Il a communiqué avec le bureau des visas à Colombo à trois reprises environ. Il affirme que chaque fois qu’il téléphonait, on lui répondait que sa demande était en cours de traitement et qu’il devait simplement attendre. À différents moments, l’avocat canadien représentant M. Kandiah et un député canadien ont cherché à connaître l’état de la demande. Une demande d’accès à l’information a été présentée en août 2012 au sujet de la demande de M. Kandiah.

[6]               M. Kandiah a également présenté deux demandes de permis de séjour temporaire pour pouvoir visiter sa famille au Canada, la première en 2005 et la seconde en 2011. D’après M. Kandiah, le rejet des deux demandes était fondé, en partie du moins, sur la conviction qu’il ne quitterait pas le Canada à la fin de son séjour.

[7]               Finalement, en 2012, la demande de résidence permanente de M. Kandiah a été examinée par un agent des visas. Ce dernier a remarqué que l’information figurant au dossier n’était [traduction] « plus du tout à jour ». L’agent a aussi demandé à M. Kandiah s’il souhaitait toujours émigrer au Canada, étant donné que, selon le dossier, il n’y avait eu aucune communication récente avec M. Kandiah concernant l’état de sa demande.

[8]               Selon les notes de l’agent des visas versées au STIDI, la dernière communication avec l’expert-conseil agissant pour le compte de M. Kandiah avait eu lieu en 2007, et la seule communication plus récente avec M. Kandiah s’était déroulée en 2009 et avait pour but la mise à jour de ses coordonnées. Compte tenu de l’historique du dossier, et du [traduction] « sérieux manque d’intérêt » de M. Kandiah, l’agent a jugé nécessaire de déterminer si M. Kandiah souhaitait toujours donner suite à sa demande.

[9]               Par conséquent, une lettre relative à l’équité procédurale a été envoyée à M. Kandiah le 26 septembre 2012. Dans cette lettre, l’agent des visas mentionnait avoir deux préoccupations à l’égard de sa demande : la première avait trait à l’interdiction de territoire et la seconde était la question de savoir si M. Kandiah souhaitait toujours émigrer au Canada sur une base permanente.

[10]           Dans sa lettre, l’agent des visas précisait que si M. Kandiah voulait poursuivre ses démarches, des mesures seraient prises en ce qui concerne la question de l’interdiction de territoire. L’agent y mentionnait aussi que si M. Kandiah ne souhaitait plus immigrer au Canada, sa demande pouvait être retirée sans que soit formulée une conclusion d’interdiction de territoire. À la fin de sa lettre, l’agent indiquait que M. Kandiah disposait d’un délai de 30 jours pour répondre.

[11]           Comme l’agent n’avait reçu aucune réponse de M. Kandiah à la fin de la période de 30 jours mentionnée dans la lettre relative à l’équité, il lui a écrit le 5 novembre 2012 pour l’informer que sa demande de résidence permanente était refusée en vertu des paragraphes 16(1) et 11(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, au motif qu’il n’avait pas convaincu l’agent qu’il n’était pas interdit de territoire au Canada. C’est cette décision qui est à l’origine de la présente demande de contrôle judiciaire.

[12]           Après que M. Kandiah ait reçu la décision, son avocat canadien a écrit à l’agent des visas pour demander à ce que la décision soit réexaminée. Cette lettre, qui portait la mention « urgent », était datée du 12 novembre 2012, mais n’a été envoyée au bureau des visas que le 22 novembre 2012.

[13]           La demande de réexamen avait pour fondement l’allégation de l’avocat selon laquelle une lettre avait en fait été envoyée au bureau des visas au nom de M. Kandiah le 26 octobre 2012 pour demander une extension de 30 jours au délai accordé pour répondre aux préoccupations de l’agent des visas. Dans la lettre du 12 novembre 2012, l’avocat mentionnait que les personnes présentant une demande de résidence permanente sont en droit d’avoir une occasion valable de répondre aux préoccupations de l’agent des visas, et il sollicitait la prolongation, jusqu’à la fin du mois de novembre, du délai accordé à M. Kandiah pour fournir l’information demandée.

[14]           La demande de réexamen a par la suite été refusée, et je ne suis pas actuellement saisie de cette décision.

 

Analyse

[15]           Comme il est indiqué au début des présents motifs, M. Kandiah a exprimé des préoccupations par rapport au caractère raisonnable de la décision de l’agent des visas et au caractère équitable du processus suivi pour arriver à cette décision.

[16]           Lorsqu’elle examine une décision en fonction de la norme du caractère raisonnable, la Cour doit tenir compte de la justification de la décision, de la transparence et de l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi que de l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59, [2009] 1 RCS 339.

[17]           Dès lors que les questions soulevées par M. Kandiah concernent le caractère équitable du processus suivi dans cette affaire, il incombe à la Cour de décider si le processus suivi par l'auteur de la décision satisfaisait aux critères d'équité que dictaient les circonstances : voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43.

[18]           M. Kandiah affirme que la conclusion de l’agent des visas selon laquelle il n’a pas démontré un intérêt soutenu à l’égard de l’immigration au Canada était déraisonnable, étant donné les demandes répétées qu’il a faites, ou que d’autres ont faites en son nom, en vue de savoir ce qu’il advenait de sa demande.

[19]           M. Kandiah soutient par ailleurs qu’il était abusif de la part des autorités canadiennes de l’immigration de refuser ses demandes de permis de séjour temporaire au motif qu’il ne quitterait pas le Canada à la fin de son séjour, puis de refuser sa demande de résidence permanente parce qu’il n’avait pas démontré un intérêt soutenu à l’égard de l’immigration au Canada.

[20]           La difficulté que posent ces observations est que même si les doutes quant à la volonté constante de M. Kandiah de donner suite à sa demande de résidence permanente a sans contredit été un des éléments qui a motivé l’envoi de la lettre relative à l’équité procédurale, cela ne semble pas avoir été un facteur dans la décision finale de refuser la demande de résidence permanente de M. Kandiah.

[21]           En effet, la partie pertinente de la lettre du 5 novembre 2012 par laquelle l’agent a rendu sa décision se lit comme suit :

[traduction]

Vos documents ne sont plus du tout à jour. Je n’ai pas reçu l’information qui me permettrait, au terme de l’étape concernant l’équité procédurale, de tirer une conclusion favorable au regard des questions de recevabilité et d’interdiction de territoire. Je ne connais donc pas suffisamment bien vos antécédents. Par conséquent, conformément à l’article 11, je ne suis pas convaincu que vous n’êtes pas interdit de territoire et que vous vous conformez à la Loi.

[22]           M. Kandiah prétend aussi qu’il a été traité de façon inéquitable par l’agent des visas puisqu’il a répondu dans les délais à la lettre d’équité procédurale du 26 septembre 2012.

[23]           Le défendeur n’a jamais reçu la lettre du 26 octobre 2012 de l’avocat de M. Kandiah, et il incombe à M. Kandiah de prouver que la lettre a réellement été envoyée. Toutefois, la preuve présentée pour le compte de M. Kandiah à cet égard soulève plus de questions qu’elle ne donne de réponses.

[24]           M. Kandiah a fourni un affidavit provenant d’un assistant juridique du cabinet de son avocat. Selon ce document, la lettre du 26 octobre 2012 a été envoyée au bureau des visas à Colombo. L’affidavit ne précise toutefois pas quand la lettre a été envoyée. Il s’agit là d’une question vraiment préoccupante puisque la lettre rédigée par l’avocat le 12 novembre 2012 n’a de toute évidence été envoyée au bureau des visas qu’environ 10 jours plus tard, malgré la mention « urgent » qu’elle portait, et qu’aucune raison n’a été donnée pour expliquer ce retard important.

[25]           Ce qui est encore plus troublant cependant, c’est que même si divers documents étaient annexés à l’affidavit de l’assistant, aucune copie de la lettre du 26 octobre 2012 n’a été fournie. L’assistant a toutefois joint à l’affidavit une copie de la lettre de l’avocat du 12 novembre 2012 et une copie de la page de confirmation de télécopie indiquant que la lettre a bien été envoyée au bureau des visas.

 

[26]           Bien que l’avocat a laissé entendre que le personnel de son cabinet n’avait pas été en mesure de retrouver la page de confirmation de télécopie de la lettre du 26 octobre 2012, aucune explication satisfaisante n’a été donnée pour justifier le fait que la copie de la lettre versée au dossier – lettre qui revêt une importance si cruciale dans cette affaire – n’a pas été fournie.

[27]           Dans ces circonstances, je ne suis pas convaincue que M. Kandiah a été privé de son droit à l’équité procédurale en l’espèce.

[28]            Enfin, l’avocat m’exhorte à tenir compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce pour décider si M. Kandiah a été traité de façon équitable par les autorités canadiennes de l’immigration. M. Kandiah conteste en particulier le fait que huit années et demie se soient écoulées avant qu’une décision ne soit rendue à l’égard de sa demande de résidence permanente.

[29]           Comme il a été mentionné précédemment, les retards dans le traitement de la demande de résidence permanente de M. Kandiah sont regrettables, et le dossier ne permet pas de les expliquer facilement. Cela dit, il ne s’agit pas d’une demande de mandamus. La question n’est pas de savoir si la décision a été rendue dans un délai raisonnable, mais plutôt si de savoir s’il y a eu un manquement à l’équité procédurale.

[30]           Pour les motifs qui précèdent, M. Kandiah ne m’a pas convaincue qu’il a été privé de son droit à l’équité dans le cadre du traitement de sa demande de résidence permanente. Par conséquent, sa demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je conviens avec les parties que l’affaire ne soulève aucune question à certifier.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Anne L. Mactavish »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Stéphanie Champagne

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-634-13


INTITULÉ :

PREMACHANDRAN KANDIAH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 MAI 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 MAI 2014

 

COMPARUTIONS :

Robert I. Blanshay

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Daniel Engel

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

robert israel blanshay

CABINET D’AVOCATS SPÉCIALISÉS EN IMMIGRATION AU CANADA

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

WILLIAM F. PENTY,

SOUS‑PROCUREUR GÉNÉRAL DU Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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