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En-tête de la Cour fédérale et ses armoiries

Date : 20140512


Dossier :

T-1363-13

 

Référence : 2014 CF 452

Montréal (Québec), le 12 mai 2014

En présence de Me Richard Morneau, protonotaire

ENTRE :

COLASCANADA INC.

Applicant

and

MINISTER OF NATIONAL REVENUE (AS REPRESENTED BY THE CANADA REVENUE AGENCY)

Respondent

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               Il s’agit en l’espèce d’une requête du ministre du Revenu national (le Ministre) afin, essentiellement, d’obtenir de cette Cour une ordonnance radiant l’avis de demande de contrôle judiciaire déposé par la demanderesse (ColasCanada) le 12 août 2013 (l’Avis de demande ou la Demande).

 

[2]               Dans son avis de requête daté du 13 septembre 2013, le Ministre, s’inspirant d’expressions que l’on retrouve à la règle 221 des Règles des Cours fédérales (les règles) et à l’arrêt David Bull Laboratories (Canada) Inc. v Pharmacia Inc. (C.A.), [1995] 1 CF 588 à la page 600 (l’affaire Pharmacia), soulève que la Demande « n’a aucune chance d’être accueillie » (Pharmacia, page 600) et qu’elle constitue également « un abus de procédure » (alinéa 221(1)f) des règles).

 

[3]               Par après, le 24 octobre 2013, la Cour d’appel fédérale a rendu une décision de principe dans l’arrêt Minister of National Revenue v JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 FCA 250 (l’arrêt JP Morgan).

 

[4]               C’est sur les enseignements contenus à cet arrêt, qui incorpore le test de l’arrêt Pharmacia en page 600 pour ce qui est de la radiation en matière de contrôle judiciaire, que le Ministre dans ses représentations écrites datées du 7 février 2014 centre davantage son attaque (c’est là une approche plus appropriée puisque la règle 221 s’applique uniquement à l’égard de la radiation d’une action et non d’une demande de contrôle judiciaire).

 

[5]               Contrairement aux vues de ColasCanada, il ne m’apparaît pas que le Ministre ait tort de se référer grandement aux enseignements contenus à l’arrêt JP Morgan, et ce, même si ici la Demande porte sur une dynamique qui prend place avant l’émission de cotisations contrairement au cas dans JP Morgan.

 

[6]               En effet, dans JP Morgan il y a lieu de considérer que la Cour d’appel fédérale saisit l’occasion, au-delà des faits en l’espèce, de faire le point sur les circonstances qui justifient que la présente Cour fasse droit à une requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire dont une lecture holistique et pratique démontre que la nature essentielle d’une telle demande porte sur un sujet qui relève de la juridiction exclusive de la Cour canadienne de l’impôt (la CCI).

 

[7]               Si la Cour procède ainsi dans JP Morgan, c’est qu’elle cherche à recentrer, voire à contenir des demandes de contrôle judiciaires qui échoient à tort devant notre Cour dans le domaine fiscal. À cet égard, au paragraphe 29 de sa décision, la Cour d’appel fédérale pose la question suivante :

[29]      Time and time again, this Court strikes out taxpayers’ applications for judicial review. What explains the flow of unmeritorious applications for judicial review in the area of tax?

 

[8]               Le juge Stratas pose cette question en tout début d’analyse. Pour chercher à y répondre et afin de cadrer le reste de son analyse qui se veut un enseignement général (voir le paragraphe 37 de cet arrêt), il dénonce d’entrée de jeu une mauvaise interprétation et utilisation que divers intéressés ont fait des propos de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada v Addison & Leyen Ltd., [2007] 2 RCS 793 (l’arrêt Addison & Leyen) où au paragraphe 8 de cet arrêt la Cour suprême du Canada indique que dans certaines circonstances le contrôle judiciaire est possible dans le domaine fiscal. À cet égard, voici comment la Cour d’appel fédérale s’exprime au paragraphe 31 dans JP Morgan :

[31]      In legal submissions, commentaries and conferences, some tax counsel have viewed the Supreme Court’s words in Addison & Leyen in isolation, divorced from administrative law principles. To them, the Supreme Court’s words welcome taxpayers, albeit cautiously, to seek refuge in the Federal Court from the Minister’s harsh or unfair treatment. Taxpayers also see cases that, on occasion, provide redress for “unfairness,” “unreasonableness” and “abuses of discretion” – colloquially understood, more words of welcome. On this optimistic basis, some launch applications for judicial review. However, such a hopeful interpretation of Addison & Leyen is based on a lack of awareness or misunderstanding of administrative law principles.

 

[Je souligne.]

 

[9]               Au paragraphe suivant de JP Morgan, s’en s’étonner aucunement d’un taux d’échec élevé de demandes de contrôles judiciaires dans le domaine fiscal, la Cour d’appel fédérale réfère de plus et comme suit à des propos sévères tenus en doctrine; propos qui touchent la trame factuelle à la base de la Demande :

[32]      Almost always, applications for judicial review of administrative actions by the Minister in connection with assessments fail, especially in this Court. The failure rate now has led some to conclude that the judiciary “is simply not fulfilling” the responsibility of “controlling, through administrative law procedures, the [Minister’s] exercise of government powers and… protecting common citizens from abuses” in the exercise of tax audit and assessment powers: Guy Du Pont and Michael H. Lubetsky, “The Power to Audit is the Power to Destroy: Judicial Supervision of the Exercise of Audit Powers” (2013), 61 Can. Tax J. 103 at page 120.

 

[10]           Par après, et afin de bien marquer le pas, la Cour revient à la charge par les propos suivants aux paragraphes 49 et 50 de sa décision; propos qui s’inspirent, entre autres, d’un autre arrêt de principe de la même Cour, soit l’arrêt Canada v Roitman, 2006 FCA 266 (l’arrêt Roitman) :

[49]      Armed with sophisticated wordsmithing tools and cunning minds, skilful pleaders can make Tax Court matters sound like administrative law matters when they are nothing of the sort. When those pleaders illegitimately succeed, they frustrate Parliament’s intention to have the Tax Court exclusively decide Tax Court matters. Therefore, in considering a motion to strike, the Court must read the notice of application with a view to understanding the real essence of the application.

 

[50]      The Court must gain a realistic appreciation” of the application’s “essential character” by reading it holistically and practically without fastening onto matters of form: Canada v. Domtar Inc., 2009 FCA 218 at paragraph 28; Canada v. Roitman, 2006 FCA 266 at paragraph 16; Canada (Attorney General) v. TeleZone Inc., 2010 SCC 62, [2010] 3 S.C.R. 585 at paragraph 78.

 

[11]           Bien que la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt JP Morgan reconnaisse aux paragraphes 83 et 89 des situations qui équivaudraient à une conduite fautive du Ministre dans le cadre du processus de cotisation et qui feraient que de telles situations échapperaient à la juridiction exclusive de la CCI, la Cour d’appel fédérale néanmoins auparavant au paragraphe 66 de sa décision édicte trois situations où notre Cour se doit de radier une demande de contrôle judiciaire (les Situations méritant radiation). Ce paragraphe et l’intertitre le précédant se lisent comme suit :

E.        General principles governing when notices of application for judicial review in tax matters should be struck

 

[66]     Administrative law authorities from this Court and the Supreme Court of Canada – including the Supreme Court’s decision in Addison & Leyen, supra – show that any of the following qualifies as an obvious, fatal flaw warranting the striking out of a notice of application:

 

(1)        the notice of application fails to state a cognizable administrative law claim which can be brought in the Federal Court;

 

(2)        the Federal Court is not able to deal with the administrative law claim by virtue of section 18.5 of the Federal Courts Act or some other legal principle; or

 

(3)        the Federal Court cannot grant the relief sought.

 

[…]

 

Le contexte factuel sous-jacent

[12]           Essentiellement, la Demande fut logée le 12 août 2013 après que le Ministre dans le cadre d’une vérification (« audit ») de ColasCanada ait fait parvenir à cette dernière, sous le pli d’une lettre datée du 12 juillet 2013, des ébauches de cotisations. La Cour du reste considère que les paragraphes 3 à 6 et les notes en bas de page y correspondant des représentations écrites du Ministre datées du 7 février 2014 (les représentations écrites du Ministre) reflètent adéquatement la dynamique factuelle à retenir pour fins d’analyse ultérieure :

3.         For the purposes of this motion only, the facts alleged in ColasCanada’s notice of application are presumed to be true. Insofar as they are relevant, the facts are as follows:

 

a)         ColasCanada Inc. is a Canadian resident corporation incorporated under the Canada Business Corporations Act, which acts as a holding corporation.

 

b)                 ColasCanada holds the shares of all the Canadian operating corporations of the Colas group, headed by Colas S.A., a French public corporation.

 

c)                 The business of the Canadian operating corporations is road construction and the sale of related products.

 

d)                Colas S.A. provides technical assistance to its subsidiaries in connection with, inter alia, intellectual property, scientific research and development, legal, insurance, financial, audit, information technology, human resources, continuing education, equipment, communications, purchasing and environmental issues.

 

e)                 ColasCanada pays a fee to Colas S.A., purportedly in respect of those services.

 

f)                  In 2010, the Minister of National Revenue commenced an audit of ColasCanada’s 2004 to 2007 taxation years.

 

g)                 On July 12, 2013, in the course of a meeting held with representatives of ColasCanada, the Minister provided ColasCanada with draft assessments in respect of its 2005 to 2007 taxation years.1

 

h)                 In the draft assessments, the Minister proposed to disallow deductions claimed in respect of the technical assistance fees, assess Part XIII tax on payments made to Colas S.A. and apply transfer pricing penalties pursuant to subsection 247(3) of the Income tax Act.2

 

4.         In its notice of application, ColasCanada seeks judicial review in respect of the “Decision” of the Minister to proceed with the issuance of certain notices of reassessments (…)”3, which “Decision” was communicated to ColasCanada “through the issuance of updated Draft Assesments dated July 12, 2013 (…)”.4

 

5.         ColasCanada raises issues which relate to the “abusive exercise by the CRA of its assessing powers”5 and notions of procedural fairness, arguing mainly that the abundant documentation provided by ColasCanada in support of its position did not receive proper consideration by the Minister6 and that the Minister “proposed various arbitrary grounds of reassessment of the Applicant and its affiliates”.7

 

6.         ColasCanada also raises issues of financial hardship in relation to the immediate payment of 50% of any amounts assessed by the Minister, pursuant to subsection 225.1(7) and (8) of the Act, if the notices of assessments are issued in conformity of the draft assessments.8

 

 

1      The draft assessments for the taxation years ending December 31, 2005, 2006 and 2007 are found at Exhibit 1 to the Affidavit of Wei-Min Hum dated September 13, 2013, p. 7 of Respondent’s motion record.

2      RSC 1985 c 1 (5th supp.).

3      Notice of application at par. 1.

4      Notice of application at par. 1 and 3(aa).

5       Notice of application at par. 3(a) and par. 3(dd).

6      Notice of application at par. 3(a), 3(b), 3(v), 3(y), 3(bb), 3(pp) to 3(mm).

7      Notice of application at par. 3(a) and 3(b).

8      Notice of application at par. 3(c) and 3(nn).

 

[13]           Les paragraphes mêmes de l’Avis de demande qui soutiennent essentiellement la trame factuelle ci-haut et que la Cour a particulièrement à l’esprit se lisent comme suit :

1.         This is an Application for judicial review and an appropriate Order or Orders in respect of the decision of the Minister of National Revenue (the « Minister ») and the Canada Revenue Agency (collectively with the Minister, the « CRA »), to proceed with the issuance of certain notices of reassessment, which decision was communicated to the Applicant during a meeting held on July 12, 2013 (the « Decision”), drafts of which were provided to the Applicant in a letter dated July 12, 2013. The draft assessments were proposed to be issued under the Income Tax Act (Canada) (the “ITA”) to ColasCanada Inc. (“ColasCanada”) in respect of its 2005 to 2007 taxation years (the “Draft Assessments”).

 

[…]

 

3.                 The grounds for the Application are:

 

Introduction

 

(a)                This Notice of Application relates to the abusive exercise by the CRA of its assessing powers in connection with an audit of ColasCanada, in the course of which (i) relevant information provided to the CRA by the Applicant in support of its position has been deliberately ignored by the CRA and (ii) the CRA has proposed various arbitrary grounds of reassessment of the Applicant and its affiliates;

 

(b)               As will be demonstrated in the next paragraphs, (i) it would have been impossible to reach the Decision in good faith had the information provided to the CRA as part of the audit been properly and impartially reviewed and taken into account in the decisional process and (ii) the CRA’s approach to the audit of ColasCanada has been to seek to maximize the amount of the reassessment even in the absence of legal grounds;

 

[…]

 

The CRA’s Decision to Reissue Identical Draft Assessments

 

(aa)      on July 12, 2013, in the course of a meeting with representatives of the Applicant scheduled at the request of the CRA, the CRA communicated the Decision (and its intention to proceed with the issuance of assessments in accordance with the Decision) through the issuance of updated Draft Assessments dated July 12, 2013 to ColasCanada, maintaining its position that (i) no deduction is available to ColasCanada in respect of the Technical Assistance Fees (per the CRA’s previously asserted stance), and (ii) ColasCanada should be assessed Part XIII tax on payments made to Colas S.A., and further determining that (iii) ColasCanada should be liable for transfer pricing penalties pursuant to subsection 247(3) of the ITA, irrespective of the fact that ColasCanada provided the CRA with the required contemporaneous documentation within the prescribed period.

 

[14]           Face à ce contexte, ColasCanada recherche principalement à son Avis de demande les remèdes suivants:

2.         The Applicant makes application for:

 

(a)       an Order that the Decision, together with any subsequent and consequent actions taken in furtherance of the Decision, constitute an invalid and unlawful abuse and exercise of a statutory power under subsection 152(4) (unless otherwise indicated, all statutory references are to the ITA), which was exercised for an improper purpose, such that the Applicant is entitled to an order setting aside the Draft Assessments and protecting it from the Decision materializing into actual assessments;

 

(b)       an Order in the nature of Prohibition that no action or proceeding be taken to collect any taxes and interest which might be assessed in consequence of proceeding as contemplated in the Decision regarding the Draft Assessments;

 

(c)                in the alternative, an Order in the nature of Certiorari quashing the Decision;

 

[…]

 

Analyse

[15]           Après considération, et pour les motifs qui suivent, j’en suis venu à la conclusion que l’Avis de demande de par sa nature essentielle tombe clairement dans les trois Situations méritant radiation, et ce, si l’on approche l’Avis de demande d’une façon holistique et pratique.

 

[16]           L’Avis de demande, de par son paragraphe 1 tout spécialement, de façon habile et à la manière de ce qui est dénoncé en début du paragraphe 49 de l’arrêt JP Morgan, parle d’une décision du Ministre du 12 juillet 2013 et non pas carrément d’avis de cotisation.

 

[17]           Toutefois, le cœur de cette décision est de communiquer à ColasCanada des ébauches de cotisations.

 

[18]           Il est indéniable que l’effet combiné du paragraphe 1 et du paragraphe 2(a) de l’Avis de demande est en réalité et en pratique de s’attaquer immédiatement audites ébauches de cotisations pour en demander leur mise de côté (« set aside ») afin qu’elles n’évoluent pas en cotisations en bonne et due forme.

 

[19]           Tel que le souligne correctement le Ministre aux paragraphes 2 et 13 de ses représentations écrites en se référant, entre autres, aux paragraphes 2a) à c) de l’Avis de demande où les remèdes de ColasCanada sont identifiés :

2.         (…) The result ColasCanada wishes to achieve in the application at bar – an order setting aside the draft assessments and protecting it from the decision materializing into actual assessments – assumes that the proposed reassessments would be incorrect, a matter which is at the heart of the Tax Court’s jurisdiction. Finally, the relief being sought, which in effect is to preclude the Minister from issuing assessments, is a remedy the Federal Court cannot grant. (…)

 

13.       (…) ColasCanada frames its notice of application as judicial review of the “decision (…) to proceed with the issuance of certain notices of reassessment”18 while its “essential character”19 is a pre-emptive attack on the eventual reassessments themselves. The real nature of ColasCanada’s claim is revealed by the relief that it is seeking which relates directly to the eventual assessments themselves. (…)

 

[Citations en bas de page omises.]

 

[20]           On peut ajouter de plus ici que les remèdes recherchés par ColasCanada, même s’ils ne s’adressent pas dans le temps à des avis de cotisations formels et déjà émis, tel que c’est souvent le cas dans d’autres situations, équivalent néanmoins à un scénario dénoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Addison & Leyen, paragraphe 11.

 

[21]           À ce paragraphe 11, qui est cité dans l’arrêt JP Morgan aux paragraphes 81 et 85, la Cour suprême s’insurge comme suit contre la mise en place d’un système de litige incident qui mettrait en péril la compétence exclusive de la CCI :

The integrity and efficacy of the system of tax assessments and appeals should be preserved. Parliament has set up a complex structure to deal with a multitude of tax-related claims and this structure relies on an independent and specialized court, the Tax Court of Canada. Judicial review should not be used to develop a new form of incidental litigation designed to circumvent the system of tax appeals established by Parliament and the jurisdiction of the Tax Court. Judicial review should remain a remedy of last resort in this context.

 

[22]           Ceci demeure pertinent même si, tel que noté précédemment, ColasCanada s’attaque à des ébauches de cotisations et non à des cotisations formellement émises. En ce sens bien sûr en théorie, le régime d’opposition et d’appel sous la Loi n’est pas encore ouvert ou disponible et l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, telle que modifiée, ne peut donc en théorie être soulevé pour empêcher l’Avis de demande.

 

[23]           Cependant, et tel que le pose l’arrêt JP Morgan au paragraphe 83 in fine, est-ce que cela signifie qu’un contribuable peut procéder en Cour fédérale?

 

[24]           Suivant les enseignements de JP Morgan, la réponse ici à cette question est non puisque plus tard, si et lorsque les ébauches de cotisations se matérialiseront en cotisations en tant que tel, le régime d’opposition et d’appel à la CCI entreront en place. Ici, le texte des paragraphes 84 et 86 de JP Morgan trouve tout son sens :

[84]      (…) A judicial review brought in the face of adequate, effective recourse elsewhere or at another time cannot be entertained

 

[86]      Administrative law cases and textbooks express this principle in many different ways: adequate alternative forum, the doctrine of exhaustion, the doctrine against fragmentation or bifurcation of proceedings, the rule against interlocutory judicial reviews and the rule against premature judicial reviews. They all address the same idea: someone has rushed off to a judicial review court when adequate, effective recourse exists elsewhere or at another time.

 

[Je souligne.]

 

[Voir aussi le paragraphe [91], premier item, du même arrêt.]

 

[25]           Par ailleurs, ColasCanada dans son dossier de réponse à la requête à l’étude et lors de ses représentations orales a cherché à souligner plus particulièrement l’abus reproché au Ministre; soit le fait que le vérificateur en charge du dossier aurait délibérément et de mauvaise foi ignoré une foule d’informations pertinentes fournies audit vérificateur et à son équipe par ColasCanada dans les mois et années passés.

 

[26]           Or, tel que précisé au paragraphe 74 de l’arrêt JP Morgan, le fait de prendre en compte des considérations non pertinentes ou d’ignorer des considérations pertinentes ne sont pas des éléments qui donnent ouverture en cette Cour à révision judiciaire :

[74]      At one time, the taking into account of irrelevant considerations and the failure to take into account relevant considerations were nominate grounds of review – if they happened, an abuse of discretion automatically was present. However, over time, calls arose for decision-makers to be given some leeway to determine whether or not a consideration is relevant: see, e.g., Baker, supra at paragraph 55; Dr. Q. v. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 SCC 19, [2003] 1 S.C.R. 226 at paragraph 24. Today, the evolution is complete: courts must defer to decision-makers’ interpretations of statutes they commonly use, including a decision-maker’s assessment of what is relevant or irrelevant under those statutes: Dunsmuir, supra at paragraph 54; Alberta Teachers’ Association, supra at paragraph 34. Accordingly, the current view is that these are not nominate categories of review, but rather matters falling for consideration under Dunsmuir reasonableness review: see Antrim Truck Centre Ltd. v. Ontario (Transportation), 2013 SCC 13 at paragraphs 53‑54.

 

[27]           De plus, et dans le même ordre d’idées, la Cour d’appel fédérale écarte comme suit au paragraphe 82, en page 36 dans JP Morgan, la possibilité de se pourvoir en contrôle judiciaire en Cour fédérale lorsque l’on reproche au Ministre d’avoir ignoré ou d’avoir fait abstraction d’un élément de preuve :

[82]      In each of the following situations, an appeal to the Tax Court is available, adequate and effective in giving the taxpayer the relief sought, and so judicial review to the Federal Court is not available:

 

[…]

 

                    Inadequate procedures followed by the Minister in making the assessment. Procedural defects committed by the Minister in making the assessment are not, themselves, grounds for setting aside the assessment: Main Rehabilitation Co v Canada, 2004 FCA 403 at paragraph 7; Webster, supra at paragraph 20; Queen v. The Consumers’ Gas Company Ltd., [1987] 2 F.C. 60 at page 67 (C.A.). To the extent the Minister ignored, disregarded, suppressed or misapprehended evidence, an appeal under the General Procedure in the Tax Court is an adequate, curative remedy. In the Tax Court appeal, the parties will have the opportunity to discover and present documentary and oral evidence, and make submissions. Procedural rights available later can cure earlier procedural defects: Posluns v. Toronto Stock Exchange, [1968] S.C.R. 330; King v. University of Saskatchewan, [1969] S.C.R. 678 at page 689; Taiga Works Wilderness Equipment Ltd. v. British Columbia (Director of Employment Standards), 2010 BCCA 97 at paragraph 28; Histed v. Law Society of Manitoba, 2006 MBCA 89, 274 D.L.R. (4th) 326; McNamara v. Ontario (Racing Commission) (1998), 164 D.L.R. (4th) 99, 111 O.A.C. 375 (C.A.).

 

[Je souligne.]

 

[28]           Toujours sur le même aspect, je pense que les paragraphes 74 et 82 ci-avant cités de JP Morgan doivent nous amener à écarter les mécanismes de protection que ColasCanada dit au fond et en réalité (et donc au-delà du libellé du paragraphe 3 de la Demande) rechercher de par ladite Demande; soit que par mandamus la Cour ordonne, somme toute, à la section de vérification sous le Ministre de faire ses devoirs selon l’appréciation et la conception de ColasCanada. Au paragraphe 42 (voir également les paragraphes 57 et 58 des mêmes représentations) ColasCanada indique ce qui suit :

42.       (…) the Applicant does not wish to prevent the Respondent from issuing any reassessments for the taxation years in respect of a specific issue. The Applicant is, rather, seeking to have the Court put in place safeguard mechanisms that will force CRA to carry out its audit and eventual reassessments in accordance with procedural fairness. Whether the Order issued by the court is ultimately a mandamus, a certiorari, a prohibition order or some specially designed Order appropriate in the circumstances is of no importance. The Appellant wants the contemplated draft reassessments to be set aside and sent back for reconsideration until the completion of an audit during which the CRA (i) will review the evidence provided to it and (ii) will decide which Canadian entity of the Colas group pays technical assistance fees to Colas S.A.

 

[29]           De plus, je pense que l’on doit réaliser qu’accorder un tel remède permettrait à ColasCanada de contrôler à sa guise le moment où un dossier de vérification est somme toute prêt et sujet à engendrer un avis de cotisation. L’économie et l’efficacité du régime fiscal ne peuvent envisager une telle avenue.

 

[30]           Enfin, dans la mesure où la conduite fautive ici reprochée au vérificateur, et en retour au Ministre, échappe aux enseignements ci-avant de JP Morgan, il y a lieu de considérer que le contrôle judiciaire ne serait pas la voie à suivre mais que cet abus ou conduite fautive relèverait pour son contrôle ou sanction d’une action et non d’une demande de contrôle judiciaire. Au paragraphe 89 dans JP Morgan, la Cour d’appel fédérale indique ce qui suit :

[89]      In the tax context, to the extent that the Minister has engaged in reprehensible conduct that is beyond the reach of the Tax Court’s powers, adequate and effective recourses may be available by means other than an application for judicial review in the Federal Court: Tele-Mobile, supra; Ereiser, supra at paragraph 38. For example, breaches of agreements, careless, malicious or fraudulent actions, inexcusable delay, and abuses of process may be redressed by way of actions for breach of contract, regulatory negligence, negligent misrepresentation, fraud, abuse of process, or misfeasance in public office: in the tax context see, e.g., Swift v. The Queen, 2004 FCA 316; Leroux v. Canada Revenue Agency, 2012 BCCA 63 at paragraph 22; Gardner v. Canada (Attorney General), 2012 ONSC 1837, rev’d on another point 2013 ONCA 423; McCreight v. Canada (Attorney General), 2013 ONCA 483. Whether these actually constitute adequate, effective recourses depends upon the circumstances of the particular case.

 

[Je souligne.]

 

[31]           ColasCanada a insisté également sur le fait que la Cour fédérale devait maintenir sa Demande puisque sans l’intervention de la Cour à ce stade-ci, ColasCanada subirait un dommage irréparable par le fait que les cotisations à venir l’obligeraient à payer rapidement 50% de toute montant cotisé, et ce, avant même donc que la validité desdites cotisations ait été revue en CCI.

 

[32]           Pour les motifs suivants que fait valoir le Ministre à ses représentations écrites, cet argument ne tient pas :

53.       ColasCanada alleges that if the proposed assessments are issued, « irreparable harm will result for the Applicant from the CRA’s process, even when the CRA’s manifestly incorrect and abusive assessment action is ultimately proved wrong ». This alleged harm would occur as a result of collection action taken by the Minister after the issuance of the proposed reassessments. Indeed, as a result of subsections 225.1(7) and (8) of the Act, the Minister may collect 50% of the amounts assessed to ColasCanada 90 days after issuing the notices of reassessment.

 

54.       However, subsection 220(4) of the Act provides for other effective recourse against the immediate collection of these amounts by the Minister. Pursuant to subsection 220(4) of the Act, the Minister may, if she considers it advisable in a particular case, accept security for payment of any amount that is or may become payable under the Act.

 

55.       It is premature at this time to anticipate the Minister’s eventual decision on an eventual subsection 220(4) request from ColasCanada. But if the Minister did refuse to accept security for payment of 50% of the amounts that would be assessed, despite any financial hardship from immediate collection that ColasCanada might allege, the Minister’s decision would be properly reviewable by this Court on administrative law principles. [75]

 

56.              As a result, ColasCanada’s application in this respect is premature.

 

[Note en bas de page omise.]

 

[33]           Par ailleurs, ColasCanada a soulevé qu’il y avait lieu de se diriger ici suivant les enseignements que l’on retrouve, entre autres, aux décisions rendues en mars 2013 puis en appel le 26 septembre 2013 dans l’arrêt Sifto Canada Corp. v Minister of National Revenue, dont les références respectives sont 2013 FC 214 et 2013 FC 986 (collectivement, les décisions Sifto Canada). On notera que cette dernière décision fut portée en appel le 4 octobre 2013, dossier A‑341‑13.

 

[34]           Je ne crois pas que cela soit la voie à suivre ici.

 

[35]           Premièrement, contrairement à ce que soutient ColasCanada, la Cour retient de sa lecture de ces décisions que dans ce dernier dossier des avis de cotisations avaient été émis et qu’il ne s’agissait donc pas comme ici d’une situation précédant l’émission d’avis de cotisations (quoique cette dynamique ne soit pas centrale suivant mon appréciation). De plus, la ratio de ces arrêts porte sur l’à-propos d’une demande de contrôle judiciaire qui soulève un bris d’engagement par le Ministre. La dynamique factuelle est donc très différente de la situation qui nous occupe.

 

[36]           Deuxièmement, la Cour fédérale dans les décisions Sifto Canada se base, entre autres, sur la décision initiale rendue dans le dossier de JP Morgan; décision qui est reformée par la Cour d’appel fédérale dans sa décision du 24 octobre 2013 dans JP Morgan. De plus, cette décision de la Cour d’appel fédérale revient sur, rediscute et recentre plusieurs des arrêts qui apparaissent soutenir les décisions Sifto Canada.

 

[37]           Ainsi, la Cour considère que les motifs qui précèdent établissent clairement que l’Avis de demande souffre des trois Situations de radiation de JP Morgan.

 

[38]           Pour compléter sur ces propos, il y a lieu de citer les propos contenus aux paragraphes 100 et 101 toujours du même arrêt :

[100]    Therefore, for taxpayers and their counsel, the question is not whether their clients’ rights can be fully vindicated. They can. The question is how to do it consistent with proper practices and procedures, when to do it, in what forum, and by what means.

 

[101]    For some, judicial review in the Federal Court is a preferred tool of first resort. They are wrong. It is a tool of last resort, available only when a cognizable administrative law claim exists, all other routes of redress now or later are foreclosed, ineffective or inadequate, and the Federal Court has the power to grant the relief sought.

 

[39]           En conséquence, la requête du défendeur en radiation de l’Avis de demande sera accordée dans l’ordonnance, le tout avec dépens.

 

[40]           Par ailleurs, le défendeur a déposé le 13 janvier 2014 une requête en radiation dirigée, cette fois-ci, à l’encontre de l’affidavit de monsieur Jean-Yves Llenas daté du 23 décembre 2013 (l’Affidavit Llenas).

 

[41]           Vu qu’à l’audition de la requête, il fut indiqué par ColasCanada qu’elle consentait, somme toute, à la requête, cette requête sera accueillie, le tout sans frais.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE comme suit :

 

1.                  La requête du défendeur en radiation de l’Avis de demande est accueillie, le tout avec dépens.

 

2.                  La requête du défendeur en radiation de l’Affidavit Llenas est accueillie, le tout sans frais.

 

 

 

« Richard Morneau »

Protonotaire

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DossieR :

                                                            T-1363-13

 

 

 

INTITULÉ :

COLASCANADA INC.

c

MINISTER OF NATIONAL REVENUE (AS REPRESENTED BY THE CANADA REVENUE AGENCY)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 28 mars 2014

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

                                                            LE PROTONOTAIRE MORNEAU

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 12 MAI 2014

COMPARUTIONS :

Richard W. Pound, C.R.

Dominic Bédard-Lapointe

 

Pour lA DEMANDERESSE

 

Janie Payette

Chantal Roberge

Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stikeman Elliott LLP

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Montréal (Québec)

 

Pour lE DÉFENDEUR

 

 

 

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