Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


 

 

Date : 20121025


Dossier : T‑2051‑10

Référence : 2012 CF 754

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 octobre 2012

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

 

THE DOW CHEMICAL COMPANY,

DOW GLOBAL TECHNOLOGIES INC. et

DOW CHEMICAL CANADA ULC

 

 

 

demanderesses

 

et

 

 

 

NOVA CHEMICALS CORPORATION

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Par la présente requête, la défenderesse demande à assister aux tests et aux expériences auxquels les demanderesses entendent se livrer pour étayer leur action en justice. L’action a été engagée par les demanderesses et le procès est censé commencer en janvier 2013. Elles reprochent à la défenderesse la contrefaçon du brevet canadien no 2,160,705 (le brevet 705).

 

[2]               Selon son avis de requête modifié, la défenderesse sollicite de la Cour :

            1.         Une ordonnance enjoignant aux demanderesses (Dow) d’autoriser les experts dont les services ont été retenus par la défenderesse (Nova) à assister aux tests et expériences sur lesquels Dow entend s’appuyer lors du procès;

            2.         Une ordonnance enjoignant à Dow de fournir à Nova des échantillons de toutes les fractions obtenues dans le cadre des expériences pTREF, dont les demanderesses entendent faire état au procès, et cela en quantités suffisantes pour que les experts de Nova puissent procéder à une analyse comparative de leurs propres données et des résultats expérimentaux obtenus par Dow;

            3.         Une ordonnance enjoignant à Dow de fournir à Nova des échantillons de la moitié du produit issu de chacune des expériences menées par Dow dans sa petite usine de Terneuzen (Pays‑Bas), et que les demanderesses entendent utiliser comme élément de preuve à l’étape du procès;

            4.         Une ordonnance autorisant Nova à déposer, à l’appui de la présente requête et en réponse aux affidavits déposés par les demanderesses, les affidavits de MM. Francis M. Mirabella, Charles Stanley Speed et Gary F. Matz, tous en date du 7 décembre 2011.

            5.         Les dépens de la présente requête; et

            6.         Toute autre réparation que la Cour estimera juste d’accorder.

 

Contexte

 

[3]               La requête s’inscrit dans le cadre d’une action intentée par les demanderesses qui allèguent que certains des produits de la gamme SURPASS et d’autres produits en polyéthylène fabriqués par la défenderesse contrefont le brevet 705 des demanderesses. La défenderesse nie qu’il y a eu contrefaçon, et sollicite par demande reconventionnelle un jugement déclaratoire constatant l’invalidité du brevet 705, ainsi que diverses autres mesures de redressement. La déclaration a été déposée le 9 décembre 2010 et le procès devrait débuter en janvier 2013. Depuis le 16 février 2011, l’action fait l’objet d’une gestion d’instance par la protonotaire Milczynski qui agit à titre de juge responsable de la gestion de l’instance.

 

[4]               La présente requête concerne des analyses d’échantillons de produit que les demanderesses vont effectuer pour déterminer s’il y a contrefaçon et un échantillon du catalyseur de polymérisation que la défenderesse leur a fourni en septembre 2011. La défenderesse affirme avoir fourni ces échantillons à condition que son expert‑témoin indépendant soit autorisé à assister aux tests pour en vérifier la rigueur. Les demanderesses entendent soumettre les échantillons à deux expériences distinctes.

 

[5]               En premier lieu, afin de démontrer le volet (B) de leur action en contrefaçon, les demanderesses entendent fractionner les polymères de la défenderesse au moyen d’un procédé appelé fractionnement préparatoire par élution à température croissante (aussi appelé pTREF ou prep‑TREF) et de soumettre les fractions ainsi produites à des épreuves de traction ainsi qu’à d’autres tests. Les demanderesses se proposent d’effectuer ces tests dans leurs installations de Freeport (Texas).

 

[6]               Deuxièmement, afin de démontrer le volet (A) de leur poursuite en matière de brevet, les demanderesses entendent fabriquer, à l’aide de l’échantillon de catalyseur, des copies d’un des constituants des polymères fabriqués par la défenderesse, qui, selon elles, contrefont leur brevet. Cela serait nécessaire parce que la défenderesse a fait savoir qu’elle n’est pas en mesure de fournir des échantillons du polymère fabriqué dans son premier réacteur. Les demanderesses entendent soumettre les copies à des tests visant à démontrer que les produits fabriqués par la défenderesse contiennent un élément analogue ayant certaines des propriétés revendiquées dans le brevet en cause. Les demanderesses se proposent d’effectuer ces travaux dans leurs installations de Terneuzen (Pays‑Bas).

 

[7]               En raison des consignes de sécurité et de protection de données confidentielles en vigueur dans leurs établissements, les demanderesses refusent de permettre aux experts‑témoins indépendants de la défenderesse d’assister aux tests et aux expériences. Les demanderesses proposent, à la place, de remettre à la défenderesse un enregistrement vidéo des expériences, ainsi que divers renseignements tels que les données brutes qui en découleront. En ce qui concerne la fabrication des copies à Terneuzen, les demanderesses proposent de fournir à la défenderesse le protocole des travaux, les données recueillies dans le cadre du processus, ainsi que des échantillons des produits fabriqués.

 

[8]               Le 4 octobre 2011, les parties ont pris part à une conférence de gestion de l’instance avec la juge responsable de la gestion de l’instance pour étudier la question de l’admissibilité des essais envisagés. Lors de cette conférence, la juge responsable de la gestion de l’instance a demandé à la défenderesse de soumettre la présente requête à un juge.

 

Les questions en litige

 

[9]               Selon la défenderesse, la question qui se pose est celle de savoir :

            Si les experts dont les services ont été retenus par elle devraient être autorisés à assister aux tests et aux expériences sur lesquels les demanderesses ont l’intention de s’appuyer lors du procès.

 

[10]           Voici comment je reformulerais les questions qui se posent en l’espèce :

            1.         La défenderesse devrait‑elle être autorisée à déposer, en vertu de l’article 312 des Règles de la Cour, des affidavits en réponse à ceux qu’ont déposés les demanderesses?

            2.         Les experts dont les services ont été retenus par la défenderesse devraient‑ils être autorisés à assister aux tests et aux expériences sur lesquels les demanderesses entendent s’appuyer lors du procès?

 

Observations écrites de la défenderesse

 

[11]           La défenderesse affirme avoir fourni des échantillons de produit et une certaine quantité du catalyseur de polymérisation à condition que ses experts‑témoins indépendants soient autorisés à assister aux tests et à en vérifier la rigueur. La défenderesse fait valoir que la Cour a pour pratique de voir à ce que les deux parties assistent aux tests et aux expériences dont il sera question au procès. Cette pratique vise à assurer l’équité entre les parties et à faire en sorte qu’en ce qui concerne les tests effectués la Cour dispose des témoignages des deux parties. Cela permet également d’assurer que la Cour disposera d’éléments de preuve utiles et exhaustifs.

 

[12]           La défenderesse estime qu’elle ne sera pas en mesure de contrôler de manière satisfaisante les travaux des demanderesses si ces experts n’y participent pas et de répondre correctement à la preuve relative aux expériences menées par les demanderesses que celle‑ci présentera au procès. La défenderesse a soumis le protocole pTREF des demanderesses à l’examen d’un expert en la matière. Selon cet expert, une liaison vidéo ne permettrait pas de s’assurer que l’opération en question a correctement été effectuée, et qu’il doit en conséquence y assister sur place. La défenderesse relève par ailleurs que les demanderesses ont changé d’avis au sujet de la transmission vidéo et que, maintenant, au lieu d’une vidéo en temps réel, elles proposent de ne fournir qu’un enregistrement vidéo des opérations de pTREF. Cela étant, il importe encore plus que son expert assiste aux travaux afin de pouvoir inspecter l’équipement et observer les expériences menées.

 

[13]           La défenderesse relève en outre qu’en ce qui concerne les opérations de reproduction devant être menées à Terneuzen, les demanderesses ne lui avaient pas, au départ, fourni de protocole. Parmi les éléments de preuve qu’elles ont déposés en réponse et en réplique, les demanderesses ont remis une liste des renseignements qu’elles entendent fournir à la défenderesse. La défenderesse a donc retenu les services d’un expert, M. Charles Stanley Speed, chargé d’étudier cette liste. Dans son affidavit, M. Speed fait valoir que les renseignements proposés sont insuffisants et que pour comprendre correctement les expériences en cause, et les commenter utilement, un observateur doit assister aux travaux en personne. Pour disposer d’un échantillon vraiment représentatif de la reproduction qui doit être effectuée à la petite usine, il faudrait que la défenderesse obtienne des échantillons prélevés à des étapes pertinentes, et non un échantillon représentatif d’une portion seulement de chaque expérience. La défenderesse ajoute que les demanderesses ne lui ont pas fourni de détails sur la conception des équipements qui vont être employés, ou de renseignements détaillés sur les conditions dans lesquels vont être menées les opérations à la petite usine de Terneuzen.

 

[14]           Selon la défenderesse, à l’occasion d’un procès engagé aux États‑Unis, les demanderesses ont effectué, en privé, des tests portant sur les produits de la défenderesse et, invoquant la protection du secret de fabrication, ont refusé de remettre à la défenderesse les résultats des tests qu’elles avaient effectués. Il est donc particulièrement important que les experts de la défenderesse puissent, en l’occurrence, assister aux tests.

 

[15]           Selon la défenderesse, les préoccupations que les demanderesses éprouvent sur le plan de la confidentialité ne se justifient pas étant donné que l’ordonnance de confidentialité prononcée par la Cour s’applique également aux experts indépendants. La défenderesse fait valoir que, par le passé, les demanderesses ont, dans le cadre d’un accord de confidentialité, donné à des experts de l’extérieur accès à leurs installations de pTREF. Lors de leur contre‑interrogatoire, les témoins appelés par les demanderesses ont eux‑mêmes témoigné que les demanderesses ont en fait adopté des politiques et procédures qui prévoient la visite, dans leurs installations, de personnes étrangères à l’entreprise.

 

[16]           La défenderesse ajoute que seules les demanderesses possèdent les équipements spécialisés et les infrastructures de transformation nécessaires pour mener à bien, avant le début du procès¸ les tests de pTREF. Il va falloir aux demanderesses six mois pour effectuer les tests de pTREF. Or, en raison de l’équipement dont elle dispose, la défenderesse prendrait quatre fois plus longtemps pour reproduire ces tests. Cela étant, la défenderesse ne pourra pas reproduire les tests menés par les demanderesses avant le début du procès et elle ne serait, par conséquent, pas en mesure de contester valablement les résultats dont feront état les demanderesses.

 

[17]           Une solution de rechange s’offre aussi à la demanderesse. Il y a en effet au moins deux établissements indépendants appartenant à des tiers où les demanderesses pourraient effectuer leurs expériences de pTREF sans avoir à permettre que la défenderesse ait accès à leurs laboratoires. Une des deux sociétés concernées a toutefois récemment fait savoir qu’il ne souhaitait pas participé au présent litige, mais les expériences pourraient être menées dans l’autre établissement.

 

[18]           Selon la défenderesse, les préoccupations manifestées par les demanderesses sur le plan de la sécurité ne se justifient pas, elles non plus. Tout expert mandaté par la défenderesse pour assister à l’une ou l’autre des expériences sera parfaitement au courant des mesures de sécurité normalement en vigueur pour effectuer des opérations dans des usines chimiques. De telles préoccupations ne justifient aucunement la tenue à l’écart des experts de la défenderesse.

 

[19]           Et enfin, la défenderesse demande, au titre de l’article 312 des Règles de la Cour fédérale, DORS/98‑106, à être autorisée à déposer en réponse aux affidavits déposés par les demanderesses, les affidavits de MM. Francis M. Mirabella, Charles Stanley Speed et Gary F. Matz, tous datés du 7 décembre 2011. Selon la défenderesse, ces affidavits traitent des nouvelles questions que soulèvent les éléments de preuve produits en réponse par les demanderesses, et concernent directement les questions soulevées dans le cadre de la présente requête.

 

[20]           Ainsi, dans son affidavit, M. Mirabella traite d’une séquence vidéo qui n’avait pas auparavant été divulguée, du fait que les demanderesses qui avaient initialement accepté d’assurer une liaison vidéo en direct entendent maintenant simplement remettre un enregistrement vidéo des travaux de pTREF, ainsi que du fait, dont les défenderesses ont récemment pris connaissance, que les travaux de pTREF prévus par les demanderesses ne comporteront pas de prélèvement automatisé des échantillons. Dans son témoignage, M. Speed traite des renseignements que les demanderesses se proposent de fournir au sujet des travaux qu’elles entendent mener à Terneuzen. Avant la production de leur contre‑preuve, les demanderesses n’avaient, au sujet des travaux en question, fourni aucun renseignement susceptible d’être commenté utilement. L’affidavit de Gary Matz répond aux demanderesses qui allèguent en contre‑preuve que, dans le cadre des actions engagées aux États‑Unis, la défenderesse n’avait élevé aucune objection quant à la suffisance des renseignements qu’on lui avait fournis sur la synthèse du catalyseur qu’avaient effectuée les demanderesses.

 

[21]           Selon la défenderesse, le dépôt de ces affidavits ne nuira aucunement à la cause des demanderesses qui ont eu la possibilité de contre‑interroger les trois personnes en question, et de déposer une contre‑preuve. En revanche, la défenderesse subirait un sérieux préjudice si elle n’était pas autorisée à répliquer aux nouveaux éléments de preuve produits par les demanderesses.

 

Les conclusions écrites des demanderesses

 

[22]           Les demanderesses font pour leur part valoir que les équipements qui vont être employés dans les essais, et les méthodes utilisées sont bien connus des personnes versées dans l’art et d’un usage commun dans l’industrie.

 

[23]           Les demanderesses se disent prêtes à fournir à la défenderesse des protocoles détaillés, des échantillons, des enregistrements vidéo, à préciser les conditions dans lesquelles les essais vont être effectués, et à transmettre les données analytiques recueillies afin de rendre compte intégralement des essais et de la nature des produits générés. Elles sont également disposées à faire témoigner au procès les techniciens ayant participé à ces essais, pour qu’ils répondent à toute question concernant l’observation des protocoles. Ces renseignements suffisent amplement pour comprendre les étapes des tests qui vont être effectués et pour en évaluer les résultats. Le fait d’assister en personne à ces expériences ne procurera aucun renseignement supplémentaire. Les demanderesses précisent bien que l’enregistrement vidéo qu’elles se sont engagées à remettre fournira des renseignements visuels sur l’équipement utilisé et sur son agencement, ainsi que sur la manière dont il est employé par les demanderesses qui s’engagent par ailleurs à fournir des échantillons prélevés aux diverses étapes des essais.

 

[24]           Selon les demanderesses étant donné que les essais sont censés se dérouler sur une période de plus de quatre mois et demi, la présence de la défenderesse dans leurs laboratoires au cours des essais nuira au bon fonctionnement des laboratoires et exigerait des demanderesses que, pendant toute cette période, elles suspendent les travaux de recherche et de développement qui y sont effectués. Cela causerait aux demanderesses un grave préjudice sur le plan commercial.

 

[25]           Selon les demanderesses, les essais se feront selon des méthodes courantes que les demanderesses emploient depuis plusieurs années déjà dans le cadre de nombreux projets. Rien ne donne à penser que des erreurs pourraient se produire ou qu’il pourrait y avoir contamination. De plus, les données analytiques et les échantillons qu’elles acceptent de fournir à la défenderesse permettront à celles‑ci de relever d’éventuelles erreurs ou contaminations. D’ailleurs, la défenderesse a elle aussi des produits de la gamme SURPASS et elle est, par conséquent, en mesure d’effectuer ses propres essais afin d’évaluer les résultats obtenus par les demanderesses. À l’appui de cet argument, les demanderesses soulignent que, de son propre aveu, la défenderesse entend procéder à ses propres essais.

 

[26]           Les demanderesses font par ailleurs valoir que les parties à la présente instance ont été parties au procès aux États‑Unis dans lequel étaient en cause les mêmes questions que celles soulevées en l’espèce. À l’issue de l’action intentée devant les tribunaux des États‑Unis, les demanderesses se sont vu accorder 61 millions de dollars en dommages‑intérêts. Dans le contexte du procès intenté aux États‑Unis les essais ont été menés suivant les mêmes méthodes et avec le même équipement. Les demanderesses rappellent que si, à l’occasion du procès américain, les experts ont émis, à l’égard des essais, des critiques de fond, la défenderesse n’a elle‑même formulé aucune plainte quant à la suffisance des renseignements qui lui avaient été fournis au sujet des protocoles d’essai et des méthodes employées.

 

[27]           Selon les demanderesses, aucun autre endroit ne se prête aux expériences pTREF et aux opérations de reproduction du polymère en question. Les équipements dont disposent les installations appartenant à des tiers sont beaucoup plus petits que les appareils utilisés par les demanderesses dans leur établissement de Freeport pour effectuer les expériences pTREF. Il en va de même de la petite usine à solution constante de Terneuzen où le polymère peut être produit en quantité suffisante pour être soumis à divers essais physiques et analytiques.

 

[28]           Les demanderesses estiment que la présence sur les lieux de la défenderesse serait importune, car elle causerait de sérieux problèmes sur le plan de la sûreté et de la sécurité, et nuirait à la compétitivité des demanderesses au sein de l’industrie de la polyoléfine. Les demanderesses font valoir que les appareils servant aux expériences de pTREF ne peuvent pas être transportés. Il faut, en outre, pour accéder à cet équipement, traverser une grande partie du laboratoire des demanderesses, où l’on travaille actuellement à des projets confidentiels n’ayant aucun rapport avec l’affaire dont est saisie la Cour. Selon les demanderesses, il serait très demandant pour elles d’interrompre le fonctionnement de l’équipement servant à d’autres projets, afin de le soustraire au regard et de faire, en outre, accompagner la défenderesse ou les experts qui la représenteraient lors des essais. Cette difficulté serait aggravée par le fait qu’au Centre de polymère de Freeport, les différentes étapes des essais vont se dérouler dans des laboratoires de recherche et de développement différents. Il faudrait donc que les observateurs puissent accéder librement à plusieurs parties du Centre, ce qui gênerait encore davantage les travaux d’analyse, de recherche et de développement menés par les demanderesses dans le cadre d’autres projets n’ayant rien à voir avec l’objet de la présente instance.

 

[29]           Les demanderesses font en outre valoir que l’expert de la défenderesse, M. Mirabella, n’est pas vraiment indépendant. Elles relèvent que M. Mirabella accorde à la défenderesse son concours exclusif depuis le début de 2009. Or, lors de son contre‑interrogatoire, cet expert a reconnu n’avoir relevé aucune lacune dans les renseignements fournis à la défenderesse et ne pas avoir étudié la question du recours à la vidéo, ni celle de savoir si cette méthode conviendrait.

 

[30]           Selon les demanderesses, les Règles de la Cour fédérale n’exigent pas qu’une partie à l’instance avise préalablement l’autre partie des essais ou des expériences sur lesquels elle a l’intention de s’appuyer lors du procès ni que la partie adverse soit autorisée à assister à ces essais ou à ces expériences. La Cour a simplement ordonné que la partie adverse soit préalablement avertie et qu’elle soit autorisée à assister aux essais afin que chacune des parties dispose de suffisamment de renseignements pour procéder à des contre‑interrogatoires au sujet des résultats obtenus.

 

[31]           Selon les demanderesses, pour obtenir le droit d’accès à leurs locaux, il faudrait que la défenderesse réponde aux conditions prévues à l’article 249 des Règles des Cours fédérales, selon lequel il faut que « la Cour estime [cela] nécessaire ou opportun pour obtenir des renseignements complets ou une preuve complète ». Les demanderesses citent à cet égard l’arrêt PJ Wallbank Manufacturing Co c Kuhlman Corp, (CAF) [1981] 1 CF 645, [1980] ACF no 190, dans lequel, au titre d’une version antérieure de l’article 249 des Règles, une des parties a vu rejeter sa demande visant à être autorisée à inspecter les locaux de la partie adverse, la Cour ayant estimé qu’une telle inspection aurait constitué une grave intrusion, qu’elle risquait de causer un préjudice irréparable en révélant à une société concurrente le savoir‑faire de la partie adverse, et qu’il y avait d’autres moyens de vérifier s’il y avait effectivement eu contrefaçon. Des préoccupations analogues sont invoquées par les demanderesses en l’espèce.

 

[32]           Les demanderesses insistent en outre sur le fait que, dans le cadre de sa requête la défenderesse n’a produit aucun élément de preuve au sujet des tests censés avoir lieu à Terneuzen. La requête devrait donc à l’évidence être rejetée faute de preuve. Les deux affidavits déposés plus tard par la défenderesse (ceux de Gary Matz et de M. Speed) devraient être écartés, car leur dépôt est contraire aux principes généraux régissant les éléments de preuve déposés en réponse.

 

[33]           Enfin, les demanderesses font valoir que par la position qu’elle a adoptée dans le cadre de la présente requête, la défenderesse cherche davantage à retarder l’instance qu’à obtenir un complément d’information dont elle aurait besoin. Les demanderesses affirment que la défenderesse n’a pas établi qu’il est nécessaire qu’elle assiste aux essais qui doivent être effectués dans les locaux des demanderesses. La présence dans ces locaux des experts de la défenderesse serait hautement importune et perturberait les activités des demanderesses. Les inconvénients que causerait sa présence dépasseraient largement les préoccupations dont la défenderesse a fait état, et ses experts joueraient un rôle encore plus grand que les experts des demanderesses chargés de mener les expériences. Cela étant, les demanderesses sollicitent le rejet de la requête.

 

Analyse et décision

 

[34]           Question no 1

            La défenderesse devrait‑elle, au titre de l’article 312 des Règles, être autorisée à déposer des affidavits en réponse?

            L’article 312 des Règles des Cours fédérales s’applique à la question de savoir s’il convient d’autoriser le dépôt d’affidavits complémentaires. La défenderesse demande en l’occurrence à être autorisée à déposer les affidavits de MM. Gary F. Matz, Francis M. Mirabella et Charles Stanley Speed, tous datés du 7 décembre 2011.

 

[35]           Le critère permettant de décider s’il y a lieu d’autoriser le dépôt de contre‑preuves comporte quatre volets (voir Merck‑Frosst ‑ Schering Pharma GP c Canada (Ministre de la Santé), 2009 CF 914, [2009] ACF no 1092 au paragraphe 10; et Pfizer Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2007 CF 506, [2007] ACF no 681, au paragraphe 7); il s’agit de répondre aux questions suivantes :

            1.         Les contre‑preuves serviront‑elles les intérêts de la justice?

            2.         Les contre‑preuves aideront‑elles la Cour à se prononcer sur le fond?

            3.         Faire droit à la requête causera‑t‑il à la partie adverse un préjudice grave?

            4.         Les contre‑preuves en question étaient‑elles disponibles et (ou) était‑il possible d’en prévoir la pertinence à une date antérieure?

 

[36]           Deux facteurs entrent en jeu dans le quatrième volet du critère. D’abord, il faut que les éléments de preuve en question soient de nature à répondre aux éléments de preuve produits par la partie adverse. Ainsi que le juge Russel Zinn l’a expliqué au paragraphe 23 de Merck‑Frosst ‑ Schering Pharma précité :

[traduction] […] Ils répondent aux preuves produites par la partie adverse s’ils ne font pas qu’énoncer l’opinion contraire, mais fournissent des éléments qui critiquent, réfutent, contestent ou repoussent les preuves de la partie adverse. Ils ne répondent pas aux preuves de l’autre partie s’ils ne font que répéter ou renforcer des éléments de preuve déjà présentés. […]

 

 

[37]           Deuxièmement, les éléments de preuve dont on aurait pu prévoir la pertinence plus tôt ne peuvent pas être considérés comme des contre‑preuves, car la partie qui se propose de les déposer se trouve alors à fractionner sa preuve (voir Merck‑Frosst ‑ Schering Pharma précité, au paragraphe 25).

 

[38]           Le juge David Near a plus récemment eu l’occasion de résumer la jurisprudence relative à l’article 312 des Règles. Il se prononce sur ce point en ces termes (voir Canada (Procureur général) c United States Steel Corp, 2011 CF 742, [2011] ACF no 930, au paragraphe 16) :

[…] Cependant, la jurisprudence est claire : la partie doit avancer sa meilleure preuve le plus tôt possible. Une partie reçoit l’autorisation visée à l’article 312 des Règles si la preuve est dans l’intérêt de la justice, aidera la Cour, ne causera pas de préjudice grave à la partie adverse et n’était pas accessible avant le contre‑interrogatoire concernant les affidavits de la partie adverse (Atlantic Engraving Ltd c. Lapointe Rosenstein, 2002 CAF 503, 299 NR 244, aux paragraphes 8 et 9). En outre, la partie qui souhaite produire un nouvel élément de preuve doit établir que sa production ne causera pas de retard indu à l’instance (Janssen‑Ortho Inc c. Apotex Inc, 2010 FC 81, au paragraphe 33).

 

 

 

[39]           C’est par ailleurs avec souplesse que les juges devraient exercer le pouvoir discrétionnaire que leur accorde l’article 312 des Règles (voir United States Steel Corp, précité, au paragraphe 33).

 

[40]           En l’espèce, trois affidavits sont contestés. Précisons qu’entre le 15 décembre 2011 et le 10 janvier 2012, les trois témoins ont été contre‑interrogés par les demanderesses.

 

[41]           Le premier affidavit est celui de Gary F. Matz, conseiller principal de la défenderesse en matière de propriété intellectuelle. M. Matz a répondu en quelques mots à l’un des experts de la demanderesse qui faisait observer que, lors du procès devant les tribunaux américains, la défenderesse ne s’était pas plainte de l’insuffisance des renseignements qui lui avaient été fournis sur la synthèse du catalyseur effectuée par les demanderesses. Son témoignage vient en fait compléter les arguments avancés par la défenderesse dans ses conclusions écrites initiales (déposées le 18 novembre 2011) et dans lesquelles la défenderesse fait valoir que les demanderesses avaient procédé aux essais en question sans qu’elle ait la possibilité de les observer, et sans avoir accès à leurs résultats. J’estime que cet affidavit sert les intérêts de la justice et aide la Cour à se prononcer sur le fond. Étant donné que cet affidavit ne fait que réfuter les éléments de preuve produits par les demanderesses, j’estime qu’il ne leur causera aucun préjudice grave.

 

[42]           Le deuxième affidavit est celui de Francis M. Mirabella, expert indépendant de la défenderesse. Il y est question de la séquence vidéo, et de la description de l’équipement qui figure dans l’un des affidavits déposés par les demanderesses du fait que les demanderesses qui avaient initialement proposé d’assurer une liaison vidéo en direct, proposaient maintenant de simplement enregistrer sur vidéo certaines parties des expériences; du mécanisme de prélèvement des échantillons dont sont équipés les appareils pTREF; et de l’argument des demanderesses voulant que la présence des témoins de la défenderesse serait importune.

 

[43]           J’estime que, comme les observations de M. Matz, les commentaires sur ces divers points critiquent, réfutent et contestent les éléments de preuve produits par les demanderesses. Ils se distinguent des observations faites par M. Mirabella dans son précédent affidavit et concernent des questions dont on n’aurait pas pu prévoir la pertinence avant que les demanderesses ne présentent leurs éléments de preuve. Cela est particulièrement vrai de la séquence vidéo, de la liaison vidéo proposée au départ et du mécanisme de prélèvement des échantillons. Il s’agit là de renseignements qui n’ont été fournis que lorsque les demanderesses ont déposé leurs éléments de preuve. J’estime que les commentaires de M. Mirabella servent les intérêts de la justice et aident la Cour à se prononcer sur le fond.

 

[44]           Le troisième affidavit est celui de M. Charles Stanley Speed, le chercheur retraité d’ExxonMobil dont les services ont été retenus par la défenderesse. M. Speed a répondu à des questions soulevées dans les affidavits des demanderesses au sujet des expériences censées avoir lieu à Terneuzen. La défenderesse fait valoir qu’avant le dépôt de leurs affidavits, les demanderesses n’avaient donné suffisamment de précisions concernant les renseignements qu’elles entendaient fournir au sujet des expériences en question pour permettre à la défenderesse d’y répondre utilement. Dans son affidavit, M. Speed réfute les affirmations des experts des demanderesses selon lesquels les renseignements qu’ils ont l’intention de fournir permettraient à la défenderesse de bien comprendre les expériences, et de faire des commentaires à leur égard. M. Speed a fait état de plusieurs observations qu’il serait impossible de faire à la lumière des renseignements que les demanderesses se proposent de fournir, et indiqué qu’il était donc nécessaire que la défenderesse soit présente lors de la réalisation des expériences. J’estime que comme les demanderesses n’ont pas fourni ces renseignements plus tôt, ces commentaires ne pouvaient non plus être faits plus tôt.

 

[45]           Bref, j’estime qu’il y a lieu d’autoriser le dépôt des trois affidavits que la défenderesse demande à déposer en réponse. Ces témoignages aideront la Cour à se prononcer sur le fond. Étant donné que ces trois affidavits portent tous sur des éléments de preuve produits par les demanderesses, et que celles‑ci ont eu l’occasion de contre‑interroger les auteurs des trois affidavits, je ne pense pas que l’autorisation ainsi accordée causera aux demanderesses un grave préjudice. Au contraire, le dépôt de ces éléments de preuve servira les intérêts de la justice et devrait donc être autorisé.

 

[46]           Question no 2

            Les experts dont les services ont été retenus par la défenderesse devraient‑ils être autorisés à assister aux essais et aux expériences sur lesquels les demanderesses entendent s’appuyer lors du procès?

            Selon la défenderesse, la Cour a pour pratique de ne pas admettre en preuve les essais et les expériences menés par une partie si l’autre partie n’en a pas été avisée à l’avance et n’a pas eu la possibilité d’y assister. À l’appui de son argument, la défenderesse cite Halford c Seed Hawk Inc, 2001 CFPI 1154, [2001] ACF no 1631. Dans l’affaire Halford précitée, les défendeurs avaient contesté un affidavit déposé par la demanderesse et comprenant des paragraphes concernant une expérience menée en l’absence des représentants des défendeurs (aux paragraphes 8 et 10). Le juge Denis Pelletier a cité une décision ancienne, Omark Industries (1960) Ltd v Gouger Saw Chain Co [1965] 1 C. Éch. 457, 45 CPR 169, où au paragraphe 204, la Cour de l’Échiquier se prononce en ces termes :

[traduction] Il est indéniable qu’en général, la Cour estime qu’elle ne devrait pas tenir compte de la preuve relative aux essais et expériences menés pendant le litige sans que l’autre partie ait été avisée et ait eu la possibilité d’y assister. À mon avis, il s’agit d’une règle salutaire. J’ajouterais qu’en tout état de cause, les essais et expériences menés même avant l’instruction en présence de l’autre partie sont beaucoup plus probants que lorsqu’ils sont faits en son absence.

 

 

 

[47]           Au vu de cette jurisprudence, le juge Pelletier a estimé que les essais menés en l’absence des représentants des défendeurs étaient inadmissibles (voir Halford précitée, au paragraphe 37).

 

[48]           Citant lui aussi la décision Omark précitée, le juge W. Andrew MacKay a, dans Merck & Co c Apotex Inc, 88 FTR 260, [1994] ACF no 1898, estimé, au paragraphe 127 de sa décision, que :

J'ai pris cette décision conformément aux principes généraux que la présente Cour a énoncés à l'égard des essais - faits avant ou durant le procès - et qui visent à garantir l'équité et à faire en sorte que la Cour dispose, relativement aux essais effectués, d'éléments de preuve soumis par les deux parties.

 

 

 

[49]           À l’inverse, les demanderesses font valoir que la décision Merck & Co c Canada (Ministre de la Santé), 2003 CF 1242, [2003] ACF no 1565, repose sur l’idée que la règle du préavis et de l’assistance aux essais vise simplement à assurer que chacune des parties aura en main suffisamment de renseignements pour pouvoir procéder à des contre‑interrogatoires sur les résultats. Cela ne reflète pas avec exactitude l’enseignement de la décision rendue dans l’affaire Merck (2003) précitée. En effet, dans cette décision, la protonotaire Mireille Tabib a d’abord relevé que la règle de l’irrecevabilité de la preuve relative à des expériences menées par une partie sans que l’autre partie ait été invitée à y assister et à observer leur déroulement est, non pas une règle de preuve, mais une règle de pratique de la Cour. Toujours au paragraphe 8, la protonotaire Tabib explique que cette pratique vise à :

[…] assurer l’équité entre les parties et à faire en sorte que la preuve soit complète et valable par l’exclusion de résultats d’essais que la partie adverse ne peut raisonnablement contester au moyen d’un contre‑interrogatoire parce qu’elle ne dispose pas de données suffisantes sur le déroulement des expériences.

 

 

 

[50]           La protonotaire Tabib a ensuite expliqué que la situation est fort différente selon qu’il s’agit d’une action dans le cadre de laquelle la communication préalable a eu lieu, ou d’une affaire qui se déroule selon la procédure sommaire prévue au Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité), DORS/93‑133. La protonotaire Tabib a écarté l’application de la règle de pratique susmentionnée de la Cour dans le cadre d’une procédure sommaire (voir Merck (2003) précitée, au paragraphe 12). À l’inverse, s’agissant d’une action, la protonotaire Tabib a expliqué (au paragraphe 10 de Merck (2003)) que :

Lorsqu’elle est possible, la communication préalable permet de prendre connaissance de la preuve dont dispose l’autre partie, de sorte qu’aucune des parties ne soit prise au dépourvu au procès et que chacune puisse y présenter une preuve complète. Il convient donc de décourager les essais effectués à huis clos en vue d’en présenter les résultats au procès parce qu’ils vont à l’encontre des objectifs visés par la procédure de communication préalable. […]

 

 

 

[51]           Je conclus donc que la Cour a effectivement pour pratique d’autoriser la partie adverse à assister à des essais destinés à étayer la thèse de la partie qui entend au procès en invoquer les résultats.

 

[52]           Les demanderesses avancent d’autres arguments pour justifier leur position : l’emploi d’un équipement et de méthodes dont l’usage est répandu; l’absence d’autres locaux se prêtant aux essais; la remise à la défenderesse de renseignements complets; des questions de sécurité et protection de renseignements confidentiels.

 

[53]           Les deux premiers arguments se contredisent, car si l’équipement et les méthodes envisagés sont effectivement couramment utilisés, il doit bien exister d’autres locaux où les essais pourraient être menés. Par ailleurs, bien que la défenderesse indique qu’il existe un autre local où les expériences pourraient être menées, l’établissement des demanderesses semble être celui qui se prête le mieux aux essais envisagés, compte tenu des moyens dont dispose l’établissement des demanderesses et des dates prévues du procès.

 

[54]           Pour ce qui est des renseignements qui lui ont été remis, la défenderesse a déposé sous forme d’affidavits de nombreux éléments de preuve tendant à démontrer que les renseignements en question ne permettront pas de bien comprendre les essais et les expériences en cause. Les preuves qu’elle a produites sur ce point me semblent convaincantes.

 

[55]           Pour ce qui est maintenant des préoccupations des demanderesses au chapitre de la sécurité, là encore, je conviens avec la défenderesse que les experts désignés pour observer les tests et les expériences, qui ont une longue expérience des travaux en laboratoire, seront bien en mesure de les comprendre. D’ailleurs, si l’on tient pour acquis que les demanderesses mènent leurs activités de façon sécuritaire, elles exigeront des visiteurs qu’ils reçoivent une certaine formation en matière de santé et de sécurité avant d’être autorisés à pénétrer dans les locaux. Il est probable qu’on leur parle à cette occasion des consignes de sécurité propres aux locaux des demanderesses. Cela étant, j’estime que les préoccupations dont les demanderesses font état sur le plan de la sécurité ne se justifient pas.

 

[56]           Je ne pense pas non plus que les préoccupations soulevées par les demanderesses sur le plan de la protection de renseignements confidentiels soient justifiées. Comme l’a signalé la défenderesse, tous ses experts sont assujettis à l’ordonnance qu’a rendue la Cour. De plus, il est probable que l’accès aux locaux des demanderesses ne leur sera accordé que dans le cadre d’un accord de confidentialité.

 

[57]           Et enfin, contrairement aux demanderesses, je ne suis pas d’avis que pour avoir le droit de se rendre dans leurs locaux, la défenderesse doit satisfaire aux conditions prévues à l’article 249 des Règles des Cours fédérales. À cet égard, les demanderesses s’appuient sur l’arrêt PJ Wallbank précité. Toutefois, cette affaire se distingue de la présente espèce. En effet, dans l’affaire PJ Wallbank, l’intimée demandait à mener une inspection des locaux de l’appelante et des méthodes et machines qu’elle employait pour vérifier s’il y avait contrefaçon. Or, telle n’est pas l’intention de la défenderesse en l’espèce puisqu’elle demande que ses experts puissent assister aux tests et observer les expériences sur lesquels les demanderesses entendent s’appuyer lors du procès. Selon moi, il ne s’agit pas de l’« examen » prévu à l’article 249 des Règles.

 

[58]           Pour résumer, j’estime que selon la pratique de la Cour les éléments de preuve produits par une partie au sujet d’essais et d’expériences dont la partie adverse n’a pas été informée et à laquelle celle‑ci n’a pas pu assister, sont irrecevables. Les arguments avancés par les demanderesses ne justifient pas que l’on écarte de cette pratique générale. Il y a donc lieu d’accorder à la défenderesse les mesures qu’elle sollicite aux paragraphes 1 et 4 de son avis de requête modifié.

 

[59]           Aux paragraphes 2 et 3 de son avis de requête modifié, la défenderesse demande également que lui soient remis des échantillons de toutes les fractions obtenues par Dow, ainsi que des échantillons de la moitié du produit fabriqué par Dow à sa petite usine de Terneuzen (Pays‑Bas). Je ne vois pas pourquoi Dow ne lui fournirait pas les échantillons dont il est fait état au paragraphe 3. Je relève cependant que lors des plaidoiries, l’avocat de Dow a affirmé qu’il est impossible de remettre à la défenderesse les échantillons dont il est question au paragraphe 2 des conclusions recherchées. La question n’a pas été amplement débattue devant la Cour. Je ne me prononcerai donc pas à ce stade sur la mesure de redressement sollicitée au paragraphe 2, mais je demeure saisi de l’affaire afin de pouvoir me prononcer si l’une ou l’autre des parties l’estime nécessaire. Le cas échéant, j’examinerai les observations supplémentaires des parties.

 

[60]           Le redressement que la défenderesse sollicite au paragraphe 3 est accordé. Je disposerai de la demande figurant au paragraphe 2 des conclusions recherchées de la manière prévue au paragraphe 59.

 

[61]           La défenderesse aura droit aux dépens de la requête.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

            1.         Les mesures que sollicite la défenderesse aux paragraphes 1, 3 et 4 de son avis de requête modifié sont accordées.

            2.         Je disposerai de la demande de redressement sollicitée par la défenderesse au paragraphe 2 de sa requête modifiée de la manière prévue au paragraphe 59 des présents motifs.

            3.         La défenderesse a droit aux dépens de la requête.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


ANNEXE

 

Dispositions législatives applicables en l’espèce

 

Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106

 

249. (1) La Cour peut, sur requête, si elle l’estime nécessaire ou opportun pour obtenir des renseignements complets ou une preuve complète, ordonner à l’égard des biens qui font l’objet de l’action ou au sujet desquels une question peut y être soulevée :

 

 

a) que des échantillons de ces biens soient prélevés;

 

b) que l’examen de ces biens soit effectué;

 

 

c) que des expériences soient effectuées sur ces biens ou à l’aide de ceux‑ci.

 

. . .

 

312. Une partie peut, avec l’autorisation de la Cour :

 

a) déposer des affidavits complémentaires en plus de ceux visés aux règles 306 et 307;

 

b) effectuer des contre‑interrogatoires au sujet des affidavits en plus de ceux visés à la règle 308;

 

c) déposer un dossier complémentaire.

 

249. (1) On motion, where the Court is satisfied that it is necessary or expedient for the purpose of obtaining information or evidence in full, the Court may order, in respect of any property that is the subject‑matter of an action or as to which a question may arise therein, that

 

(a) a sample be taken of the property;

 

 

(b) an inspection be made of the property; or

 

(c) an experiment be tried on or with the property.

 

. . .

 

312. With leave of the Court, a party may

 

 

(a) file affidavits additional to those provided for in rules 306 and 307;

 

(b) conduct cross‑examinations on affidavits additional to those provided for in rule 308; or

 

(c) file a supplementary record.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑2051‑10

 

INTITULÉ :                                      THE DOW CHEMICAL COMPANY,

                                                            DOW GLOBAL TECHNOLOGIES INC. et

                                                            DOW CHEMICAL CANADA ULC

 

                                                            ‑ et ‑

 

                                                            NOVA CHEMICALS CORPORATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 24 janvier 2012

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 25 octobre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ronald E. Dimock

Ryan T. Evans

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Michael E. Charles

Joshua W. Spicer

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Dimock Stratton LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Bereskin & Parr LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.