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Date : 20140526


Dossier : IMM‑5724‑13

Référence : 2014 CF 499

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 26 mai 2014

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

ZHANG, DUO

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demanderesse, une citoyenne de la République populaire de Chine (RPC) âgée de 26 ans, sollicite le contrôle d’une décision d’un agent des visas, datée du 20 août 2012, qui a conclu qu’elle ne satisfaisait pas aux critères énoncés dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, et son règlement (DORS/2002‑227), à titre de demandeure d’un permis d’études au Canada.

[2]               La demanderesse a étudié la radiodiffusion et l’animation en RPC. En 2012, elle a fait une demande d’admission au Programme de certificat de compétence en anglais – langue et culture à l’Université McGill, mais sa demande de permis d’études a été rejetée. La demanderesse n’a pas contesté le premier refus. Elle souhaite maintenant étudier l’éditique au Rosemount Technology Centre de la Commission scolaire English‑Montréal (CSEM), où sa demande d’admission a été acceptée.

[3]               La seule question en litige consiste à savoir si le refus de l’agent des visas de la présente demande de permis d’études au Canada est raisonnable. J’ai décidé de faire droit à la demande de contrôle judiciaire.

[4]               Je commencerai par la première question en litige, qui se rapporte à la préoccupation de l’agent voulant que la demanderesse ne quitterait pas le Canada à la fin de son séjour autorisé. La demanderesse soutient que la conclusion de l’agent selon qui elle [traduction] « ne semble pas être de bonne foi » n’est pas étayée par les éléments de preuve, puisqu’il n’a pas non plus expliqué pourquoi le changement d’orientation professionnelle de la demanderesse n’était pas authentique, et qu’il fonde plutôt sa décision sur l’opinion générale selon laquelle le fait de demander à nouveau un permis d’études dans un domaine différent un an plus tard est signe qu’elle prolongerait indûment son séjour. Le défendeur, par ailleurs, soutient qu’une telle conclusion est étayée par les antécédents de la demanderesse en matière d’immigration et n’est pas déraisonnable étant donné qu’il incombait à celle‑ci de démontrer qu’elle quitterait le Canada à l’expiration de son visa.

[5]               Premièrement, la demanderesse explique dans son plan d’études qu’elle n’a pas pu trouver d’emploi dans une station de télévision à la fin de ses études et que ce domaine est de plus en plus compétitif. Elle affirme que [traduction] « en raison de ma spécialisation, je ne peux réaliser mon plan de carrière que si je trouve un emploi dans une station de télévision. Malheureusement, les nombreuses demandes d’emploi que j’ai faites auprès de stations de télévision à la fin de mes études ont été rejetées [...]. Cela s’explique par le fait que de plus en plus de diplômés d’universités viennent s’ajouter aux autres finissants cherchant à percer, comme moi, dans le domaine. Je suis consciente que mes perspectives de carrière sont assez limitées ». Après le rejet de sa première demande de permis d’études à l’Université McGill, la demanderesse s’est fiancée et a dû [traduction] « revoir et planifier à nouveau [sa] carrière pour lui ». Elle explique que son fiancé travaille dans le domaine de l’édition, et qu’ils souhaitent lancer une entreprise ensemble. Malgré le fait que le type d’entreprise qu’elle et son fiancé souhaitent lancer n’a pas été précisé, pas plus que les raisons pour lesquelles elle voudrait étudier l’éditique, le plan d’études présente une explication vraisemblable quant à son désir véritable d’étudier au Rosemount Technology College, explication que l’agent des visas ne peut pas rejeter arbitrairement. Il doit y avoir une raison objective pour mettre en doute la motivation d’un demandeur de permis d’études.

[6]               Deuxièmement, il ressort que l’agent des visas a aussi omis de prendre en compte les autres raisons fournies par la demanderesse à l’appui de sa déclaration voulant qu’elle rentrerait en RPC. Par exemple, son plan d’études indique que son fiancé vit en Chine, qu’il y possède sa propre entreprise et qu’il a acheté un appartement à son nom. La demanderesse explique dans sa déclaration que son fiancé n’est pas intéressé à vivre à l’étranger, mais que ses études [traduction] « s’inscrivent aussi dans nos projets d’avenir professionnels; par conséquent, je ne resterai pas au Canada à long terme » (voir la partie VI de la déclaration, dossier de la demanderesse (DR), au paragraphe 28). Selon la déclaration, la demanderesse prévoit de fonder une famille en Chine et de prendre soin de ses parents dans ce pays, et elle comprend les conséquences d’une prolongation indue de son séjour au Canada (sections VII et IX, DR, aux paragraphes 28 et 29). Comme il est énoncé dans Cao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 941, au paragraphe 13 [Cao], « [l]a décision de soumettre la déclaration du demandeur n’est pas un geste banal. La déclaration est une affirmation claire que le demandeur comprend les conséquences d’un prolongement indu de séjour au Canada, et pour cette raison, il n’aura pas lieu ».

[7]               La seconde question en litige se rapporte à l’affirmation de l’agent selon qui la demanderesse n’a pas démontré sa capacité de payer les frais relatifs au programme qu’elle entend suivre au Canada. La demanderesse soutient que cette conclusion contredit les éléments de preuve, tandis que le défendeur prétend qu’elle est étayée par le dossier.

[8]               Étant donné que le fardeau de la preuve incombe à la demanderesse, la décision doit être fondée sur des conclusions de fait raisonnables et sur le dossier dont dispose l’agent (voir Zhang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1493, au paragraphe 7; Utenkova c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 959, au paragraphe 7). En l’espèce, la demanderesse a fourni une facture de la SCEM, confirmant qu’elle avait acquitté les frais de demande de 100 $ et versé 14 890 $ au titre des droits de scolarité. Il lui reste à payer 6 897,17 $ (dossier certifié du tribunal, à la page 20). En outre, elle indique dans son plan d’études et dans sa déclaration que ses parents ont réservé 280 000 yuans (environ 50 000 $CAN) pour les frais de subsistance et pour le dernier versement des frais de scolarité et a inclus un certificat faisant état du revenu de son père pour 2011 et pour 2012 (quelque 15 000 $CAN par année).

[9]               En l’espèce, le défaut de l’agent d’expliquer les raisons pour lesquelles la demanderesse n’aurait pas les moyens de suivre le programme rend la décision déraisonnable étant donné la confirmation fournie par la CSEM, selon qui les deux tiers des droits de scolarité ont déjà été acquittés, et la déclaration et le plan d’études faisant état de la volonté des parents de la demanderesse de l’aider à cet égard. Le défendeur soutient que la demanderesse n’a pas produit d’affidavit ou de déclaration assermentée signée par les parents établissant leur engagement à subvenir à ses besoins pendant la durée de ses études. Cependant, étant donné que rien n’indique que l’agent s’inquiétait de savoir si elle avait les moyens de vivre à Montréal, exception faite de la case cochée dans la lettre type, je rejette l’affirmation du défendeur selon qui l’absence d’un engagement peut valider la présente décision. Soit dit en passant, l’agent des visas n’a pas examiné la déclaration assermentée de la demanderesse, qui comprenait d’autres assurances qu’elle ne prolongerait pas indûment son séjour. Même si les déclarations ne peuvent être présumées vraies, l’agent doit examiner les affirmations formulées dans une déclaration au regard de l’ensemble de la preuve et de la situation personnelle du demandeur (Cao, au paragraphe 13; Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 145, au paragraphe 13; et Xie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1239, aux paragraphes 28 et 29).

[10]           Pour tous ces motifs, je fais droit à la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question de portée générale n’a été proposée par les avocats, et aucune ne sera certifiée par la Cour.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la décision datée du 20 août 2012 est annulée et que l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen. Aucune question n’est certifiée.

« Luc Martineau »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Line Niquet


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5724‑13

 

INTITULÉ :

ZHANG, DUO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 MAI 2014

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 26 MAI 2014

 

COMPARUTIONS :

Jean-François Bertrand

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Émilie Tremblay

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bertrand, Deslauriers

Avocats Inc.

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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