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Date : 20140514


Dossier : IMM-5460-13

Référence : 2014 CF 471

Montréal (Québec), le 14 mai 2014

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

MAMADOU SAIDOU DIALLO

Partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Au préalable

[1]               Dans le présent cas, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [SPR] a déterminé que les documents d’identité du demandeur ne permettaient pas d’établir, de façon concluante, son identité. Les documents d’identité avaient été obtenus irrégulièrement et contenaient des incohérences significatives. De plus, les documents ne comportaient aucun élément de sécurité. La SPR a donc accordé peu de fiabilité à ces documents.

[2]               Compte tenu de ces facteurs, la Cour estime qu’il était entièrement loisible à la SPR de conclure comme elle l’a fait. Le demandeur n'a pas démontré que la conclusion principale de la SPR est déraisonnable. Il incombait au demandeur d’établir son identité au moyen de documents acceptables. Il n’a pas réussi à le faire.

II.                Introduction

[3]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], d’une décision, rendue le 22 juillet 2013, par la SPR rejetant la demande du demandeur de se faire reconnaître la qualité de réfugié ou de personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la LIPR.

III.             Faits

[4]               Le demandeur, monsieur Mamadou Saidou Diallo, se déclare citoyen de la Guinée. L’acte de naissance au dossier indique qu’il aurait été né en 1995.

[5]               Le demandeur déclare que le 3 janvier 2011, ses parents, monsieur Mamadou Bella Diallo et madame Aisata Baldé, sont décédés dans un accident de voiture. Suite au décès de ses parents, le demandeur aurait été vivre avec sa belle-mère, madame Kadiatou Bah, avec laquelle son père aurait eu trois enfants. Peu après, elle aurait commencé à le maltraiter; elle ne l’aurait plus laissé aller à l’école, elle aurait arrêté de le nourrir, et elle l’aurait forcé à faire des travaux de maison.

[6]               Avec l’aide de son demi-frère, Aliou, le demandeur aurait obtenu de faux documents d’identité pour quitter son pays.

[7]               Le demandeur est entré au Canada le 8 mai 2011, avec un visa émis au nom d’Ahmed Tidiane Bangoura, comme employé du Ministère de l’Économie et des Finances de la Guinée, pour participer à une formation du 7 au 21 mai 2011. Il a fait une demande d’asile 10 jours plus tard au nom de Mamadou Saidou Diallo.

[8]               Le 22 juillet 2013, la SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur. Cette décision fait l’objet du présent contrôle judiciaire devant cette Cour.

IV.             Décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[9]               La SPR a d'abord conclu que le demandeur n’avait pas établi son identité en raison d’une absence de preuve probante appuyant qu’il se nommait Mamadou Saidou Diallo. Or, la SPR a jugé que les seules pièces d’identité soumises par le demandeur, un extrait d’acte de naissance et une carte d’identité scolaire, contenaient plusieurs incohérences qui n’avaient pas été expliquées de façon satisfaisante par ce dernier.

[10]           La SPR a également conclu que le demandeur n’était pas crédible. Dans ses motifs, la SPR a souligné plusieurs contradictions dans l’histoire du demandeur qui, dans leur ensemble, minaient sa crédibilité. De plus, elle nota que, malgré avoir été assisté par un représentant de PRAIDA et représenté par un conseil d’expérience, le demandeur n’avait fourni aucune preuve corroborant l’existence de son agent persécuteur, et très peu de preuve corroborant le décès de ses parents. Ceci minait davantage sa crédibilité. La SPR nota aussi que le demandeur n’avait fait aucune tentative pour se réfugier ailleurs dans son pays d’origine ou d’obtenir de la protection des autorités ou d’autres membres de sa famille.

[11]           Compte tenu de ces conclusions défavorables quant à la crédibilité du demandeur, la SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur.

V.                Point en litige

[12]           Est-ce que La SPR a commis une erreur en tirant une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur?

VI.             Dispositions législatives pertinentes

[13]           Les articles 96 et 97 de la LIPR s'appliquent en l'espèce :

Définition de « réfugié »

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

Convention refugee

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

Person in need of protection

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Personne à protéger

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Person in need of protection

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

VII.          Norme de contrôle

[14]           La jurisprudence de la Cour établit que les conclusions de la SPR sur la crédibilité sont des questions de fait et sont donc susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Wu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 929; Aguebor c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 NR 315 (CAF)).

VIII.       Analyse

[15]           Le demandeur fait valoir que la SPR a commis de nombreuses erreurs capricieuses et déraisonnables dans l’évaluation de sa crédibilité. Il allègue aussi que la SPR lui a imposé une charge trop lourde voulant des preuves extrinsèques corroborant ses allégations.

[16]           En l'espèce, la Cour avoue avoir des réserves quant à certaines conclusions de fait tirées par la SPR dans sa décision; par exemple, la conclusion de la SPR que le demandeur n’était pas crédible parce qu’il ne pouvait pas identifier l’endroit exact du décès de ses parents. Cependant, compte tenu des autres motifs invoqués par la SPR pour conclure que le demandeur n’était pas crédible, la Cour estime que la décision de la SPR était raisonnable. La Cour est d’avis que, cumulativement, les autres contradictions, omissions et incohérences soulignées par la SPR étaient suffisantes pour justifier une conclusion d'absence de crédibilité.

[17]           Or, la Cour rappelle que la demande d’asile aurait pu être rejetée au stade de la détermination de l'identité, sans aller plus loin. Il n’était donc pas nécessaire de faire une analyse des autres éléments de preuve pour rejeter la demande. La Cour réfère à l’arrêt Uwitonze c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 61 :

[32] Lorsqu’un demandeur n'a pas établi son identité, on tire une conclusion défavorable quant à la crédibilité et, habituellement, la demande est rejetée. Ainsi que l'a déclaré la Cour dans la décision Najam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 425:

[16] La preuve de l'identité du revendicateur est d'une importance cruciale pour sa revendication. Je partage l'avis du défendeur qui affirme que si l'identité du revendicateur n'est pas prouvée, la revendication doit être rejetée; c'est donc dire que la Commission n'a pas besoin de faire une analyse de la preuve concernant d'autres aspects de la revendication. [...] [Souligné dans l’original.]

[18]           Dans le présent cas, la SPR a déterminé que les documents d’identité du demandeur ne permettaient pas d’établir, de façon concluante, son identité. Les documents d’identité avaient été obtenus irrégulièrement et contenaient des incohérences significatives. De plus, les documents ne comportaient aucun élément de sécurité. La SPR a donc accordé peu de fiabilité à ces documents.

[19]           Compte tenu de ces facteurs, la Cour estime qu’il était entièrement loisible à la SPR de conclure comme elle l’a fait. Le demandeur n'a pas démontré que la conclusion principale de la SPR est déraisonnable. Il incombait au demandeur d’établir son identité au moyen de documents acceptables. Il n’a pas réussi à le faire.

[20]           La Cour n’a pas pour rôle d’apprécier de nouveau la preuve ou de substituer sa propre appréciation à celle qui a été faite par la SPR (Martinez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 441). La Cour ne peut pas non plus disséquer les motifs de la SPR (Borate c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 679).

[21]           La Cour estime que, examinée dans son ensemble, la conclusion de la SPR appartenait aux issues possibles acceptables (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708).

IX.             Conclusion

[22]           Pour toutes les raisons ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire du demandeur soit rejetée sans aucune question d’importance générale à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5460-13

 

INTITULÉ :

MAMADOU SAIDOU DIALLO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 mai 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 mai 2014

 

COMPARUTIONS :

Luciano Mascaro

 

Pour la partie demanderesse

 

Myriam Larose (Auxiliaire juridique)

Sylviane Roy

 

Pour la partie demanderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Arpin, Mascaro et Associés

Avocats

Montréal (Québec)

 

Pour la partie demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la partie demanderesse

 

 

 

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