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Date : 20140514


Dossier : IMM-3143-13Référence : 2014 CF 467

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 mai 2014

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

RUMINA KARMALI VELJI

SARAH SHIVJI

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

demandeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire d’une décision défavorable rendue à l’égard d’une demande de résidence permanente faite à partir du Canada et fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (demande CH) aux termes du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), doit être accueillie.

[2]               Les demanderesses sont une mère et sa fille, originaires de la Tanzanie. Mme Karmali Velji, a 46 ans. Mme Sarah Shivji (la demanderesse mineure) avait 17 ans lorsque la demande CH a été présentée, le 12 octobre 2011. Elle n’est plus mineure. Elles sont arrivées au Canada en 2002 et 2003 respectivement.

[3]               Les demanderesses soulèvent deux questions : i) l’agent a‑t‑il omis d’apprécier comme il se devait l’intérêt supérieur de la demanderesse mineure, et ii) l’agent a‑t‑il omis d’apprécier comme il se devait les conditions prévalant en Tanzanie et la façon dont celles‑ci toucheraient personnellement les demanderesses et les exposeraient à des difficultés injustifiées si elles rentraient dans ce pays?

[4]               J’estime que l’analyse de l’intérêt supérieur de la demanderesse mineure était déraisonnable et déficiente, et, pour ce seul motif, la demande doit être accueillie. L’analyse était déraisonnable et déficiente parce que l’agent n’a nulle part établi s’il était dans l’intérêt supérieur de l’enfant que celle-ci reste au Canada. L’analyse porte entièrement sur les difficultés que pourrait rencontrer la demanderesse mineure si elle rentrait en Tanzanie.

[5]               Malgré le fait que l’agent soutient [traduction] « [qu’]il est dans l’intérêt supérieur de tout enfant de faire des études et de bénéficier de l’amour et du soutien constant de ses parents pendant qu’il fait son chemin dans la vie », il a ajouté [traduction] « la [demanderesse mineure] est désormais une adulte et a eu la chance de faire des études et d’être élevée par sa mère au Canada, et les deux rentreront en Tanzanie ensemble. On ne m’a pas présenté d’éléments de preuve démontrant que la [demanderesse mineure] ne pourrait pas continuer de faire des études avec le soutien de sa famille en Tanzanie ».

[6]               Cette analyse soulève trois questions. Premièrement, l’agent n’indique pas, puisqu’il est dans l’intérêt supérieur de chaque enfant de faire des études et de bénéficier de l’amour et du soutien constant de ses parents, s’il est par conséquent dans l’intérêt supérieur de la demanderesse mineure qu’elle reste au Canada. Deuxièmement, l’agent examine ensuite les difficultés injustifiées que pourrait rencontrer la demanderesse mineure étant donné qu’elle « est désormais une adulte et [qu’]elle a eu la chance de faire des études […] au Canada » (non souligné dans l’original). L’agent change complètement l’optique, de la demanderesse mineure, enfant, à une adulte, contrairement aux lignes directrices énoncées dans le Guide IP 5 de Citoyenneté et Immigration Canada.

[7]               Troisièmement, l’agent commet l’erreur relevée par le juge Russell dans William c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 166, [2012] ACF no 184, soit que l’agent ne devrait pas imposer de critère quant aux difficultés lorsqu’il prend en compte l’intérêt supérieur de l’enfant. En l’espèce, l’agent a commis une erreur en affirmant que les demanderesses n’avaient pas fourni « d’éléments de preuve démontrant que la [demanderesse mineure] ne pourrait pas continuer de faire des études avec le soutien de sa famille en Tanzanie ». C’était une erreur de la part de l’agent que d’obliger les demanderesses à fournir des éléments de preuve pour satisfaire un critère quelconque de difficultés.

[8]               L’agent aurait dû reconnaître qu’il était dans l’intérêt de la demanderesse mineure de poursuivre ses études et que, selon la preuve, il est difficile pour les femmes en Tanzanie de poursuivre leurs études au-delà du niveau secondaire. Après quoi, l’agent aurait eu raison de conclure qu’il était dans l’intérêt supérieur de la demanderesse mineure qu’elle reste au Canada.

[9]               L’agent était tenu de pondérer ce facteur avec tous les autres facteurs pertinents et de décider si les considérations d’ordre humanitaire justifiaient que la demande de résidence permanente soit accueillie : Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 11, [2009] CAF no 4, au paragraphe 18; voir aussi Webb c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1060, [2012] ACF no 1147, aux paragraphes 18 à 20.

[10]           Puisque l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant était déficiente, la décision est déraisonnable, et la demande CH doit être réexaminée par un autre agent.

[11]           Aucune des parties n’a proposé de questions à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est accueillie, la décision visée par le contrôle est annulée, la demande de résidence permanente des demanderesses faite au Canada et fondée sur des considérations d’ordre humanitaire aux termes du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen, et aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Line Niquet

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIeR :

IMM-3143-13

 

INTITULÉ :

RUMINA KARMALI VELJI ET AUTRES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 MAI 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 14 MAI 2014

 

COMPARUTIONS :

Ram Sankaran

 

pour les demanderesses

 

Rick Garvin

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsanyi

Avocats

Calgary (Alberta)

 

 

pour les demanderesses

 

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ministère de la Justice – Région des Prairies

Edmonton (Alberta)

 

 

pour le défendeur

 

 

 

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