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Date : 20140514


Dossier : IMM-3845-13

Référence : 2014 CF 464

Montréal (Québec), le 14 mai 2014

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

SOK, LIHENG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Au préalable

[1]               La Cour rappelle qu’il incombe à un demandeur d’établir une demande qui convaincrait un agent qu’il avait les qualifications et l’expérience nécessaires pour accomplir le travail envisagé au Canada (Grusas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 733, 413 FTR 82au para 63). Ce n’est pas à un agent d’aller chercher la preuve corroborant la demande d’un demandeur sur son lieu de travail. De même, comme spécifié par la Cour d’appel fédérale, un agent a le pouvoir discrétionnaire de décider de la valeur à accorder à cette preuve (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 NR 315 (CAF)).

II.                Introduction

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], relativement à une décision par laquelle un agent des visas a refusé la demande de permis de travail du demandeur.

III.             Faits

[3]               Le demandeur, monsieur Liheng Sok, est un citoyen cambodgien né en 1973.

[4]               Le demandeur aurait exercé le métier de cuisinier au Cambodge pour le restaurant Food and Beverage Center Gallery Café [FBC] depuis 2008. Avant 2008, il aurait travaillé pour le restaurant Sampheap.

[5]               Le 24 avril 2012, le demandeur a reçu une offre d’emploi du restaurant Chez Vanna, situé à Québec, Québec.

[6]               En décembre 2012, le demandeur a soumis une demande de permis de travail temporaire à l’Ambassade du Canada à Bangkok pour travailler à titre de cuisinier dans le restaurant Chez Vanna. Le 5 avril 2013, l’agente a refusé la demande de visa.

[7]               Le 30 janvier 2013, le demandeur a déposé la présente demande de contrôle judiciaire à l’égard de cette décision.

IV.             Décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[8]               L’agente a tout d'abord déterminé que le demandeur n’avait pas établi qu’il avait l’expérience professionnelle requise pour exercer l’emploi envisagé au restaurant Chez Vanna. Dans ses notes du Système mondial de gestion des cas [SMGC], l’agente a noté plusieurs défaillances dans la preuve soumise par le demandeur qui minait sérieusement sa crédibilité à l’égard de son expérience. Notamment, le demandeur n’était pas en mesure de répondre clairement aux questions posées durant son entrevue du 29 janvier 2013. Il était également incapable de décrire ses fonctions en tant que cuisinier ou les autres employés avec qui il travaillait. De plus, il ne pouvait pas expliquer à l’agente où se trouvaient les copies originales des attestations d’emploi joints à sa demande de permis de travail.

[9]               Compte tenu du manque total de crédibilité du demandeur, l’agente n’était pas convaincue que le demandeur retournerait dans son pays d’origine après la durée de son séjour au Canada. Elle a donc refusé la demande de permis de travail.

V.                Point en litige

[10]           Est-ce que la décision de l’agente est raisonnable?

VI.             Dispositions législatives pertinentes

[11]           L’article 11 de la LIPR s’applique en l’espèce :

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

[12]           L’alinéa 200(3)a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 s'applique également en l'espèce :

Exceptions

(3) Le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger dans les cas suivants :

a) l’agent a des motifs raisonnables de croire que l’étranger est incapable d’exercer l’emploi pour lequel le permis de travail est demandé;

Exceptions

(3) An officer shall not issue a work permit to a foreign national if

(a) there are reasonable grounds to believe that the foreign national is unable to perform the work sought;

VII.          Norme de contrôle

[13]           Les décisions des agents des visas concernant les permis de travail temporaires sont susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Grusas, ci-dessus; Dhillon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 614, 347 FTR 24).

VIII.       Analyse

[14]           Selon le demandeur, l’agente des visas a commis une erreur en omettant d’expliquer pourquoi il ne s’était pas déchargé de son fardeau de preuve pour établir qu’il pouvait rencontrer les exigences de l’emploi envisagé à Chez Vanna. Il soutient que l’agente a également ignoré la preuve au dossier en ne posant pas suffisamment de questions à son employeur lors de sa visite sur son lieu de travail.

[15]           Après avoir examiné la preuve au dossier, notamment les notes du SMGC, ainsi que la lettre de refus, la Cour estime que la décision de l’agente est raisonnable.

[16]           La Cour suprême du Canada a récemment traité de la première question soulevée par le demandeur au sujet du caractère suffisant des motifs dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708. Dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union, la Cour a conclu, au paragraphe 14, que l’« insuffisance » des motifs ne permet pas à elle seule de casser une décision. Il faut plutôt que les motifs soient « examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles ».

[17]           De même, la Cour d’appel fédérale a récemment confirmé que pour être suffisants, les motifs doivent permettre à la cour de révision de comprendre pourquoi un décideur a pris une décision et ensuite de déterminer si la conclusion du décideur appartient aux issues acceptables (Lebon c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2012 CAF 132, au para 18).

[18]           En l’espèce, la Cour juge que les motifs de l’agente, dans leur ensemble, sont suffisants pour permettre à la Cour de saisir clairement pourquoi elle est arrivée à sa décision. L’agente a exprimé de façon claire dans ses notes du SMGC que le motif principal pour son refus du permis de travail était que le demandeur n’était pas crédible. Il en ressort que, lors de son entrevue, le demandeur ne pouvait pas répondre à des questions simples et pertinentes à l’égard de son expérience professionnelle. De plus, les notes du SMGC révèlent qu’aucun élément de preuve crédible n’appuyait la demande du demandeur. Le demandeur ne pouvait pas expliquer à l’agente où même se trouvaient les copies originales de ses attestations d’emploi. Il était tout à fait raisonnable selon les doutes sur la crédibilité soulevés que le demandeur avait en fait travaillé en tant que cuisinier.

[19]           En ce qui a trait au deuxième argument, la Cour rappelle qu’il incombait au demandeur d’établir une demande qui convaincrait l’agente qu’il avait les qualifications et l’expérience nécessaires pour accomplir le travail envisagé au Canada (Grusas, ci-dessus au para 63). Ce n’était pas à l’agente d’aller chercher de la preuve corroborant la demande du demandeur sur son lieu de travail. De même, l’agente avait le pouvoir discrétionnaire de décider de la valeur à accorder à cette preuve (Aguebor, ci-dessus). La Cour ne peut pas alors substituer sa propre appréciation pour celle de l’agente. Bien que le demandeur croie que l’agente aurait dû conclure différemment en l’espèce, il n’a pas démontré en quoi l’agente a erré dans son évaluation de la preuve.

[20]           En vue des défaillances dans la preuve du demandeur, la Cour juge que la décision de l’agente se situe manifestement dans les issues possibles acceptables. Or, il était entièrement loisible à l’agente de tirer des conclusions négatives au sujet de la crédibilité du demandeur.

[21]           La Cour remarque que le demandeur attaque d’autres commentaires faits par l’agente dans ses notes. Elle estime par ailleurs qu’elles ne sont pas centrales à la décision et ne pourraient rendre la décision déraisonnable eu égard aux autres préoccupations soulevées par l’agente ; notamment concernant la crédibilité du demandeur.

IX.             Conclusion

[22]           Pour toutes les raisons ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE la demande de contrôle judiciaire du demandeur soit rejetée sans aucune question d’importance générale à certifier.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3845-13

 

INTITULÉ :

SOK, LIHENG c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 mai 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 mai 2014

 

COMPARUTIONS :

Vanna Vong

 

Pour le demandeur

 

Margarita Tzavelakos

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Vanna Vong

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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