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Date : 20140507


Dossier :

T-1253-13

Référence : 2014 CF 438

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), 7 mai 2014  

En présence de monsieur le juge Manson

 

 

ENTRE :

ERWIN CARLOS ORTIZ OSTERROTH

demandeur

et

LE CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE LA DÉFENSE

ET

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, qui vise la décision de T.J. Lawson, un général du chef d’état-major de la défense, [le général]. Le général a rejeté le grief du demandeur relatif à sa rémunération.

I.                   La question en litige

A.    La décision du général par laquelle il rejetait le grief du demandeur était-elle raisonnable? 

II.                Contexte

[2]               Le demandeur s’est enrôlé dans les Forces canadiennes à titre d’officier du génie électrique et mécanique (OGEM) le 8 août 2008. Il est titulaire d’un baccalauréat en génie et d’une maîtrise en sciences de l’ingénieur. 

[3]               Le 7 mai 2010, le demandeur a présenté un grief portant sur plusieurs points, dont son taux de rémunération. Selon l’affidavit de Johanna Erwins, une analyste des griefs qui travaille au bureau du Directeur général – Autorité des griefs des Forces canadiennes, les questions qui n’étaient pas liées à son taux de rémunération ont été traitées dans un dossier séparé.   

[4]               En ce qui a trait à son taux de rémunération, le demandeur a allégué que ce suit :

[traduction]

Mon taux de rémunération ne correspond pas à celui qui m’a été offert lors de mon enrôlement. De plus, il n’existe actuellement aucune disposition dans la politique de rémunération qui tienne compte, dans les cas d’EDO, des années d’expérience acquise dans le domaine du génie mécanique avant l’enrôlement et des études supérieures en génie terminées sans l’aide financière du MDN.

[5]               Le demandeur recherchait une augmentation d’échelons de solde qui l’aurait fait passer au niveau « C-8 », rétroactivement à la date à laquelle il a commencé son instruction, étant donné qu’il était titulaire d’une maîtrise et qu’il comptait plusieurs années d’expérience dans son domaine avant de s’enrôler dans les Forces armées canadiennes. En date du dépôt du grief, ce rajustement se serait traduit par un versement de 11 820 $ au demandeur.

[6]               Le 8 avril 2011, D.M. MacKiegan, un commandant auprès du Quartier général du groupe du recrutement des Forces canadiennes [le commandant], a rejeté le grief du demandeur. Ce faisant, le commandant a fait remarquer que la norme de scolarité d’entrée pour un OGEM est un baccalauréat en génie et qu’un OGEM n’est pas tenu de détenir une maîtrise ou d’avoir des antécédents professionnels. En l’absence d’une politique énonçant qu’une formation plus poussée en génie ou des antécédents professionnels justifient une augmentation d’échelons de solde plus élevée, le commandant a conclu que l’actuelle augmentation d’échelons de solde accordée au demandeur était appropriée.  

[7]               Le commandant a conclu qu’il n’y avait aucune preuve permettant de conclure que le demandeur s’était vu promettre une augmentation d’échelons de solde plus élevée au moment de son enrôlement. Au contraire, le message d’enrôlement, de mutation et d’assignation qui fut transmis au demandeur avec son offre d’enrôlement contenait des renseignements relatifs à son niveau de solde, niveau que le demandeur a accepté.   

[8]               Le 21 septembre 2011, le grief du demandeur a été examiné, à sa demande, par le Chef d’état-major de la Défense, qui a le pouvoir de rendre une décision définitive en matière de griefs.  

[9]               Le 20 juin 2012, il a été décidé que le grief du demandeur devait faire l’objet d’un renvoi obligatoire au Comité des griefs des Forces canadiennes [le CGFC]. Le Comité a pour rôle de tirer des conclusions et de formuler des recommandations à l’égard des griefs dont il est saisi, lesquelles sont transmises au Chef d’état-major. 

[10]           Le CGFC a souscrit à la conclusion du commandant selon laquelle la preuve n’était pas suffisante pour établir que le demandeur s’était vu offrir une augmentation d’échelons de solde plus élevée par le recruteur des Forces armées canadiennes lorsque ce dernier lui avait présenté une offre d’enrôlement. Le CGFC a également fait observer que la décision d’accorder des augmentations d’échelons de solde relevait habituellement d’une autorité centrale et non des centres de recrutement.     

[11]           Pour ce qui est de savoir si ses compétences et qualifications antérieures ont été évaluées de façon satisfaisante, le CGFC a conclu qu’on aurait dû procéder à une évaluation et reconnaissance des acquis [ÉRA] afin de mesurer l’utilité de ses compétences et qualifications antérieures. 

[12]           Le 23 mai 2013, le général a rejeté le grief du demandeur.  

[13]           Le général a fait remarquer que la politique applicable en ce qui concerne le taux de rémunération du demandeur est celle prévue aux Directives sur la rémunération et les avantages sociaux 204.015; la politique est libellée ainsi :   

[…] d’une part, établir, lors de l’enrôlement, de la mutation ou du changement de classe de service de réserve, un taux de rémunération fondé sur des crédits de solde qui, conformément aux ordres ou aux directives publiés par le Chef d’état-major de la Défense, reflète la durée du service admissible, la formation scolaire ou d’autres qualifications particulières du candidat jugées utiles sur le plan militaire;

 

[14]           Le général a souscrit à la recommandation du CGFC selon laquelle on aurait dû procéder à une ÉRA dans le cas du demandeur. Le général a fait observer que l’objectif poursuivi lorsqu’on mène une ÉRA est décrit en ces termes dans les Directives et ordonnances administratives de la Défense 5031-1 :

[…] L’ÉRA est généralement mené lorsque les acquis d’un militaire […] peuvent mener à la réduction ou à l’élimination d’une période future d’instruction et d’éducation aux fins de la progression de l’intéressé au sein de son GPM ou de celui vers lequel il est en voie d’être muté […]

[15]           Le général a conclu que, puisque l’éducation, les habiletés et l’expérience du demandeur ne menaient pas à la réduction d’une période future d’instruction, celles-ci n’entraîneraient aucune économie monétaire pour les Forces armées canadiennes. Par conséquent, une ÉRA ne justifierait pas le versement d’une rémunération plus élevée au demandeur. 

[16]           Le général a également fait remarquer que l’autorité responsable d’établir les qualifications exigées pour le poste qu’occupe le défendeur a jugé que son poste ne requiert qu’un baccalauréat et qu’il n’existe pas de disposition dans la politique de rémunération qui tienne compte des années d’expérience connexes ou des études supérieures effectuées sans l’aide financière des Forces canadiennes.     

[17]           Enfin, le général n’était pas convaincu qu’il existait une preuve étayant la prétention du demandeur portant qu’on lui avait dit qu’il toucherait une rémunération différente de celle qu’il touche présentement. 

III.             La norme de contrôle applicable

[18]           La norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité, puisque la demande en l’espèce se rapporte à une décision discrétionnaire mixte de fait et de politique (Harris c Procureur général du Canada), 2013 CF 571, au paragraphe 30; Rompré c Procureur général du Canada, 2012 CF 101 aux paragraphes 21 à 23).

IV.             Analyse

[19]           Bien que je partage l’opinion des défendeurs suivant laquelle les observations du demandeur n’ont généralement aucune pertinence à l’égard de sa demande de contrôle judiciaire ou du grief en question, y compris en ce qui concerne les questions portant sur la rupture de contrat, sur l’assertion négligente et inexacte, ainsi que sur le principe contra proferentem, j’ai toutefois examiné la décision du général à la lumière de la norme de la raisonnabilité. 

[20]           Le seul argument pertinent soumis par le demandeur à l’appui de sa demande porte sur l’allégation suivant laquelle le centre de recrutement des Forces canadiennes l’a induit en erreur au moment de son enrôlement quant à la rémunération qu’il toucherait.     

[21]           Le général a examiné la question de savoir si les qualifications du demandeur justifiaient une augmentation d’échelons de solde plus élevée, au vu des politiques énoncés dans les Directives et ordonnances administratives de la Défense 5031-1 et dans les Directives sur la rémunération et les avantages sociaux 204.015. Le général a conclu que, compte tenu des exigences établies à l’égard du poste du demandeur, les qualifications antérieures du demandeur n’auraient mené à aucune réduction de la période future d’instruction et que, par conséquent, aucune augmentation d’échelons de solde plus élevée n’était justifiée. Cette conclusion est justifiable, intelligible et transparente.  

[22]           Dans la même veine, la conclusion du général selon laquelle le demandeur n’a pas été induit en erreur par le recruteur est raisonnable. Le demandeur ne fait qu’affirmer qu’il a été induit en erreur. Bien que les notes du recruteur ne contiennent aucune précision sur la rémunération qui lui a été offerte, elles n’étayent pas la prétention du demandeur suivant laquelle il a été porté à croire qu’il recevrait une rémunération plus élevée. Étant donné que la preuve démontre que le demandeur a par la suite accepté sa rémunération actuelle, il était raisonnable pour le général de conclure que le demandeur n’a pas été induit en erreur.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée.

Michael D. Manson

« Juge »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS AU DOSSIER


DoSSIER :

T-1253-13

 

 

 

 

INTITULÉ :

Osterroth c Chef d’état-major de la Défense et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MEDICINE HAT (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

6 MAI 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE MANSON

 

DATE :

7 MAI 2014

 

COMPARUTIONS :

Erwin Carlos Ortiz Osterroth

 

 

POUR LE DEMANDEUR,

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Barry Benkendorf

 

POUR LES DÉFENDEURS,

LE CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE LA DÉFENSE ET

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

AVOCATS AU DOSSIER :

Erwin Carlos Ortiz Osterroth

Medicine Hat (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR,

POUR SON PROPRE COMPTE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS,

LE CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE LA DÉFENSE ET

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

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