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Date : 20140513


Dossier : T-1433-13

Référence : 2014 CF 455

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 13 mai 2014

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

NASRIN PORNEJAD

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’un appel d’une décision rendue par le juge de la citoyenneté Babcock, en date du 24 juillet 2013, où il rejette la demande de citoyenneté canadienne présentée par la demanderesse au motif qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences énoncées dans la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29.

[2]               La demanderesse a indiqué 350 jours d’absence du Canada dans sa demande. Le nombre total de journées d’absence figurant toutefois sur son questionnaire sur la résidence était de 377 jours, soit 12 jours de moins que les 1 095 jours exigés de présence effective. Dans son entretien avec le juge de la citoyenneté, elle a déclaré des absences totalisant 348 jours, mais selon le calcul du juge de la citoyenneté fondé sur les dates que la demanderesse a données lors de l’audition, elle avait été absente 387 jours. Dans son affidavit présenté à la Cour, la demanderesse a corrigé des « erreurs » contenues dans sa déclaration initiale et dans ses questionnaires sur la résidence.  Ayant tenu compte de ces erreurs, elle déclare maintenant totaliser 330 jours d’absence du Canada pendant la période pertinente.

[3]               Le juge de la citoyenneté a estimé qu’il ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve pour lui permettre d’évaluer la présence réelle et physique de la demanderesse au Canada. Il a souligné ce qui suit :

1.                  Il y avait plusieurs timbres d’entrée et de sortie dans le passeport de la demanderesse postérieurs à la date de la demande de citoyenneté, mais antérieurs à la date à laquelle le questionnaire sur la résidence a été reçu, sans qu’aucun de ces déplacements ne soit documenté dans le questionnaire sur la résidence;

2.                  lors de l’entretien, la demanderesse a confirmé que toutes les déclarations formulées dans sa demande et son questionnaire sur la résidence étaient véridiques et exactes;

3.                  des déplacements étaient indiqués dans la demande alors qu’ils ne l’étaient pas dans le questionnaire sur la résidence;

4.                  des timbres d’entrée au Canada correspondant à certains déplacements en Iran et au Mexique, ou depuis l’Iran et le Mexique, n’ont pu être trouvés dans le passeport de la demanderesse;

5.                  la demanderesse a fourni de nombreux documents tendant à établir une résidence passive, dont diverses factures, des documents d’hypothèque, des avis de cotisation établis par l’ARC ainsi que des relevés bancaires, mais plusieurs de ces documents n’étaient pas concluants quant à sa présence physique.  

Compte tenu des renseignements susmentionnés, le juge de la citoyenneté a conclu qu’il était impossible de déterminer avec exactitude le nombre de jours de présence au Canada de la demanderesse.

[4]               La demanderesse fait valoir que le juge de la citoyenneté a manqué à son obligation d’équité envers elle pour les motifs qui suivent :

1.                  il n’a pas tenu d’entretien de suivi, même s’il avait indiqué à la fin du premier qu’il souhaiterait la rencontrer à nouveau;

2.                  il a pris en compte des absences qui étaient survenues hors de la période pertinente, ce qui constitue une considération dépourvue de pertinence;

3.                  il a tiré une conclusion implicitement négative quant à la crédibilité de la demanderesse sans lui donner une occasion d’exprimer ses préoccupations.

 

[5]               J’ai conclu que le présent appel doit être rejeté.  

[6]               À mon avis, le rejet de la demande fondée sur la conclusion du juge de la citoyenneté suivant laquelle il était impossible de déterminer avec exactitude le nombre de jours pendant lesquels la demanderesse avait été présente au Canada était non seulement raisonnable, mais c’était aussi la seule conclusion qui aurait raisonnablement pu être tirée.

[7]               La demanderesse fait valoir que si le juge de la citoyenneté n’avait pas manqué à son obligation d’équité en omettant d’obtenir des renseignements de l’ASFC et de tenir un entretien de suivi, il aurait alors pu être convaincu d’appliquer un des autres critères de résidence plutôt que de s’en tenir à celui du compte strict des jours.

[8]               À supposer, sans toutefois en décider, que le juge de la citoyenneté ait manqué à son obligation d’équité, il n’en demeure cependant pas moins que la demande a été rejetée parce que le juge de la citoyenneté a conclu, sur la foi des renseignements dont il disposait et en fonction de l’entretien personnel qu’il a eu avec la demanderesse, qu’il était [traduction] « incapable de calculer le nombre de jours de présence réelle et physique de la demanderesse » au Canada. Rien n’indique au dossier que l’obtention de renseignements auprès de l’ASFC ou que la tenue d’un entretien de suivi aurait modifié cette conclusion.

[9]               Indépendamment du critère de citoyenneté appliqué, le nombre de jours de présence réelle d’un demandeur au Canada doit être déterminé en premier lieu.  Des facteurs qualitatifs additionnels sont pris en compte lors de l’application de certains des critères autres que celui de la présence physique, mais dans chaque cas, certaines données de base doivent établir le nombre de jours de présence physique réelle. Par exemple, en appliquant le critère énoncé dans l’arrêt Koo (Re), [1993] 1 CF 286, le tribunal doit notamment prendre en compte « l’étendue des absences physiques ». Le « critère du mode centralisé d’existence » tel qu’énoncé dans l’arrêt Papadogiorgakis (Re), [1978] 2 CF 208, exige que le tribunal tranche la question de savoir si un demandeur répond tout de même à la définition de « résident du Canada » pendant les périodes où il en est absent. Ces deux facteurs qu’il convient de prendre en compte exigent quand même que le demandeur établisse à tout le moins quand il était physiquement absent, et pour combien de temps.

[10]           De plus, le demandeur doit prouver qu’il a établi sa résidence au Canada ce qu’il ne peut accomplir lorsque, comme en l’espèce, il est à toutes fins utiles impossible de déterminer quand la demanderesse était présente, ou absente.

[11]      Pour ces motifs, même si j’avais été d’avis qu’il y avait eu manquement au principe de justice naturelle en l’espèce, je n’aurais pas renvoyé la demande pour un nouvel examen, étant donné que l’issue aurait nécessairement été identique. L’appel doit être rejeté car il est impossible de déterminer le nombre de jours de résidence au Canada de la demanderesse.

[12]      La demanderesse a demandé, si elle avait gain de cause, à ce que 1 000 $ de dépens lui soient adjugés; le défendeur a demandé 500 $ de dépens. Dans les circonstances, et en vertu du pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré, j’adjuge au défendeur les dépens demandés. 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que le présent appel soit rejeté avec dépens adjugés en faveur du défendeur pour la somme de 500 00 $.

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-Jacques Goulet, LL. L.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

T-1433-13

 

INTITULÉ :

NASRIN PORNEJAD c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 AVRIL 2014

 

jUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 MAI 2014

 

COMPARUTIONS :

Melissa Kwok

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Amy King

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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