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Date : 20140512


Dossier : IMM-1458-13

Référence : 2014 CF 454

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 12 mai 2014

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

DALJIT SINGH GREWAL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENENTÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire repose presque totalement sur l’allégation du demandeur selon laquelle le défendeur a manqué au principe de l’équité procédurale en ne répondant pas à une attente légitime créée par le défendeur voulant que sa demande CH ne serait pas traitée avant l’exécution d’un mandat d’arrestation des autorités de l’Immigration.

[2]               Les faits entourant cette affaire sont à la fois bizarres et troublants en ce sens que les autorités de l’immigration ont un mandat d’arrestation visant le demandeur, savent où celui-ci se trouve et ce, depuis janvier 2001, et ont omis d’exécuter le mandat, d’arrêter le demandeur et de le renvoyer. Une telle inaction va à l’encontre des nombreuses observations formulées par le défendeur ou d’autres institutions fédérales devant la Cour selon qui les demandeurs d’asile déboutés doivent être renvoyés dans les meilleurs délais. Dans de nombreuses autres affaires, le défendeur a plaidé pour que des conjoints soient séparés et que des enfants soient séparés de leurs parents et soient sortis de l’école, toujours dans un souci d’efficacité.

[3]               Malheureusement pour le demandeur, les fautes commises par le défendeur ne justifient pas son allégation de manquement à l’équité procédurale.

II.                CONTEXTE

[4]               Le demandeur est un homme dans la soixantaine originaire de l’Inde et appartenant à la minorité sikh. Il est arrivé au Canada en 1996, et sa demande d’asile a été rejetée. Il a par la suite présenté deux demandes CH, qui ont toutes deux été rejetées et à l’égard desquelles l’autorisation de demander le contrôle judiciaire lui a été refusée.

En 2001, le demandeur ne s’est pas présenté à son renvoi et, depuis lors, il est visé par un mandat d’arrestation des autorités de l’immigration non exécuté.

[5]               En 2005, le demandeur a présenté une nouvelle demande CH fondée sur son intégration dans la société canadienne et sur les difficultés auxquelles il risquait d’être exposé à cause de ses croyances religieuses.

[6]               Cette demande a été rejetée; toutefois, le demandeur ne conteste pas le bien-fondé de la décision. Il allègue seulement qu’il y a eu manquement à une attente légitime. Le demandeur soutient que l’agent a dit que, étant donné que le mandat d’arrestation n’avait pas été exécuté, la demande CH ne serait pas traitée et qu’il a ensuite tranché la demande CH sans exécuter le mandat.

[7]               Le demande soutient que, étant donné qu’il croyait que sa demande CH était au point mort, il n’a pas présenté de renseignements à jour à l’appui de celle-ci et que, par conséquent, la décision a été rendue en fonction d’informations désuètes.

III.             ANALYSE

[8]               Il s’agit d’une question d’équité procédurale, susceptible de révision selon la norme de la décision correcte (Khosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339).

[9]               La chronologie des événements entourant la « création » de l’attente légitime a son importance :


                     Le 15 août 2011, CIC a écrit à l’avocat du demandeur :

[traduction]

 « Votre client fait l’objet d’un mandat d’arrestation depuis le 24 janvier 2001 (sic) pour ne pas s’être présenté à l’entrevue préalable au renvoi au Centre d’exécution de la loi du Grand Toronto. Malheureusement, nous ne pourrons traiter sa demande que lorsque le mandat aura été exécuté. »

                     Le 26 août 2011, l’avocat a répondu :

[traduction]

« Puis‑je savoir sur quel article de la Loi, du Règlement ou du Guide vous vous appuyez pour refuser d’exercer le pouvoir conféré par l’article 25 et de trancher l’affaire? »

                     Le 1er septembre 2011, CIC a répondu en invoquant le paragraphe 55(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et l’article 233 de son règlement d’application.

                     Le 20 mars 2012, l’avocat a fait savoir à l’ASFC que le demandeur était prêt à se présenter à l’ASFC si celle‑ci était disposée à accepter une caution.

                     Enfin, le 17 mai 2012, CIC a répondu que le demandeur était toujours visé par un mandat non exécuté et a recommandé que le demandeur s’adresse à l’ASFC et a conclu :

[traduction]

 « Le défaut de contacter l’ASFC peut avoir un effet préjudiciable sur votre demande de résidence permanente. Vous devez contacter l’ASFC au plus tard le 7 juin 2012. »

[10]           Le 14 juin 2012, le défendeur a fait savoir au demandeur que sa demande CH était rejetée.

[11]           Les principes de l’attente légitime ont été énoncés aux paragraphes 93 à 97 de Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 RCS 559 :

                     L’attente légitime peut découler de la conduite du décideur ou d’un autre acteur compétent.

                     La pratique ou la conduite qui auraient suscité une attente raisonnable doivent être claires, nettes et explicites, au point où, si elles avaient été faites dans le contexte du droit contractuel privé, elles seraient suffisamment claires pour être susceptibles d’exécution.

                     Il peut y avoir une attente légitime si un organisme public :

-                      A fait des déclarations au sujet des procédures qu’il suivrait pour rendre une décision en particulier;

-                      A constamment suivi dans le passé certaines pratiques procédurales en prenant des décisions du même genre;

-                      A fait une représentation à une personne relativement à l’issue formelle d’une affaire; ou

-                      A créé des règles de procédure de nature administrative ou une procédure que l’organisme a adoptée de son plein gré dans un cas particulier.

                     Les attentes légitimes ne peuvent pas apporter de droits matériels, seulement des réparations procédurales.

[12]           Le défendeur a concédé, dans son argumentation, que la lettre du 15 août représentait un engagement à ne pas traiter la demande CH tant que le mandat n’aurait pas été exécuté. Seul le défendeur pouvait décider du moment où le mandat serait exécuté.

[13]           Toutefois, le demandeur a contesté le pouvoir du défendeur de surseoir au traitement de la demande CH.

[14]           Le présent contrôle judiciaire est inusité en ce sens que le demandeur se plaint que le défendeur a fait exactement ce qu’il demandait – traiter la demande CH.

[15]           Deux aspects minent la demande de contrôle judiciaire du demandeur :

1.                  L’« attente » ‑ soit la confiance accordée à la déclaration – est au cœur du principe de l’attente légitime. Le fait que le demandeur conteste le pouvoir du défendeur de surseoir à l’examen de la demande CH est irréconciliable avec l’idée de confiance. Ce n’est pas de la confiance, mais de la résistance.

2.                  Le demandeur a exclu toute idée de confiance à l’égard du mandat non exécuté lorsqu’il a commencé à négocier les conditions de sa reddition aux autorités. Ce faisant, le demandeur a reçu un avis raisonnable le 17 mai 2012 voulant que le fait de ne pas contacter l’ASFC pourrait avoir un effet préjudiciable sur sa demande CH et qu’il ne pouvait plus invoquer des déclarations passées.

Pour ces raisons, la doctrine de l’attente légitime ne s’applique pas.

[16]           Conformément à des principes en matière de quasi-contrat et de contrat, le défendeur a présenté une offre qui n’a pas été acceptée, et qui a été ensuite été retirée dans des circonstances raisonnables.

[17]           La décision du juge Campbell dans Martins c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 189, 112 ACWS (3d) 556, n’est d’aucune utilité au demandeur. Dans cette décision, il y a eu déclaration; acceptée, jamais retirée ni par ailleurs restreinte de par ses modalités.

IV.             CONCLUSION

[18]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Line Niquet

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1458-13

 

INTITULÉ :

DALJIT SINGH GREWAL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 MARS 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 12 MAI 2014

 

COMPARUTIONS :

Chantal Desloges

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Lorne McClenaghan

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chantal Desloges Professional Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

 

pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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