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Date : 20140509


Dossier : IMM-2344-13

Référence : 2014 CF 451

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 mai 2014

En présence de monsieur le juge Boivin

 

ENTRE :

YINGLI XIE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi) à l’encontre de la décision prise le 7 mars 2013 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) et ayant pour effet de rejeter la demande d’asile.

I.                   Les faits

[2]               Yingli Xie (la demanderesse) est une citoyenne de la République populaire de Chine (Chine).

[3]               La demanderesse prétend qu’après avoir vécu des bouleversements dans sa vie personnelle, elle a découvert la foi catholique et a commencé à fréquenter une église clandestine le 31 janvier 2010. Le 15 août 2010, la Bureau de la sécurité publique (BSP) a découvert l’église clandestine. La demanderesse s’est enfuie et s’est cachée. Le 16 août 2010, le BSP a fouillé le domicile familial de la demanderesse pour tenter de la retrouver. La demanderesse affirme qu’elle a compris à ce moment qu’elle ne pouvait plus rester en Chine et a décidé de quitter son pays avec l’aide d’un agent.

[4]               Elle est arrivée à Vancouver, au Canada, le 30 septembre 2010. Craignant d’être persécutée en Chine en raison de sa foi catholique, elle a demandé l’asile à Toronto, le 22 novembre 2010.

[5]               La Commission a entendu la demanderesse le 28 janvier 2013. Une interprète était présente à l’audience car la demanderesse ne comprenait pas l’anglais. Le 7 mars 2013, la Commission a rejeté sa demande après avoir conclu que les allégations selon lesquelles la demanderesse avait été persécutée en raison de sa foi catholique n’étaient pas crédibles.

[6]               La Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas établi qu’elle serait persécutée si elle retournait dans la province du Guangdong. Bien que la preuve documentaire fasse état d’un certain degré de discrimination et de harcèlement à l’égard des fidèles chrétiens clandestins, surtout des hauts dirigeants de l’Église, rien n’indique que les adeptes laïcs du catholicisme romain sont persécutés dans la province du Guangdong (décision de la Commission, aux paragraphes 23 à 43).

II.                Questions à trancher

[7]               La seule question à trancher en l’espèce est celle-ci : La Commission a-t-elle manqué à l’obligation d’équité procédurale en ne fournissant pas à la demanderesse les services d’interprétation adéquats à l’audience?

III.             Norme de contrôle

[8]               La présente demande est fondée sur une allégation de manquement à l’équité procédurale de la part de la Commission. Comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale, « [l]a question de l’équité procédurale est une question de droit. Aucune déférence n’est nécessaire. Soit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation » (arrêts Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 53, [2006] 3 RCF 392, et Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, aux paragraphes 100, 102 et 103, [2003] ACS n28 [SCFP]).

IV.             Analyse

[9]               La demanderesse avance en substance que la Commission a manquée à son obligation d’équité procédurale en instruisant l’affaire après que le conseil de la demanderesse eut soulevé des objections quant à la qualité du service d’interprétation. Elle ne conteste pas le caractère raisonnable de la décision de la Commission.

[10]           La Cour suprême du Canada a déclaré que le droit à l’assistance d’un interprète (article 14 de la Charte) est une garantie constitutionnelle accordée à toute personne accusée au criminel et devrait être considéré comme un principe de justice naturelle (arrêt R c Tran, [1994] 2 RCS 951, au paragraphe 66, 117 DLR (4th) 7, aux paragraphes 36 et 44). La Cour d’appel fédérale a confirmé que cette garantie s’applique également aux instances d’immigration dont est saisie la Commission (arrêt Mohammadian c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 191, [2001] 4 CF 85, au paragraphe 4).

[11]           La Cour suprême du Canada a également défini cette garantie constitutionnelle comme le droit à une interprétation continue, fidèle et impartiale. Il y a dérogation au droit à l’interprétation s’il y a des risques que le demandeur « n’ait pas compris une partie des procédures en raison des difficultés qu’il éprouve avec la langue du prétoire » (arrêt R c Tran, précité, au paragraphe 66).

[12]           La demanderesse attire notre attention sur la transcription de quatre (4) pages de l’audience tenue devant la Commission (Dossier du demandeur, aux paragraphes 60 à 64) durant laquelle a été soulevée la question de l’interprétation. D’après la demanderesse, la Commission aurait dû suspendre l’audience et prendre des dispositions pour assurer un service d’interprétation adéquat. Au lieu de cela, la Commission a dit à la demanderesse que son objection était consignée au dossier et qu’il ne serait plus fait mention de la compréhension qu’avait l’interprète des termes relatifs au catholicisme à moins qu’ils [traduction] « ne posent des problèmes » (Dossier du demandeur, au paragraphe 61).

[13]           En se fondant sur la transcription, la demanderesse soutient que la Commission a enfreint son droit à l’assistance d’un interprète en décidant de poursuivre l’audience même après qu’il fut devenu évident que l’interprète ne connaissait pas certains termes inhérents à la religion catholique. Par exemple, la difficulté de traduction signalée par la demanderesse s’est posée à l’audience devant la Commission quant au sens d’un terme très technique de la religion catholique, à savoir le mot « chapelet ». La demanderesse s’était inquiétée du fait que l’interprète avait mentionné que certains termes de la religion lui étaient inconnus. La demanderesse n’a pas soulevé d’autres aspects de la traduction.

[14]            La Commission n’a pas mis en doute l’appartenance de la demanderesse à la religion catholique (Dossier du demandeur, page 18; Dossier du tribunal, vol. 3, page 571). Même si l’interprète ne connaissait pas certains termes inhérents au catholicisme, le conseil de la demanderesse a omis de préciser la portion de l’audience que la demanderesse n’avait pas comprise). Celle-ci n’a pas réussi à convaincre la Cour que les lacunes alléguées de l’interprétation sont importantes en l’espèce. Ayant lu la décision dans son ensemble, j’estime que le droit de la demanderesse à l’équité procédurale n’a pas été enfreint et que le manquement allégué ne pouvait avoir influé sur la décision de la Commission (arrêts Patel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 55, 288 NR 48; Mobil Oil Canada Ltd. c Office Canada–Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202). La Cour en profite pour rappeler que la Commission n’a pas douté de l’appartenance de la demanderesse à la religion catholique. La Commission a tiré des conclusions défavorables quant à la crédibilité du témoignage évasif et incohérent de la demanderesse et de l’allégation relative à la chasse lancée contre elle par le Bureau de la sécurité publique de la Chine ainsi que de l’insuffisance d’éléments de preuve documentaire corroborants. Ces éléments se rapportent à l’essence de la demande de la demanderesse (décision Fu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 155, [2011] ACF no 353 (QL)).

[15]           La Cour conclut que la décision de la Commission était éclairée, appuyée par la preuve et conforme aux principes de l’équité procédurale. Son intervention n’est donc pas justifiée.

[16]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’a été proposée à des fins de certification et aucune ne se pose en l’espèce.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’a été proposée aux fins de la certification.

 

« Richard Boivin »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Michèle Chidiac, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

IMM-2344-13

 

 

 

INTITULÉ :

YINGLI XIE

c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 2 avril 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

le juge BOIVIn

 

DATE DES MOTIFS :

le 9 mai 2014

 

COMPARUTIONS :

Wennie Lee

 

POUR LA DEMANDERESSE

Lucan Gregory

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lee & Company

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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