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Date : 20140509


Dossier :

IMM-1165-13

Référence : 2014 CF 445

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 9 mai 2014

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

GURPREET SINGH BAJWA,

SADHU SINGH BAJWA ET

KULWANT KAUR BAJWA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent des visas a refusé de rouvrir le dossier de la demande de visa présentée par Gurpreet Singh Bajwa en vue de prolonger la durée de validité de son visa de résident permanent.

I.                   Contexte

[2]               Monsieur Bajwa est citoyen de l’Inde et était, à l’époque en cause, une personne à charge des demandeurs Sadhu Singh Bajwa et Kulwant Kaur Bajwa. La famille avait été parrainée pour immigrer au Canada par la sœur de M. Bajwa et son mari.

[3]               Des visas de résidents permanents ont été délivrés à la famille le 24 juin 2010. Ces visas étaient valides jusqu’au 31 décembre 2010. Une lettre d’accompagnement adressée au père de M. Bajwa expliquait les diverses étapes que devaient suivre les demandeurs en ce qui a trait aux visas en question. La famille a notamment été avisée du fait qu’elle devait informer le Haut‑commissariat du Canada de tout changement à sa situation familiale et lui retourner les visas, le cas échéant.

[4]               Il était également indiqué dans la lettre que toute accusation criminelle portée à l’endroit de l’un des demandeurs de visa après la date de la demande de visa devait être signalée aux autorités canadiennes de l’immigration avant que la famille ne parte pour le Canada. Par ailleurs, la famille a été avisée qu’une nouvelle demande d’admission devait être déposée si l’un des membres était dans l’impossibilité de se rendre au Canada avant l’expiration du visa.

[5]               Le 18 juin 2010, M. Bajwa, alors âgé de 23 ans, a été arrêté et détenu relativement à des accusations d’enlèvement et de viol. Il affirme que des membres d’une famille faisaient pression sur lui pour qu’il épouse leur fille et l’amène avec lui au Canada. Il déclare avoir été faussement accusé des crimes en question après avoir refusé d’acquiescer aux demandes de la famille. M. Bajwa a été emprisonné pendant quelque neuf mois en attendant de subir son procès. Il a finalement été acquitté de toutes les accusations en mars 2011.

[6]               Entre‑temps, la famille a commencé à craindre que les visas expirent avant que M. Bajwa ne puisse voyager au Canada. Le père de M. Bajwa a affirmé, par voie d’affidavit, s’être rendu à deux occasions au Haut‑commissariat du Canada à New Delhi à la fin de 2010 en vue de demander à ce que le visa de son fils soit prolongé. Il soutient que le Haut‑commissariat était fermé la première fois qu’il s’y est rendu.

[7]               Lors de sa deuxième visite, on lui a dit qu’il pouvait écrire ou envoyer un courriel au Haut‑commissariat, mais que la durée du visa ne serait pas prolongée. Or, un agent des visas en poste au Haut‑commissariat du Canada à New Delhi a fourni une preuve par affidavit du fait que, selon la « procédure habituelle » au Haut‑commissariat, de telles visites d’un demandeur sont consignées dans le système informatique, système qui ne renferme aucune trace d’une telle visite de la part du père de M. Bajwa.

[8]               Le père de M. Bajwa admet n’avoir jamais avisé les autorités canadiennes de l’immigration des accusations portées contre son fils et de n’avoir jamais expliqué la raison pour laquelle il voulait faire prolonger la durée du visa de son fils.

[9]               Plutôt que de laisser expirer les visas de tous les membres de la famille, les parents de M. Bajwa ont décidé de venir au Canada le 26 décembre 2010, où ils ont par la suite obtenu le droit d’établissement. Pendant ce temps, M. Bajwa est demeuré en détention préventive en Inde, et son visa a expiré le 31 décembre 2010.

[10]           Lors du procès qui a eu lieu en mars 2011, les accusateurs de M. Bajwa ont retiré leurs allégations, et ce dernier a été acquitté des accusations portées contre lui. Le 18 avril 2011, l’avocat canadien des demandeurs a présenté une demande officielle pour faire prolonger la durée du visa de M. Bajwa. Cette demande a été rejetée par un agent des visas le 28 avril 2011. Le motif de cette décision était le suivant : [traduction] « il n’est présentement pas possible de rouvrir notre dossier et de prolonger le visa de Gurpreet Singh » : voir Bajwa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 864, au paragraphe 42, [2012] ACF no 931 (Bajwa #1).

[11]           Lors du contre‑interrogatoire, l’agent a expliqué de façon claire que, [traduction] « compte tenu de la procédure normale » prévue dans le guide des politiques pertinent, il n’était pas possible d’accorder une prolongation : Bajwa #1, au paragraphe 43.

[12]           Dans Bajwa #1, le juge O’Keefe a estimé que l’agent avait entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire étant donné que le guide des politiques excluait la possibilité de déroger à la pratique générale alors qu’aucune limite de la sorte n’était imposée par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, ni par le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227. Le juge O’Keefe a renvoyé l’affaire devant le Haut‑commissariat du Canada pour nouvelle décision par un autre agent. C’est cette nouvelle décision qui sous-tend la présente demande de contrôle judiciaire.

[13]           À la suite de la décision du juge O’Keefe, les demandeurs ont déposé des formulaires et des documents à jour ayant trait à leur demande de prolongation du visa. M. Bajwa a alors été reçu en entrevue par une autre agente des visas. Dans son affidavit, l’agente des visas en question explique qu’elle a procédé ainsi afin d’aborder le dossier de [traduction] « façon équitable et transparente ». Elle a expliqué avoir voulu [traduction] « se faire une idée de la situation » et du déroulement des événements de manière à déterminer s’il existait des [traduction] « raisons impérieuses » justifiant l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de rouvrir le dossier de demande de visa.

[14]           Durant l’entrevue avec M. Bajwa, l’agente a posé des questions au sujet des étapes antérieures de la demande de résidence permanente et des actions prises par M. Bajwa et les membres de sa famille relativement à leur demande de résidence permanente. Des questions ont également été posées sur les événements ayant mené à son arrestation et sa relation avec ses accusateurs.

[15]           L’agente est arrivée à la conclusion que les réponses fournies par M. Bajwa n’étaient pas crédibles après avoir relevé des incohérences entre la façon dont M. Bajwa a décrit sa relation avec ses accusateurs au moment de l’entrevue, les affirmations qu’il a formulées dans le cadre de son affidavit et les propos tenus par ses parents lors des procédures de contrôle judiciaire précédentes. L’agente n’a également pas jugé crédible, dans le contexte de la culture du Pendjab, que les accusateurs « exercent une pression » sur M. Bajwa pour qu’il épouse une femme alors que leurs deux familles n’avaient jamais été présentées.

[16]           L’agente a aussi décelé des divergences entre le témoignage de M. Bajwa et celui de ses parents en ce qui concerne leurs deux visites présumées au Haut‑commissariat du Canada. Les éléments de preuve à ce sujet étaient vagues, et l’agente était préoccupée par le fait que ces visites ne figuraient aucunement dans les dossiers du Haut‑commissariat, bien qu’il soit coutume de les consigner dans le système informatique selon la procédure normale. De ce fait, l’agente a conclu qu’il n’y avait [traduction] « pas suffisamment d’éléments de preuve » démontrant que les demandeurs se sont rendus au Haut‑commissariat du Canada à New Delhi pour demander une prolongation du visa de M. Bajwa.

[17]           Selon les motifs de l’agente, il était [traduction] « particulièrement préoccupant » que les demandeurs aient [traduction] « embauché un agent au début de leurs démarches, consulté un avocat en Inde et même retenu les services d’un avocat au Canada sans toutefois aviser notre bureau ni même déposer une véritable demande de prolongation par écrit AVANT L’ACQUITTEMENT » [mise en évidence dans l’original].

[18]           L’agente a donc conclu que les demandeurs savaient qu’ils étaient dans l’obligation d’informer le Haut‑commissariat du Canada de l’arrestation de M. Bajwa. L’agente a également conclu qu’ils auraient pu communiquer avec un responsable du Haut‑commissariat en vue de l’aviser de l’arrestation de M. Bajwa, par l’intermédiaire d’un avocat ou d’un consultant en immigration, et qu’ils avaient décidé de ne pas le faire.

[19]           Par conséquent, l’agente des visas a conclu que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés du fardeau de prouver l’existence de raisons impérieuses justifiant l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de rouvrir le dossier de demande de visa de M. Bajwa.

II.                Questions à trancher

[20]           Les demandeurs ont soulevé trois questions à trancher dans le cadre de la présente demande.

[21]           Ils soutiennent tout d’abord que la demande de prolongation de la durée du visa de M. Bajwa a été traitée de façon abusive par les autorités canadiennes de l’immigration. Ils expliquent qu’ils n’ont jamais été informés de la véritable préoccupation émanant de leur première demande de prolongation du visa, à savoir que l’agent des visas qui a initialement examiné leur demande ne les croyait tout simplement pas.

[22]           Les demandeurs ont également affirmé que l’agent aurait dû présenter aux parents de M. Bajwa, à titre d’explication, les incohérences dans les témoignages offerts par les divers membres de la famille. Selon eux, le défaut de fournir de telles explications constitue un manquement à l’équité procédurale.

[23]           Enfin, les demandeurs estiment que la décision de l’agent était déraisonnable.

III.             La demande de prolongation du visa a‑t‑elle été traitée de façon abusive?

[24]           Comme il a été mentionné précédemment, la première décision par laquelle on a refusé de rouvrir le dossier de M. Bajwa a été rendue au motif qu’il n’était pas possible de le faire puisque le guide des politiques pertinent ne prévoyait pas une telle mesure. C’est sur la foi de cette décision que le juge O’Keefe a rendu la sienne dans Bajwa #1.

[25]           Lorsque le dossier certifié du tribunal a été produit dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, une lettre du premier agent des visas à l’intention de l’avocat du défendeur a été incluse dans les notes du STIDI. Je présume que cela s’est produit par inadvertance. Dans tous les cas, le défendeur n’a pas invoqué le privilège de la confidentialité du contenu de la lettre et ne s’est pas opposé à ce que les demandeurs se fondent sur son contenu. 

[26]           Dans cette lettre, le premier agent des visas explique qu’il a en fait rejeté la demande initiale de réouverture du dossier de M. Bajwa parce qu’il croyait que le père de ce dernier avait sciemment omis d’aviser le Haut‑commissariat du Canada de la situation de son fils et n’avait pas retourné les visas, tel qu’il était indiqué de le faire dans la lettre accompagnant les visas.

[27]           L’agent poursuit sa lettre en disant à l’avocat que, si le père avait communiqué avec les responsables du Haut‑commissariat et retourné les visas avant de quitter pour le Canada, [traduction] « nous aurions rouvert le dossier » et demandé des preuves de la situation du fils. L’agent a ajouté que la famille entière aurait été interdite de territoire au Canada si M. Bajwa avait été déclaré coupable.

[28]           L’agent a conclu en affirmant que, puisque le père de M. Bajwa avait [traduction] « sciemment ignoré les instructions qui lui avaient été fournies dans notre lettre, j’ai estimé qu’il n’était pas approprié de rouvrir le dossier et de traiter la demande du fils alors que la famille se trouvait déjà au Canada ».

[29]           Le motif du rejet de la demande de réouverture du dossier cité par l’agent des visas dans sa lettre à l’avocat diffère à bien des égards de celui qui a été présenté aux demandeurs et à la Cour dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire entendue par le juge O’Keefe. En effet, le juge O’Keefe a précisément mentionné qu’il n’y avait aucune raison de croire que le premier agent des visas avait fondé sa décision sur le fait que les demandeurs avaient omis de mentionner les accusations criminelles : voir Bajwa #1, au paragraphe 55. Cette divergence n’a pas été expliquée de façon satisfaisante, ce qui est très déconcertant.

[30]           Comme l’a fait remarquer la Cour suprême du Canada, la transparence est l’une des principales caractéristiques d’une décision raisonnable : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008]  RCS 190. Par ailleurs, il faut, selon le principe de la simple équité, informer le demandeur de la véritable raison pour laquelle une demande est rejetée.

[31]           Toutefois, les demandeurs n’ont pas réussi à me convaincre que le défendeur avait agi de mauvaise foi dans cette affaire. La bonne foi est présumée, et le fardeau d’établir la mauvaise foi en est un de taille : La Ville Saint‑Laurent v Marien, [1962] SCR 580, à la page 585, [1962] SCJ No 39.

[32]           Aussi déconcertants que puissent être ces événements, je ne suis pas non plus convaincue que je dois accueillir cette demande de contrôle judiciaire pour ce seul motif. Par suite de la décision du juge O’Keefe, la nouvelle agente des visas a procédé à un nouvel examen de la demande de réouverture du dossier déposée par le demandeur. Elle semble être parvenue à ses propres conclusions quant aux circonstances entourant l’omission de la famille de divulguer en temps opportun le fait que des accusations criminelles très graves avaient été portées contre M. Bajwa en Inde.

[33]           Par conséquent, tout manquement à l’équité ayant pu survenir dans le cadre des procédures antérieures ayant mené à l’audience devant le juge O’Keefe a été corrigé par le processus de réexamen.

[34]           Les vraies questions à se poser ne sont donc pas de savoir comment la première décision a été prise, mais plutôt si les exigences en matière d’équité procédurale ont été respectées dans le cadre de la deuxième procédure et si la décision de l’agente était raisonnable.

IV.             Les demandeurs ont‑ils été traités de façon inéquitable dans le cadre du processus de réexamen?

[35]           Bien que je sois consciente de la grande importance que revêt pour M. Bajwa et sa famille la décision en cause, comme l’ont reconnu les demandeurs, le niveau d’équité auquel ont droit les demandeurs de visa est relativement faible. Par ailleurs, une fois qu’une décision a été rendue relativement à une demande de visa, la réouverture du dossier de demande ne constitue pas un droit, et la demande de réouverture est assujettie à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agent des visas. En fait, l’obligation d’équité dans de telles circonstances peut s’avérer encore moindre que celle qui est liée à la demande de visa initiale.

[36]           Le père de M. Bajwa a eu l’occasion de fournir des renseignements sur les circonstances entourant l’arrestation et l’emprisonnement de son fils dans le cadre de la demande initiale de contrôle judiciaire et s’en est prévalu. Il a également eu la chance d’expliquer en temps opportun les raisons pour lesquelles la famille n’a pas avisé le Haut‑commissariat du Canada de la situation de son fils.

[37]           L’agente des visas disposait donc de renseignements fournis par le père de M. Bajwa, s’agissant de l’affidavit de celui‑ci produit dans l’instance antérieure et du contre‑interrogatoire y afférent. Ces éléments d’information portent sur les questions mêmes que doit trancher l’agente dans le cadre de la présente instance. Dans de telles circonstances, l’agente des visas n’était nullement obligée de rencontrer le père pour lui accorder une seconde chance de fournir les mêmes renseignements.

[38]           De plus, les raisons que le père dit qu’il aurait fournies pour expliquer les divergences entre son récit et celui de son fils semblent semer encore davantage la confusion et n’auraient vraisemblablement pas apporté un éclairage supplémentaire sur la situation ni dissipé les doutes de l’agente des visas quant à la crédibilité.

[39]           Selon l’avocat des demandeurs, M. Bajwa ne pouvait savoir qu’il était dans l’obligation d’aviser le Haut‑commissariat du Canada étant donné qu’il était déjà en prison au moment où a été envoyée la lettre informant ses parents de cette obligation. Dans les circonstances, il était injuste que l’agente des visas le tienne responsable des erreurs de jugement éventuellement commises par ses parents.

[40]           Or, l’agente des visas a longuement interrogé M. Bajwa, et ce dernier a eu amplement l’occasion d’expliquer ce qui s’était passé. M. Bajwa n’a jamais nié être au courant de ses obligations de divulgation. Il a plutôt dit [traduction] « nous ne savions pas quoi faire », « nous pensions que mon dossier serait réglé rapidement » et lorsque « nous avons constaté que mes dates de comparution en cour étaient repoussées, nous nous sommes rendu compte que les visas allaient expirer ». Le fait qu’il ait employé le pronom « nous » laisse manifestement sous‑entendre qu’il a pris part au processus de prise de décision relativement au traitement de la demande de visa en question.

[41]           Il y avait également d’importantes divergences entre l’information fournie par M. Bajwa et celle fournie par ses parents, tant en ce qui a trait aux questions fondamentales relatives aux mesures prises par les parents en vue de faire prolonger le visa à la fin de 2010 qu’en ce qui a trait à des questions accessoires comme les circonstances ayant donné lieu aux accusations criminelles portées contre M. Bajwa.

[42]           Comme M. Bajwa et ses parents étaient tous des parties à la demande de visa, je ne crois pas que l’information fournie par chaque membre de la famille constituait un élément de preuve extrinsèque ni qu’elle devait être communiquée aux autres membres de la famille pour qu’ils aient l’occasion de répondre.

[43]           Par ailleurs, M. Bajwa, la personne la plus directement concernée par la décision en cause, a été mis au fait des divergences entre son récit et celui de son père et s’est vu accorder la chance de se présenter pour répondre aux préoccupations de l’agent des visas à ce sujet.

[44]           Enfin, le fait que les autorités canadiennes de l’immigration aient décidé de ne pas prendre de mesures pour retirer le statut de résidence permanente aux parents de M. Bajwa après qu’ils ont manqué à leurs obligations de divulgation ne rend pas inéquitable la décision de ne pas prolonger la durée du visa de M. Bajwa.

[45]           Les demandeurs ne m’ont donc pas convaincue qu’ils avaient été traités de façon inéquitable durant le processus de réexamen.

V.                La décision de l’agente des visas était‑elle raisonnable?

[46]           Selon l’agente des visas, M. Bajwa n’était pas disposé à répondre à certaines de ses questions et est demeuré évasif. L’agente était évidemment la mieux placée pour faire cette évaluation, et ses conclusions à cet égard devraient faire l’objet d’une grande déférence. M. Bajwa a également reconnu que ses affidavits souscrits précédemment contenaient des déclarations trompeuses.

[47]           Je ne retiens pas non plus l’argument des demandeurs selon lequel on ne pouvait pas s’attendre à ce que M. Bajwa avise le Haut‑commissariat du Canada de renseignements importants dans le cadre de la demande de résidence permanente déposée par sa famille. M. Bajwa est un adulte qui a fait des études supérieures et qui semble avoir été entièrement conscient du fait que les accusations criminelles pesant contre lui mettaient en péril les espoirs qu’avaient les membres de sa famille d’obtenir leur résidence permanente. Je constate également qu’aucun certificat d’interprétation n’est joint à l’affidavit de M. Bajwa, ce qui indique qu’il parle anglais.

[48]           Le fait qu’il se trouvait en prison durant la période au cours de laquelle son visa était valide ne l’empêchait pas d’informer le Haut‑commissariat du Canada des accusations portées contre lui. Il communiquait régulièrement avec un avocat qui aurait pu aviser le Haut‑commissariat pour son compte. M. Bajwa aurait également pu écrire lui‑même une lettre au Haut‑commissariat du Canada.

[49]           J’ai déjà fait état des faiblesses du témoignage du père de M. Bajwa en ce qui concerne les efforts déployés pour aviser les autorités canadiennes de l’immigration des circonstances dans lesquelles se trouvait son fils. Je souligne également le fait que les demandeurs ont affirmé que le beau‑frère de M. Bajwa, qui se trouvait au Canada, a vivement recommandé à la famille d’informer le Haut‑commissariat du Canada de la situation. Par ailleurs, aucune explication n’a été fournie quant à la raison pour laquelle le beau‑frère n’a pas pu envoyer lui‑même un courriel ou une lettre en leur nom, comme on les avait avisés de faire, s’il est vrai que la famille avait de la difficulté à communiquer avec les représentants du bureau à New Delhi.

[50]           En outre, le père de M. Bajwa avait retenu les services d’un agent chargé de les aider avec la demande de visa de la famille. Aucune explication satisfaisante n’a été fournie pour justifier qu’on n’ait pas fait appel aux services de cet agent après avoir eu de la difficulté à entrer en contact avec le Haut‑commissariat du Canada.

[51]           Compte tenu de tous les problèmes cernés par l’agente au regard des renseignements fournis par la famille, il était raisonnable, au vu du dossier, qu’elle arrive à la conclusion que la famille avait sciemment décidé de ne pas informer les autorités canadiennes de l’immigration des accusations criminelles qui pesaient contre M. Bajwa avant que les parents ne soient admis au Canada et que le procès criminel de M. Bajwa soit terminé.

[52]           M. Bajwa n’était pas en droit de se voir accorder une prolongation de la durée de son visa de résident permanent qui était expiré. Il incombait plutôt aux demandeurs de démontrer que les circonstances justifiaient l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agente des visas dans « l’intérêt de la justice » et « dans des circonstances exceptionnelles » : Kheiri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 193 FTR 112, au paragraphe 8, 8 Imm LR (3d) 265. Les demandeurs ne sont tout simplement pas parvenus à s’acquitter de ce fardeau.

VI.             Conclusion

[53]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je suis d’accord avec les parties que les faits de la présente affaire sont exceptionnels et que cette dernière ne soulève aucune question à certifier.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

 

1.         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Stéphanie Pagé, traductrice

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1165-13

 

INTITULÉ :

GURPREET SINGH BAJWA, SADHU SINGH BAJWA ET KULWANT KAUR BAJWA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er MAI 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

le 9 mAI 2014

 

COMPARUTIONS :

Barbara Jackman

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Michael Butterfield

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Nazami & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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