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Date : 20140501


Dossier : IMM-11743-12

Référence : 2014 CF 407

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 1er mai 2014

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

NINO SHATIRISHVILI, MARIAMI TSIKARISVILI, GEORGI TSIKARISVILI

(ALIAS GIORGI TCICARISHVILI)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision du 26 octobre 2012 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu’ils n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR).

I.                   Faits

[2]               La demanderesse principale, Nino Shatirishvili, est une citoyenne de la Géorgie. Son époux, Georgi Tsikarisvili, est un citoyen de la Géorgie et de la Grèce, et leur fille, Mariami Tsikarisvili, est citoyenne de la Grèce. La demanderesse principale dit craindre d’être persécutée par un homme du nom de Shalva Nozadze.

[3]               Selon la demanderesse principale, Shalva s’est entiché d’elle en 2001. En 2003, Shalva et trois de ses amis ont tenté de l’enlever en la forçant à monter dans une voiture. Son oncle a signalé l’incident aux policiers, qui lui ont répondu que la demanderesse principale devait subir un examen médical et leur apporter les papiers. Sa famille a plus tard appris qu’aucune accusation n’avait été déposée contre Shalva.

[4]               En décembre 2004, la demanderesse principale et son amie Manone étaient à bord d’un taxi. Le taxi s’est arrêté près d’un magasin dans lequel Manone est entrée. Shalva et deux de ses amis sont alors montés dans le taxi et le chauffeur a démarré. Shalva et ses amis ont détenu la demanderesse principale dans une maison pendant deux jours.

[5]               Lorsque son père a signalé l’enlèvement à la police, on lui a dit que les policiers s’arrangeraient pour faire croire que la demanderesse principale avait suivi Shalva de son plein gré et qu’il ne devrait pas porter plainte contre Shalva parce que son frère aîné occupait un poste élevé au sein du commissariat. Par suite de l’enlèvement, la demanderesse principale a été ostracisée par les habitants de son village parce qu’elle avait passé une nuit avec un homme avec lequel elle n’était pas mariée.

[6]               En 2005, la demanderesse principale a rencontré Georgi Tsikarisvili. Ils se sont mariés en septembre 2006 et la demanderesse principale est allée vivre en Grèce avec lui en novembre 2006. Lorsque Shalva a appris qu’elle s’était mariée, il a menacé les membres de sa famille en Géorgie. Ces derniers sont plus tard allés rejoindre la demanderesse principale et son époux en Grèce.

[7]               Le 14 mars 2008, Shalva l’a appelée chez elle en Grèce et a demandé à la voir, en lui disant que si elle refusait, elle ne reverrait pas les membres de sa famille en vie. La demanderesse principale l’a rencontré dans un restaurant. En réitérant ses menaces, Shalva lui a demandé de quitter sa famille et de venir le rejoindre.

[8]               Avant cet incident, la demanderesse principale et son époux avaient prévu de visiter le Canada le 18 mars 2008. Lorsque son époux a été mis au courant de la rencontre entre la demanderesse principale et Shalva quelques jours plus tard, il s’est mis en colère et a quitté la Grèce sans dire à la demanderesse principale où il allait. Il est arrivé au Canada le 18 mars 2008. Avec l’aide de son beau-frère, la demanderesse principale est venue rejoindre son époux au Canada le 3 avril 2008, avec sa fille d’âge mineur.

[9]               Le 26 octobre 2012, la Commission a rejeté les demandes d’asile des demandeurs (la décision). La Cour est saisie du contrôle judiciaire de cette décision.

II.                Décision faisant l’objet du contrôle

[10]           Il convient d’abord de souligner que même si le demandeur avait dit craindre la mafia en Grèce dans son FRP, les demandeurs n’ont pas contesté la conclusion de la Commission à son égard, et cette conclusion n’a pas été abordée à l’audience. Pour cette raison, les paragraphes qui suivent traitent uniquement de la portion de la décision qui concerne la demanderesse principale. Pour ce qui est de la demanderesse d’âge mineur, sa demande est jointe à celle de la demanderesse principale.

[11]           La Commission a conclu que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger. La question déterminante était celle de la crédibilité. La Commission a jugé que les demandeurs n’étaient pas crédibles, que la demanderesse principale n’était pas poursuivie par Shalva comme elle le soutient et que le demandeur n’était pas poursuivi par la mafia comme il l’affirme.

[12]           La Commission a mentionné qu’elle avait pris en considération les directives concernant la persécution fondée sur le sexe établies par le président et qu’elle était consciente de la nature délicate des allégations de la demanderesse principale. Pour cette raison, les demandes d’asile de la demanderesse principale, de son époux et de leur fille ont été séparées de celles des parents et du frère du demandeur.

[13]           Lorsqu’elle s’est présentée devant la Commission, la demanderesse principale a affirmé pour la première fois que Shalva l’avait agressée sexuellement, alors qu’elle avait dit le contraire dans son FRP. Malgré cette contradiction, la Commission n’a pas tiré de conclusion défavorable quant à la crédibilité.

[14]           La Commission a conclu que les demandeurs n’étaient pas crédibles en raison des incohérences et omissions cumulatives dans leurs témoignages. En ce qui concerne la preuve de la demanderesse principale, la Commission a noté ce qui suit :

         Dans son FRP initial, la demanderesse principale a affirmé que lors de son enlèvement en 2004, elle avait été amenée à la maison d’un ami de Shalva. Devant la Commission, elle a dit qu’elle ne savait pas à qui appartenait la maison dans laquelle elle avait été détenue pendant deux jours. La Commission n’a pas accepté son explication selon laquelle elle pensait qu’elle avait été détenue dans la maison d’un ami de Shalva, mais qu’elle n’en était pas certaine;

         Lorsqu’elle a témoigné devant la Commission, la demanderesse principale a dit que Manone était liée à Shalva et que celle-ci avait organisé son enlèvement dans le taxi, mais elle n’a rien mentionné de tel dans ses FRP. La Commission n’a pas accepté son explication selon laquelle le parajuriste qui l’avait aidée n’avait pas relaté son histoire correctement. La Commission a ajouté que la demanderesse principale avait modifié son FRP à plusieurs reprises avant l’audience et qu’elle n’était pas une personne mal informée ou peu instruite;

         La demanderesse principale a affirmé qu’elle n’avait jamais demandé de soins médicaux en Géorgie parce qu’elle voulait cacher l’agression. Toutefois, le rapport d’examen indique qu’elle a reçu des soins médicaux. Lorsqu’on a porté ce fait à son attention, elle a déclaré qu’elle avait été examinée parce qu’elle avait des ecchymoses;

         Devant la Commission, la demanderesse principale a déclaré avoir reçu des soins médicaux après la tentative d’enlèvement en juin 2003, mais elle n’en a pas fait mention dans ses FRP. La Commission n’a pas accepté son explication selon laquelle le parajuriste qui l’avait aidée n’avait pas relaté correctement son histoire;

         La demanderesse principale ne se rappelait pas avoir remis à la Commission un rapport médical rédigé après la tentative d’enlèvement en juin 2003 et a déclaré que son père n’avait pas été en mesure d’obtenir un tel document auprès de la police ou de l’hôpital. La Commission n’a pas accepté son explication contradictoire selon laquelle son père souhaitait obtenir le rapport directement de l’hôpital. De plus, le rapport médical mentionnait qu’un certain « Aleko » et trois autres personnes étaient les coupables, et non Shalva, et le document ne contenait aucune caractéristique de sécurité;

         La demanderesse principale a mentionné dans son FRP que ses voisins avaient appelé la police lorsque Shalva a tenté de l’obliger à monter dans une voiture en juin 2003, mais elle a déclaré à l’audience que personne n’avait appelé la police. La Commission n’a pas accepté son explication selon laquelle elle n’avait pas indiqué ce fait dans son FRP, ni l’explication de son conseil, qui a fait valoir que la demanderesse principale avait écrit cela en se fondant sur des ouï-dire;

         La demanderesse principale a déclaré que lorsque son père avait demandé l’aide des policiers en son nom la première fois, ceux-ci lui avaient dit qu’aucune accusation de cette nature n’avait été portée et que le nom de Shalva ne figurait pas au dossier. La seconde fois, les policiers ont dit à son père de se rendre dans un autre commissariat. Une fois sur place, les policiers lui ont dit que la demanderesse principale était allée voir Shalva. Toutefois, dans son FRP initial, elle a déclaré que les policiers avaient dit à son père de quitter les lieux et de ne pas porter plainte contre Shalva étant donné que le frère de celui-ci occupait un poste élevé au sein de la police et que les policiers s’arrangeraient pour faire croire que la demanderesse principale s’était enfuie avec Shalva. La demanderesse principale a affirmé que le parajuriste qui l’avait aidée avait mal consigné son histoire, explication que la Commission n’a pas acceptée;

         Devant la Commission, la demanderesse principale a déclaré que Shalva avait soudoyé les policiers pour qu’ils ne l’aident pas, mais elle n’a rien mentionné de tel dans ses FRP. La Commission n’a pas accepté son explication selon laquelle elle s’était fait dire qu’elle ne pouvait rien ajouter à son FRP étant donné qu’elle l’avait modifié à trois reprises;

         La demanderesse principale a dit que Shalva ne l’avait jamais appelée chez elle en Géorgie, mais dans son FRP, elle a affirmé que Shalva l’appelait chez elle et menaçait ses parents. La Commission n’a pas accepté son explication selon laquelle elle n’avait pas tenu de tels propos;

         La demanderesse principale a déclaré avoir été agressée sexuellement en décembre 2004, mais la lettre du médecin indique qu’elle a été agressée en juin 2003. La Commission a conclu qu’elle n’a pas été enlevée ou agressée sexuellement en juin 2003, et la lettre du médecin ne fait aucunement mention de l’agression de décembre 2004. La Commission n’a pas accepté son explication selon laquelle elle a été battue durant la tentative d’enlèvement et agressée sexuellement lorsqu’elle a été enlevée;

         La demanderesse principale a donné à la Commission trois raisons différentes – dans le rapport d’examen, dans son FRP et dans son témoignage – pour expliquer pourquoi elle n’avait pas demandé de protection en Grèce. À l’audience, elle n’a mentionné qu’une seule raison et a dit, pour la première fois, que les policiers avaient battu son époux et maltraité son frère. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi ce n’était pas précisé dans son FRP, elle a répondu que c’était la faute du parajuriste-traducteur précédent. La Commission a jugé que son explication selon laquelle les autorités grecques ne traitent pas bien les immigrants et les réfugiés et selon laquelle Shalva l’avait menacée pour l’empêcher de s’adresser à la police ne cadrait pas avec son comportement puisqu’elle a continué de vivre en Grèce pendant 18 mois.

[15]           La Commission n’a accordé aucune valeur aux rapports fournis par la demanderesse principale, soit deux lettres rédigées par des médecins et une lettre provenant du Centre canadien pour victimes de torture (CCVT). La Commission a souligné que les titres de compétences des auteurs n’avaient pas été fournis et que les lettres ne renfermaient pas d’évaluations psychologiques ou psychiatriques. Une des lettres contenait des fautes de grammaire. Les documents n’établissent pas de façon satisfaisante ou convaincante que la situation de la demanderesse principale découle des faits qu’elle allègue dans le cadre de sa demande d’asile puisqu’un témoignage d’opinion n’est valide que dans la mesure où les faits sur lesquels il repose sont vrais (Danailov (Danailoff) c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 1019 (QL) (1re inst.) [Danailov]), et de telles lettres ne peuvent constituer une panacée pour pallier toutes les faiblesses dans le témoignage du demandeur d’asile (Rokni c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] ACF no 182 (QL) (1re inst.) [Rokni]).

[16]           La Commission a estimé que les demandeurs manquaient généralement de crédibilité et que cela s’étendait à l’ensemble de leurs témoignages pertinents.

III.             Questions en litige

[17]           La demande soulève les questions suivantes :

(1)                Les conclusions de la Commission quant à la crédibilité étaient-elles non étayées                            par la preuve?

(2)                La Commission a-t-elle commis une erreur dans sa façon de traiter la preuve                                   documentaire?

(3)                La Commission a-t-elle commis une erreur en rejetant la demande d’asile en                                   raison de la conclusion sur la crédibilité?

IV.             Norme de contrôle

[18]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a posé en principe qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer une analyse relative à la norme de contrôle dans chaque instance. En effet, lorsque la norme de contrôle applicable à une question précise présentée à la cour est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 57; Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, au paragraphe 18 [Kisana]).

[19]           Il est établi dans la jurisprudence que les conclusions relatives à la crédibilité, décrites comme l’« essentiel de la compétence de la Commission », sont essentiellement de pures conclusions de fait qui sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 619, au paragraphe 26 [Zhou]; Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732 (QL) (CA) [Aguebor]). De façon similaire, l’importance attribuée à la preuve, l’interprétation et l’appréciation de cette preuve sont aussi susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (décision Zhou, précitée, au paragraphe 26).

[20]           Le caractère raisonnable tient à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, mais aussi à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

V.                Positions des parties et analyse

Question no 1 : Les conclusions quant à la crédibilité étaient-elles non étayées par la preuve?

Observations des demandeurs

[21]           La demanderesse principale soutient que les conclusions de la Commission quant à la crédibilité sont déraisonnables parce qu’elles sont fondées sur des conclusions de fait erronées et, dans de nombreux cas, sur une analyse microscopique de la preuve.

[22]           Contrairement à ce qu’affirme la Commission, la demanderesse principale n’a pas mentionné dans son FRP qu’elle a été amenée à la maison d’un ami de Shalva lorsqu’elle a été enlevée en décembre 2004. Par ailleurs, elle n’a pas mentionné dans son FRP que ses voisins ont appelé la police après la tentative d’enlèvement. Elle a plutôt déclaré qu’ils avaient menacé de le faire. Son témoignage au sujet des tentatives de son père en vue d’obtenir l’aide de la police cadrait également avec son exposé circonstancié.

[23]           La Commission a aussi commis une erreur en se fondant sur le FRP initial de la demanderesse principale malgré qu’elle ait déclaré qu’il y avait des problèmes dans la traduction. Pour ce qui est de la question de savoir si Shalva a appelé ses parents, la Commission s’est appuyée sur son FRP initial et non sur son FRP modifié, lequel correspondait au témoignage qu’elle a livré à l’audience. De plus, la Commission a mal interprété son témoignage au sujet de la demande de soins médicaux en Géorgie. Elle a expliqué les circonstances entourant l’obtention du rapport par son père et a aussi tenté de clarifier sa preuve au regard de ce rapport.

Observations du défendeur

[24]           Selon le défendeur, les conclusions de la Commission quant à la crédibilité sont raisonnables étant donné les nombreuses incohérences dans la preuve, certaines n’ayant pas été contestées. La conclusion de la Commission au regard de la preuve de la demanderesse principale concernant l’endroit où elle a été détenue en décembre 2004 était raisonnable parce que la demanderesse principale a présenté des éléments de preuve contradictoires. Le défendeur concède que l’incohérence quant à la question de savoir si les voisins ont appelé la police n’était pas étayée par la preuve. Toutefois, de nombreuses autres incohérences appuient la décision de la Commission.

[25]           Le défendeur fait valoir que la Commission n’a pas tiré une conclusion négative sur la crédibilité du fait que la demanderesse principale a modifié ses FRP, mais plutôt du fait qu’elle n’y a pas mentionné des éléments importants. Le demandeur d’asile doit inclure dans ses FRP les événements importants ou raisons qui l’ont amené à demander l’asile (Aragon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 144, au paragraphe 20; Grinevich c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] ACF no 444 (QL) (1re inst.); Basseghi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] ACF no 1867 (QL) (1re inst.). Lorsque des modifications sont apportées à un FRP et que des éléments hautement pertinents et fondamentaux sont omis, ces omissions peuvent suffire à justifier une conclusion défavorable quant à la crédibilité (Rajaratnam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 865, aux paragraphes 22 à 24 [Rajaratnam]; Taheri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 886, au paragraphe 6; Kutuk c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] ACF no 1754 (QL) (1re inst.)).

[26]           La demanderesse principale a omis des éléments importants dans ses FRP, y compris le fait que Shalva a soudoyé les policiers et la question de la demande de soins médicaux en Géorgie. Une partie de son témoignage de vive voix était contradictoire, entre autres pour ce qui est de la question de savoir si Shalva l’a appelée chez elle en Géorgie.

[27]           Le défendeur soutient également que les demandeurs qui choisissent librement leur avocat doivent assumer les conséquences de cette décision (Huynh c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 642 (QL), au paragraphe 23 (1re inst.); Jouzichin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] ACF no 1886 (QL), au paragraphe 2 (1re inst.); Gogol c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 2021 (QL), au paragraphe 3 (CA)).

Analyse

[28]           Il est bien établi que les conclusions relatives à la crédibilité formulées par les commissions et les tribunaux commandent une retenue considérable du fait que ces derniers sont bien placés pour apprécier la crédibilité des demandeurs d’asile (arrêt Aguebor, précité, au paragraphe 4; Fatih c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 857, au paragraphe 65). La Cour n’interviendra que si le décideur a rendu une décision fondée sur « une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose » (Loi sur les Cours fédérales, alinéa 18.1(4)d)).

[29]           Il est aussi loisible à la Commission de fonder ses conclusions concernant la crédibilité sur des omissions et des contradictions entre les notes prises au PDE, les FRP et le témoignage d’un demandeur à l’audience (Sheikh c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 CF 238 (CA); Kaleja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 668, au paragraphe 18).

[30]           Cependant, les omissions ne sauraient toutes justifier une conclusion défavorable quant à la crédibilité. Dans la décision Naqui c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 282, la Cour s’exprimait en ces termes au paragraphe 23 : « Pour juger de l’importance de l’omission, il faut examiner sa nature, ainsi que le contexte dans lequel est présenté le nouveau renseignement. »

[31]           En l’espèce, la Commission a conclu que la demanderesse principale n’était pas crédible en raison des contradictions entre son témoignage de vive voix, son rapport d’examen et ses FRP et parce qu’elle a omis d’inclure des éléments importants. La Commission ne semble pas tirer de conclusion négative du fait qu’elle a présenté des FRP modifiés.

[32]           Après avoir examiné le dossier, il est clair que la Commission a tiré plusieurs conclusions de fait erronées et mis en doute la crédibilité de la demanderesse principale en raison de présumées contradictions qui n’étaient pas réellement des contradictions :

         Dans son témoignage, la demanderesse principale a déclaré qu’elle ne savait pas où elle avait été détenue par ses ravisseurs en décembre 2004, ce qui cadre avec son FRP du 20 juillet 2011 et son FRP modifié du 21 mars 2012. La Commission a commis une erreur en concluant que, selon les FRP de la demanderesse principale, cette dernière avait été détenue dans la maison d’un ami de Shalva;

         Dans son FRP du 20 juillet 2011, la demanderesse principale a affirmé que les voisins l’avaient entendu crier et avaient menacé d’appeler la police. Dans son FRP modifié du 21 mars 2012, elle a mentionné que les voisins avaient entendu ses cris et s’étaient précipités pour lui venir en aide. La Commission a commis une erreur en affirmant que la demanderesse principale a indiqué dans ses FRP que les voisins avaient appelé la police au moment de la tentative d’enlèvement;

         En ce qui concerne les tentatives de son père pour obtenir l’aide de la police, les éléments de preuve de la demanderesse principale étaient essentiellement cohérents. À l’audience, elle n’a pas parlé des liens de Shalva avec la police, mais a précisé qu’elle en avait fait mention dans ses deux FRP;

         Les éléments de preuve présentés par la demanderesse principale étaient également cohérents en ce qui concerne la tentative d’enlèvement en 2003 et l’enlèvement en 2004, et elle a déclaré à l’audience avoir été agressée sexuellement lors de ce dernier incident. Selon la lettre du Dr Felix Yaroshevky, la demanderesse principale a été enlevée en juin 2003 puis enlevée et violée en 2004. Contrairement à la conclusion de la Commission, la lettre ne dit pas que la demanderesse principale a été enlevée et agressée sexuellement en juin 2003.

[33]           La Commission a cependant décrit correctement d’autres incohérences ou omissions dans la preuve de la demanderesse principale :

         Devant la Commission, la demanderesse principale a affirmé pour la première fois que Manone était liée à Shalva et qu’elle avait organisé son enlèvement. Elle n’a rien dit à ce sujet dans ses FRP et il s’agit d’un fait important au cœur de sa demande;

         Devant la Commission et au PDE, la demanderesse principale a affirmé que Shalva avait soudoyé les policiers et que ces derniers ne l’aideraient donc pas, mais elle n’en a pas parlé dans ses FRP. Il s’agit là d’une autre omission importante;

         En ce qui concerne la question de savoir si Shalva a appelé la famille de la demanderesse principale en Géorgie, cette dernière a affirmé, dans son FRP du 20 juillet 2011, qu’il l’avait appelée chez elle et avait menacé ses parents. Dans son FRP modifié du 21 mars 2012, elle a seulement dit que Shalva avait commencé à s’en prendre à sa famille. Dans son témoignage de vive voix, elle a nié avoir dit que Shalva l’avait appelée à la maison, mais a confirmé qu’il avait menacé sa famille;

         Pour ce qui est des soins médicaux, dans son rapport d’examen, la demanderesse principale a affirmé qu’elle avait un rapport médical indiquant qu’elle avait été [traduction] « battue ». Le rapport d’examen médico-légal du 30 juin 2003 figure au dossier et correspond à la date de la tentative d’enlèvement. Toutefois, dans ses deux FRP, elle a seulement mentionné que les policiers lui avaient dit de subir un examen médical après la tentative d’enlèvement. Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer cette incohérence à l’audience, elle a dit que l’omission était la faute du parajuriste;

         La demanderesse principale a aussi déclaré qu’elle n’avait jamais demandé de soins médicaux en Géorgie et, lorsqu’on lui a rappelé le rapport figurant au dossier, elle a expliqué que ce rapport concernait la tentative d’enlèvement. Toutefois, lorsqu’on l’a plus tard questionnée de nouveau au sujet du rapport médical remis à la police, elle a dit que la police avait conservé le rapport et que son père n’avait pas été en mesure d’en obtenir une copie auprès de l’hôpital. Lorsqu’on lui a une fois de plus rappelé que le rapport figurait au dossier, elle a affirmé que son père voulait obtenir une copie directement de l’hôpital et non de la police;

         La demanderesse principale a aussi donné à la Commission différentes raisons pour expliquer pourquoi elle n’avait pas demandé de protection en Grèce. À l’audience, elle a déclaré qu’elle n’avait pas demandé de protection parce qu’elle ne faisait pas confiance à la police, que les policiers ne traitaient pas bien les réfugiés et les immigrants, que Shalva avait menacé de détruire sa famille si elle s’adressait à la police et que des policiers avaient maltraité son frère et battu son époux. Cette dernière raison n’avait jamais été mentionnée avant l’audience.

[34]           L’accumulation de contradictions entre le témoignage d’un demandeur, ses déclarations au point d’entrée et ses FRP peut légitimement servir de fondement à une conclusion négative quant à sa crédibilité (Cienfuegos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1262, au paragraphe 1 [Cienfuegos]). En l’espèce, la Commission a conclu qu’il y avait une accumulation de contradictions de même que des omissions. Elle n’était pas tenue d’accepter les explications de la demanderesse principale à cet égard, notamment l’explication selon laquelle le traducteur qu’elle avait choisi n’a pas complètement et fidèlement consigné son récit (Matte c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 761, aux paragraphes 102 et 103).

[35]           Même si certaines des conclusions de la Commission n’étaient pas étayées par le dossier, si on examine ces erreurs par rapport aux conclusions exactes et qu’on prend en considération la décision dans son ensemble, la conclusion relative à la crédibilité de la demanderesse principale appartient aux issues raisonnables et acceptables. La Commission a, à juste titre, relevé plusieurs incohérences et omissions qui n’étaient pas fondées sur des éléments secondaires, mais qui étaient liées à des éléments faisant partie intégrante de sa demande d’asile, dont l’existence du rapport médical, les liens entre Manone et Shalva et le pot‑de‑vin qui aurait été versé à la police. L’analyse de la Commission ne peut donc pas être qualifiée d’imparfaite, d’incomplète ou de contradictoire au point où l’intervention de la Cour serait justifiée (Gomez Ramirez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 136, aux paragraphes 12 et 13).

[36]           Il faut également se rappeler que la Commission a pu entendre le témoignage de la demanderesse principale et observer son comportement, ce qui appelle à la retenue. Comme l’affirme la Cour dans la décision Basseghi, précitée, aux paragraphes 31 et 32 :

Les commissaires sont les mieux placés pour évaluer la question de la bonne foi. Le requérant a comparu devant la Commission et a répondu aux questions qui lui ont été posées. Il est du ressort de la Commission d’« apprécier » ces réponses dans le contexte de la preuve prise dans son ensemble et de déterminer si elles sont ou non plausibles.

Il ressort clairement de la décision complète que la Commission a examiné toute la preuve et qu’il était de son ressort d’évaluer la bonne foi.

(Alvarez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 703, au paragraphe 9; Jin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 595, au paragraphe 10).

Question no 2 : La Commission a-t-elle commis une erreur dans sa façon de traiter la preuve documentaire?

Observations des demandeurs

[37]           La demanderesse principale soutient que la Commission a commis une erreur en accordant peu d’importance au rapport d’examen médico-légal parce qu’il mentionnait qu’une personne nommée Aleko Lursmanashvili et trois autres personnes non identifiées étaient les coupables, et non Shalva, et parce que le document ne contenait aucune caractéristique de sécurité. Le rapport corroborait ses allégations, était signé et portait un sceau, et il concordait avec son FRP et son témoignage (Mui c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1020). La Commission était tenue de fournir des raisons valables à l’appui du rejet de cette preuve corroborante et, si elle estimait que la demanderesse avait fabriqué la lettre, elle devait le dire clairement (Sebaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 13 Imm LR (2d) 264 (CAF); Ahortor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 21 Imm LR (2d) 39). La Commission a fait preuve d’excès de zèle en cherchant des faiblesses dans le récit et la preuve des demandeurs.

[38]           Selon la demanderesse principale, la Commission a commis une erreur similaire en ce qui concerne la lettre du Dr Felix Yaroshevsky, qui mentionne l’agression sexuelle survenue en décembre 2004. Les doutes de la Commission découlent de son interprétation erronée de la lettre. Pour ce qui est de la lettre du Dr Naguib Milad, il n’est pas raisonnable de la rejeter en raison des fautes de grammaire. La lettre était signée, datée et rédigée sur du papier à en-tête.

[39]           De plus, bien que la Commission ait noté que les titres de compétences des auteurs des lettres n’étaient pas mentionnés, elle disposait d’une preuve que la demanderesse principale a continué de demander du soutien psychologique auprès du CCVT, un organisme bien connu et de bonne réputation.

Observations du défendeur

[40]           Le défendeur fait valoir que la Commission a examiné les rapports médicaux et les a rejetés avec raison parce qu’ils ne fournissent aucun détail sur les séances de thérapie ou de counseling et les titres de compétences des médecins et du conseiller, et ils ne précisent pas si la demanderesse principale a été soumise à une évaluation (Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (CA)(QL); Foyet c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 187 FTR 181). La Commission a le droit d’avoir recours au bon sens et de relever les fautes élémentaires de grammaire et d’orthographe. La demanderesse principale conteste simplement l’appréciation de la preuve faite par la Commission (Ferguson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, aux paragraphes 25 à 27 et 33; Yousef c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 864, au paragraphe 25).

Analyse

[41]           La décision démontre que la Commission a raisonnablement pris en compte les lettres des médecins et du conseiller. La Commission a rejeté le rapport d’examen médico-légal non seulement parce qu’il ne contenait aucune caractéristique de sécurité, mais aussi parce que la demanderesse principale ne se rappelait pas qu’il avait été fourni à la Commission à titre d’élément de preuve. Elle l’a aussi rejeté parce qu’un des ravisseurs présumés y était nommé et qu’il faisait mention de trois autres personnes. Compte tenu du fait que la demande de la demanderesse principale a pour fondement la persécution que lui aurait fait subir Shalva, la Commission a raisonnablement accordé peu d’importance à ce rapport puisqu’une autre personne que Shalva y était nommée.

[42]           La lettre du CCVT porte la date du 5 décembre 2011 et indique seulement que la demanderesse s’est présentée au centre le 31 octobre 2011 et qu’elle a été évaluée et acceptée comme cliente. À ce titre, elle a reçu des services de counseling et de soutien psychologique et sa santé mentale serait prochainement évaluée de façon plus approfondie par un psychiatre. Le dossier ne contient rien d’autre provenant du CCVT.

[43]           À mon avis, la Commission a aussi raisonnablement accordé peu d’importance à la lettre du 1er septembre 2010 du Dr Milad. La lettre était adressée à « qui de droit » et mentionnait seulement ce qui suit :

This is to confirm that Nino Shatirishvili is suffering from sever anxiety and panic attacks on and off , she is extremely scared and gets flashback of her kidnapping in her country , Georgia . She is much frittered from the thought of getting back to her own country knowing that the same person who kidnapped her is still looking for her.

Mrs. Nino Shatirishvilil was kidnapped in Georgia for two days on Dec.2004 by a man that wanted to marry her against her wish, since then she and her family has been stocked and threatened a harassed by the same person in Georgia.  It is very clear that returning to Georgia is very dangerous for her safety and the safety of her family.

[La présente vise à confirmer que Nino Shatirishvili souffre d’anxiété grave et a des crises de panique de temps à autre. Elle est extrêmement effrayée et a des souvenirs récurrents de son enlèvement dans son pays, la Géorgie. Elle a très peur à l’idée de retourner dans son pays, sachant que la personne qui l’a enlevée la cherche toujours.

En décembre 2004, Mme Nino Shatirishvili a été enlevée et détenue pendant deux jours en Géorgie par un homme qui voulait l’épouser contre son gré. Depuis, sa famille et elle sont traquées, menacées et harcelées par la même personne en Géorgie. Il est très clair que le fait de retourner en Géorgie mettrait sa sécurité et celle de sa famille en danger.]

[44]           Abstraction faite de la grammaire douteuse, ce rapport en dit peu sur l’évaluation médicale et il n’indique pas quel traitement a été prodigué à la demanderesse principale, le cas échéant.

[45]           Pour ce qui est de la lettre du Dr Yaroshevsky datée du 12 mars 2012, elle est adressée au Dr Milad. Elle fait mention de l’enlèvement, de l’agression sexuelle et de la présumée persécution, et il y est précisé que [traduction] « tout est décrit dans l’exposé au dossier ». Après ce qui semble avoir été l’unique rencontre entre la demanderesse principale et le médecin le 9 mars 2012, ce dernier a conclu qu’elle souffrait d’un trouble de stress post-traumatique et de stress constant. La lettre indique que le Dr Milad traite la demanderesse principale à l’aide de médicaments non précisés et fait mention de la possibilité de recourir au counseling. La lettre ne dit pas quels sont les titres de compétences du Dr Yaroshevsky. Elle n’offre pas d’évaluation psychologique et n’établit pas non plus clairement un traitement.

[46]           La Commission a raisonnablement conclu qu’un rapport psychiatrique (ou une lettre d’un médecin ou d’un conseiller en l’espèce) versé en preuve alors que le témoignage du demandeur soulève des doutes n’est qu’un témoignage d’opinion qui n’est valide que dans la mesure où les faits sur lesquels il repose sont vrais. De plus, il ne peut constituer une panacée pour pallier toutes les faiblesses dans le témoignage du demandeur d’asile (décisions Rokni et Danailov, précitées; Arizaj c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 774, au paragraphe 26). Comme la Commission avait affirmé qu’elle avait des doutes quant à la crédibilité, il lui était loisible d’examiner les lettres corroborantes dans le contexte de ces doutes (Lebrun c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 233, au paragraphe 6). Voir aussi Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 202, au paragraphe 40. La Commission a donc accordé peu d’importance à ces rapports, et il n’appartient pas à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation de cette preuve.

Question no 3 : La Commission a-t-elle commis une erreur en rejetant la demande d’asile en raison de la conclusion sur la crédibilité?

Observations des demandeurs

[47]           La demanderesse principale soutient que la Commission a commis une erreur en ne cherchant pas à savoir si elle satisfaisait aux éléments subjectifs et objectifs du critère applicable au statut de réfugié. Une conclusion quant à la crédibilité ne détermine pas si elle a la qualité de réfugié au sens de la Convention (Attakora c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 99 NR 168 (QL) (ACF); Seevaratnam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 694 (QL), aux paragraphes 11 et 13 (1re inst.); décision Rajaratnam, précitée). Même si la Commission n’était pas convaincue que la demanderesse principale était poursuivie par Shalva, elle n’a pas formulé de conclusion indiquant si elle croyait ou non que la demanderesse principale avait été enlevée, agressée et agressée sexuellement. Il y a donc lieu de présumer que la Commission a accepté sa preuve à l’égard de ces incidents et des difficultés auxquelles se heurtent les femmes qui sont victimes de ce type de violence en Géorgie.

[48]           Par ailleurs, la Commission n’a pas apprécié la protection de l’État en Géorgie, qui est le pays de citoyenneté de la demanderesse principale.

Observations du défendeur

[49]           Le défendeur n’a formulé aucune observation en réponse.

Analyse

[50]           Il existe une jurisprudence qui appuie le fait qu’une conclusion concernant l’absence de crédibilité peut être déterminante en soi pour l’issue de la demande (décision Cienfuegos, précitée, au paragraphe 25; Trochez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1016, au paragraphe 42).

[51]           Dans la décision Ache c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 659, le juge Noël a affirmé ce qui suit :

Or,  il est de jurisprudence constante qu’une « conclusion défavorable quant à la crédibilité, tirée en rapport avec l’article 96, écarte souvent le besoin de prendre en considération l’article 97 » (Meija, ci-haut, au para 20, citant Plancher, ci-haut et Emamgongo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 208). En l’espèce, il semble que l’analyse de l’article 97 s’est inscrite en filigrane aux motifs. En ce sens, la SPR a conclu que l’absence de menaces vécues avant juin 2008 et le succès professionnel du demandeur supportaient le fait qu’il ne vivrait vraisemblablement pas de risques au sens de l’article 97.

[52]           Il convient de rappeler que la demande de la demanderesse principale a pour fondement la persécution que lui aurait fait subir Shalva. La Commission a clairement conclu, d’après ses doutes quant à la crédibilité, qu’elle n’était pas convaincue que la demanderesse principale était poursuivie par Shalva. Par conséquent, cette conclusion suffit pour décider de l’issue de la demande.

[53]           Pour tous les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse principale est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire des demandeurs est rejetée et qu’il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Stéphanie Champagne

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-11743-12

 

INTITULÉ :

NINO SHATIRISHVILI, MARIAMI TSIKARISVILI, GEORGI TSIKARISVILI (ALIAS GIORI TCICARISHVILI) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 NOVEMBRE 2013

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE STRICKLAND

DATE DES MOTIFS :

LE 1er MAI 2014

COMPARUTIONS :

Krassina Kostadinov

POUR LES DEMANDEURS

Teresa Ramnarine

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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