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Date : 20140502


Dossier : IMM-5161-13

Référence : 2014 CF 414

Ottawa (Ontario), le 2 mai, 2014

En présence de monsieur le juge Roy

BETWEEN:

PARAMJIT SINGH

PREETI SANDHU

ANGELINA SANDHU

Applicants

and

THE MINISTER OF CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

Respondent

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               CONSIDÉRANT la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (SPR), en date du 18 juin 2013, par laquelle les demandeurs se sont vus refuser leur demande de statut de réfugiés ou de personnes ayant droit à la protection en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC (2001), ch 27 (LIPR ou la Loi);

[2]               ET CONSIDÉRANT les mémoires présentés par les parties, ainsi que les présentations orales faites à l’audience du 23 avril 2014;

[3]               ET CONSIDÉRANT les arguments mis de l’avant par les deux parties, pour les raisons qui sont ici exprimées, la demande de contrôle judicaire est rejetée.

[4]               Dans sa décision, la SPR a traité de façon très articulée de la crédibilité du demandeur principal. Il s’agit de fait de la question déterminante en l’espèce. Les demandeurs sont les époux et leur enfant, mais c’est Paramjit Singh, le mari, qui fait l’argument qu’il a besoin de la protection de la Loi à cause de son association avec un cousin dans son pays d’origine, l’Inde.

[5]               De plus, la SPR aura considéré les questions de la protection de l’état d’origine des demandeurs et de la possibilité pour eux de trouver refuge à l’intérieur de leur pays d’origine. À mon avis, les graves questions qui se posent relativement à la crédibilité du demandeur principal suffisent pour disposer de la question.

[6]               La version donnée par le demandeur principal initialement était très mince. À mon sens, il aurait été difficile de justifier sur cette seule base la protection au titre de réfugié ou de personne visée par l’article 97 de la Loi. Ainsi, le demandeur principal avait avancé que son cousin avait été élu, dans leur pays d’origine, au sein de la All India Sikh Student Federation. Malgré qu’il ne fût pas membre de ladite fédération (le demandeur principal aurait complété son école secondaire en 2002 et aurait par la suite travaillé sur la ferme familiale), il affirme avoir été invité par ce cousin à participer à une manifestation. Alors qu’il se trouvait dans une voiture se dirigeant vers cette manifestation, le demandeur principal aurait été arrêté par la police et détenu pour une courte période de temps. Alors qu’il était relâché, on lui aurait imposé de se présenter au poste de police local une fois par mois, pour les prochains six mois.

[7]               Quant à son cousin, il semble qu’il aurait pour ainsi dire disparu pour une période d’une semaine, à la suite de cette interception et que, lorsqu’il a été relâché, il se serait plaint d’avoir subi de la torture parce que les autorités avaient des soupçons quant à son rôle en temps que militant sikh. Il appert que ce même cousin aurait été arrêté une seconde fois. C’est alors que le demandeur principal a pris la décision de quitter l’Inde. Lui et sa famille se sont rendus aux États-Unis en février 2008 et ils se sont vus octroyer un permis de travail au Canada pour une période d’une année quelque temps plus tard. Ils sont arrivés au pays en août 2008. Cependant, ayant de la difficulté à trouver un emploi au Canada, le demandeur principal aurait communiqué avec sa famille en Inde en mai 2009 quant à son intention de retourner à son pays d’origine. Il aurait été prévenu par sa mère que son cousin l’avait dénoncé à la police comme étant lui aussi un militant sikh. Le 31 juillet 2009, le demandeur principal faisait une demande de protection en vertu des articles 96 et 97 de la Loi.

[8]               Les parties s’entendent que la demande de contrôle judiciaire doit être entendue sur la base de la norme de contrôle de la décision raisonnable. La Cour partage cet avis. Ainsi, la Cour se doit de faire preuve de déférence à l’endroit des questions de faits, et des questions de faits et de droit qui ont été examinées par la SPR. Cela inclut bien sûr les décisions relatives à la crédibilité du demandeur principal. Comme l’a dit la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9; [2008] 1 RCS 190 :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

(Para 47)

[9]               Dans notre cas, la décision prise par la SPR me semble très bien articulée et inattaquable. Sur plusieurs des aspects importants de la version donnée par le demandeur principal, il apparaît très clairement que celui-ci a embelli sa version ou a commis des erreurs au sujet de dates importantes et des évènements tels qu’il prétend qu’ils se sont produits. Par exemple, alors que de nombreuses occasions lui ont été fournies, ce n’est que tard au cours du processus qu’il a présenté que son père aurait été tué de façon brutale, à cause de son militantisme, en 1991. Non seulement cette version apparaît tard mais elle manque en elle-même de crédibilité et n’est soutenue en aucune façon par quelque preuve corroborative. De fait, s’il pouvait y avoir corroboration, par exemple grâce au certificat de décès, celui-ci n’aiderait en aucune façon le demandeur principal puisqu’on y indique un décès dans une ville, d’ailleurs fort éloignée, autre que celle où se serait déroulée l’agression qui aurait causé sa mort de façon de presque instantanée. Dans le même ordre d’idées, on ne soumet à l’appui de cette allégation d’attentat qu’un article dont seulement quelques mots sont traduits en anglais. Ce qui était disponible à la SPR ne permettait pas d’établir le lien entre le demandeur principal et les personnes visées par cet article.

[10]           De même, la version présentée par le demandeur principal quant au moment où il dit avoir commencé à craindre pour sa sécurité dans son pays natal est contredite par ses versions subséquentes. Ce n’est pas insignifiant.

[11]           Face à toutes ces contradictions, explications divergentes et versions peu plausibles, le demandeur principal a tenté de s’expliquer grâce à une certaine preuve documentaire quant à la situation dans son pays de nationalité. On argumente que la corruption est très présente et que les autorités policières agissent sans égard à la loi. Soit dit en tout respect, il me semble que cette accumulation de contradictions, explications divergentes et versions dont le caractère plausible fait défaut rendent les conclusions de la SPR complètement raisonnables et la preuve documentaire ne change rien aux versions déficientes offertes par le demandeur principal quant aux raisons pour lesquelles il dit craindre pour sa sécurité. La preuve documentaire ne peut être un substitut à un récit personnalisé non crédible.

[12]           Prétendre que le premier avocat était incompétent et, de ce fait, que l’on aurait omis de référer dans la documentation aux circonstances dans lesquelles le père du demandeur principal aurait péri n’explique en aucune façon comment il se fait que le demandeur principal, alors qu’il était interviewé directement par un fonctionnaire de l’immigration, a omis de traiter de ce qui, du moins à titre de première impression, aurait dû le favoriser. Cela aurait au moins commencé à expliquer pourquoi les autorités indiennes pourraient avoir un intérêt pour sa personne. Mais les occasions qui se sont présentées n’ont pas été saisies. De la même manière, l’absence de clarté quant à savoir quand le demandeur principal a considéré qu’il était dangereux pour lui de retourner en Inde est aussi important. On se demande en quoi les autorités indiennes auraient pu avoir un intérêt quelconque pour quelqu’un qui n’est pas un étudiant et qui n’aurait été intercepté qu’une seule fois alors qu’il se rendait à une manifestation estudiantine. La déclaration qu’aurait faite le cousin qui est rapportée au demandeur principal par sa mère, sans aucune autre explication ou preuve corroborative, n’a pas les apanages suffisants pour bénéficier d’une certaine crédibilité.

[13]           La SPR a aussi conclu que les demandeurs pourraient bénéficier de la protection de leur état d’origine s’ils devaient la demander, ce qui n’a évidemment jamais été fait. Encore ici, les demandeurs ont tenté de faire valoir que faire une demande de protection serait, dans les faits, contreproductive. À mon avis, leur tentative de convaincre à cet égard est bien courte. La SPR en est aussi venue à la conclusion qu’il leur était disponible la possibilité de trouver refuge dans une ville loin de leur région d’origine le Pendjab. En effet, il a été établi que la capitale, New Delhi, a une communauté considérable de sikhs et les indications retenues par la SPR sont à l’effet que les demandeurs pourraient y vivre sans peur. De fait, l’agglomération métropolitaine de New Delhi serait de quinze millions d’habitants.

[14]           De toute façon, il n’est pas nécessaire de considérer davantage ces questions puisque, comme indiqué plus tôt, l’absence de crédibilité de la part du demandeur principal permet de conclure cette affaire. Si le demandeur principal n’est pas cru, il n’est pas nécessaire de considérer les alternatives telles que la protection de l’état et la possibilité de refuge interne. À mon avis, les conclusions de la SPR sur la crédibilité du demandeur principal sont raisonnables et elles méritent de recevoir la déférence de cette Cour. Cela suffit pour disposer de la question.

[15]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire de la décision de la SPR est rejetée. Il n’y a pas de question pour certification.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire de la décision de la SPR est rejetée. Il n’y a pas de question pour certification.

« Yvan Roy »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5161-13

 

INTITULÉ :

PARAMJIT SINGH, PREETI SANDHU, ANGELINA SANDHU v THE MINISTER OF CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 avril 2014

 

ORDONNANCE ET MOTIFS:

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 MAI 2014

 

COMPARUTIONS :

Me Claude Whalen

 

Pour les demandeurs

 

Me Daniel Latulippe

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

 

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