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Date : 20140428


Dossier : IMM-862-13

Référence : 2014 CF 385

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 28 avril 2014

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

SING CHAO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Sing Chao est un citoyen du Cambodge et un moine bouddhiste. Il prétend qu’il craint la persécution de la part des autorités cambodgiennes.

[2]               Le demandeur prétend qu’il occupait un poste de dirigeant au sein de la Khmer Kampuchea Krom Federation (la KKKF), pour laquelle il a participé à l’organisation d’une manifestation à l’extérieur de l’ambassade du Vietnam à Phnom Penh, en 2007. Après la manifestation, il prétend que les autorités cambodgiennes l’ont harcelé jusqu’à son arrivée au Canada, et qu’il est resté ici parce que son supérieur lui avait fait savoir que la police était à sa recherche.

[3]               La Commission a examiné la demande d’asile du demandeur en fonction d’une crainte de persécution en raison de ses opinions politiques, mais l’a rejetée parce qu’elle a jugé qu’il n’était pas crédible. La Commission a énoncé les motifs suivants pour mettre en doute le récit du demandeur :

•           Le demandeur a déclaré dans sa demande qu’il avait cessé d’appartenir à la KKKF en 1993, et il n’avait pas fait mention dans l’exposé circonstancié de son Formulaire de renseignements personnels [FRP] de son appartenance à la KKKF ou le rôle de dirigeant qu’il avait assumé. Malgré le fait qu’il a produit une carte de membre, celle‑ci n’a été émise qu’en septembre 2011 et le décrivait comme un membre de soutien, et non pas un dirigeant. Le demandeur n’a pas produit  d’autre élément de preuve corroborant sa participation aux activités de la KKKF.

•           Le demandeur n’a jamais fait mention dans l’exposé circonstancié de son FRP de la manifestation tenue en 2007, et il a prétendu que celle‑ci avait eu lieu en mars, tandis que les éléments de preuve documentaire montrent qu’elle a eu lieu en février. De plus, le demandeur n’a pas mentionné dans l’exposé circonstancié de son FRP qu’il avait été détenu et interrogé peu après la manifestation. Ces faits sont au cœur de la demande d’asile du demandeur, et celui-ci n’a fourni aucune explication raisonnable pour l’une ou l’autre des omissions.

•           Le demandeur a passé plus de deux ans au Canada sans statut légitime avant de demander l’asile, ce qui contredit sa prétendue crainte de rentrer au Cambodge.

[4]               Comme la Commission n’a pas prêté foi aux éléments de preuve produits par le demandeur, elle a conclu que celui-ci n’avait probablement pas pris part aux activités de la KKKF et qu’il n’avait jamais été victime de quelque persécution que ce soit de la part des autorités. De plus, malgré le fait que le conseiller en immigration du demandeur ait prétendu que la religion représentait un autre lien avec les motifs visés à la Convention, le demandeur a affirmé qu’il ne craignait pas la persécution pour cette raison. Par conséquent, la Commission a rejeté la demande d’asile fondée sur l’article 96.

[5]               Comme  le demandeur n’était pas crédible, la Commission a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve démontrant que celui-ci s’exposait à un risque de torture ou à quelque risque personnel que ce soit. Par conséquent, elle a aussi rejeté la demande d’asile fondée sur le paragraphe 97(1).

Questions en litige

[6]               Même si de nombreuses questions ont été soulevées dans le mémoire, à l’audience, l’avocat a renvoyé à trois questions :

1.         La question de savoir s’il y a eu manquement à la justice naturelle en raison du fait que la Commission a refusé que le demandeur appelle un témoin et en raison du ton de l’audience, le commissaire ayant été décrit comme [traduction] « désinvolte » et [traduction] « sarcastique »;

2.         La question de savoir si la Commission a commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas de lien avec l’un des motifs visés à la Convention, c’est‑à‑dire la religion;

3.         La question de savoir si la Commission a commis une erreur dans sa conclusion quant à la crédibilité.

[7]               J’estime qu’il n’y a pas eu de manquement à la justice naturelle. J’ai examiné la transcription et n’y ai rien trouvé de particulièrement agressif dans les questions de la Commission. Le demandeur renvoie à une déclaration à titre de preuve de sarcasme où le commissaire dit [traduction] « [] les gens sont humains, même les moines sont humains […] ». Hors contexte, une telle déclaration pourrait être considérée comme méprisante. Cependant, à ce stade de l’entrevue, le commissaire avait déjà demandé plusieurs fois si le fait qu’un moine qui restait à l’extérieur de la pagode plus longtemps que la période autorisée prêtait à conséquence, et le demandeur répondait invariablement que ce n’était pas permis. Par cette déclaration, la Commission essayait simplement de régler ce qui semblait être un problème de compréhension en s’attachant à savoir quel sort était réservé au moine désobéissant à la règle. En contexte, ce n’était ni sarcastique, ni déplacé. En bref, rien dans la conduite de l’audience n’a été injuste à l’égard du demandeur.

[8]               Le demandeur était représenté par un conseil devant la Commission. Le fait que le supérieur du demandeur était à l’extérieur de la salle d’audience a été soulevé indirectement pendant que la Commission questionnait le demandeur. Ce dernier ou son conseil n’ont jamais dit que le supérieur attendait pour témoigner. C’est la Commission, et non pas le demandeur ou son conseil, qui a souligné que le supérieur pourrait peut-être fournir des éléments de preuve utiles par rapport à la question discutée et a conclu que ce n’était pas le cas. La Cour ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant que le supérieur pouvait apporter des éléments utiles. De plus, ni le demandeur ni son conseil n’ont demandé que le supérieur témoigne. En bref, personne n’a refusé au demandeur d’appeler quelque témoin que ce soit.

[9]               Le demandeur prétend  que le dossier ne permet pas de conclure catégoriquement qu’il n’a pas été victime de persécution pour des motifs religieux. J’estime que la conclusion de la Commission selon laquelle il n’existe pas de tel lien avec un motif visé à la Convention était raisonnable sur la foi des éléments de preuve voulant que le bouddhisme est la religion nationale au Cambodge et aussi sur la foi du témoignage du demandeur selon lequel il ne craignait pas la persécution pour ce motif. Malgré les observations habiles de l’avocat, il m’apparaît évident que le témoignage du demandeur allait dans ce sens.

[10]           Enfin, la Cour doit faire preuve d’une retenue considérable à l’égard des conclusions de la Commission quant à la crédibilité. Compte tenu des incohérences dans les éléments de preuve fournis par le demandeur et du temps qu’a mis celui‑ci pour demander l’asile, il était raisonnable de conclure que le demandeur n’était pas crédible. Pour cette raison, la présente demande doit être rejetée.

[11]           Aucune partie n’a proposé de question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE la présente demande est rejetée, et aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Line Niquet

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-862-13

 

INTITULÉ :

SING CHAO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 AVRIL 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 28 AVRIL 2014

 

COMPARUTIONS :

HOWARD P. EISENBERG

 

POUR LE DEMANDEUR

 

NICOLE PADURARU

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Eisenberg & Young LLP

Avocats

Hamilton (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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