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Date : 20140428


Dossier :

T‑1824‑13

Référence : 2014 CF 394

 

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 avril 2014

En présence de monsieur le juge Manson

 

ENTRE :

ERIN CHRISTINE DONOHUE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La Cour est saisie de l’appel interjeté à l’encontre de la décision du juge de la citoyenneté Floyd C. Babcock de la Commission de la citoyenneté, Immigration Canada [le juge]. Le juge a rejeté la demande de citoyenneté canadienne de la demanderesse, au motif que la demanderesse ne satisfait pas à l’obligation de résidence imposée à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, LRC, 1985, c C‑29 [la Loi]. À titre préliminaire, je tiens à préciser que la présente affaire aurait dû être introduite par voie d’appel sous le régime du paragraphe 14(5) de la Loi. Je convertis donc la présente procédure en appel.

I.                   Questions en litige

[2]               Les questions en litige dans la présente demande sont les suivantes :

A.    Le juge a‑t‑il commis une erreur en appliquant le critère de la présence physique?

B.     La façon dont le juge a appliqué le critère de la présence physique aux faits était‑elle raisonnable?

C.     Le juge a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale?

II.                Contexte

[3]               La demanderesse est citoyenne des États‑Unis. Elle est entrée au Canada en 2001 et a acquis le statut de résidente permanente le 22 janvier 2008. Le 28 février 2010, la demanderesse a demandé la citoyenneté canadienne. Elle a présenté un questionnaire sur la résidence le 14 avril 2011.

[4]               Le 7 octobre 2013, la demanderesse a comparu devant le juge, accompagnée de son avocat, pour une audience qui a duré une heure.

[5]               Le juge a examiné si la demanderesse satisfaisait à l’obligation en matière de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi, conformément au critère énoncé dans la décision (Re) Pourghasemi, [1993] ACF no 232 (1re inst.) [Pourghasemi], consistant à calculer de façon stricte le nombre de jours de présence physique. Le juge a déterminé que la demanderesse n’avait pas respecté l’exigence énoncée dans la décision Pourghasemi selon laquelle elle devait être effectivement présente au Canada pendant au moins 1 095 jours au cours des quatre ans précédant la date de sa demande de citoyenneté.

[6]               Pour arriver à cette conclusion, le juge a noté que, dans sa demande de citoyenneté, la demanderesse a déclaré 156 jours d’absence du Canada, alors que dans son questionnaire sur la résidence elle a déclaré 205 jours d’absence. Le juge a également conclu que la demanderesse a été effectivement présente au Canada pendant 958 jours selon sa demande de citoyenneté, alors que son questionnaire sur la résidence faisait état de 909 jours de présence.

[7]               Le juge a en outre conclu qu’il ne pouvait pas calculer le nombre de jours de présence au Canada de la demanderesse parce que l’historique de ses entrées au Canada [rapport du SIED] contredit les renseignements fournis par celle‑ci. Il a relevé, en particulier, que le rapport du SIED concernant la demanderesse fait état de 49 départs du Canada et entrées au Canada, alors que son questionnaire sur la résidence indique 44. De plus, seulement 19 des départs et des entrées figurant dans le rapport SIED correspondaient à ceux déclarés par la demanderesse dans son questionnaire sur la résidence.

[8]               Le juge a noté que les antécédents de la demanderesse avec le ministère de la Santé de l’Ontario et d’autres documents fournis constituaient des indices passifs de résidence au Canada.

[9]               Le juge a conclu qu’il incombait à la demanderesse d’établir, au moyen d’une preuve claire et convaincante, sa présence physique au Canada, ce qu’elle n’a pas fait (Atwani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1353, aux par. 12 et 18).

[10]           Les dispositions législatives applicables en l’espèce sont jointes à l’annexe A.

III.             Norme de contrôle

[11]           Le premier point en litige a trait à une question qui fait l’objet de nombreux débats et de beaucoup d’incertitude dans la jurisprudence.

[12]           Dans la décision Gavriluta c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 705, au par. 27, la juge Elizabeth Heneghan a déclaré que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Son raisonnement reposait sur la décision Lam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF n410, au par. 14 [Lam], où le juge en chef Lutfy, tel était alors son titre, a affirmé que le juge de la citoyenneté est libre de choisir l’un ou l’autre des trois critères juridiques à appliquer pour apprécier la condition en matière de résidence. Compte tenu de ce pouvoir discrétionnaire, la décision du juge de la citoyenneté de choisir l’un de ces trois critères commande l’application de la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 53 [Dunsmuir]).

[13]           Or, cette question concerne le choix du critère juridique à appliquer lorsqu’il s’agit de déterminer s’il est satisfait aux exigences énoncées à l’alinéa 5(1)c) de la Loi. Puisqu’il s’agit d’une question de droit d’une importance capitale pour le système juridique, j’estime que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte (Dunsmuir, précité, au par. 60), comme la Cour l’a décidé dans de nombreuses instances (Ghosh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 282, au par. 18; Martinez-Caro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 460, au par. 52 [Martinez‑Caro]; El Ocla c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 533, aux par. 17 à 18).

[14]           Comme la deuxième question à trancher est une question mixte de fait et de droit, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. La troisième question concerne l’équité procédurale et est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Takla, 2009 CF 1120).

IV.             Analyse

A.                Le juge a‑t‑il commis une erreur en appliquant le critère de la présence physique?

[15]           La demanderesse fait valoir que le juge aurait dû procéder à une évaluation qualitative des éléments de preuve fournis qui indiquaient la solidité de ses attaches avec le Canada. Elle affirme qu’une telle évaluation lui permettrait de satisfaire à l’obligation en matière de résidence, même si elle ne répond pas au critère de la présence physique.

[16]           La demanderesse a présenté plus de 300 pages de documents joints à son questionnaire sur la résidence pour démontrer la solidité de ses attaches avec le Canada. À l’exception d’une déclaration portant qu’il a examiné les éléments de preuve, rien d’indique que le juge a procédé à une évaluation qualitative.

[17]           Selon la demanderesse, les documents fournis font état d’antécédents détaillés et continus au Canada en matière d’emploi, de résidence, d’impôts, d’assurance automobile et d’assurance‑maladie. En outre, ces éléments de preuve démontrent son établissement au moyen de documents relatifs à son époux, à son enfant et à diverses initiatives communautaires auxquelles elle participe. Le défendeur indique qu’il s’agit d’une preuve abondante qui établit que la demanderesse satisferait à l’obligation en matière de résidence à la suite d’une évaluation qualitative.

[18]           Le choix du critère à appliquer pour établir s’il est satisfait à l’obligation en matière de résidence énoncée à l’alinéa 5(1)c) de la Loi fait l’objet de nombreux débats, vu que la jurisprudence de la Cour fédérale a élaboré trois critères distincts en la matière.

[19]           Ces critères ont été énoncés dans les décisions Pourghasemi, Re Papadogiorgakis [1978] 2 CF 208 [Papadogiorgakis], et Koo (Re), [1993] 1 CF 286 [Koo]. Le critère de la décision Pourghasemi est le plus restrictif, en ce sens qu’il commande une évaluation quantitative du nombre de jours pendant lesquels le demandeur a été physiquement présent au Canada pour déterminer s’il satisfait à l’obligation en matière de résidence énoncée à l’alinéa 5(1)c) de la Loi. Par contre, les critères des décisions Papadogiorgakis et Koo comportent aussi une évaluation qualitative. Il s’agit de déterminer si le demandeur peut néanmoins satisfaire à l’obligation en matière de résidence compte tenu de la qualité de ses attaches avec le Canada, même s’il ne répond pas à la condition relative à la présence physique énoncée dans Pourghasemi. Le critère énoncé dans la décision Papadogiorgakis (relatif au « centre du mode habituel de vie ») et celui énoncé dans la décision Koo (relatif aux « attaches importantes ») adoptent des démarches différentes quant à l’évaluation qualitative, mais posent essentiellement la même question.

[20]           L’existence de différents critères se maintient en raison de l’article 16 de la Loi lequel limite le droit de porter en appel les décisions en matière de citoyenneté devant la Cour fédérale. Puisque la Cour d’appel fédérale n’a pas compétence à cet égard, la jurisprudence ne comporte pas de démarche uniforme permettant de guider les décisions de première instance sur cette question. À cela s’ajoute l’absence de directives du législateur. Par conséquent, la Cour fédérale a adopté des démarches distinctes pour décider quel critère devait appliquer le juge de la citoyenneté pour évaluer l’obligation en matière de résidence énoncée à l’alinéa 5(1)c) de la Loi.

[21]           La première approche est celle invoquée par la demanderesse en se fondant sur la décision Lam, précitée, à savoir que le juge de la citoyenneté est libre d’appliquer l’un ou l’autre des trois critères mentionnés précédemment.

[22]           Une deuxième approche a été formulée pour la première fois dans Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1229. Cette approche a été adoptée dans la décision Martinez‑Caro, où le juge Rennie conclut que, suivant les principes de l’interprétation des lois, l’obligation en matière de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi doit être évaluée en appliquant le critère de la présence physique énoncé dans Pourghasemi.

[23]           La troisième approche est de nature hybride. Selon le juge James O’Reilly dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Nandre, 2003 CFPI 650, au par. 12, si un demandeur ne répond pas au critère de la présence physique énoncé dans Pourghasemi, il faut appliquer l’un des critères qualitatifs si le demandeur présente des éléments de preuve permettant une telle évaluation. Le juge O’Reilly a précisé plus tard que le critère énoncé dans Koo devrait correspondre au critère qualitatif appliqué dans le cadre de cette approche de nature hybride (Dedaj c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 777, au par. 7).

[24]           J’estime convaincant le raisonnement du juge Rennie dans la décision Martinez‑Caro, aux par. 29 à 34 :

29        Si l’on donne une interprétation franche à la loi, en considérant ses dispositions comme un tout et en leur attribuant leur sens ordinaire, l’on constate que le législateur a expressément énoncé le degré de latitude qu’il convenait d’accorder aux citoyens éventuels. La résidence suppose la présence et non pas l’absence. À mon avis, les critères qualitatifs ne tiennent pas valablement compte du sens littéral de l’alinéa en cause, non plus que de la nécessité de considérer comme un tout les dispositions de la loi. En recourant à la méthode qualitative, on ne dit pas non plus comment, ni en vertu de quel principe d’interprétation législative, la Cour pourrait interpréter le libellé bien précis de la loi comme autorisant des périodes d’absence ou de non‑résidence plus longues que celles déjà prévues expressément par le législateur. En somme, on ne peut s’appuyer sur aucun principe d’interprétation pour étendre au‑delà d’un an les périodes d’absence expressément autorisées par le législateur. Le libellé choisi par le législateur doit l’emporter, sauf si se soulève un problème de constitutionnalité, et la cour, ayant tiré une conclusion quant à son interprétation, doit alors l’appliquer.

30        Il faut donc se demander fondamentalement pourquoi, lorsqu’on interprète la loi, le législateur a prévu une obligation de résidence d’au moins trois ans pendant la période de quatre ans qui précède la demande. L’emploi des mots au moins dans la Loi fait voir que 1 095 jours est le nombre minimal de jours où l’auteur d’une demande de citoyenneté doit avoir résidé en tout au Canada. Le législateur a accordé une certaine latitude aux citoyens éventuels, qui doivent accumuler 1 095 jours de résidence au Canada pendant la période en cause de quatre ans ou 1 460 jours. De par son sens ordinaire l’« accumulation » appelle une analyse quantitative, et un critère de l’« accumulation » se distingue nettement de critères de citoyenneté fondés sur l’intention de résider ou le centre du mode d’existence. L’intention ne peut s’accumuler au sens où l’entend la loi et le concept de « centralisation du mode d’existence » ne s’harmonise pas bien non plus avec la connotation quantitative des mots au moins.

31        On a peu traité du paragraphe 5(1.1), reproduit ci‑après, lorsqu’on s’est penché sur la définition de la résidence :

5 (1.1) Est assimilé à un jour de résidence au Canada pour l’application de l’alinéa (1)c) et du paragraphe 11(1) tout jour pendant lequel l’auteur d’une demande de citoyenneté a résidé avec son époux ou conjoint de fait alors que celui‑ci était citoyen et était, sans avoir été engagé sur place, au service, à l’étranger, des forces armées canadiennes ou de l’administration publique fédérale ou de celle d’une province.

* * *

5 (1.1) Any day during which an applicant for citizenship resided with the applicant’s spouse who at the time was a Canadian citizen and was employed outside of Canada in or with the Canadian armed forces or the federal public administration or the public service of a province, otherwise than as a locally engaged person, shall be treated as equivalent to one day of residence in Canada for the purposes of paragraph (1)(c) and subsection 11(1).

Le sens ordinaire du paragraphe 5(1.1) étaye la conclusion qu’entraîne l’interprétation comme un tout des dispositions de la loi, à savoir que ne comptent pas aux fins du calcul, sauf dans les circonstances restreintes ainsi prévues, les périodes passées hors du Canada par les non‑citoyens. Le législateur a ainsi prévu expressément pendant quelle période de temps, et en quelles circonstances, un citoyen éventuel pouvait se trouver à l’extérieur du pays. Si l’on interprète la loi selon son sens ordinaire, à mon avis, l’obligation de résidence pendant trois ans au cours de la période de quatre ans a expressément été conçue afin d’autoriser, pendant cette période, une absence physique d’une année.

32        Pour en revenir une fois encore au principe premier d’interprétation législative, la résidence s’entend de la présence et non de l’absence, dans l’une et l’autre langues officielles. La version française a même valeur que l’anglaise, et conduit à tirer la même conclusion quant à l’intention du législateur.

33        Cette interprétation n’est pas nouvelle. Elle compte de longues racines qui remontent aux décisions Blaha du juge Pratte, Chen du juge Nadon et Pourghasemi du juge Muldoon. La Cour y a plus récemment recouru dans les décisions Sarvarian c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1117, Hao du juge Mosley et Alinaghizadeh de la juge Gauthier.

34        Pour conclure sur la question de l’interprétation législative, je relève que le législateur a conféré aux juges de la citoyenneté le pouvoir discrétionnaire de recommander au ministre de la Citoyenneté d’attribuer la citoyenneté dans des circonstances exceptionnelles. On a ainsi prévu au paragraphe 5(4) le pouvoir discrétionnaire de remédier aux situations inhabituelles de détresse ou aux situations inéquitables, comme lorsqu’une personne a été empêchée d’entrer au Canada pour des motifs échappant à sa volonté, et considérer que le même pouvoir discrétionnaire découle implicitement de la définition même de la résidence, c’est donner ouverture indirectement à ce dont le législateur a déjà traité directement au paragraphe 5(4). Cela prive aussi en réalité de tout effet le pouvoir discrétionnaire conféré. Pourquoi sinon une recommandation au ministre serait‑elle nécessaire si, par le choix d’un critère plus laxiste, la citoyenneté pouvait être attribuée?

[25]           Je comprends fort bien la frustration de la demanderesse devant les approches non uniformes adoptées pas la Commission de la citoyenneté et par notre Cour, mais j’estime que, selon l’interprétation du sens ordinaire et grammatical du texte de la loi, la méthode d’analyse raisonnée consiste à appliquer le critère de la présence physique.

B.                 La façon dont le juge a appliqué le critère de la présence physique aux faits était‑elle raisonnable?

[26]           La demanderesse fait valoir que le juge a eu tort de conclure à l’existence d’une contradiction entre le nombre de jours pendant lesquels la demanderesse a déclaré dans sa demande de citoyenneté avoir été absente du Canada (156 jours) et le nombre de jours d’absence déclarés dans son questionnaire sur la résidence (205 jours). De même, la demanderesse conteste la conclusion du juge selon laquelle ces deux sources étaient contradictoires quant au nombre de jours pendant lesquels elle a été effectivement présente au Canada.

[27]           Selon la demanderesse, cette distinction s’explique par le fait que la méthode servant à calculer le nombre de jours pour l’application de l’alinéa 5(1)c) de la Loi est différente selon que les jours de présence ont été accumulés avant ou après l’admission de la demanderesse à titre de résidente permanente, alors qu’elle résidait au Canada, suivant les sous‑alinéas 5(1)(i) et 5(1)(ii) de la Loi. La demanderesse souligne qu’elle a indiqué un total de 205 jours d’absence dans sa demande de citoyenneté, dont 98 jours faisaient partie de la période antérieure à son admission à titre de résidente permanente. Suivant le sous‑alinéa 5(1)(i), chaque jour d’absence du Canada avant son admission à titre de résidente permanente correspond à un demi‑jour pour se conformer à l’obligation en matière de résidence énoncée à l’alinéa 5(1)c). Par conséquent, pour l’application de la Loi, ces 98 jours équivalent à 49 jours. S’y ajoutent les autres 107 jours d’absence après son admission à titre de résidente permanente, pour un total de 156 jours. Ce résultat correspond au nombre de jours d’absence indiqué dans son questionnaire sur la résidence.

[28]           La demanderesse affirme également avoir mentionné 207 jours d’absence dans son questionnaire, et non 205 comme l’indique le juge, étant donné qu’elle s’est rappelé après avoir déposé sa demande qu’elle s’était absentée du Canada pendant deux autres jours avant son admission à titre de résidente permanente. Elle reconnaît que, pour l’application de la Loi, il existe un écart d’un jour entre le nombre de jours indiqué dans sa demande de citoyenneté et celui indiqué dans son questionnaire sur la résidence.

[29]           Je suis d’accord avec la demanderesse pour dire que l’écart entre les dates mentionnées par le juge est explicable. Toutefois, étant donné que les absences indiquées dans la demande de citoyenneté de la demanderesse ou dans son questionnaire sur la résidence ne permettent pas d’arriver à un total de 1 095 jours de présence physique au Canada, cette explication n’est pas pertinente quant à la conclusion tirée par le juge de la citoyenneté. Par conséquent, j’estime que la décision du juge n’est pas déraisonnable.

C.                 Le juge a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale?

[30]           La demanderesse invoque deux motifs liés à l’équité procédurale. Premièrement, elle se fonde sur l’expectative légitime quant au critère de résidence appliqué. Deuxièmement, elle soutient qu’on ne lui a pas donné la possibilité de répondre à la conclusion défavorable concernant sa crédibilité. Les motifs d’équité procédurale sont indiqués sans égard aux éléments à l’origine de ces reproches (à savoir le questionnaire sur la résidence et l’observation sur la crédibilité formulée par le juge dans sa décision).

[31]           En ce qui concerne l’expectative légitime, on peut comprendre que, dans le cas d’une audience, même si elle ne remplissait pas l’obligation en matière de présence physique, la demanderesse pouvait présumer que le juge procéderait à une analyse qualitative.

[32]           Toutefois, j’estime qu’on ne peut raisonnablement qualifier toute conduite ou les affirmations faites dans le questionnaire sur la résidence de « claires, nettes et explicites », selon l’arrêt SCFP, au par. 131. On peut dire, tout au plus, qu’il serait raisonnable de supposer une évaluation qualitative. Cela ne permet pas de démontrer qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale.

[33]           De même, j’estime non fondé l’argument de la demanderesse au sujet des conclusions que le juge aurait tirées quant à la crédibilité. Bien qu’il ne soit pas clair si le juge parle du caractère suffisant de la preuve ou de la crédibilité dans les propos attaqués par la demanderesse, je suis d’avis qu’en fin de compte il s’agit effectivement d’une conclusion portant que la demanderesse ne répond pas à la condition relative à la présence physique. Ces propos ne constituent pas une critique de sa crédibilité qui nécessite une réponse. Quoi qu’il en soit, étant donné que la demanderesse admet ne pas avoir satisfait au critère de la présence physique, l’ambiguïté entourant la crédibilité de la preuve qu’elle a présentée est sans conséquence. 

[34]           Je conclus qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale.


JUGEMENT

LA COUR STATUE comme suit :

1.         Le présent appel est rejeté.

« Michael D. Manson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


ANNEXE A

 

Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29

 

5 (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

(4) In order to alleviate cases of special and unusual hardship or to reward services of an exceptional value to Canada, and notwithstanding any other provision of this Act, the Governor in Council may, in his discretion, direct the Minister to grant citizenship to any person and, where such a direction is made, the Minister shall forthwith grant citizenship to the person named in the direction.

(4) Afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse ou de récompenser des services exceptionnels rendus au Canada, le gouverneur en conseil a le pouvoir discrétionnaire, malgré les autres dispositions de la présente loi, d’ordonner au ministre d’attribuer la citoyenneté à toute personne qu’il désigne; le ministre procède alors sans délai à l’attribution.

14 (5) The Minister or the applicant may appeal to the Court from the decision of the citizenship judge under subsection (2) by filing a notice of appeal in the Registry of the Court within sixty days after the day on which

(a) the citizenship judge approved the application under subsection (2); or

14. (5) Le ministre et le demandeur peuvent interjeter appel de la décision du juge de la citoyenneté en déposant un avis d’appel au greffe de la Cour dans les soixante jours suivant la date, selon le cas :

 

a) de l’approbation de la demande;

(b) notice was mailed or otherwise given under subsection (3) with respect to the application.

b) de la communication, par courrier ou tout autre moyen, de la décision de rejet.

15 (1) Where a citizenship judge is unable to approve an application under subsection 14(2), the judge shall, before deciding not to approve it, consider whether or not to recommend an exercise of discretion under subsection 5(3) or (4) or subsection 9(2) as the circumstances may require.

15. (1) Avant de rendre une décision de rejet, le juge de la citoyenneté examine s’il y a lieu de recommander l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu aux paragraphes 5(3) ou (4) ou 9(2), selon le cas.

16. Notwithstanding section 28 of the Federal Courts Act, the Federal Court of Appeal does not have jurisdiction to hear and determine an application to review and set aside a decision made under this Act if the decision may be appealed under section 14 of this Act.

16. Nonobstant l’article 28 de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour d’appel fédérale n’a pas compétence pour entendre et juger une demande de révision et d’annulation d’une décision rendue sous le régime de la présente loi et susceptible d’appel en vertu de l’article 14.

 

Loi des Cours fédérales, LRC 1985, c F-7

 

 

18.5 Despite sections 18 and 18.1, if an Act of Parliament expressly provides for an appeal to the Federal Court, the Federal Court of Appeal, the Supreme Court of Canada, the Court Martial Appeal Court, the Tax Court of Canada, the Governor in Council or the Treasury Board from a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal made by or in the course of proceedings before that board, commission or tribunal, that decision or order is not, to the extent that it may be so appealed, subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with, except in accordance with that Act.

18.5 Par dérogation aux articles 18 et 18.1, lorsqu’une loi fédérale prévoit expressément qu’il peut être interjeté appel, devant la Cour fédérale, la Cour d’appel fédérale, la Cour suprême du Canada, la Cour d’appel de la cour martiale, la Cour canadienne de l’impôt, le gouverneur en conseil ou le Conseil du Trésor, d’une décision ou d’une ordonnance d’un office fédéral, rendue à tout stade des procédures, cette décision ou cette ordonnance ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d’un tel appel, faire l’objet de contrôle, de restriction, de prohibition, d’évocation, d’annulation ni d’aucune autre intervention, sauf en conformité avec cette loi.

 

 

Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106

 

 

57. An originating document shall not be set aside only on the ground that a different originating document should have been used.

57. La Cour n’annule pas un acte introductif d’instance au seul motif que l’instance aurait dû être introduite par un autre acte introductif d’instance.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

 

 

DOSSIER :

T‑1824‑13

 

INTITULÉ :

DONOHUE C MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

14 AVRIL 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

28 AVRIL 2014

 

COMPARUTIONS :

Stephen W. Green

 

POUR LA DEMANDERESSE

ERIN CHRISTINE DONOHUE

 

Rachel Hepburn Craig

 

POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L’IMMIGRATION

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GREEN AND SPIEGEL, LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

ERIN CHRISTINE DONOHUE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L’IMMIGRATION

 

 

 

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