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Date : 20140505


Dossier :

IMM-12788-12

 

Référence : 2014 CF 409

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 mai 2014

En présence de monsieur le juge Russell

 

ENTRE :

FINA NORBERT,

EARDLEY WILMORT PETER et

ODELMA VERLINER SERBRINA PETTER

 

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande présentée au titre du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR ou la Loi), qui vise la décision datée du 22 novembre 2012 (la décision) par laquelle un agent principal d’immigration (l’agent) rejetait la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (demande CH) que les demandeurs avaient présentée depuis le Canada.

LE CONTEXTE

[2]               Les demandeurs sont Fina Norbert et ses deux enfants adultes, Odelma et Eardley. Ceux‑ci sont des citoyens de Sainte‑Lucie.

[3]               Mme Fina Norbert a eu une vie extrêmement difficile à Sainte‑Lucie. Elle a été agressée physiquement et sexuellement à maintes reprises par un homme nommé Valerious Raymond lors de son enfance. Ce dernier a continué à la menacer et à l’agresser lorsqu’elle est devenue adulte. Elle a aussi été agressée physiquement par sa mère lorsqu’elle était adolescente. Mme Norbert a vécu en couple avec Eardley Peter, le père de ses deux enfants, alors qu’elle était devenue une jeune femme et une adulte; M. Peter l’a agressée sexuellement et physiquement, l’entraînant ainsi dans un cycle de violence familiale. Elle a laissé M. Peter après 12 ans de vie commune, mais elle continue d’être terrorisée par M. Raymond. Effectivement, le degré de violence dont Mme Norbert a été victime à Sainte‑Lucie est véritablement consternant – et l’agent n’a pas mis en doute son récit. Son fils, qui se prénomme lui aussi Eardley, est atteint d’albinisme.

[4]               Le 21 juillet 2010, Mme Norbert a fui Sainte‑Lucie en direction du Canada avec ses deux enfants. Ils ont présenté des demandes d’asile le 9 août 2010. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté leur demande d’asile le 21 janvier 2011, et leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été rejetée le 6 mai 2011. Leur demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) a été rejetée le 11 octobre 2011.

[5]               Les demandeurs ont présenté une demande CH en novembre 2011; c’est la décision rendue relativement à cette demande qui fait l’objet du contrôle judiciaire. Les demandeurs prétendent qu’ils seraient exposés à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives s’ils devaient retourner à Sainte‑Lucie, parce que Mme Norbert serait exposée à un risque aux mains de M. Raymond et M. Peter. Mme Norbert allègue que ses amis à Sainte‑Lucie lui ont dit que M. Raymond la cherche et qu’il a aussi menacé de violer sa fille Odelma, et même son fils Eardley. Elle prétend de plus que M. Peter l’a appelé en octobre 2011 et qu’il l’a menacée et intimidée. Par conséquent, les demandeurs allèguent qu’ils sont tous exposés à un risque très concret de subir un préjudice s’ils devaient retourner à Sainte‑Lucie, surtout compte tenu du fait que l’application de la loi n’y est pas efficace en ce qui a trait aux situations de violence familiale.

[6]               Les demandeurs ont prétendu en outre qu’ils seraient exposés à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives, parce que Mme Norbert est atteinte de trouble de stress post-traumatique qui découle des expériences traumatisantes qu’elle a vécues dans son enfance, et qu’elle ne pourrait bénéficier à Sainte-Lucie du soutien social et familial dont elle a besoin. De plus, l’albinisme d’Eardley l’exposerait à la discrimination, qui peut varier de la provocation à la violence physique, ainsi qu’à un risque accru de développer le cancer de la peau ou le cancer de l’œil, puisque le soleil y est plus fort, que la crème solaire est excessivement dispendieuse et qu’il n’aurait pas accès au même niveau de soins de santé à Sainte‑Lucie.

[7]               Les demandeurs ont aussi prétendu qu’ils avaient réussi leur établissement au Canada. Mme Norbert s’est constitué un réseau de soutien composé d’amis et de membres de la collectivité, elle a occupé un emploi stable et elle a adhéré à une communauté catholique. Les trois demandeurs ont aussi suivi des cours d’éducation aux adultes et ils ont très bien réussi.

[8]               Avant que leur demande ne soit tranchée, les demandeurs ont été renvoyés du Canada le 16 février 2012. Ils ont passé au total un peu moins de 19 mois au Canada.

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[9]               L’agent a rejeté la demande CH des demandeurs le 22 novembre 2012. L’agent a reconnu que les demandeurs avaient déployé des efforts pour réussir leur établissement au Canada depuis leur arrivée ici, il y a de cela plus de 18 mois. Mme Norbert avait adhéré à une communauté catholique, elle occupait un emploi à temps partiel dans un centre de soins infirmiers, elle avait de bonnes recommandations de ses superviseurs et elle avait suivi des cours d’éducation aux adultes. Odelma avait réussi ses cours d’éducation aux adultes et elle occupait un emploi à temps partiel dans un restaurant‑minute. Eardley avait lui aussi réussi avec succès ses cours d’éducation aux adultes. L’agent a constaté que Mme Norbert avait mentionné qu’elle avait une sœur qui vivait dans la région de Hamilton, soit Mme Lona Poleon, mais cette dernière n’a produit aucune lettre, et la demanderesse n’a pas précisé si elle était une citoyenne canadienne ou une résidente permanente.

[10]           Malgré ces liens avec le Canada, l’agent a conclu que, bien qu’un retour à Sainte‑Lucie occasionnerait certainement une déception, le dossier ne démontrait pas de manière suffisante que les demandeurs seraient incapables de s’y établir de nouveau. Par le passé, Mme Norbert avait travaillé comme garde de sécurité à Sainte‑Lucie pendant huit ans, et les enfants sont dans la vingtaine. L’agent croyait qu’il était raisonnable que ceux‑ci puissent subvenir à leurs besoins à Sainte‑Lucie.

[11]           En ce qui concerne le prétendu manque de soutien social et familial de Mme Norbert, l’agent a relevé que cette dernière avait fait mention de membres de sa famille dans son récit, et qu’elle avait des amis à Sainte‑Lucie; cinq d’entre eux avaient envoyé des lettres en appui à sa demande CH, ce qui donnait à penser qu’elle aurait accès à un réseau de soutien à Sainte‑Lucie. L’agent a aussi conclu que les demandeurs pourraient se réconforter l’un et l’autre d’un point de vue émotif, puisqu’ils étaient [traduction] « très proches », et qu’ils pourraient trouver des appuis aussi dans une communauté catholique. Dans la même veine, l’agent a conclu que Mme Norbert pourrait solliciter de l’aide en ce qui a trait à son trouble de stress, ou aussi demander l’aide d’un médecin, comme elle l’avait fait par le passé.

[12]           En ce qui concerne les risques présentés par M. Raymond et M. Peter, l’agent a constaté qu’à la lumière des récentes modifications à la LIPR, les facteurs de risque prévus aux articles 96 et 97 de la Loi, y compris la menace à la vie ou les risques de traitements ou peines cruels et inusités ne devraient pas être pris en considération dans l’examen d’une demande CH. Les demandeurs avaient pu s’exprimer au sujet de tels risques et faire en sorte que ceux‑ci soient examinés dans leur demande d’asile et leur demande d’ERAR.

[13]           Finalement, en ce qui concerne le fait que l’albinisme d’Eardley l’expose à la discrimination ainsi qu’à un risque du point de vue de sa santé, l’agent a conclu que la preuve relative à la discrimination provenait de Mme Norbert, et non d’Eardley lui‑même, et que la preuve objective qui a été produite en ce qui concerne la discrimination contre les albinos ne portait pas précisément sur Sainte‑Lucie ou sur la région des Caraïbes. L’agent a aussi conclu qu’aucun élément de preuve ne donnait à penser que Eardley n’aurait pas accès à des soins médicaux ou que la crème solaire était hors de prix.

[14]           En somme, l’agent a conclu que, bien qu’un retour à Sainte‑Lucie puisse occasionner certaines difficultés aux demandeurs, celles‑ci ne seraient pas excessives ou inhabituelles ou injustifiées.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[15]           Les questions en litige dans le cadre du présent contrôle judiciaire sont les suivantes :

a.                   L’agent a‑t‑il commis une erreur en n’effectuant pas l’analyse relative à « l’intérêt supérieur de l’enfant »?

b.                  L’agent a‑t‑il commis une erreur dans son analyse relative aux difficultés?

LA NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

[16]           La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), a statué qu’il n’est pas nécessaire de procéder à l’analyse relative à la norme de contrôle dans tous les cas. Ainsi, lorsque la norme de contrôle qui s’applique à la question particulière dont la cour est saisie a été établie de manière satisfaisante par la jurisprudence, il est loisible à la cour de révision de l’adopter. Ce n’est que dans les cas où cette recherche se révèle infructueuse, ou que la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire, que le tribunal chargé du contrôle doit entreprendre l’examen des quatre facteurs de l’analyse relative à la norme de contrôle : Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.

[17]           Il est bien établi que la décision d’un agent d’immigration quant à une demande fondée sur des motifs CH présentée au titre de l’article 25 de la Loi est susceptible de révision selon (Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, au paragraphe 18; Kambo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 872; Terigho c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 835, au paragraphe 6). Lors du contrôle judiciaire d’une décision relative à une demande CH, la Cour « […] devrait faire preuve d’une retenue considérable envers les décisions d’agents d’immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l’analyse, de son rôle d’exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi » (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 62).

[18]           Lorsqu’elle applique la norme de la raisonnabilité, la Cour s’interrogera sur « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). Autrement dit, la Cour ne doit intervenir que si la décision ici était déraisonnable, en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59).

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[19]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

Humanitarian and compassionate considerations — request of foreign national

25. (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

 

25. (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible or does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected

[…]

[…]

Non-application de certains facteurs

Non-application of certain factors

(1.3) Le ministre, dans l’étude de la demande faite au titre du paragraphe (1) d’un étranger se trouvant au Canada, ne tient compte d’aucun des facteurs servant à établir la qualité de réfugié — au sens de la Convention — aux termes de l’article 96 ou de personne à protéger au titre du paragraphe 97(1); il tient compte, toutefois, des difficultés auxquelles l’étranger fait face.

(1.3) In examining the request of a foreign national in Canada, the Minister may not consider the factors that are taken into account in the determination of whether a person is a Convention refugee under section 96 or a person in need of protection under subsection 97(1) but must consider elements related to the hardships that affect the foreign national.

 

LES ARGUMENTS

La 1re question en litige : L’agent a‑t‑il commis une erreur en n’effectuant pas l’analyse relative à « l’intérêt supérieur de l’enfant »?

 

Les observations des demandeurs

[20]           Les demandeurs prétendent que l’agent a commis une erreur en n’effectuant pas une analyse relative à « l’intérêt supérieur de l’enfant »; même les enfants de plus de 18 ans peuvent être considérés comme des enfants pour les besoins d’une telle analyse. Voir les décisions Naredo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 192 DLR (4th) 373, au paragraphe 20; Swartz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 268, au paragraphe 14; Yoo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 343, au paragraphe 32; Noh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 529, aux paragraphes 63 à 65 (Noh), et Ramsawak c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 636, au paragraphe 18. Les demandeurs soutiennent que l’agent aurait dû se demander si une telle analyse était nécessaire, plus particulièrement dans le cas d’Eardley, et que l’omission de procéder à un tel examen constituait une erreur susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. Voir Noh, précitée, au paragraphe 22. Dans leur mémoire supplémentaire, les demandeurs ont toutefois concédé, en s’appuyant sur la décision Hoyos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 998 aux paragraphes 8 à 24, que l’omission de la Commission de procéder à l’analyse relative à l’intérêt supérieur de l’enfant pourrait commander l’application de la norme de la raisonnabilité.

[21]           Dans leur mémoire supplémentaire, les demandeurs relèvent aussi que la définition du terme « enfant à charge » prévue à l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, inclut l’enfant qui « est âgé de moins de vingt-deux ans et n’est pas un époux ou un conjoint de fait ». Ils prétendent qu’au moment de la présentation de la demande de CH, Eardley avait 21 ans, mais qu’il dépendait de Mme Norbert d’un point de vue financier, qu’il était inscrit à temps plein à l’école et qu’il était atteint d’un grave problème de santé (son albinisme). Même s’il était âgé de plus de 18 ans, son degré de dépendance était tel que l’agent aurait dû procéder à l’analyse relative à l’intérêt supérieur, et il a commis une erreur en ne le faisant pas.

[22]           En ce qui concerne le fond, les demandeurs prétendent dans leur mémoire initial que, lorsque l’agent a conclu que les enfants pourraient travailler afin de subvenir aux besoins de la famille, il a omis de se pencher sur la question de savoir si cela serait dans leur intérêt supérieur de le faire, plutôt que de continuer leurs études. L’agent a aussi omis de tenir compte des obstacles qu’aurait à surmonter Eardley en raison de son albinisme pour se trouver un emploi à Sainte‑Lucie. Les demandeurs soutiennent que, compte tenu de ce qui précède, l’agent n’a pas tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants adultes de Mme Norbert.

[23]           Dans leur mémoire supplémentaire, les demandeurs, en s’appuyant sur les décisions Sinniah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1285, et Noh, précitée, renchérissent que l’analyse relative à l’intérêt supérieur de l’enfant ne doit pas être incluse dans l’analyse quant aux difficultés générales. Ils soutiennent que l’agent, lorsqu’il a traité des besoins des enfants, n’a effectué qu’un simple examen superficiel et pour la forme. L’agent a conclu que Eardley pourrait être capable de s’adapter de nouveau à la vie à Sainte‑Lucie, mais les demandeurs prétendent que l’agent avait l’obligation de se demander ce que dicterait son intérêt supérieur, et non simplement de se poser la question à savoir s’il serait capable de s’adapter. Cette application du mauvais critère juridique constitue une erreur susceptible de contrôle, parce que celle‑ci a conduit l’agent à appliquer le mauvais critère avec un seuil plus strict que ce qui était approprié.

[24]           Les demandeurs soutiennent aussi que l’agent ne s’est pas montré sensible et qu’il n’a pas pleinement compris l’intérêt supérieur d’Eardley. Tout d’abord, l’agent a rejeté les observations relatives aux risques de santé auxquels Eardley serait exposé, en ne leur accordant pas [traduction] « une attention minutieuse ». L’agent a aussi minimisé l’importance de la preuve relative à la discrimination à laquelle Eardley serait exposé à Sainte‑Lucie lorsqu’il n’a pas tenu compte du témoignage de Mme Norbert à ce sujet et qu’il a rejeté la preuve objective relative à l’albinisme, en affirmant que celle‑ci ne portait pas précisément sur Sainte‑Lucie ou sur les Caraïbes, et ce, malgré le fait que la preuve contenait des témoignages provenant de pays de l’Amérique latine, lesquels, comme Sainte‑Lucie, sont surtout peuplés de Noirs.

[25]           L’agent a aussi omis de tenir compte d’un élément de preuve documentaire (un rapport du Département d’État américain sur la situation dans le pays daté de 2010 (le rapport du Département d’État)) qui précise que l’État de Sainte‑Lucie ne respecte pas les droits fondamentaux et qu’elle n’offre pas de recours en cas de violation. Les demandeurs reconnaissent qu’un décideur d’un tribunal administratif n’a pas à mentionner chaque élément de preuve, mais qu’il devrait traiter de la preuve qui est cruciale quant à la décision ou qui contredit ses conclusions. Ils prétendent que le rapport du Département d’État américain contredisait la conclusion de l’agent quant à la discrimination, de sorte qu’omettre de renvoyer au rapport était déraisonnable.

[26]           En dernier lieu, les demandeurs prétendent que l’agent ne s’est pas penché sur la question de savoir en quoi les obstacles occasionnés par la discrimination pourraient avoir une incidence sur l’accès d’Eardley au marché du travail. L’agent a plutôt banalisé l’effet que le retour à Sainte‑Lucie aurait sur Eardley. Ils soutiennent que l’agent a employé une démarche [traduction] « négative et axée sur les résultats » qui n’est pas compatible avec les valeurs qui sous‑tendent l’article 25 de la LIPR.

Les observations du défendeur

[27]           Le défendeur constate que les demandeurs, dans leurs observations présentées à l’appui de leur demande CH, n’ont pas demandé à l’agent de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Ils ont plutôt mis l’accent sur les difficultés et sur l’établissement. Il incombe aux demandeurs de porter à l’attention de l’agent toutes les considérations pertinentes à l’appui de la demande CH (Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, au paragraphe 9 (Owusu)). Par conséquent, l’agent n’a commis aucune erreur en n’effectuant pas l’analyse relative à l’intérêt supérieur de l’enfant.

[28]           Le Guide opérationnel IP‑5 (Guide opérationnel IP‑5) de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) énonce que l’analyse relative à l’intérêt supérieur de l’enfant doit uniquement être effectuée à l’égard des enfants âgés de moins de 18 ans (Guide opérationnel IP‑5, au paragraphe 5.12). Le passage pertinent est libellé ainsi :

Enfants âgés de 18 ans et plus

Il faut tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant pour toute demande impliquant un enfant âgé de moins de 18 ans au moment de la réception de la demande. Il peut toutefois arriver que la situation d’enfants plus âgés soit pertinente et doive être prise en considération dans l’examen d’une demande CH. Si, toutefois, l’enfant a plus de 18 ans, il ne s’agit pas d’un cas où l’intérêt supérieur de l’enfant entre en ligne de compte.

[29]           Le défendeur souligne que la Cour fédérale a confirmé, dans plusieurs décisions, que les enfants âgés de 18 ans et plus n’ont pas un droit à un examen relatif à leur intérêt supérieur (voir, à titre d’exemple, Leobrera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 587 (Leobrera), au paragraphe 63; Moya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 971 aux paragraphes 17 et 18; Ovcak c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1178, au paragraphe 18; Massey c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1382, au paragraphe 48 (Massey)).

[30]           Quoi qu’il en soit, le défendeur prétend que l’agent a bel et bien tenu compte de la situation d’Eardley et qu’il a conclu que la preuve n’était pas suffisante.

La 2e question en litige : L’agent a‑t‑il commis une erreur dans son analyse relative aux difficultés?

Les observations des demandeurs

[31]           Les demandeurs prétendent que l’agent a commis une erreur en omettant de tenir compte de la difficulté présentée par M. Raymond et M. Peter. Ils soutiennent que, même compte tenu des récentes modifications législatives apportées à la Loi, l’agent appelé à trancher une demande CH doit toujours tenir compte des difficultés qui ont une incidence directe sur les demandeurs, sans égard au lien avec le risque. Voir la décision Caliskan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1190. L’agent a omis de tenir compte de la difficulté à laquelle Mme Norbert serait exposée lorsqu’elle interagirait avec ces hommes qui l’avaient agressée physiquement et sexuellement, et à la terreur qu’elle vivrait lorsqu’elle serait incapable de se soustraire à eux sur la petite île de Sainte‑Lucie. Les demandeurs prétendent de plus que les commentaires formulés par l’agent selon lesquels Mme Norbert serait capable de trouver du soutien ainsi que de l’aide médicale à Sainte‑Lucie démontrent qu’il n’a pas pleinement saisi la portée et la gravité des agressions dont avait été victime Mme Norbert par le passé et des difficultés auxquelles elle serait probablement exposée.

[32]           Dans leur mémoire supplémentaire, les demandeurs prétendent que l’agent, en rejetant à première vue l’élément de risque dans l’analyse relative aux difficultés, a omis de tenir compte des aspects les plus convaincants des difficultés auxquelles Mme Norbert serait exposée, difficultés qui l’obligeraient à fuir en permanence ses agresseurs, ce qui la conduirait à une situation précaire en ce qui a trait au logement et à la situation d’emploi. Ils prétendent que l’agent a aussi omis de tenir compte de plusieurs éléments de preuve qui démontrent que les difficultés auxquelles elle sera exposée en tant que victime de violence familiale à Sainte‑Lucie, notamment plusieurs rapports faisant état de l’absence de protection efficace de la police dans de tels cas. L’agent a aussi omis de tenir compte de la preuve portant sur la discrimination fondée sur le sexe.

[33]           Les défendeurs affirment aussi que l’agent n’a pas saisi la portée et la gravité des troubles de stress post-traumatique de Mme Norbert et de la difficulté sur le plan psychologique que représente pour elle le fait de retourner à Sainte‑Lucie. L’agent n’a pas examiné l’affidavit de la Dre Ruth Herman, une spécialiste en ce qui concerne les traumatismes. La conclusion de l’agent selon laquelle Mme Norbert pourrait bénéficier de soutien émotionnel à Sainte‑Lucie, comme le démontrent les lettres rédigées par ses amis à Sainte‑Lucie, était abusive, puisque ces lettres imploraient la demanderesse de rester au Canada. Les demandeurs prétendent aussi que la conclusion de l’agent selon laquelle Mme Norbert pourrait tout simplement reprendre les traitements médicaux et les séances de consultation à Sainte‑Lucie était déraisonnable, parce qu’elle ne tenait pas compte du rapport du Département d’État américain, lequel mentionnait qu’il n’y avait qu’un seul établissement de santé mentale sur l’île et que [traduction] « les personnes atteintes de problèmes de santé mentale ne reçoivent pas beaucoup de soins en général ». L’agent a omis de se pencher sur la question de savoir si cette réduction du degré de soins qui lui seront offerts, conjuguée au fait que Mme Norbert soit contrainte de mettre fin au régime de traitement qu’elle suivait, équivaudrait à des difficultés injustifiées.

[34]           En dernier lieu, les demandeurs prétendent que l’agent a mal décrit ou omis de tenir compte des éléments de preuve se rapportant aux difficultés économiques. L’agent a reconnu que le marché du travail à Sainte‑Lucie se porte très mal, mais il a évacué la question en affirmant essentiellement que les demandeurs pourraient toujours se trouver du travail. Les demandeurs prétendent que la nature sexospécifique de la société à Sainte‑Lucie, le fait qu’ils ont été à l’extérieur de Sainte‑Lucie pendant presque deux ans et qu’ils avaient dépensé leurs économies n’avait pas été considéré par l’agent. Son omission d’à tout le moins aborder ces facteurs constituait une erreur susceptible de contrôle (renvoyant à Shallow c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 749).

Les observations du défendeur

[35]           Le défendeur n’a produit aucune observation écrite quant à la question de savoir si l’agent avait commis une erreur susceptible de contrôle en écartant les facteurs de risque liés à M. Raymond et à M. Peter de l’analyse relative aux difficultés.

[36]           Le défendeur soutient que l’agent n’a pas commis une erreur en ne traitant pas de la preuve documentaire sur la situation générale dans le pays relativement à la violence contre les femmes, puisque l’agent a conclu que Mme Norbert ne serait pas exposée à des difficultés injustifiées, parce qu’elle avait reçu de l’aide à Sainte‑Lucie par le passé. Le défendeur soutient de plus que le dossier ne renferme aucun élément de preuve démontrant que les demandeurs seraient exposés à du harcèlement ou qu’ils ne seraient pas capables de se trouver un logement ou un emploi.

ANALYSE

L’intérêt supérieur de l’enfant

[37]           L’agent n’était pas obligé d’entreprendre l’analyse relative à l’intérêt supérieur de l’enfant dans la présente affaire. Les demandeurs soulignent à juste titre qu’un certain courant jurisprudentiel donne à penser que les enfants âgés de plus de 18 ans peuvent tout de même, dans certaines situations, être considérés comme des enfants pour les besoins d’une demande CH. Cependant, il existe aussi un courant jurisprudentiel portant que la LIPR n’ouvre tout simplement pas la porte à ce que l’analyse relative à l’intérêt supérieur de l’enfant soit effectuée à l’égard des enfants plus âgés et, à cet égard, je suis d’avis que le raisonnement et les conclusions que l’on retrouve dans des décisions comme Leobrera, précitée, et Massey, précitée, doivent être privilégiés. La Cour a tiré la conclusion suivante au paragraphe 48 de la décision Massey :

[48]      De plus, selon la jurisprudence récente de notre Cour, il n’est pas nécessaire d’examiner l’intérêt supérieur d’une personne âgée de plus de 18 ans à titre d’« enfant directement touché » dans une demande fondée sur l’art. 25 de la LIPR. Dans Leobrera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 587, le juge Michel Shore s’est rapporté à la législation nationale, aux instruments internationaux et à la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale et de la Cour suprême pour arriver à la conclusion selon laquelle « l’enfance constitue une période temporaire qui est délimitée par l’âge de la personne, et non par des caractéristiques personnelles » (au par. 72).

De plus, dans les observations que les demandeurs ont formulées à l’agent dans la présente affaire, ils ne lui ont même pas demandé qu’une analyse relative à l’intérêt supérieur d’Eardley soit effectuée. Ils ont demandé à l’agent de traiter de la question des difficultés. Les demandeurs prétendent que l’agent aurait néanmoins dû se pencher sur la question de savoir si une telle analyse était nécessaire. Je ne crois pas que la jurisprudence de la Cour appuie cette thèse.

[38]           Le Guide opérationnel IP‑5, au paragraphe 5.12, énonce clairement que l’analyse relative à l’intérêt supérieur de l’enfant est obligatoire uniquement pour les enfants âgés de moins de 18 ans au moment de la réception de la demande. Eardley avait 21 ans à ce moment‑là. Comme le prévoit clairement le paragraphe 5.12 du Guide, il peut arriver que la situation d’enfants plus âgés soit pertinente et qu’elle doive être prise en considération, mais cela n’oblige pas l’agent à effectuer une analyse relative à l’intérêt supérieur de l’enfant. Dans la présente affaire, la situation d’Eardley était évidemment hautement pertinente quant à l’analyse effectuée par l’agent relativement aux difficultés, mais les demandeurs n’ont pas demandé à ce qu’une analyse relative à l’intérêt supérieur soit effectuée, et ils n’ont pas présenté d’éléments de preuve à cet égard. Il incombait aux demandeurs de présenter tous les facteurs à l’appui de leur demande CH à l’intention de l’agent. Voir Owusu, précitée, au paragraphe 9.

Le paragraphe 25(1.3)

[39]           Les demandeurs soulignent, en se fondant sur le paragraphe 25(1.3), que l’agent a omis de tenir compte des difficultés auxquelles les demandeurs seraient exposés en raison de la présence de M. Raymond et de M. Peter s’ils devaient être renvoyés.

 

[40]           Il ne fait aucun doute à la lecture de la décision que l’agent a bel et bien conclu qu’il ne devait pas traiter de la persécution au sens de l’article 96 et du risque au sens de l’article 97 dans son examen en ce qui a trait aux difficultés, et cela a eu pour conséquence qu’il n’a pas tenu compte d’un aspect extrêmement important et crucial de la cause des demandeurs en ce qui a trait aux difficultés.

[41]           Je suis d’avis que le paragraphe 25(1.3) ne fait que codifier, et ne change en rien, la jurisprudence de la Cour suivant laquelle les facteurs de risque fondés sur les articles 96 et 97 sont toujours pertinents, mais qu’ils doivent être analysés sous l’angle des difficultés. À titre d’exemple, le juge O’Keefe était du même avis dans la décision Vuktilaj c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CF 188, aux paragraphes 25 à 38. Cependant, la Cour d’appel fédérale est en ce moment saisie d’une décision à l’issue similaire rendue par la juge Catherine Kane dans l’affaire Kanthasamy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 802, de sorte que nous n’avons pas encore l’éclairage de la Cour d’appel fédérale quant à cette question.

[42]           Cependant, je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire que j’attende la décision de la Cour d’appel fédérale quant au sens et à la portée du paragraphe 25(1.3). Il en est ainsi parce que je conclus que l’analyse générale quant aux difficultés en l’espèce contient des erreurs susceptibles de contrôle qui, de toute manière, font en sorte que l’affaire doit être renvoyée à un autre agent pour nouvel examen. Il y a présence d’une erreur susceptible de contrôle, et ce, même si le paragraphe 25(1.3) permet à l’agent de ne pas tenir compte des aspects les plus convaincants de la cause des demandeurs, c’est‑à‑dire les difficultés auxquelles ils seront exposés en raison des deux principaux agresseurs : M. Raymond et M. Peter.

L’analyse relative aux difficultés

[43]           Je juge convaincants les arguments suivants à l’appui de la présence d’une erreur susceptible de contrôle dans l’analyse relative aux difficultés effectuée par l’agent :

a.                   L’agent reconnaît les difficultés psychologiques auxquelles Mme Norbert serait exposée si elle retournait à Sainte‑Lucie, mais sa conclusion selon laquelle Mme Norbert devrait être capable d’obtenir du « soutien émotif » chez les membres de sa famille et ses amis ne traite pas de la preuve d’expert provenant de la Dre Ruth Herman sur ce qui se produira si Mme Norbert est renvoyée à l’endroit où elle a subi les traumatismes;

b.                  La preuve n’appuie pas la conclusion apparente de l’agent selon laquelle Mme Norbert aurait à sa disposition certaines sources de soutien émotif à Sainte‑Lucie;

c.                   L’analyse effectuée par l’agent ne tient pas compte de la preuve objective quant à l’existence d’obstacles à l’accès aux soins en matière de santé mentale, ni sur ce qui se produira dans le cas de Mme Norbert dans l’éventualité où sa relation avec ses thérapeutes au Canada est rompue;

d.                  L’agent ne tient pas compte de l’avis exprimé par le rapport du Département d’État américain portant qu’il n’existe qu’un seul établissement en matière de santé mentale à Sainte‑Lucie et que les gens atteints de troubles mentaux n’obtiennent, règle générale, pas beaucoup de soins;

e.                   Même si Mme Norbert pouvait avoir accès à certains soins à Sainte‑Lucie, l’agent a omis de tenir compte des difficultés que la rupture de ses liens thérapeutiques au Canada occasionnerait à Mme Norbert;

f.                   L’agent n’effectue pas une appréciation raisonnable des probabilités de Mme Norbert de trouver un emploi, au vu de la preuve étayant la détérioration des conditions économiques pour les femmes à Sainte‑Lucie;

g.                  L’agent ne tient pas compte de la preuve sans équivoque à propos des souffrances vécues par Eardley et de celles qu’il subira en ce qui a trait à la discrimination fondée sur son albinisme à Sainte‑Lucie, et ce, pour le motif non pertinent qu’il a exprimé ainsi : [traduction] « Je ne dispose pas d’élément de preuve provenant d’Eardley lui‑même concernant sa perception quant à la manière dont il était traité à Sainte‑Lucie ».

[44]           Les erreurs exposées ci‑dessus sont suffisantes pour justifier le réexamen.

[45]           Les avocats conviennent, si l’on fait abstraction de la question relative au paragraphe 25(1.3), qu’il n’est pas nécessaire de trancher pour les besoins de ma décision, qu’il n’y a pas de questions à certifier. Je suis du même avis.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                                          La demande est accueillie. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

2.                                          Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DoSSIER :

                                                            IMM-12788-12

 

INTITULÉ :

FINA NORBERT, EARDLEY WILMORT PETER et ODELMA VERLINER SERBRINA PETTER

c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 13 MARS 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :

                                                            LE 5 MAI 2014

COMPARUTIONS :

Sayran Sulevani

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Tamrat Gebeyehu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Barbra Schlifer Commemorative Clinic

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 


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