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Date : 20140428


Dossier : IMM-1342-13

Référence : 2014 CF 387

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 avril 2014

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

RAZAN CRISTIAN TIMOFTII

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié  a rejeté la demande de protection présentée par M. Timoftii en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], mais elle a accueilli la demande de protection de sa fille.  

[2]               M. Timoftii et sa fille sont tous deux des citoyens de la Roumanie. M. Timoftii est père célibataire et sa fille avait 14 ans à l’époque de l’audience de la SPR.  Le 20 juillet 2011, la jeune fille a été enlevée et emmenée dans un appartement. Elle a entendu l’un de ses ravisseurs dire au téléphone cellulaire quelque chose comme « j’ai la fille que vous vouliez » ou « j’ai la marchandise ».  Elle était si effrayée qu’elle a fait sur elle. Ses ravisseurs lui ont permis d’aller à la salle de bain et elle en profité pour s’enfuir par la fenêtre ouverte. Son père a rapporté l’incident à la police, mais les agents ont averti la jeune fille de ne plus marcher seule et conseillé à M. Timoftii de mieux s’occuper de sa fille. La police n’a pas poussé l’enquête parce que la fille était incapable de leur dire à quel endroit elle avait été kidnappée et où elle avait été emmenée.

[3]               C’est sur cet incident unique que reposent les demandes de protection de M. Timoftii et de sa fille.

[4]               La SPR a conclu que la fille avait qualité de réfugié au sens de la Convention et de personne à protéger. Elle a examiné la preuve documentaire de la fréquence de la traite des personnes à des fins sexuelles en Roumanie et conclu que ce phénomène était très répandu, que la Roumanie ne se conformait pas aux normes minimales visant à éliminer la traite de personnes et que la corruption policière y était endémique. Elle a conclu qu’il était fort possible que la jeune fille soit persécutée pour un motif prévu par la Convention si elle retournait en Roumanie et qu’elle ne pourrait raisonnablement pas compter sur la protection de l’État.   

[5]               S’agissant de la demande de M. Timoftii, la SPR a conclu que « [r]ien dans la preuve ne montre que les demandeurs d’asile courraient un autre risque ou feraient l’objet d’autres actes de persécution » mis à part les actes à l’origine de la demande de protection de sa fille.  La SPR a conclu que rien n’empêchait M. Timoftii de retourner en Roumanie, et que le bien‑être et l’intérêt supérieur de sa fille seraient assurés au Canada par la tante paternelle et les membres de la famille chez qui elle habitait au Canada.

[6]               La seule véritable question que soulève la présente demande consiste à déterminer si la SPR a fait erreur en ne prenant pas en considération le risque de persécution, de mort ou de torture auquel serait exposé M. Timoftii.

[7]               M. Timoftii n’a pas invoqué de motif distinct de risque dans son Formulaire de renseignements personnels et il n’a pas mentionné à l’audience qu’il était lui‑même exposé à un danger. Sa fille a relaté les faits entourant son enlèvement; toutefois, l’avocat de M. Timoftii a décliné en ces mots l’invitation à faire témoigner M. Timoftii :

[traduction]

COMMISSAIRE : Entendez-vous appeler le père à témoigner?  

CONSEIL DU DEMANDEUR : Non, je ne crois pas que ce soit nécessaire; cela pourrait même occasionner quelques problèmes.

C’est pourquoi il n’est fait mention dans aucun de ces documents dont a été saisie la SPR d’une allégation de risque distinct pour M. Timoftii.

[8]               À l’audience, l’avocat de M. Timoftii s’est limité aux observations suivantes :

[traduction]

En ce qui concerne le père, même s’il n’a pas été pris comme cible, vous pourriez examiner sa demande en tenant compte de son appartenance à un groupe social particulier, puisqu’il est le père de [la fille], et évaluer quelles seraient pour lui les conséquences de perdre sa fille. C’est quelque chose qu’aucun père ne souhaite et il devrait avoir la possibilité de vivre avec elle, en sa qualité de père et de pourvoyeur de soins, étant donné qu’il ne remplit pas les critères requis pour être considéré comme membre d’un groupe social particulier [non souligné dans l’original].

[9]               Cela ne constitue pas un risque distinct pour M. Timoftii. Le demandeur n’a produit aucun élément de preuve quant au type de risque auquel il serait exposé en tant que père d’une fille qui a été kidnappée. Les observations présentées dans son mémoire selon lesquelles il serait la mire des ravisseurs et son observation à la Cour selon laquelle [traduction] « il est possible que les ravisseurs cherchent à se venger » sont fondées sur des spéculations et ne sont corroborées par aucun élément de preuve.

[10]           Je souscris à l’observation que la juge Dawson, tel qu’était alors son titre, a faite dans la décision Lakatos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 408, 2001 CarswellNat 862 (WL), au paragraphe 13, et selon laquelle « [e]n l'absence d'une preuve que les demandeurs ont été persécutés du seul fait de leur qualité de membre d'une famille donnée, je ne peux conclure que [le décideur] a commis une erreur en ne les traitant pas comme membres d'un groupe social ».

[11]           La présente demande doit être rejetée puisque la décision était non seulement raisonnable, mais elle était la seule décision raisonnable à laquelle il était possible d’arriver au vu de la preuve. Comme la Commission l’a fait remarquer à l’issue de l’audience, les faits de l’espèce justifient que M. Timoftii demande la résidence permanente depuis le Canada pour motifs d’ordre humanitaire.

[12]           Aucune des parties n’a proposé de question à des fins de certification.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Michèle Chidiac, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-1342-13

 

INTITULÉ :

RAZAN CRISTIAN TIMOFTII c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 AVRIL 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 AVRIL 2014

 

COMPARUTIONS :

John Rokakis

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Mahan Keramati

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John Rokakis

Avocat

Windsor (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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