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Date : 20140411


Dossier : T-1812-13

Référence : 2014 CF 354

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

et

GLENN CHAMANDY

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE MACTAVISH

[1]               Le ministre du Revenu national demande une « ordonnance de production » contre Glenn Chamandy au motif qu’il n’aurait pas respecté la lettre de demande envoyée par l’Agence du revenu Canada le 29 novembre 2012, en vertu de l’article 231.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl.) (LIR). Dans cette lettre, l’ARC demandait la production de certains livres, registres et renseignements qui, dit-on, avaient été sollicités dans le cadre d’une vérification de la conformité de l’impôt sur le revenu de la société 7049960 Canada Inc.

[2]               Monsieur Chamandy a fait valoir plusieurs arguments pour expliquer pourquoi il ne devrait pas être tenu d’obtempérer à la demande du ministre datée du 29 novembre 2012. Il n’est toutefois pas nécessaire d’examiner tous ces arguments, car je suis convaincue que le ministre n’a pas rempli une des conditions de délivrance d’une ordonnance de production imposées par la loi, à savoir que M. Chamandy était tenu en vertu de l’article 231.1 de produire les livres, les registres et les renseignements en cause. 

[3]               Par conséquent, et pour les motifs qui suivent, je ne suis pas disposée à exercer mon pouvoir discrétionnaire pour rendre l’ordonnance demandée. La demande du ministre sera donc rejetée.

I.                   Le contexte

[4]               Monsieur Chamandy est un administrateur et actionnaire de la société 7049960 Canada Inc. Le 26 septembre 2008, l’avocat de la société a informé l’Agence du revenu Canada (ARC) que la société envisageait d’entreprendre une série d’opérations « liées ». Le ministre décrit ces opérations comme des [traduction] « opérations très complexes,  conclues en devises étrangères » et valant des millions de dollars.

[5]               L’avocat de la société 7049960 Canada Inc. a remis à l’ARC un mémoire de 19 pages faisant état des opérations envisagées. Le mémoire énonçait également la manière dont la société interprétait les incidences fiscales des opérations. L’avocat a demandé à l’ARC de confirmer qu’elle acceptait la position de la société énoncée dans le mémoire.

[6]               Le 8 octobre 2008, l’ARC a répondu que, vu les opérations envisagées, elle acceptait la  position énoncée dans le mémoire sur le plan fiscal. Cependant, l’ARC a indiqué dans sa lettre qu’une vérification et un examen des déclarations d’impôt pertinentes seraient effectués et qu’elle ne serait pas liée par sa lettre d’opinion jusqu’à ce que la vérification et l’examen des opérations soient terminés.

[7]               Le 14 avril 2009, l’avocat de la société 7049960 Canada Inc. a avisé l’ARC que les opérations liées envisagées avaient été effectuées. La déclaration d’impôt et les états financiers de la société pour la période d’imposition commençant le 1er octobre 2008 et se terminant le 31 janvier 2009 ont été déposés auprès de l’ARC à ce moment-là.

[8]               Le Bureau des services fiscaux de Laval de l’ARC a examiné les opérations pertinentes en juin et en juillet 2009. Pendant ce processus de vérification, l’ARC a demandé à la société de produire d’autres renseignements et documents liés aux opérations en cause. Je ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant que la société n’a pas fourni les renseignements demandés.

[9]               Dans une lettre datée du 29 juillet 2009, l’ARC a informé l’avocat de la société 7049960 Canada Inc. que les déclarations de revenus T2 de la société avaient été [traduction] « examinées et vérifiées », que les déclarations étaient acceptées « telles qu’elles avaient été produites » sans « aucune modification », et qu’elles avaient été envoyées au centre de traitement. Le 14 août 2009, la déclaration d’impôt de la société pour la période d’imposition en question a été examinée telle qu’elle avait été produite.

[10]           En avril 2010, l’ARC a lancé un programme appelé « Projet de vérification régional des sociétés de personnes » (PVRSP) dans le but d’« explorer les risques rattachés aux sociétés de personnes et de développer des équipes virtuelles régionales de vérificateurs qui vérifient ces entités complexes ». Une équipe de neuf vérificateurs a été mise sur pied dans la région du Québec.

[11]           Selon la preuve non contredite de Marc-André Desilets, un vérificateur de la division des vérifications spéciales de l’ARC, l’équipe du PVRSP [traduction] « a examiné les dossiers  en utilisant la perte comme critère principal ». Les opérations liées de la société 7049960 Canada Inc. satisfaisaient aux critères de présélection, de sorte que la période d’imposition de la société qui se terminait le 31 janvier 2009 a fait l’objet d’une vérification.

[12]           L’ARC a alors entrepris une vérification de la conformité de l’impôt sur le revenu de la société 7049960 Canada Inc. pour la période d’imposition en question. Aux fins de la vérification, le 12 avril 2011, le vérificateur de l’ARC a demandé à la société de produire une liste de livres, registres et renseignements.

[13]           L’avocat de la société 7049960 Canada Inc. a répondu le 3 novembre 2011 et il a fourni les documents qui, selon lui, avaient déjà été transmis à l’ARC avant que les opérations en cause ne soient terminées. D’autres renseignements ont aussi été fournis à ce moment-là afin de [traduction] « répondre de manière exhaustive » à la lettre de l’ARC datée du 12 avril 2011.  

[14]           Le 29 novembre 2012, un vérificateur de l’ARC d’Ottawa a envoyé une lettre de 12 pages (la « lettre de demande » ou « demande de renseignements ») dans laquelle il demandait [traduction] « tous les documents et registres » ainsi que les renseignements relatifs à environ 175 sujets différents. Voilà la demande sous-jacente à la demande d’ordonnance de production de l’ARC.

[15]           Les renseignements demandés dans la lettre du 29 novembre 2012 visaient notamment :

                    tous les registres, documents fiscaux et dossiers financiers de la société 7049960 Canada Inc. depuis la date de constitution;

                    les renseignements et les documents concernant une entreprise bahamienne appelée Waterquest Holdings Ltd. (Waterquest), y compris la correspondance avec Waterquest et les renseignements au sujet de deux opérations de prêt conclues entre M. Chamandy et 7049960 Canada Inc. et Waterquest;

                    les renseignements et les documents concernant INSCH Capital Management Attorney General;

                    les renseignements, les documents et les dossiers concernant la planification fiscale et les opérations de la société 7049960 Canada Inc.;

                    les documents et les dossiers concernant les activités de WAM [Strategy Partners G.P.], y compris les renseignements, documents et dossiers portant sur une opération de transfert en franchise d’impôt qui touche la société 7049960 Canada Inc.

[16]           Dans la lettre du 29 novembre 2012, il est indiqué que la demande était présentée en vertu du paragraphe 231.1(1) de la LIR. La lettre était adressée à 7049960 Canada Inc., mais il était écrit [traduction] « Monsieur Chamandy » dans la formule d’appel et « veuillez fournir [les renseignements demandés] à l’Agence du revenu Canada (ARC) dans les trente jours » dans le corps de la lettre » [non souligné dans l’original].

[17]           Il était également indiqué dans la lettre de demande qu’[traduction] « aux fins de la demande de renseignements présentée en vertu de l’art. 231.1, l’expression “tous les documents et dossiers” s’entend notamment des lettres ou notes de service et les pièces jointes, y compris les ébauches, les notes d’information, les notes au dossier et les copies correspondantes, les dossiers de la vérification, les contrats ou ententes, les études, les directives, les opinions, les protocoles d’entente, les pièces jointes, les procès-verbaux des réunions, les comptes rendus des discussions, les courriels, les journaux, les registres de conversations téléphoniques consignés par écrit ou sous forme électronique ».

[18]           L’avocat du ministre reconnaît qu’il y a une grande variété de documents et de renseignements qui sont demandés et qu’il serait probablement laborieux de répondre à la demande.

[19]           Entre décembre 2012 et janvier 2013, le vérificateur de l’ARC et l’avocat de 7049960 Canada Inc. ont eu des échanges en ce qui concerne la demande de renseignements de l’ARC. L’avocat de 7049960 Canada Inc. a notamment fait valoir que plusieurs des questions énoncées dans la lettre n’avaient [traduction] « aucun rapport avec l’inspection » des livres et registres de 7049960 Canada Inc. Il a ajouté que la période d’imposition visée avait déjà été [traduction] « vérifiée et approuvée » par l’ARC et que les renseignements demandés avaient déjà été fournis.  

[20]           L’avocat a en outre avancé que la période faisant l’objet de la vérification était prescrite en vertu du paragraphe 152(4) de la LIR. Il a aussi souligné que la lettre datée du 29 novembre 2012 visait expressément à obtenir des copies des lettres échangées avec l’avocat  dans le but d’obtenir des conseils juridiques, lesquels étaient, à première vue, protégés par le privilège des communications entre client et avocat.

[21]           L’ARC n’a pas souscrit aux observations de l’avocat et les parties ne sont pas parvenues à s’entendre en ce qui concerne la production des renseignements demandés.  

[22]           Comme le ministre n’a pas obtenu les renseignements demandés, une demande sollicitant une ordonnance de production contre le défendeur, M. Chamandy, a été introduite devant notre Cour en vertu de l’article 231.7 de la LIR.

[23]           Plus particulièrement, le ministre sollicite une ordonnance selon laquelle M. Chamandy aurait 30 jours pour produire [traduction] « les documents, livres, registres et renseignements énoncés expressément dans la […] lettre péremptoire envoyée par le ministre au défendeur le 29 novembre 2012 ».  

[24]           À l’appui de cette demande, M. Desilets a déclaré dans son affidavit que M. Chamandy n’a produit aucun des livres, registres et renseignements demandés dans la demande du 29 novembre 2012. Cependant, le ministre reconnaît maintenant que les registres de procès-verbaux de la société 7049960 Canada Inc. avaient déjà été fournis.

II.                Les dispositions législatives pertinentes

[25]           Voici les dispositions pertinentes des articles 231.1 et 231.7 de la LIR :

231.1 (1) Une personne autorisée peut, à tout moment raisonnable, pour l’application et l’exécution de la présente loi, à la fois :

231.1 (1) An authorized person may, at all reasonable times, for any purpose related to the administration or enforcement of this Act,

a)   inspecter, vérifier ou examiner les livres et registres d’un contribuable ainsi que tous documents du contribuable ou d’une autre personne qui se rapportent ou peuvent se rapporter soit aux renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit à tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi;

(a)  inspect, audit or examine the books and records of a taxpayer and any document of the taxpayer or of any other person that relates or may relate to the information that is or should be in the books or records of the taxpayer or to any amount payable by the taxpayer under this Act, and

b)   examiner les biens à porter à l’inventaire d’un contribuable, ainsi que tout bien ou tout procédé du contribuable ou d’une autre personne ou toute matière concernant l’un ou l’autre dont l’examen peut aider la personne autorisée à établir l’exactitude de l’inventaire du contribuable ou à contrôler soit les renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi;

(b)  examine property in an inventory of a taxpayer and any property or process of, or matter relating to, the taxpayer or any other person, an examination of which may assist the authorized person in determining the accuracy of the inventory of the taxpayer or in ascertaining the information that is or should be in the books or records of the taxpayer or any amount payable by the taxpayer under this Act,

à ces fins, la personne autorisée peut :

and for those purposes the authorized person may

c)   sous réserve du paragraphe (2), pénétrer dans un lieu où est exploitée une entreprise, est gardé un bien, est faite une chose en rapport avec une entreprise ou sont tenus ou devraient l’être des livres ou registres;

(c)  subject to subsection 231.1(2), enter into any premises or place where any business is carried on, any property is kept, anything is done in connection with any business or any books or records are or should be kept, and

d)   requérir le propriétaire, ou la personne ayant la gestion, du bien ou de l’entreprise ainsi que toute autre personne présente sur les lieux de lui fournir toute l’aide raisonnable et de répondre à toutes les questions pertinentes à l’application et l’exécution de la présente loi et, à cette fin, requérir le propriétaire, ou la personne ayant la gestion, de l’accompagner sur les lieux.

(d)  require the owner or manager of the property or business and any other person on the premises or place to give the authorized person all reasonable assistance and to answer all proper questions relating to the administration or enforcement of this Act and, for that purpose, require the owner or manager to attend at the premises or place with the authorized person.

231.7 (1) Sur demande sommaire du ministre, un juge peut, malgré le paragraphe 238(2), ordonner à une personne de fournir l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents que le ministre cherche à obtenir en vertu des articles 231.1 ou 231.2 s’il est convaincu de ce qui suit :

231.7 (1) On summary application by the Minister, a judge may, notwithstanding subsection 238(2), order a person to provide any access, assistance, information or document sought by the Minister under section 231.1 or 231.2 if the judge is satisfied that

a) la personne n’a pas fourni l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents bien qu’elle en soit tenue par les articles 231.1 ou 231.2;

(a)  the person was required under section 231.1 or 231.2 to provide the access, assistance, information or document and did not do so; and

b) s’agissant de renseignements ou de documents, le privilège des communications entre client et avocat, au sens du paragraphe 232(1), ne peut être invoqué à leur égard.

(b) in the case of information or a document, the information or document is not protected from disclosure by solicitor-client privilege (within the meaning of subsection 232(1)).

[…]

[…]

(3) Le juge peut imposer, à l’égard de l’ordonnance, les conditions qu’il estime indiquées.

(3) A judge making an order under subsection (1) may impose any conditions in respect of the order that the judge considers appropriate.

(4) Quiconque refuse ou fait défaut de se conformer à une ordonnance peut être reconnu coupable d’outrage au tribunal; il est alors sujet aux procédures et sanctions du tribunal l’ayant ainsi reconnu coupable.

(4) If a person fails or refuses to comply with an order, a judge may find the person in contempt of court and the person is subject to the processes and the punishments of the court to which the judge is appointed.

III.             Analyse

[26]           Ainsi qu’il ressort de l’article 231.7, le ministre doit remplir un certain nombre de conditions avant que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire d’accorder une ordonnance de production.

[27]           Premièrement, la Cour doit être convaincue que la personne contre laquelle l’ordonnance est sollicitée « n’a pas fourni l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents [demandés par le ministre] bien qu’elle en soit tenue par les articles 231.1 ou 231.2 » 231.2 » : alinéa 231.7(1)a).

[28]           Deuxièmement, la Cour doit être convaincue que la personne était tenue de fournir les renseignements ou documents demandés par le ministre, mais qu’elle ne l’a pas fait : alinéa 231.7(1)a).

[29]           Enfin, la Cour doit être convaincue que « le privilège des communications entre client et avocat [au sens de la Loi] […]  ne peut être invoqué à [l’]égard » des renseignements ou des documents demandés : alinéa 231.7(1)b).   

[30]           En l’espèce, il est difficile de savoir si la lettre de demande du 29 novembre 2012 présentée en vertu de l’article 231.1 était adressée à la société 7049960 Canada Inc. ou à M. Chamandy en son nom personnel. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que le ministre a rempli la première condition de l’article 231.7.

[31]           Notre Cour a fait face à une situation semblable dans l’affaire Canada (Ministre du Revenu national) c. SML Operations (Canada) Ltd., 2003 CF 868, [2003] A.C.F. nº 1111. Dans cette affaire, l’objet du litige était une condition de l’article 231.2, et non une demande de renseignements présentée en vertu de l’article 231.1 de la Loi, comme c’est le cas en l’espèce.

[32]           Cette différence n’a toutefois pas d’incidence sur l’analyse puisque l’alinéa 231.7(1)a) de la LIR dispose qu’un juge doit être convaincu que la personne contre laquelle l’ordonnance de production est sollicitée était « tenue par les articles 231.1 ou 231.2 » de fournir l’accès, l’aide, les renseignements ou les documents en question [non souligné dans l’original].

[33]           La Cour a relevé plusieurs faits dans l’affaire SML Operations qui laissaient croire que la lettre en cause était adressée à une personne plutôt qu’à une société, y compris le fait que la formule d’appel de la lettre était « Monsieur ». La Cour a également souligné que la menace d’emprisonnement rattachée à la demande renforçait la position selon laquelle le véritable destinataire était la personne plutôt que la société : au paragraphe 18.

[34]           La Cour a toutefois souligné que d’autres faits laissaient croire que la lettre était adressée à la personne, à titre de représentant de la société. Plus particulièrement, la Cour a fait remarquer que la personne était identifiée comme étant « dirigeant, administratif ou agent » de la société,  ce qui porte à croire que le véritable destinataire était la société et non la personne : au paragraphe 17.

[35]           De graves conséquences peuvent découler du non-respect d’une ordonnance de production, y compris des amendes et/ou l’emprisonnement. Par conséquent, la Cour a indiqué dans l’affaire SML Operations qu’elle n’exercerait pas son pouvoir discrétionnaire d’ordonner la production des documents que le ministre cherche à obtenir à moins d’être convaincue que les conditions de l’article 231.7 de la LIR ont été « remplies de façon claire » : au paragraphe 15.

[36]           Après avoir examiné la preuve contradictoire quant à l’identité du véritable destinataire, la Cour a conclu dans l’affaire SML Operations que « [v]u l’incertitude quant à savoir si la demande était adressée à la défenderesse [société] ou à [la personne identifiée] personnellement, je ne suis pas convaincue que la première condition ait été remplie » : au paragraphe 19. On peut reprendre le même raisonnement ici.

[37]           En l’espèce, la lettre de demande du 29 novembre 2012 était adressée à 7049960 Canada Inc., le contribuable dont les obligations fiscales font l’objet du litige. Dans la lettre, il est indiqué que l’ARC peut solliciter une ordonnance de production si la partie n’obtempère pas à la demande, contrairement à la situation dans l’affaire SML Operations, mais rien n’indique qu’il est possible d’infliger une peine d’emprisonnement en cas de non-respect.

[38]           Ces faits laissent croire que le véritable destinataire de la lettre de demande du 29 novembre 2012 était la société 7049960 Canada Inc., plutôt que M. Chamandy.

[39]           Le fait qu’il soit indiqué [traduction] « Monsieur Chamandy » dans la formule d’appel pourrait appuyer l’allégation selon laquelle le véritable destinataire de la lettre était  M. Chamandy, et non 7049960 Canada Inc. Cependant, on ne peut pas dire si la lettre est adressée à M. Chamandy en son nom personnel, ou à titre de représentant de la société 7049960 Canada Inc.

[40]           Dans la lettre du 29 novembre 2012, on demande à M. Chamandy de fournir à l’ARC les renseignements demandés dans les 30 jours, mais, là encore, il est difficile de savoir si M. Chamandy devait fournir ces renseignements en son nom personnel ou au nom de la société contribuable.

[41]           Comme l’a souligné la Cour dans l’affaire SML Operations, de graves conséquences peuvent découler du non-respect d’une demande de renseignements présentée en vertu de l’article 231.1 ou 231.2 de la LIR. Je conviens aussi que je ne devrais donc pas exercer mon pouvoir discrétionnaire d’ordonner la production des documents demandés par le ministre en vertu de l’article 231.7 de la LIR à moins d’être convaincue que les conditions de l’article ont été remplies de façon claire.

[42]           Vu l’incertitude quant au véritable destinataire de la lettre de demande du 29 novembre 2012, le ministre ne m’a pas convaincue que M. Chamandy était personnellement tenu de fournir les documents et renseignements demandés. Par conséquent, une des exigences de l’alinéa 231.7(1)a) de la LIR n’a pas été remplie, de sorte que la demande du ministre est rejetée.

[43]           Les parties ne sont pas parvenues à s’entendre sur le montant approprié des dépens qui devrait être accordé à la partie qui obtient gain de cause. Par conséquent, M. Chamandy aura une semaine pour fournir de brèves observations sur la question des dépens et le ministre aura une semaine pour y répondre, à la suite de quoi une ordonnance sera rendue.

[44]           Vu la conclusion qui précède, il n’a pas été nécessaire d’examiner les observations des parties en ce qui concerne la question du privilège des communications entre client et avocat. Je ne veux toutefois pas conclure sans dire à quel point je suis consternée par le fait que la lettre de demande du 29 novembre 2012 sollicitait expressément la divulgation des conseils donnés par les avocats au sujet de plusieurs questions. Comme l’avocat du ministre l’a reconnu, à très juste titre, lors de l’audience, ces renseignements étaient clairement protégés par le privilège des communications client-avocat. Par conséquent, la production des renseignements n’aurait jamais dû être sollicitée.

IV.             Conclusion

[45]           Pour ces motifs, la demande du ministre en vue d’obtenir une ordonnance de production est rejetée.

 

« Anne L. Mactavish »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 11 avril 2014

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1812-13

 

INTITULÉ :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL c GLENN CHAMANDY

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 31 mars 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

la juge MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

le 11 avril 2014

 

COMPARUTIONS :

Jack Warren

Andrew Miller

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Guy Du Pont, Ad.

Michael Lubetsky

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Davis Ward Phillips & Vineberg S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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